Certains puristes affirment que l’on doit passer les disques à la vitesse exacte à laquelle ils ont été enregistrés, qu’ils ont été enregistrés ainsi et que donc ce serait un sacrilège de changer cela. Je saisis cette affirmation pour apporter quelques éléments de réflexion.
Toutes les éditions ne sont pas à la même vitesse.
On peut trouver une édition ou la musique est plus rapide et aiguë qu’une autre, ou au contraire plus grave et lente. À moins d’avoir l’oreille absolue, peu de danseurs se rendent compte de la différence. Pour s’en convaincre, allez sur un site comme l’excellent https://tango-dj.at/database et comparez la durée des morceaux. Par exemple, Milonga de mis amores a des durées comprises entre 1:38 et 3:53.
Pour un orchestre donné, par exemple, la version de Canaro enregistrée le 26 mai 1937 (matrice 9026) et bien que la source de ces différents enregistrements soit des exemplaires du même disque (Odeon 5028 face A), on trouve des variations de 2:58 chez TangoTunes (9026 – 5028 A TangoTunes) à 3:05 chez Danza y Movimiento (DZ020234). À l’écoute, la version de TangoTunes est clairement plus aiguë et rapide. Cela correspond à une différence de 4 %.
Dans les années 40, les orchestres jouaient en vivo.
Ils pouvaient donc jouer avec les danseurs, accélérer ou ralentir. Aujourd’hui, le disque a figé la vitesse. Les danseurs vont toujours écouter le même morceau à la même vitesse, avec les mêmes « surprises ». Le DJ peut recréer des « effets », comme le font les orchestres live, en faisant une reprise, en augmentant les breaks, en modifiant la vitesse, en proposant des versions moins courantes du même orchestre ou en proposant un orchestre dans un registre inhabituel (par exemple Troilo qui imite Calo).
Deux orchestres peuvent jouer le même thème avec des vitesses très différentes.
Des extrêmes comme Milonga de mis amores par exemple qui peut être un canyengue ou une milonga selon les interprétations.
Je considère que le travail du DJ est de mettre de l’ambiance, pas de dire la messe.
Je m’arroge donc le droit de varier le rythme des morceaux, parfois la tonalité en fonction de l’effet que je veux obtenir. Je fais cela depuis plus de vingt ans, dès que j’ai eu un magnétophone à cassettes avec un variateur de vitesse. L’avantage de l’ordinateur est que je peux le faire en cours de morceau, sans changement de tonalité, ce qui rend l’opération discrète pour les danseurs. J’ai réglé mes logiciels pour limiter la variation à 10 % et je n’utilise de telles valeurs que pour accélérer le final d’une valse ou d’une milonga, par exemple afin de faire rire les danseurs, lorsqu’en fin de tanda ils ont réussi à tenir le rythme d’une tanda « infernale ». Dans la pratique courante, je peux modifier la vitesse d’un morceau pour pouvoir le placer à un moment différent dans une tanda. Cela ne m’empêche pas de toujours chercher de meilleures copies, même si maintenant la majorité de ma musique a été numérisée à partir de disques Schellac. Je pense qu’il faut distinguer l’aspect collectionneur, musicologue, de celui de DJ. On peut être les deux, je dirai même qu’on devrait être les deux, mais pas au même moment.
What are the dates of the golden age of dance tango?
Pour un DJ, l’âge d’or, c’est principalement l’époque ou le tango de danse était à la mode. Mais pour qu’un âge d’or arrive, il faut différents éléments précurseurs et pour qu’il se termine, il faut que l’élan s’épuise. Nous allons voir l’évolution de ce phénomène.
For a DJ, the golden age is mainly the time when dance tango was in fashion. But for a golden age to come, there must be different precursors, and for it to end, the momentum must be exhausted. We will see how this phenomenon evolves.
Le prototango, le tango d’avant le tango
Dans l’article sur les styles du tango, vous trouverez des traces de l’histoire musicale, mais la musique n’est qu’un des aspects. Pour que l’âge d’or se manifeste, il faut également que la pratique de cette culture sorte des cercles restreints où elle est née. L’Europe et particulièrement la France ont joué un rôle certain dans cette naissance. L’exposition universelle de 1900 a été l’occasion pour de nombreux Argentins argentés, de faire de Paris, leur point de chute, ou de plaisir. Un certain nombre d’entre eux qui avaient goûté aux charmes du tango à la fin du 19e siècle l’ont encouragé à Paris. Un des exemples les plus connus est celui de Benino Macias, auquel on attribue le lancement de la furie du tango à Paris. Que ce soit cette histoire ou d’autres, il est certain que dès 1911, le tango était entré dans les mœurs à Paris. On pouvait le danser tous les jours dans plusieurs lieux, ce qui a attiré les orchestres argentins, même s’ils devaient se produire déguisés en gauchos, car les orchestres étrangers n’étaient autorisés qu’à la condition d’être «folkloriques». Le costume était réservé aux orchestres européens.
Prototango, the tango before the tango
In the article on tango styles, you will find traces of musical history, but music is only one aspect. In order for the golden age to manifest itself, the practice of this culture must also come out of the restricted circles in which it was born.
Europe and particularly France played a certain role in this birth. The Universal Exhibition of 1900 was an opportunity for many silver-loving Argentinians to make Paris their place of stay, or of pleasure. A number of them who had tasted the charms of tango at the end of the 19th century encouraged him in Paris. One of the best-known examples is that of Benino Macias, who is credited with launching the Tango Fury in Paris. Whether it is this story or others, it is certain that by 1911, tango had become part of the customs in Paris. It could be danced every day in several venues, which attracted Argentine orchestras, even if they had to perform disguised as gauchos, as foreign orchestras were only allowed on the condition that they were “folkloric”. The costume was reserved for European bands.
La naissance du tango
Le chansonnier Fursv affirme, dans ses mémoires, avoir assisté, vers 1900, à la naissance du tango, l’Abbaye Albert », à Montmartre. — Parmi les Argentins qui venaient là, conte-t-i1, il y avait un certain Benino Macias, formidablement riche, très nostalgique. » Un soir, ayant payé l’orchestre pour le seconder dans son projet, il se mit à danser, pour la galerie, une sorte de pas lent, et traîné, coupé de repos rythmés, et accompagné par une mélodie en mineur, d’une infinie mélancolie. ~ Ce fut, sur le moment, de l’étonnement, mieux, de la stupeur. » Mais on applaudit Benino Macias, qui dansait avec une certaine Loulou Christy, fort jolie. » Huit jours après, il y avait vingt couples qui faisaient comme eux.» C’est ainsi que le tango a fait sa toute première apparition à Paris. »
Pourquoi Pas, revue wallonne de Louis Dumont-Wilden, George Garnir et Léon Souguenet (les « trois moustiquaires ») du 4 octobre 1929.
The birth of tango
In his memoirs, the chansonnier Fursv claims to have witnessed, around 1900, the birth of the tango, the “Abbaye Albert” in Montmartre. “Among the Argentinians who came there,” he said, “was a certain Benino Macias, tremendously rich, very nostalgic. One evening, having paid the orchestra to assist him in his project, he began to dance, for the gallery, a sort of slow, drawn-out step, interrupted by rhythmic rests, and accompanied by a melody in minor, of infinite melancholy. ~ It was, at the time, astonishment, or rather, amazement. But we applaud Benino Macias, who danced with a certain Loulou Christy, who was very pretty. Eight days later, there were twenty couples doing the same.This is how tango made its very first appearance in Paris. »
Pourquoi Pas, Walloon magazine by Louis Dumont-Wilden, George Garnir and Léon Souguenet (the “three mosquito nets”) of 4 October 1929.
Lorsque ces orchestres sont retournés en Argentine, auréolés de leurs succès européens, cela a aidé à sortir le tango de ses lieux mal famés en Argentine. Dans l’article « Une enquête sur le tango », vous trouverez des éléments intéressants si vous vous intéressez à la question des débuts du tango en France. Vous pouvez aussi consulter le site milongaophelia, riche en documents iconographiques. Donc, pour la France, l’âge d’or se situe dans les années 1910-1935. Cependant, ce tango s’y est figé dans le temps et s’est abâtardi pour devenir le tango musette qui est une lointaine réminiscence du tango de style canyengue. Il convient donc de retraverser l’Atlantique pour découvrir le véritable âge d’or.
When these orchestras returned to Argentina, basking in the glory of their European successes, it helped to bring tango out of its disreputable places in Argentina. In the article “A survey on tango ”, you will find interesting elements if you are interested in the question of the beginnings of tango in France. You can also consult the milongaophelia website, rich in iconographic documents. So, for France, the golden age is in the years 1910-1935. However, this tango has been frozen in time and has bastardized to become the tango musette which is a distant reminiscence of the tango of the Canyengue style. It is therefore appropriate to cross the Atlantic again to discover the true golden age.
Les premiers orchestres dorés
Pas de musique sans orchestre. Le phénomène tango se développe donc à Buenos Aires et dans sa jumelle rioplatense. De nombreux orchestres se créent, se renforcent et pour accompagner cette vague, les enregistrements se multiplient. Malheureusement, les techniques rudimentaires de l’époque obligent à jouer d’une façon martiale, de crier plus que de chanter et la musique qui en résulte a du mal à sortir du bruit du disque pour donner de l’émotion. On peut considérer que ces premiers enregistrements ne rendent pas justice à ce que jouaient réellement les orchestres devant le public. On se reportera à l’article sur les progrès de l’enregistrement pour en savoir plus. Ce n’est qu’en 1926 que la qualité des enregistrements rend enfin justice aux prestations des orchestres. Ce biais fait que l’on peut négliger le phénomène tango antérieur et que par conséquent, on peut « louper » la détection d’un âge d’or, faute d’enregistrements de qualité. Cependant, lorsque la qualité devient satisfaisante, la musique est pour sa part assez différente de celle qui sera déployée dans les décennies suivantes. Des orchestres anciens, comme ceux de Carabelli, Fresedo, Canaro font de fort belles choses, mais l’arrivée d’une nouvelle vague va révolutionner la musique. Les orchestres deviennent plus virtuoses à force de pratiquer tous les jours et de se concurrencer dans une vive émulation.
The First Golden Orchestras
There is no music without an orchestra. The tango phenomenon is therefore developing in Buenos Aires and its Rioplatensian twin. Many orchestras were created, strengthened, and to accompany this wave, recordings multiplied. Unfortunately, the rudimentary techniques of the time forced you to play in a martial way, to shout more than to sing and the resulting music had difficulty getting out of the noise of the record to give emotion. It can be argued that these early recordings do not do justice to what the orchestras actually played in front of the audience. Refer to the article on the progress of registration for more information. It was not until 1926 that the quality of the recordings finally did justice to the orchestras’ performances. This bias means that the previous tango phenomenon can be neglected and that consequently, the detection of a golden age can be “missed” due to a lack of quality recordings. However, when the quality becomes satisfactory, the music is quite different from the one that will be deployed in the following decades. Old orchestras, such as those of Carabelli, Fresedo, Canaro did very beautiful things, but the arrival of a new wave revolutionized music. Orchestras become more virtuoso by dint of practicing every day and competing with each other in lively emulation.
Les quatre piliers
Le premier orchestre à décoller est sans conteste celui de Juan D’Arienzo, grâce à l’apport providentiel de Rodolfo Biagi (arrangeur et pianiste) à partir de décembre 1935. Le départ rapide de Biagi de l’orchestre en 1938 ne rompt pas le nouveau style de l’orchestre de D’Arienzo qui évoluera dans cette direction jusqu’à la mort de son directeur en 1976.
The Four Pillars
The first orchestra to take off was undoubtedly that of Juan D’Arienzo, thanks to the providential contribution of Rodolfo Biagi (arranger and pianist) from December 1935. Biagi’s rapid departure from the orchestra in 1938 did not break the new style of D’Arienzo’s orchestra, which would evolve in this direction until the death of its conductor in 1976.
Peu après, Carlos Di Sarli qui était à la tête d’un sexteto jusqu’au début des années 30 se lance avec un orchestre qui prend sa dimension dans les décades des années 40 et 50.
Shortly afterwards, Carlos Di Sarli, who was at the head of a sextet until the early 1930s, launched himself with an orchestra that took on its dimension in the 1940s and 1950s.
Troilo arrive au début des années 40, suivi de près par Pugliese.
L’âge d’or peut être défini comme la période d’activité maximale de ces quatre orchestres. Celle où l’on pouvait danser chaque semaine avec des orchestres époustouflants.
Troilo arrived in the early 1940s, closely followed by Pugliese.
The Golden Age can be defined as the period of maximum activity of these four orchestras. The one where you could dance every week with breathtaking orchestras.
La fin de l’âge d’or
The End of the Golden Age
Les années 40 voient les quatre piliers dans leur période de gloire. Dans les années 50, ils continuent leur évolution, mais en parallèle, l’arrivée de nouveaux goûts chez les danseurs, notamment le rock, fait que la pratique commence à baisser est que les orchestres se tournent vers des formes plus concertantes. Troilo et Pugliese produisent dans leurs dernières années des titres novateurs et nostalgiques, à la recherche d’un second souffle, plus orienté vers le concert que la danse. Carlos Di Sarli, peut-être plus dans l’air du temps qui demandait une musique plus romantique a continué dans son style jusqu’à la fin des années 50, sans sacrifier à la danse. Quant à d’Arienzo, son style énergique en a fait une bête de scène qui lui permettait d’animer des concerts euphorisants jusqu’à sa mort en 1976. Ses musiciens (sous la direction de Carlos Lazzari, bandonéiste et arrangeur de D’Arienzo) puis de nombreux orchestres contemporains perpétuent ce style festif et énergique jusqu’à nos jours qui continuent d’enchanter les danseurs, comme les auditeurs. Cependant, il est certain que le rock et d’autres modes ayant éloigné les danseurs du tango, il est difficile de faire continuer l’âge d’or après les années 50.
The 1940s saw the four pillars in their heyday. In the 1950s, they continued to evolve, but at the same time, the arrival of new tastes among dancers, especially rock, meant that the practice began to decline and that orchestras turned to more concertante forms. In their last years, Troilo and Pugliese produced innovative and nostalgic tracks that were more oriented towards concert than dance in search of a second wind. Carlos Di Sarli, perhaps more in tune with the times who demanded more romantic music, continued in his style until the end of the 50s, without sacrificing dance. As for d’Arienzo, his energetic style made him a beast of the stage, allowing him to host euphoric concerts until his death in 1976. Its musicians (under the direction of Carlos Lazzari, D’Arienzo’s bandoneist and arranger) and many contemporary orchestras perpetuate this festive and energetic style to this day, which continues to enchant dancers and listeners alike. However, rock and other fashions have certainly kept dancers away from tango, making it difficult to continue the golden age after the 1950s.
Le lancement du disque, ou la seconde mort du tango de danse
The launch of the LP, or the second death of dance tango
Un autre phénomène se développe dans les années 50, le microsillon et en 1958, le son stéréo. Cette invention avec l’augmentation de la qualité de la musique, la plus grande durée de musique par disque (environ 8 fois plus par disque), fait que l’on peut posséder beaucoup plus de musique sans que cela devienne trop envahissant, d’autant plus que les disques microsillons sont plus légers et fins que les anciens 78 tours en shellac. Le son stéréo a rapidement formé les oreilles des auditeurs, reléguant les anciens enregistrements au rayon des antiquités. Pour essayer de contrer ce mouvement et « moderniser » leur fond ancien, les éditeurs de musique ont réédité les tangos des années 30 et 40 en vinyle (microsillon) en rajoutant de la réverbération. Cela donne une impression d’espace et permet de faire du « stéréo like » à peu de frais. Aujourd’hui ces vinyles sont très mal vus, car la réverbération nuit au message sonore.
Another phenomenon developed in the 1950s, the LP, and in 1958, stereo sound. This invention with the increase in the quality of music, and the longer duration of music per record (about 8 times more per record), means that one can own much more music without it becoming too intrusive, especially since LP records are lighter and thinner than the old shellac 78s. The stereo sound quickly trained listeners’ ears, relegating old recordings to the antique shelf. To try to counter this movement and “modernize” their old background, music publishers have reissued tangos from the 30s and 40s on vinyl (LP) by adding reverb. This gives the impression of space and allows you to “stereo like” at little cost. Today, these vinyls are very frowned upon, because the reverb detracts from the sound message.
Ces deux données expliquent aussi le déclin des orchestres de bal. En effet, il devenait possible de jouer de la musique de tango pendant une demi-heure, sans aucune manipulation et sans avoir à payer un orchestre.
These two factors also explain the decline of ballroom bands. Indeed, it became possible to play tango music for half an hour, without any manipulation and without having to pay for an orchestra.
Le petit âge d’or, le moyen âge d’or et le grand âge d’or
The Little Golden Age, the Golden Age and the Great Golden Age
Une définition très stricte de l’âge d’or est parfois donnée et qui est bornée par la période où les 4 piliers jouaient, donc de 1943 (arrivée sur le marché du disque de Pugliese), jusqu’à l’arrivée du microsillon, aux alentours de 1955. Comme on aime bien arrondir, on définit cette période comme courant de 1940 à 1955. Cependant, cela enlève les merveilleux enregistrements de D’Arienzo de la seconde moitié des années 30. Il est donc plus courant de définir un « moyen âge d’or » de 1935 à 1955. Les comptes sont ronds, vingt ans tout juste. En Europe, la nostalgie et la familiarité avec le tango musette et italien, font que la vieille garde est également appréciée. Cela permet d’inclure des orchestres qui ont beaucoup de succès dans les « encuentros milongueros », comme Canaro, Donato, Carabelli ou Fresedo. Toujours pour favoriser les comptes justes, on étend parfois l’âge d’or de 1930 à 1955.
A very strict definition of the golden age is sometimes given which is limited by the period when the 4 pillars were playing, i.e. from 1943 (arrival on the market of the Pugliese record), until the arrival of the LP, around 1955. Since we like to round up, we define this period as current from 1940 to 1955. However, this takes away from the wonderful D’Arienzo recordings from the second half of the 1930s. It is therefore more common to define a “golden middle” from 1935 to 1955. The accounts are round, just twenty years. In Europe, nostalgia and familiarity with musette and Italian tango mean that the old guard is also appreciated. This makes it possible to include orchestras that are very successful in the “encuentros milongueros”, such as Canaro, Donato, Carabelli, or Fresedo. Also in order to promote fair accounts, the golden age is sometimes extended from 1930 to 1955.
Le support de l’âge d’or
The support of the Golden Age
C’est le répertoire qu’utilisent les DJ les plus « traditionnels ». Signalons que dans ce mouvement « traditionnel » certains DJ revendiquent la diffusion en milonga à partir de disques vinyle, un support anachronique. Mais les modes ont-elles à se justifier ? Quelques DJ utilisent des disques shellac par souci de vérité historique. Mais là, c’est jouer avec le patrimoine et cette pratique me semble non recommandable, car nuisible avec notre héritage, sans aucune valeur ajoutée en termes de musique. Les véritables collectionneurs respectent ces trésors et ne les exposent pas à la ruine.
This is the repertoire used by the most “traditional” DJs. It should be noted that in this “traditional” movement, some DJs claim to broadcast in milonga from vinyl records, an anachronistic medium. But do fashions have to be justified? Some DJs use shellac records for the sake of historical truth. But in this case, it’s playing with heritage and this practice seems to me to be recommendable, because it is harmful to our heritage, without any added value in terms of music. True collectors respect these treasures and do not expose them to ruin.
Vers un nouvel âge d’or ?
Towards a new golden age?
Le tango est né et est ressuscité à différentes reprises, sous des aspects légèrement différents à chaque fois. Peut-être sommes-nous à l’aube d’un nouvel âge d’or du tango de danse ? Les avions n’ont jamais transporté autant de tangueros à Buenos Aires. En Europe, il n’y a pas une ville de quelque importance sans une communauté tanguera. Cette communauté est internationale. Il est possible de danser avec des partenaires venus du monde entier et de s’entendre dès la première tanda commune. C’est un des miracles du tango. Cependant, ce patrimoine est fragile, comme les disques shellac. Il convient de le préserver et de ne pas le dénaturer en s’éloignant de ce qui fait la particularité de la danse.
Tango was born and resurrected on different occasions, in slightly different aspects each time. Maybe we are at the dawn of a new golden age of dance tango? Planes have never carried so many tangueros to Buenos Aires. In Europe, there is not a city of any importance without a tanguera community. This community is international. It is possible to dance with partners from all over the world and to hear each other from the first tanda together. This is one of the miracles of tango. However, this heritage is fragile, like shellac records. It should be preserved and not distorted by distancing oneself from what makes dance so special.
Épilogue
Epilogue
Un DJ actuel a le choix de quasiment un siècle de musique pour animer ses milongas. Il convient cependant qu’il ne sépare pas les danseurs de ce qui est le plus précieux, le tango de l’âge d’or. Il devra donc veiller à toujours donner à écouter et danser cette référence, les grands tangos de bals des années 35-55, ou 30-55, ou 40-55. Charge aux danseurs et à leurs professeurs, de comprendre ce qui fait du tango une danse si particulière et pourquoi il est important de la relier à une musique parfaite pour lui. Pour terminer, je souhaite rappeler que le tango de danse n’est qu’une partie de la culture tango et que je n’ai parlé d’âge d’or que pour le DJ. Des amateurs de tango à écouter pourraient placer leur âge d’or dans les années Piazzolla. En effet, celui-ci crée son octeto en 1955 et ses propositions musicales débuteront le clivage entre tradition et modernité. On pourrait donc parler d’un âge d’or du tango d’écoute de 1955 à 1990…
A today DJ has the choice of almost a century of music to liven up his milongas. However, he should not separate the dancers from what is most precious, the tango of the golden age. He will therefore have to make sure that he always gives to listen to and dance to this reference, the great balls of the years 35-55, or 30-55, or 40-55. It is up to the dancers and their teachers to understand what makes tango such a special dance and why it is important to connect it to music that is perfect for them. To conclude, I would like to remind you that dance tango is only one part of the tango culture and that I have only spoken of a golden age for the DJ. Tango lovers to listen to could place their golden age in the Piazzolla years. Indeed, he created his octeto in 1955 and his musical proposals began the divide between tradition and modernity. We could therefore speak of a golden age of listening tango from 1955 to 1990…
Lorsque l’on est DJ de tango, on a en général à cœur d’utiliser la meilleure qualité de musique possible. Cependant, cela ne suffit pas à la réussite d’une prestation de DJ. Il vaut mieux une excellente animation avec de la musique de qualité moyenne, qu’une diffusion maladroite de morceaux « parfaits ».
Ces conseils sont donc pour ceux qui veulent, comme moi, essayer d’avoir la meilleure musique au meilleur moment dans les milongas.
Utiliser un original de la meilleure qualité possible
Les supports à utiliser sont dans cet ordre de la meilleure qualité à la pire. En rouge, ce qui est déjà numérisé.
Matrice originale (il en reste très peu). C’est ce qui sert à presser les disques, c’est une forme d’original.
Bande magnétique originale d’époque (si elle est de bonne qualité).
Disque d’époque (78 tours en shellac). Malheureusement, beaucoup sont en mauvais état et les DJ qui passent ces disques en milonga détruisent un patrimoine.
CD ou FLAC d’après un disque d’époque (shellac) — ATTENTION, toutes les éditions ne se valent pas. Ces dernières années, plusieurs éditeurs se sont lancés dans ce marché avec des fortunes variées. C’est une façon économique de se constituer une base musicale.
Disque vinyle, 33 ou 45 tours (si l’enregistrement n’a pas de réverbération ajoutée, car c’est presque impossible à supprimer de façon correcte).
CD ou FLAC d’après une copie d’un vinyle (33 tours)
Cassette ou cartouche audio depuis un disque d’époque
Service de musique en ligne, type Spotify. C’est en général une très mauvaise source, car les musiques sont mal étiquetées. En revanche, ça peut servir pour trouver le meilleur disque à acheter.
Musique numérique en MP3
Tomas radiales (enregistré depuis la radio ou la télévision). Elles sont rarement exploitables en milonga, car de qualité généralement médiocre, mais ce sont souvent des documents intéressants d’un point de vue historique. Ces documents sont en général sur bandes, mais on en trouve des copies numériques.
Précaution pour utiliser la copie avant traitement
Copie de disque
Nettoyer la matrice ou le disque. C’est extrêmement important et souvent négligé par ceux qui numérisent des disques. Il ne suffit pas de passer un coup de brosse antistatique… Voir cet article pour un nettoyage efficace et non destructif du disque original. XXXX
Utiliser un diamant adapté et une pression de bras adaptée au disque utilisé. Pour ne pas endommager le disque, le diamant doit être en excellent état.
Réglez la vitesse de la platine avec son stroboscope. Cependant, certaines marques n’étaient pas tout à fait à la bonne vitesse, notamment pour les disques les plus anciens. Si la tonalité exacte du morceau vous intéresse, il vous faudra la chercher en variant la vitesse, ou procéder à un traitement ultérieur après numérisation. Pour un DJ, cela a peu d’importance, il est possible de modifier ces paramètres à la volée lors de la diffusion et aucun danseur ne va remarquer même un demi-ton d’écart.
Réglez de façon optimale la courbe d’égalisation. Pour la plupart des disques Odeon et les vinyles après 1955, c’est la courbe RIAA. Pour des disques plus anciens, il vous faudra creuser en fonction de la marque et de la date.
Numériser dans un format non destructif (Lossless), en 44 kHz ou 48 kHz. Il est inutile d’utiliser un taux d’échantillonnage supérieur, car les disques ne transmettent pas de fréquences supérieures à 20 000 Hz. Pour ma part, j’enregistre en stéréo, même si le disque est mono. Cela permet d’avoir le choix entre deux versions très légèrement différentes. C’est utile pour le traitement des scratchs ou de certains défauts du signal.
Enregistrer le bruit du disque ou du support magnétique avant la musique et après la musique).
Ranger précieusement le disque et ne plus y toucher (le stocker verticalement et légèrement pressé à l’abri de l’humidité excessive et de la forte chaleur).
Jusqu’en 1955, chaque compagnie utilisait ses propres réglages. Cela conduit, si on ne respecte pas le rétablissement de la pré-égalisation à des sons infidèles. Une bonne restitution d’un disque ancien commence par la recherche des paramètres utilisés par le fabricant pour rétablir le son d’origine.
Copie de support analogique (cassette ou bande)
Les bandes magnétiques ont plusieurs défauts. Il peut y avoir une duplication de la spire antérieure, qui fait que l’on a une musique « fantôme », car la magnétisation d’une spire a « bavé » sur une autre. C’est surtout audible avant un fortissimo, on l’entend quelques instants avant, de façon réduite.
Si les bandes ou cassettes ont été mal conservées, le support et/ou le liant qui maintient les oxydes métalliques se délitent, ce qui provoque des défauts dans le magnétisme de la bande aux endroits considérés et donc un son défectueux.
Si la bande est en bon état, il faut aussi veiller à ce que le magnétophone le soit également.
Préparation du magnétophone
Pour les cassettes, en général un bon magnétophone est suffisant et ne demande pas de réglage particulier.
Il est cependant recommandé d’utiliser un démagnétiseur de têtes de lecture pour enlever une magnétisation résiduelle qui pourrait donner du souffle et/ou endommager le signal magnétique de la bande magnétique.
Pour utiliser un démagnétiseur, c’est assez simple, mais il faut bien suivre la procédure.
Débrancher le magnétophone (s’il est à pile, enlever les piles).
Brancher le magnétiseur, mais laisser le bouton en position OFF.
Approcher le démagnétiseur aussi près que possible de la tête de lecture.
Glisser le bouton en position ON.
Effectuer des petits cercles autour de la tête de lecture, aussi près que possible, mais sans toucher la tête de lecture. Pour un magnétophone à bande, il y a plusieurs têtes…
Éloigner lentement le démagnétiseur, le plus loin possible, SANS l’ÉTEINDRE.
Une fois qu’il est le plus loin possible (le câble d’alimentation est un peu court, prévoir de l’organiser de façon à pouvoir éloigner le démagnétiseur des têtes facilement), mettre le bouton curseur sur OFF.
C’est tout pour la démagnétisation. Il reste une autre étape pour nettoyer le magnétophone, nettoyer les têtes. Pour cela, utilisez un Coton-Tige imbibé d’alcool (isopropylique ou à défaut 90°). Si cela fait un moment que vous ne l’avez pas fait, vous retirerez un dépôt brun ou noirâtre. Ce sont des particules arrachées aux bandes et/ou de la saleté 😉
Attention à ne pas faire couler d’alcool dans le magnétophone ou ailleurs que sur le coton tige humide.
Pour les lecteurs de cassettes, il existe des cassettes de nettoyage.
Humidifier la bande à travers de la fenêtre (elle ne comporte pas de vitre, contrairement aux cassettes normales). Faire défiler la bande. Certaines cassettes contiennent une zone plus abrasive pour nettoyer. Ne pas en abuser.
Ces cassettes sont désormais assez chères (il faut les changer tous les quatre ou cinq utilisations). Si les têtes de lecture sont accessibles, il est plus économique d’utiliser des Cotons-Tiges et la procédure pour les magnétophones à bande. Lorsque les têtes sont sèches, vous pouvez utiliser le magnétophone (c’est instantané si vous avez utilisé de l’alcool isopropylique).
La vitesse et l’enroulement des bandes magnétiques
Contrairement aux cassettes qui sont relativement standardisées, les magnétophones à bande utilisent des vitesses différentes et même des types d’enroulement différent.
Il faut donc un magnétophone disposant des mêmes vitesses que l’appareil d’origine. Tous les magnétophones actuels n’ont pas ces vitesses. On pourra copier ces bandes, mais il faudra restituer la vitesse originale sur le signal numérisé.
Sur les matériels anciens, la bande était parfois enroulée avec l’oxyde magnétique à l’extérieur de la bande. Sur d’autres matériels et sur les plus récents, l’oxyde est sur la partie intérieure de l’enroulement. Il peut donc être compliqué de lire une bande ancienne sur un appareil plus moderne.
Une autre difficulté est l’utilisation d’alignements différents des têtes de lecture. Les bandes anciennes étaient normalement mono. Elles étaient enregistrées dans la partie inférieure de la bande, puis retournées pour lire l’autre côté. Il y a donc deux pistes, une dans chaque sens. Sur un matériel stéréo, il y a deux pistes. La lecture avec une tête mono fait qu’on lit également l’espace entre deux pistes, c’est-à-dire que l’on a un signal moins bon.
Avec un magnétophone stéréo, on peut lire une piste mono à condition que les têtes soient en face de la piste. Au pire, on utilise qu’une seule des pistes.
Si le magnétophone disposait de plus que deux pistes dans chaque sens, il faut un magnétophone multipiste, ce qui est un matériel professionnel. Dans ce cas, les pistes sont toutes dans le même sens. La bande ne se retourne pas quand on arrive au bout.
Un autre piège, ce sont les réglages du magnétophone en fonction du type de bande. Si on dispose des boîtes originales des bandes, on trouve les indications. Sinon, il faut y aller par tâtonnement.
Un tout dernier point, certains magnétophones utilisaient un système de réduction de bruit, type Dolby. Il faut donc en tenir compte et utiliser le décodeur adéquat. Avec les cassettes, c’est assez simple, avec les magnétophones à bande, il faudra peut-être acquérir un décodeur séparé.
Il a existé aussi des cartouches, sortes de grosses cassettes. Pour ces bandes, la difficulté sera de trouver un lecteur en bon état de marche.
En gros, récupéré des bandes anciennes, c’est compliqué, sauf pour les cassettes.
Utilisation d’une copie déjà numérique
Vous avez acheté une copie numérique, ou vous avez procédé vous-même à l’enregistrement. Si la musique est parfaite, n’y touchés pas. Mais c’est rarement le cas.
Il ne faut pas oublier que vous allez créer des tandas et que ces dernières doivent être homogènes. Pas question d’avoir un titre criard, suivi d’un titre sourd, puis un titre très fort et à la limite de la distorsion et terminer sur un titre presque inaudible.
Un autre point consiste à normaliser les débuts et les fins de morceaux. Pour ma part, j’ai 0,7 seconde au début de tous mes morceaux et 3 secondes à la fin de tous mes morceaux. Cela évite que deux morceaux se choquent, ou qu’il faille attendre 10 secondes entre deux titres.
Ordre des opérations pour le traitement des musiques numériques
Faire une sauvegarde du support numérique pour revenir à l’état initial en cas d’erreur.
Sélectionner une partie sans musique et avec le bruit de fond du disque. S’il y a des scratchs, les nettoyer auparavant, un par un, ou mieux, sélectionner une zone entre deux scratchs.
Faire une empreinte du bruit de fond, de préférence à la fin du disque et la soustraire de l’enregistrement. ATTENTION à ne pas soustraire uniformément, mais seulement dans les fréquences du bruit afin de ne pas toucher la musique (on peut activer 100 % pour les fréquences très basses ou très hautes et doser les autres fréquences en fonction de la musique). Cela demande un logiciel évolué, pas du type Audacity qui applique l’empreinte de façon égale sur toutes les fréquences). Il y a d’autres options à prendre en compte, ce tutoriel est simplifié…
Faire la même chose avec une empreinte au début du disque. Cependant, attention à bien choisir le lieu, car souvent le début du disque est abîmé par l’impact de la pointe de lecture lors des écoutes. L’empreinte ne sera pas représentative de l’état du disque sur son intégralité. Si le début du disque n’est pas abîmé (ou si l’original était une matrice). Si la copie numérique ne comporte pas des bouts d’amorce au début ou à la fin, essayer d’utiliser un moment de silence. Attention à ne pas prendre une partie avec un peu de son. Si c’est impossible, mettre à zéro la déduction d’empreinte sur les fréquences de la musique présente dans cette sélection.
Nettoyer les scratchs sur la musique. C’est un travail de patience. Sélectionner le scratch et appliquer l’outil de correction sur les quelques millisecondes nécessaires. Il existe des plugins de suppression automatique de scratchs, mais ils sont souvent néfastes au message sonore. Il convient donc de ne pas en abuser. Ne pas utiliser la suppression de fréquence pour limiter le bruit (méthode la plus courante), car cela se fait également au détriment de la musique). C’est en revanche la seule méthode possible lors de la diffusion en direct, par exemple si le morceau « original » fourni pour une démo est vraiment trop bruité.
Revoir l’équilibre sonore du morceau. Cela consiste à restituer la vitesse initiale (au cas où l’original serait un disque 33 tours ou une copie numérique d’origine douteuse). On peut aussi jouer sur les fréquences pour réharmoniser le morceau. Ce travail se fait de préférence au casque. On vérifie que les instruments se distinguent bien. Je conseille de vérifier le résultat également sur une sono… Plus le morceau sera propre et bien équilibré et le moins il y aura besoin d’intervenir en milonga pour adapter le volume et les fréquences.
Enregistrer le résultat dans un format numérique sans perte (Lossless).
Éventuellement, faire une copie pour l’utilisation en milonga, au minimum MP3 à 320 kb/s si on n’a pas la place de conserver l’original en HD. Pour ma part, je diffuse de l’ALAC, Lossless, mais chaque fichier fait au moins 30 Mo…
Exemple de morceau avec restauration :
Ce qu’il ne faudrait pas faire
Acheter de la musique dite « Remasterized ».
C’est dans presque tous les cas très, très médiocre, y compris dans les CD du commerce. Ces morceaux donnent l’impression que la musique est jouée dans une salle de bain. Les sons sont étouffés. En un mot, c’est moche à écouter.
Mais c’est aussi moche à voir…
Espérer qu’un morceau en MP3 va donner un excellent FLAC.
Si je conseille d’enregistrer tout ce qu’on modifie dans un format Lossless, c’est juste pour ne pas perdre en qualité à chaque enregistrement. Le morceau passé de MP3 à FLAC ne sera pas meilleur… C’est juste qu’il ne se dégradera pas si on l’enregistre plusieurs fois.
Conclusion
Avoir la meilleure musique est un respect pour les danseurs et contrairement à ce que certains disent, ils s’en rendent compte, même de façon inconsciente.
Les sonorisateurs s’en rendent également compte et cela permet d’instaurer une relation de confiance avec eux et ainsi, ils donnent un peu plus de liberté au DJ pour intervenir sur la sonorisation. Ils apprécient d’avoir une prestation de niveau sonore toujours adapté et de ne pas avoir à revoir sans cesse le volume, voire l’égalisation quand le DJ a des musiques d’origines différentes et incompatibles.
Les disques Shellac (gomme-laque), sont les disques 78 tours. Ceux qui ont accueilli la musique de l’âge d’or du tango. Ce sont des témoins précieux qu’il convient de préserver.
Sur la diffusion de disques historiques en milonga
Certains DJ ont choisi de passer des disques 78 tours en milonga, ce qui est une pratique que je ne cautionne pas, car elle est dangereuse pour les disques et n’apporte absolument rien à la qualité sonore de la prestation. Elle est dangereuse, car les disques se cassent facilement et le passage répété de la pointe de lecture abîme le sillon et donc dégrade le signal sonore. De plus, l’usage de disques hétérogènes et avec un choix réduit (on ne peut pas transporter 600 disques à une milonga) limite les possibilités d’animation de la milonga. Sans une pointe de snobisme de la part des danseurs, cette pratique n’existerait pas.
Je ne parle pas des DJ qui passent des vinyles, ces supports ont peu d’intérêt en ce qui concerne la musique de l’âge d’or, car ce sont des copies de copies et qu’il existe des enregistrements de bien meilleure qualité réalisés à partir des originaux. Là, au snobisme, se rajoute la diffusion d’une musique de qualité médiocre, souvent noyée dans de la réverbération outrée.
Prendre soin de ses disques
Le premier soin est de ne pas utiliser inutilement le disque. Il convient d’en faire une copie de sauvegarde, celle qui gardera l’état optimal de la copie à disposition. On gardera le disque pour un usage ultérieur, par exemple si la technique de numérisation a progressé, mais en dehors de cela, on le laissera tranquille. Je partage ici quelques conseils pour vous permettre de tirer le meilleur parti de ces disques, si vous avez la chance d’en trouver en bon état. Cependant, cela devient de plus en plus difficile.
Rien n’est éternel, les disques 78 tours non plus
Les disques 78 tous en gomme laque sont fragiles. Ils se cassent facilement en tombant. Il convient donc de les manipuler avec soin. La matière, elle-même peut se dégrader au contact de l’air, de l’humidité, de solvants, par usure, abrasion ou en se couvrant de poussière ou autres matières. Un autre ennemi pernicieux est le scotch que l’on utilise parfois pour réparer les pochettes. Il y a aussi les éventuels débris alimentaires et autres déchets organiques, les moisissures.
Bien conserver les disques
L’idéal serait de placer les disques dans des pochettes non acides en polypropylène sans acide ou en papier Perma/Dur, sans acide, sans lignine et avec réserve alcaline (pour lutter contre l’acidité présente). En effet, l’acidité du papier original fait que les pochettes peuvent endommager la surface du disque et donc le son qu’il porte. Des pochettes sans acides sont donc essentielles. Les pochettes originales sont par ailleurs souvent dégradées, cassantes et les conserver n’est pas aussi indispensable dans la mesure où la majorité est sans aucune indication, les informations étant sur l’étiquette du disque, visible par le trou central de la pochette. Celles qui sont décorées ont un intérêt, mais elles sont les mêmes pour tous les disques d’une même époque et du même éditeur. On peut donc conserver celles dans le meilleur état, séparément ou les conserver pour si on souhaite revendre un jour sa collection. Il existe également des albums ou des boîtes permettant de ranger quelques dizaines de disques. C’est une bonne solution pour l’archivage.
Les disques se rangent de toute façon de façon verticale. Légèrement serrés, mais pas compressés. L’humidité doit être modérée (inférieure à 50 %), la lumière doit être atténuée et le lieu suffisamment ventilé. En fait, ce sont les conditions de conservation idéale de beaucoup de choses… Faites attention au mobilier qui contient les disques. Ce serait dommage de leur offrir des pochettes spéciales et de les mettre dans une armoire dégageant du formaldéhyde à grosses doses.
Procédure de numérisation des disques Shellac
Avant de ranger les disques dans les nouvelles pochettes, il convient de les nettoyer. Je conseille donc d’opérer de la façon suivante :
Identification et saisie du disque dans la base de données
Photographie recto verso de l’étiquette
Nettoyage du disque (voir ci-dessous)
Numérisation du disque Format sans perte (WAV, AIFF, FLAC ou ALAC) 44 ou 48kHz 32 bits. Des valeurs supérieures n’ont aucun intérêt car il n’y a pas de signal supérieur à 20 kHz (voire 15kHz) sur les disques de pâte.
Rangement du disque dans les pochettes et boîtes
Complément de la base de données (référence de la boîte).
Édition des tags de l’enregistrement numérique
Nettoyer le disque
L’étape 3 du processus annoncé ci-dessus consiste à mettre le disque en condition pour sa numérisation et son archivage ultérieur.
Examen du disque à nettoyer
La première chose à faire est de vérifier que le disque n’est pas fendu et qu’il n’y a pas des endroits où la gomme-laque s’est dégradée. Si c’est le cas, il va falloir être très précautionneux. Pour ma part, il m’est arrivé de sacrifier une des faces du disque pour sauver l’autre face. Par exemple, si le disque est cassé et que les sillons d’un des côtés sont trop endommagés. J’utilise la face sacrifiée pour renforcer le disque, afin que le sillon de la face choisie soit parfaitement continu et que le disque soit aussi plat que possible. L’armature créée pour renforcer le disque est idéalement démontable, mais ce n’est pas toujours le cas. J’ai ainsi pu numériser des disques qui étaient en plusieurs morceaux.
Mais revenons au processus le plus courant.
Identifier la matière du disque. Si on a déjà restauré des disques de la même époque et du même éditeur, les procédés précédemment utilisés devraient être efficaces.
Dépoussiérer le disque avec un aspirateur muni d’une brosse adaptée (poils antistatiques, idéalement en fibre de carbone). Évidemment, ne pas utiliser cette brosse pour d’autres usages. Attention, ne surtout pas frotter. Si vous touchez la surface, faites-le dans le sens des sillons.
Vérifier que la surface du disque est en bon état.
Si après aspiration et nettoyage, le disque semble propre, essayer de l’écouter.
Réglez l’égalisation dans votre système si vous avez d’autres courbes disponibles que la RIAA sur votre préampli phono. Si ce n’est pas le cas, vous gérerez cela sur le fichier numérisé.
Vérifier la propreté du diamant (utiliser une brosse adaptée).
Placer le disque sur la platine
Donner un coup de brosse antistatique en faisant tourner le disque
Essayez de faire une première copie du disque.
Si la copie est bonne et ne semble pas devoir être améliorée, c’est terminé.
Si vous pensez qu’il va falloir pousser le nettoyage, gardez la copie en sécurité et passez aux étapes de nettoyage, suivantes.
Placez le disque sur une vieille platine qui ne sert pas à la reproduction des disques et qui ne craint pas des accidents éventuels avec les liquides.
Procédez au nettoyage humide du disque Shellac. Le nettoyage humide est très efficace, mais il y a deux points très importants à prendre en compte :
Il ne faut surtout pas utiliser d’alcool qui dégrade la laque et donc choisir un liquide adapté.
Il ne faut pas mouiller l’étiquette.
Il existe dans le commerce des liquides pour le nettoyage des disques. Le plus inoffensif est l’eau distillée. Bien sûr, on ne plonge pas le disque directement dans le liquide, mais on dépose un film uniforme sur la surface du disque en évitant de mouiller l’étiquette. À l’aide d’une brosse ou tampon en microfibre, on répartit le liquide sur le disque en faisant tourner la platine à la main en prenant garde de ne pas sortir de la direction du sillon avec la brosse. Lorsque toute la surface est recouverte d’un fin film de liquide, mettez la platine en rotation (16 ou 33 tours/minute) en appliquant légèrement la brosse en microfibre. La brosse crée un petit bourrelet en amont de son passage, ce qui aide à déloger la saleté. Si l’eau distillée ne vient pas à bout des résidus sur le disque, utilisez un produit adapté. Par exemple : Clearaudio Pure Groove Shellac.
Vérifiez que le produit porte bien la mention Shellac, car la plupart des magasins vendent du produit pour vinyle qui contient de l’alcool et qui détruirait votre disque 78 tours. En revanche, le produit spécial pour Shellac peut être utilisé sans inconvénient pour les disques vinyle.
Le produit s’applique comme décrit pour l’eau distillée.
Le séchage du disque est une étape importante. Pas question de le laisser humide plus longtemps que nécessaire. Utilisez un chiffon non pelucheux et, là encore, toujours agir dans le sens du sillon. Le but est d’enlever le plus possible de produit de nettoyage.
Rincez le disque à l’eau distillée propre. Il faut donc la changer très souvent (ne pas traiter 50 disques avec la même eau). Si vous disposez d’une cuve à ultrason assez profonde, vous pouvez positionner le disque de façon qu’il trempe dans la cuve en mettant un axe en travers de la cuve. Mettez les ultrasons en fonctionnement et faites tourner très lentement le disque. Attention à ce que l’eau distillée ne coule pas sur l’étiquette (essuyez le disque au fur et à mesure) qu’il sort de l’eau distillée).
Essuyez le disque à l’aide de chiffons non pelucheux (différents de celui utilisé pour éponger le liquide de nettoyage…). Veillez à ne pas mouiller l’étiquette dans la manipulation.
Laisser le disque terminer de sécher en le positionnant verticalement. (veiller à ce que les supports ne touchent que les bords du disque et l’étiquette).
Si vous avez un aspirateur avec une brosse en fibre de carbone dédiée à cet usage, vous pouvez accélérer le séchage en passant la brosse dans le sens du sillon.
Lorsque le disque est parfaitement sec, vous pouvez reprendre la numérisation du disque après avoir vérifié que la pointe de lecture était propre. Vous devez bien sûr utiliser une autre platine que celle utilisée pour le nettoyage…
Voilà, votre précieux disque est désormais sauvegardé. Il peut attendre sagement dans sa pochette et son boitier sécurisés que vous en ayez besoin. Mais en attendant, utilisez la merveilleuse copie numérique que vous avez réalisée.
Il semble que tout a été dit sur les styles de tango. Je vous propose cependant un petit point, vu essentiellement sur l’aspect du tango de danse.
Ce qu’il convient de prendre en compte, c’est que les périodes généralement admises sont en fait toutes relatives.
Les orchestres ont, selon les cas, continué un style qui leur réussissait au-delà d’autres orchestres et a contrario, d’autres ont innové bien avant les autres, voire, sont revenus en arrière, remettant en avant des éléments disparus depuis plusieurs décennies.
On peut donc avoir deux enregistrements contemporains appartenant à des courants forts différents. C’est particulièrement sensible à partir des années 50, où la baisse de la pratique de danse a incité les orchestres à développer de nouveaux horizons, souvent en réchauffant des plats plus anciens.
Les origines (avant le tango)
Il ne s’agit pas ici de trancher dans un des nombreux débats entre spécialistes des origines. Du strict point de vue de la danse, les premiers tangos sont proche du style habanero et par conséquent, c’est plus du côté des habaneras qu’il convient de trouver la forme de danse.
La habanera
Vous connaissez ce rythme. DaaaTadaTaDaaa
La habanera porte ce nom, car c’est une restitution d’un rythme cubain. L’inventeur du genre est Sebastián de Iradier qui a composé El arreglito (le petit arrangement) où il joue avec ce rythme. En voici un extrait et je suis sûr que cela va vous rappeler quelque chose.
Avez-vous trouvé ?
Oui, vous avez trouvé. Ce cher Georges Bizet a piqué la musique de Sebastián de Iradier.
Ce rythme, très présent dans les premiers tangos, est devenu plus discret, sauf pour les milongas qui l’ont largement exploité.
Lorsque le tango de danse a perdu de son élan, les orchestres sont revenus à ces formes traditionnelles, au point que les compositeurs l’on réintroduit très largement.
Autres apports
En parallèle, des formes chantées, notamment par les payadors et des danses, traditionnelles, voire tribales, ont influencé ces prémices, donnant une grande richesse à ce qui deviendra le tango, notamment à travers ses trois formes dansées, le tango, la milonga et la valse.
Les payadors
On lit parfois que Gardel était un payador. Cependant, même s’il était ami de José Bettinotti, il n’a pas été directement l’un de ces chanteurs qui s’accompagnaient à la guitare en improvisant. Cependant, l’influence des payadors est indéniable pour le tango, comme vous pouvez en juger. Par cet extrait, qui avec ses relents d’habanera pourrait s’approcher d’une milonga lente ou d’un canyengue.
Exemple d’influence africaine
Parmi les sources, on met en avant des origines africaines. Même si l’Argentine n’a pas été une terre d’esclavage très marquée, contrairement à beaucoup d’autres payés du continent américain, il y a eu une communauté d’origine africaine relativement importante au XIXe siècle. Celle-ci s’est atténuée par l’émigration, les mariages avec des populations d’autre origines et quelques faits guerriers où ils ont servi de chair à canon.
Même si l’Argentine a absorbé des éléments, c’est plutôt la province de l’Est, l’Uruguay qui a le plus été influencé par ces musiques, notamment les percussions.
Le candombé et la milonga candombé se retrouvent à la mode dans les années 50, bien avant que Juan Carlos Cacéres relance la mode.
La dénomination “tango” est souvent associée à la déformation de “tambo” et désignait des lieux ou la communauté noire dansait. Il faut voir un jugement négatif par la bonne société blanche. Le terme est devenu synonyme de bamboche, de débauche, ou pour le moins de moeurs légères. La musique des faubourgs, même si elle n’était pas issue des Africains a hérité de ce vocable péjoratif, lorsque le tango s’est développé dans les bordels et autres lieux choquants pour la bonne société.
Les origines européennes
L’immigration européenne a apporté sa musique. Pour el vals, même criollo, on est très proche de la valse et des artistes comme Canaro ont même adopté des valses viennoises.
Pour la milonga, c”est un peu moins évident de retrouver des sources européennes, si ce n’est que la mode de la habanera en Europe et les échanges dans le monde latinoaméricain ont favorisé sa diffusion. La habanera symbolisait le marin pour l’Europe. La milonga, on devrait même écrire les milongas sont une salsa, un mélange d’influences.
Les débuts du tango dans les faubourgs et les milieux interlopes ont conduit celui-ci à des formes assez populaires, voire outrées que le canyengue d’aujourd’hui a du mal à retraduire en totalité.
La naissance européenne
Disons-le, tout bonnement, ce tango d’avant le tango n’est pas au sens strict du tango. À cela se rajoute que les rares enregistrements de l’époque ont été réalisés par voie acoustique et qu’ils ne sont donc pas du tout adaptés à nos oreilles contemporaines.
Vus les lieux où le tango était joué et malgré la fréquentation par des ninos bien (jeunes hommes de bonne famille), le tango ne s’est pas fait une place importante en Argentine avant d’acquérir ses lettres de noblesses en Europe et notamment en France.
Le style du tango, avant le tango…
Avant 1926, date des premiers enregistrements électriques, pas d’enregistrements utilisables en danse.
Comme vous pouvez vous en rendre compte, le style sommaire et monotone de la musique est renforcé par l’obligation de jouer de façon assez forte et peu nuancée pour que le pavillon puisse graver le support d’enregistrement. On retrouve cependant certains éléments « Canyengue » que l’on connaît par les enregistrements électriques.
Je vous propose à titre d’exemple, Zorro gris un enregistrement électrique de 1927 par Francisco Canaro.
La vieille garde (Guardia vieja)
Gobbi et Canaro, dans la première partie de leur carrière, sont des représentants de ce que l’on a nommé la vieille garde. On ne peut pas réduire cela au canyengue, car dès les années 20 des rythmes différents avaient vu le jour. Se détachant progressivement du style claudicant du canyengue, les orchestres abandonnent la habanera, accélèrent le rythme. Des titres en canyengue deviennent des milongas, comme par exemple : Milonga de mis amores, ici dans la version de Canaro en 1937 et qui a encore des accents de canyengue :
contrairement à la version de la même année par Pedro Laurenz :
Ou celle du même de 1944 :
Des orchestres anciens évoluent, comme Di Sarli ou d’Arienzo, notamment à l’arrivée de Biagi dans l’orchestre et on arrive à la grande période du tango, l’âge d’or.
L’âge d’or (Edad de oro)
C’est la période considérée comme la plus adaptée au tango de danse. C’est logique, car à l’époque, le tango était une danse à la mode et chaque semaine, plusieurs orchestres se produisaient.
On voit l’énorme choix qui s’adressait aux danseurs. Les musiciens jouaient ensemble plusieurs fois par semaine et il y avait un climat d’émulation pour ne pas dire de compétition entre les orchestres.
On remarquera qu’en face de chacun des orchestres de tango, il y a un orchestre de « Jazz ». En effet, les bals de l’époque jouaient des genres variés et les orchestres se spécialisaient.
Certains comme Canaro avaient deux orchestres, ce qui lui permettait d’assurer les deux aspects de la soirée. D’ailleurs, Canaro utilise des cuivres dans son orchestre de tango, il jouait donc de la limite entre les deux formations. Vous avez pu écouter cela dans l’extrait de Milonga de mis amores, ci-dessus.
Chaque orchestre se distinguait par un style propre. Certains étaient plus intellectuels, comme Pugliese ou De Caro, d’autres plus joueurs, comme Rodriguez ou D’Arienzo, d’autres plus romantiques, comme Di Sarli ou Fresedo et d’autres plus urbains, comme Troilo.
Aujourd’hui, dans les milongas, le DJ s’arrange pour proposer ces quatre orientations pour éviter la monotonie et contenter les différentes sensibilités des danseurs.
Même si la production de l’époque est essentiellement tournée vers la danse, il y a également une production pour l’écoute.
Sur les disques de l’époque, il est facile de faire la différence, notamment pour les tangos avec chanteur. En effet, un tango à danser est indiqué : Nom de l’orchestrecanta ou estribillo cantado porNom du chanteur. Un tango à écouter est indiqué Nom du chanteury su orquesta dirigido por ou con (avec) Nom de l’orchestre.
Nous n’entrerons pas dans les détails en ce qui concerne les styles des orchestres de l’âge d’or, cela fait l’objet d’un de mes cycles de cours/conférence (mini 3 h, voire 6 h). Il convient seulement de savoir reconnaître le tango de danse et de savoir apprécier les différences de style entre les orchestres.
Pour les DJ, il est important de tenir compte de l’évolution des styles du même orchestre. Il est souvent moins grave de mélanger deux orchestres enregistrés à la même époque que de mélanger deux enregistrements d’époques stylistiquement différentes du même orchestre.
Tango Nuevo
C’est celui initié par De Caro, repris ensuite par Troilo, Pugliese et Piazzolla, par exemple. Il est encore très vivant, notamment chez les orchestres de concert.
À noter que Pugliese et Troilo sont bien sûr des piliers du tango de bal et que leurs incursions nuevos, pas toujours pour la danse, ne doivent pas masquer leur importance dans le bal traditionnel.
N’oublions pas que Pugliese a aussi bien enregistré du canyengue, que du tango classique avant de faire du Nuevo… Curieusement, le tango dit nuevo reprend souvent des motifs les plus anciens, notamment la habanera des tout premiers titres du XIXe siècle.
Tango Electronico
Style Gotan Project. Il se caractérise principalement par une batterie et l’utilisation d’instruments électroniques. Curieusement, il est parfois assez proche, d’un point de vue rythmique, du tango musette qui est l’évolution européenne et notamment franco-italienne, du tango du début du XXe siècle.
Comme DJ, j’évite et en tout cas je n’en abuse pas car cette musique est très répétitive et ne covient pas aux danseurs avancés. Cependant, il faut reconnaître que cette musique a fait venir de nouveaux adeptes au tango.
Tango alternatif
Le tango alternatif consiste à danser avec des repères « tango » sur des musiques qui ne sont absolument pas conçues comme telles.
Par exemple, la Colegiala de Ramirez est un tango alternatif, puisqu’on le danse en “milonga” alors que c’est un fox-trot.
Certains DJ européens placent des zambas que les danseurs dansent en tango. Quel dommage quand on sait la beauté de la danse.
N’oublions pas la dynamique « néotango » qui consiste à danser sur toute musique, chanson, de tout style et de toute époque. Cela ouvre des horizons immenses, car la très grande majorité de la musique actuelle est à 4 temps et permet donc de marcher sur les temps.
Ce qui manque souvent à cette musique, c’est le support à l’improvisation. On peut lui reconnaître une forme de créativité dans la mesure où elle permet / oblige de sortir des repères et donc d’innover. Mais est-t-il vraiment possible d’innover en tango ? C’est un autre débat.
Pourquoi l’âge d’or est bien adapté à la danse
Si on étudie un tango de l’âge d’or, on y découvrira plusieurs qualités favorisant la danse :
La musique a plusieurs plans sonores. On peut choisir de danser sur un instrument (dont le chanteur), puis passer à un autre. On peut aussi choisir de danser uniquement la marcation (tempo). Les instruments se répondent. On peut ainsi se répartir les rôles avec les partenaires en reconstituant le dialogue en le dansant.
La musique se répète plusieurs fois, mais avec des variations. Cela permet de découvrir le tango au cas où il ne serait pas connu et la seconde fois, l’oreille est plus familière et l’improvisation est plus confortable. Cette reprise est en général différente de la première exposition, mais reste tout à fait comparable. Par exemple, la première fois le thème est joué au violon ou au bandonéon et la seconde fois, c’est le rôle du chanteur ou d’un autre instrument. Si c’est le même instrument, il y aura de légères différences dans l’orchestration qui rendra l’écoute moins monotone.
Les changements de rythme, phrases, parties, sont annoncés. Un danseur musicien ou exercé sait reconnaître les parties et peut « deviner » ce qui va suivre, ce qui lui permet d’improviser plus facilement sans dérouter sa partenaire. Je devrais plutôt mettre cela au pluriel, car les deux membres du couple participent à l’improvisation. Si la personne guidée a envie d’appuyer, de marquer un élément qui va arriver, elle a le temps d’alerter le guideur pour qu’il lui laisse un espace. Les musiques alternatives ou des musiques d’inspiration pus classiques, comme certaines compositions de Piazzolla » proposent souvent des surprises qui font qu’elles ne permettent pas de deviner la suite, ou au contraire, sont tellement répétitives, que quand revient le même thème de façon identique et mécanique, les danseurs n’ont pas de nouvelles idées et finissent par tomber dans une routine. Évidemment, les danseurs qui n’écoutent pas la musique et qui se contentent de dérouler des chorégraphies ne verront pas de différences entre les différents types de tango. Ceci explique le succès des pratiques neotango auprès des débutants, même si ces bals ont aussi du succès auprès de danseurs plus affirmés. En revanche, on ne fera jamais danser, même sous la menace, un Portègne sur ce type de musique, en tout cas, en tango…
Ne faut-il danser que sur des tangos de l’âge d’or ?
Non, bien sûr que non. Les canyengues et la vieille garde comportent des titres sublimes et très amusants ou intéressants à danser. Certains danseurs sont prêts à danser plusieurs heures d’affilé sur ces rythmes. Cependant, un DJ qui passerait ce genre de musique de façon un peu soutenue à Buenos Aires se ferait écharper…
Quelques musiques modernes donnent des idées agréables à danser. Pour ma part, je propose souvent une tanda de valses « originales ». Le rythme à trois temps de la valse reste le même que pour les tangos traditionnels et le besoin d’improvisation est moins important, car il s’agit surtout de… tourner.
Même si les danseurs avancés aiment moins danser sur les d’Arienzo des années 50 ou postérieures, ils n’y rechignent pas toujours et l’énergie de ces musiques plaît à de très nombreux danseurs. C’est donc un domaine à proposer aux danseurs. D’ailleurs, les orchestres qui font à la manière de du d’Arienzo sont particulièrement nombreux. C’est bien le signe que c’est toujours dans l’air du temps.
Pour terminer, je précise que je suis DJ et que par conséquent, mon travail est de rendre les danseurs heureux. J’adapte donc la musique à leur sensibilité.
Pour un DJ résident, en revanche, il est important d’ouvrir les oreilles des habitués. Dans certains endroits, le DJ met toujours le même type de musique, pas forcément de la meilleure qualité pour la danse. Le problème est qu’il habitue les danseurs à ce type de musique et que quand ces derniers vont aller dans un autre endroit, ils vont être déroutés par la musique.
L’innovation, c’est bien, mais il me semble qu’il faut toujours garder un fond de culture « authentique » pour que le tango reste du tango.
Dans les milongas, on ne diffuse que des enregistrements postérieurs à 1926. Savez-vous pourquoi ?
La vieja guardia n’est pas toujours intéressante à danser.
Les orchestres ne jouaient pas vraiment du tango avant 1926.
La qualité des enregistrements antérieurs n’est pas assez bonne.
La première raison n’est pas exacte. Si à Buenos Aires la Vieja guardia est très peu diffusée, c’est loin d’être le cas en Europe. Disons que ces enregistrements sont souvent un peu pauvres et moyens à danser, mais ils sont diffusables quand ils ont été enregistrés après 1926…
La seconde n’est pas exacte non plus. La combinaison entre les différents rythmes originaux, candombe, chansons de payador, habanera, canyengue et autres avait déjà donné naissance à de véritables tango (2X4 notamment). Certains morceaux assez lents ont été ensuite accélérés et sont devenus des milongas, d’autres ont gardé le caractère du tango. Donc, ce n’est pas la seconde raison.
Dans le film d’Homero Manzi, le son est bien sûr celui de 1950, pas celui de 1912 que l’on peut entendre ici :
En 1925, l’enregistrement électrique va rapidement mettre au rebut ce type d’équipement… En Argentine, il faudra attendre 1926 pour trouver les premiers enregistrements électriques, les éditeurs cherchant à écouler leur vieux stock…
L’enregistrement électrique
En 1906, l’invention du microphone a un peu amélioré le dispositif, mais ce n’est qu’en 1925 que l’enregistrement électrique a vu le jour de façon industrielle.
Le microphone est associé à un amplificateur qui permet de graver avec une grande précision les masters (disques qui serviront après moulage au pressage des disques diffusés).
Les microphones, l’âme de l’enregistrement électrique
Écoutons la différence entre acoustique et électrique
L’orchestre de Francisco Canaro a enregistré à deux reprises le tango Caricias. Une fois en 1924, avec un système d’enregistrement acoustique et une fois en 1927, avec un système électronique.
Il est très intéressant de voir comment la qualité a été améliorée en l’espace de quelques mois…
Voilà donc pourquoi on n’écoute généralement pas de tangos enregistrés avant 1926 dans les milongas
Pour vous en convaincre, écoutez ces deux extraits du même thème avec des interprétations très différentes et une qualité technique fort dissemblable.
Je pense que vous êtes nombreux à penser que les premiers enregistrements sonores datent environ de 1877, avec l’invention d’Edison et Marie qui a un petit agneau.
En effet, si le Phonographe d’Edison est probablement le plus ancien à avoir diffusé un son enregistré, deux inventions françaises antérieures l’ont précédé.
La première et la plus ancienne est celle d’Édouard-Léon Scott de Martinville qui permettait de voir le son grâce à son Phonautographe.
La demande de brevet a été déposée le 25 mars 1857 sous la référence 1 BB 31470.
Édouard-Léon Scott de Martinville (1817-1879) a réalisé les premières captures de son dès 1853, soit 24 ans plus tôt qu’Edison. Mais alors, pourquoi ne lui donne-t-on pas la palme du premier enregistreur ?
Pour le comprendre, il faut étudier le fonctionnement de l’engin.
Un pavillon canalise les sons entrants. Ce système était courant, car le cornet acoustique utilisé par les personnes ayant une baisse de l’audition utilisait déjà ce principe depuis plusieurs siècles.
Cependant, contrairement aux procédés ultérieurs d’Edison, le système de Scott de Martinville enregistre la déviation d’un faisceau lumineux sur une feuille de papier sensible à la lumière.
Le catalogue de Rudolph Kœnig
Rudolph Kœnig, fabricant de matériel de laboratoire, obtient un accord d’exclusivité pour la fabrication des Phonautographes à partir de 1859. Voici comment il décrit ce matériel dans son catalogue. Tout d’abord, dans la préface : « Dans le présent catalogue, j’ai ajouté aux instruments d’acoustique réunis dans la dernière édition du Catalogue de M. Marloye, de 1851, et aujourd’hui partout adoptés dans les cabinets de physique, un nombre assez considérable d’appareils nouveaux. Une partie de ces appareils sont devenus, dans l’état actuel de la science, presque indispensables pour l’étude de l’acoustique ; les autres offrent encore assez d’intérêt pour figurer dans les cours et les collections, d’instruments de physique. Je crois devoir attirer particulièrement l’attention des savants sur l’appareil de phonautographie (fixation graphique du son) reposant sur les brevets de M. L. Scott, et dont je suis le seul constructeur, parce que cet instrument ne permet pas seulement de répéter une longue série d’expériences très-intéressantes, mais qu’il donne aussi le moyen de faire un grand nombre de recherches scientifiques qui jusqu’à présent étaient restées absolument inabordables. »
Puis vient la description de l’équipement :
48. Phonautographe de M. t. Scott. 500 »
49. Le même, avec cylindre et porte-membrane en bois. 400 » Par les trois moyens sur lesquels s’appuient les brevets de M. L. Scott, c’est-à-dire : 1° l’emploi d’un style souple et tout à fait léger ; 2° l’application de ce style sur une membrane placée à l’extrémité d’un conduit ou récepteur du son, et 3° la fixation des figures obtenues sur un papier ou tissu revêtu d’une couche d’un noir de lampe spécial, il devient possible d’obtenir avec cet appareil non seulement le tracé de tous les mouvements vibratoires des corps solides d’une manière beaucoup plus facile et complète, et sur une étendue beaucoup plus grande qu’avec les deux instruments des Nos 46 et 47, mais on peut aussi imprimer directement tous les mouvements qui s’accomplissent dans l’air ou dans d’autres fluides, et c’est par là surtout que l’appareil ouvre un champ nouveau et vaste à des recherches de ce genre. Dans le prospectus ci-joint de M. Scott, on trouve encore des détails sur cet instrument et l’énumération d’une série d’expériences qui nous ont déjà réussi au point de pouvoir être répétées sans difficulté par tout le monde, car le maniement de l’appareil est rendu excessivement facile par la manière dont il est disposé.
50. Collection d’épreuves de tout genre obtenues par l’appareil précédent.
Extrait du catalogue de Rudolph Kœnig 1859 – Page de couverture et fascicule sur le Phonautographe.
Ce principe de l’enregistrement optique est viable, car il a été utilisé pendant des décennies pour le cinéma, notamment pour les grands classiques hollywoodiens qui utilisaient le son optique (procédé Movietone).
Ce qui manquait à l’époque de Scott de Martinville, c’était le système de lecture de ce que l’on avait enregistré.
L’invention de Charles Cros
Il manquait donc la partie de reproduction du son enregistré avec le Phonautographe. Charles Hortensius Émile Cros a eu l’idée vers 1876 de graver par gravure chimique des tracés réalisés avec un Phonautographe. Les gravures obtenues devaient permettre d’être reproduite en faisant se déplacer une aiguille reliée à une membrane connectée à un pavillon.
Allant plus loin dans sa logique, il considère l’idée de graver directement, sans passer par l’étape optique. Il dépose alors le 18 octobre 1876, un document décrivant « un procédé d’enregistrement et de reproduction des phénomènes perçus par l’ouïe ». Ce document est finalement enregistré par l’Académie des sciences le 30 avril 1877 et ouvert le 8 décembre, à la demande de Charles Cros, soit deux jours après l’enregistrement d’Edison (Mary has a little lamb) et plus d’une semaine avant la demande de brevet d’Edison.
Son appareil qu’il a nommé Paléophone est constitué d’une membrane vibrante dotée en son centre d’une pointe qui repose sur un « disque animé d’un double mouvement de rotation et de progression rectiligne » (c’est le principe des platines à bras tangentiel pour disques vinyles).
Dans le dispositif décrit par Charles Cros, le son de la voix fait vibrer la membrane qui elle-même anime l’aiguille qui trace un sillon sur le disque. Lorsque l’aiguille parcourt le sillon produit, elle transmet une vibration à la membrane qui reproduit le son du départ.
Le petit doute sur la viabilité de la solution par rapport à celle d’Edison, c’est l’utilisation de la feuille d’étain ou cuivre mince qui n’est pas clairement mentionnée dans le brevet, mais dans des écrits antérieurs, non-déposés.
Contrairement au Phonautographe, le procédé est réversible. Il enregistre et restitue les sons.
Edison est-il inventeur ou copieur ?
Si on en croit les « on-dit », l’idée qu’Edison se serait approprié l’idée de Scott de Martinville et celle de Cros ne serait pas si étonnante, si on se souvient qu’on l’accuse d’avoir également volé les idées :
de la lampe à incandescence à Humphry Davy
de la chaise électrique à Harold P. Brown
de la caméra à William Dickson
du négatif sur papier ciré à Gustave Le Gray
de l’utilisation des rayons X (fluoroscope) à Wilhelm Röntgen
Je ne me lancerai pas dans le débat, c’est un peu comme Gardel qui, bien que né en France, est revendiqué par les Uruguayens. L’enregistrement sonore est né en France et Edison qui était parfaitement documenté a eu plusieurs mois pour avoir connaissance du procédé imaginé par Charles Cros, d’autant plus que ce dernier a été publié par l’abbé Lenoir dans la Semaine du Clergé et que donc Edison avait tous les éléments sous la main. Le Phonautographe de Scott de Martinville et la description du dispositif de Charles Cros.
Récemment, FirstSound a essayé de donner la parole aux enregistrements de Scott Martinville. L’idée a été de transformer les tracés en sons.
Je n’entrerai pas dans le détail des deux méthodes employées, mais vous pourrez avoir des précisions dans le site de FirstSound.
Sur ce site, vous pourrez également entendre divers enregistrements restitués, comme « Au clair de la Lune » (dans deux versions de 1860).
Parmi les enregistrements restitués, j’attire votre attention sur « Diapason at 435 Hz – at sequential stages of restoration (1859 Phonautogram) [#33] ». On peut y écouter successivement différents états de restauration du signal, le dernier étant digne d’un enregistrement moderne. Cependant, il y a plusieurs biais dans leur restitution.
La première est que ce serait l’enregistrement d’un diapason à 435 Hz. Pour ma part, je pense qu’il s’agit plutôt du diapason à 512 Hz dans la mesure où dans son catalogue, Rudolph Kœnig vend sur la même page que le Phonautographe, un diapason à 512 Hz (Ut). Ce serait assez curieux qu’il utilise un autre matériel que celui qu’il vend pour son enregistrement…
C’est d’autant plus embêtant que cela discrédite un peu les restitutions. Ils sont partis de ce qu’ils voulaient obtenir pour faire « parler » l’enregistrement. On se fiera donc plutôt au début du fichier sonore en imaginant que Rudolph Kœnig a enregistré un son plus aigu que celui qu’ils restituent.
Pour les autres enregistrements, comme « Au clair de la Lune », il faut espérer que la part d’interprétation n’est pas exagérée.
Quoi qu’il en soit, avec un siècle et demi de retard, les enregistrements de Scott de Martinville parlent et même chantent.
Merci à FirstSound pour cet exploit et Monsieur Edison, arrêtez de piquer les idées des autres.
Dans un autre article, nous évoquons l’histoire des enregistrements de tango, domaine qui nous intéresse particulièrement. Vous le trouverez au bout de ce lien.
Quelques trésors du National Recording Preservation Board de la Library of Congress
« Il faut du travail, mais aussi de la sensibilité, sans doute la capacité à sortir des sentiers battus tout en guidant son public, une capacité de connexion avec le groupe, du sens psychologique, de la générosité… quelles sont pour toi les qualités d’un bon DJ ? ».
Sonia, je vais répondre sur chacun des points avec le code couleur que j’ai utilisé pour mettre en valeur ta question :
Il faut du travail
Moins qu’avant, car la musique est largement disponible, bien mieux classée et de meilleure qualité qu’il y a vingt ans ou trente ans.
L’ordinateur permet de gagner beaucoup de temps pour le classement, la facilité d’écoute et la recherche des musiques.
Les choses ont tellement été simplifiées sur ces plans que toute personne ayant mis la main sur une playlist de tango et ayant un ordinateur se déclare DJ.
Si c’était si simple, cela ferait longtemps que l’on aurait créé la « playlist idéale » et qu’on la passerait dans toutes les milongas du monde.
Les humains étant versatiles, différents, les conditions de bal, les cultures, les habitudes et autres différant d’un lieu à l’autre et d’un jour à l’autre, cette fameuse playlist idéale sera obsolète dès sa deuxième tentative d’utilisation.
Tout au plus, dans des milongas régulières, on peut se permettre de passer le même type de playlist chaque semaine.
Si on intervient sur un événement différent de sa zone habituelle, les ennuis vont être bien plus importants pour ces pseudo-DJ, car ils vont se confronter à d’autres goûts et attitudes.
Ils devront donc être capables de repérer le plus rapidement possible ce qui va rencontrer le public.
La sensibilité, une capacité de connexion avec le groupe, du sens psychologique, de la générosité
Pour déterminer les goûts des danseurs, il faut savoir observer, faire preuve d’empathie. Un DJ qui ferait cela pour sa « pomme » sera difficilement un excellent DJ, car il fera préférentiellement passer ses goûts avant ceux de son public, en admettant même qu’il s’en soucie…
La sensibilité, c’est aussi avoir une culture musicale permettant de se repérer dans les époques, les styles afin de pouvoir varier les musiques et éviter les « tunnels » (succession de tandas semblables qui génèrent l’ennui).
La connexion avec le groupe, cela dépend de la personnalité du DJ. Certains sont en retrait, ne cherchent pas l’interaction avec les danseurs, mais sont très attentifs à eux. C’est le cas d’un des meilleurs DJ de Buenos Aires, Daniel Borelli.
Un autre, très différent, est Marcelo Rojas (également de Buenos Aires, mais qui tourne dans le monde entier) qui va parler à son public et se tenir majoritairement debout.
Ceux qui me connaissent savent que j’abuse parfois de cette recherche de complicité avec les danseurs. Ceux qui préfèrent les DJ inertes ne me font pas venir ou me demandent d’être discret, ce que je peux faire, bien qu’avec difficulté 😉 Jeudi prochain, je serai DJ dans une milonga très traditionnelle de Buenos Aires et je serai discret, si, si…
Les goûts des danseurs sont différents et avoir un éventail de personnalités de DJ est intéressant.
En ce qui concerne le sens psychologique, je parlerai plutôt de sens de l’observation. Remarquer la hauteur des talons, les âges, les proportions de danseurs et danseuses, leurs capacités d’écoute de la musique, comment les gens sont entre eux, s’ils se connaissent, s’ils sont plutôt joyeux ou introvertis (le but peut être de les faire changer d’attitude s’ils sont un peu trop compassés ; —)
La capacité à sortir des sentiers battus tout en guidant son public
Une fois qu’on a mis en place les éléments précédents, c’est-à-dire que l’on a :
Une bonne diversité de musique en stock et bien sûr, tous les « incontournables »
Une excellente connaissance de sa base de musique
Une bonne détermination des goûts et attentes des danseurs
Une connexion intéressante avec le groupe
On peut alors essayer de sortir des sentiers battus. Cependant, il me semble qu’il faut développer ce point avant d’aller plus loin.
Le tango est une danse assez particulière, basée sur l’improvisation. Les couples évoluent sur la musique, sans aucune chorégraphie préalable et dans une construction mutuelle de la danse. Ils doivent également tenir compte des contraintes du lieu, des déplacements des autres couples et d’autres critères pouvant aller d’un trou dans le plancher à une personne assise avec les pieds qui traînent sur la piste en passant par le serveur qui passe avec un plateau chargé de verrerie.
Toutes ces « contraintes » sont en fait des enrichissements qui permettent d’innover, d’improviser sans avoir l’impression de faire toujours la même chose. Mais les plus grandes aides à l’improvisation sont bien sûr la musique et le (la) partenaire.
Le partenaire n’est pas du ressort du DJ, sauf s’il propose des tandas roses, américaines, des femmes, des bonbons ou d’autres suggestions et encouragements à ne pas être trop strict sur les règles d’invitation et acceptation de l’invitation. Ce levier est aussi aux mains de l’organisateur.
Tout cela pour en venir à la sortie des sentiers battus. Le DJ peut apporter une note de fantaisie, mais il me semble qu’il a également la responsabilité de conduire les danseurs vers « le tango » et pas vers une danse « créative », mais qui aurait perdu les caractères de la danse originale.
Je n’ai rien contre les milongas alternatives, j’en ai même musicalisé, cependant, je suis certain qu’il est quasiment impossible de danser le tango sur ces musiques. On peut faire des « figures » de tango, adopter un abrazo milonguero ou salón, mais il manquera l’impulsion, la variété compréhensible qui rend la musique propice à l’improvisation pour que les danseurs se sentent en sécurité avec la musique.
Si la musique est hyper connue, les danseurs pourront improviser. Si la musique n’est pas connue, il faudra que les danseurs soient capables de deviner la suite, de la pressentir. C’est la limite que devra s’imposer le DJ pour ne pas déstabiliser les danseurs et leur ouvrir de nouveaux horizons.
La plupart des musiques actuelles sont à quatre temps. On peut donc avoir l’impression qu’elles sont adaptées au tango. Ce n’est malheureusement pas souvent (jamais) le cas. C’est sans doute pour cela que les danseurs de Buenos Aires sont si « traditionnels ». Ils ne trouvent pas dans des musiques trop éloignées de leur zone de confort, ce qu’ils recherchent pour construire leur danse.
Avec des danseurs moins connaisseurs, les musiques alternatives ou les tangos plus « originaux » passent relativement bien, car très peu dansent la musique. Ils peuvent danser sur la musique, mais pas la musique.
Danser sur la musique, c’est poser les pieds sur les temps et faire des pauses quand la musique en fait. Danser la musique, c’est en avoir une écoute attentive pour danser tantôt sur un instrument, tantôt sur un autre (les tangos de danse proposent d’eux-mêmes une diversité d’interprétation dans les différentes reprises du même thème). C’est prévoir les variations de rythme pour préparer sa partenaire (ou se préparer si on préfère être suiveur.
Donc, sortir des sentiers battus, ça peut tout aussi bien être de proposer un tango traditionnel, mais plus rare ou proposer une musique qui n’est pas de tango, mais qui sera à la portée des danseurs. Dans ce dernier cas, on remarquera que le plus les danseurs sont familiers avec le tango et plus ils auront du mal à s’adapter à une musique trop « étrange ».
Sortir des sentiers battus, c’est cependant une responsabilité du DJ d’un lieu donné. Dans des communautés où il y a peu de diversité dans l’offre, il arrive qu’un DJ « forme » le goût des danseurs en leur proposant un type de musique atypique. Ces danseurs seront donc habitués à d’autres sentiers et le jour où ils iront dans une milonga plus classique, ils seront déroutés et perdront ce qui fait une des grandes richesses du tango, pouvoir danser avec n’importe qui dans le monde à condition de savoir guider et suivre. On pourrait dire la même chose des « professeurs », d’ailleurs.
Pour reprendre le chemin de la question initiale, un DJ invité devra à la fois se couler dans les habitudes du lieu, mais aussi apporter sa voix/voie originale. S’il passe la même musique que le DJ résident, quel est l’intérêt de le faire venir ? Il devra donc guider les danseurs vers son univers en créant un climat de confiance. À la limite, lorsque les blancs en neige auront pris, il pourra renverser le saladier, en faisant danser sur des musiques qui ne seraient pas venues à l’esprit des danseurs.
Sonia, j’aime ton dernier point « tout en guidant son public ». Le DJ est avant tout un animateur. Il provoque des envies, qu’il retarde pour mieux les satisfaire. Il construit ses tandas pour que les danseurs se séparent comblés. Par exemple, une des règles de base qui consiste à alterner les styles est une forme très simplifiée de « donner envie ».
Après une tanda énergique, comme une tanda de milongas, il est courant de proposer une tanda plus calme, voire romantique. Si on propose une tanda tonique à la place de cette tanda calme, il faudra qu’elle soit irrésistible. Les danseurs se jetteront alors sur la piste et le moment de calme sera repoussé à la tanda suivante. Ils ne l’apprécieront que mieux.
La construction de la tanda suscite aussi l’envie. C’est d’ailleurs pour cela qu’il est plus facile de faire des tandas de quatre que de trois, car on a plus de graduation pour guider les danseurs. On peut commencer calme et terminer avec beaucoup d’énergie. Dans une tanda de trois, les transitions risquent d’être plus heurtées ou il faudra se limiter dans la progression.
En résumé, il y a tellement de facteurs à prendre en compte que toutes les qualités possibles seront utiles au DJ de tango qui n’est pas un créateur comme le DJ de boîte de nuit. Il est celui qui propose avec empathie, avec le seul but de faire passer une excellente soirée aux danseurs.
Un dernier point, il doit aussi être masochiste, car la responsabilité du DJ rend le travail très stressant et il est frustrant de ne pas pouvoir danser avec les danseurs quand le bal est magnifique.
Être un bon DJ est une énorme quantité de travail. Posséder beaucoup de musique n’est pas suffisant. Cela nécessite également des connaissances, du goût et une préparation extrêmement longue. Ça ne m’intéresse pas de le faire, parce que c’est beaucoup trop de travail, et je préfère danser (l’article est écrit par une danseuse londonienne (NDT BYC). Il n’est bien fait que par des gens qui aiment vraiment le faire pour eux-mêmes, et qui aiment vraiment faire le travail qui est requis.
Les danseurs mal informés et sans attentes créent un mauvais DJing et l’aident à persister, et un mauvais DJing limite la qualité globale de la danse en rendant la danse sociale beaucoup plus difficile qu’elle ne devrait l’être.
J’aimerais que les DJ soient plus appréciés. Cette check-list a pour but d’aider le danseur, en particulier le débutant, à réfléchir au DJing. Il ne suppose pas plus de connaissances musicales que la capacité de faire la différence entre le tango, la milonga et la valse, mais il repose en partie sur le fait que la musique de tango a un sens pour vous et vous donne envie de bouger. Certaines sont très subjectives, mais d’autres ne le sont pas. Profitez des morceaux de grâce habituels.
Commencez à 0. Ajoutez ou déduisez des points comme indiqué pour comparer les DJ. Vous pouvez choisir plus d’une réponse pour certaines questions. Si vous vouliez le personnaliser en fonction de vos priorités, vous pouvez évidemment modifier les scores. J’ai tendance à pénaliser les mauvaises performances sur les choses les plus mécaniques et les plus mesurables, parce qu’il n’y a aucune bonne raison de se tromper.
Bases musicales Est-ce que certaines musiques ne convenaient pas à la danse du tango en société ? Par exemple :
Elle vous demande de rester immobile et de poser, comme un pavé, plutôt que de danser
Il est impossible de s’y adapter à moins de connaître l’enregistrement particulier par cœur
Elle suggère fortement de grands mouvements dramatiques rapides et des changements soudains de vitesse qui sont grossiers et peu pratiques pour la danse sociale dans l’espace disponible
C’est de la bonne musique de danse, mais elle fait ressortir le pire des danseurs qui sont là.
En cas de doute, regardez la salle dans son ensemble : les indices sont que la ligne de danse cesse de se dérouler et sombre dans le chaos, il y a beaucoup de chutes, et la plupart des danseurs vraiment bons s’assoient, se cachent ou vont fumer à moins que quelqu’un ne les attrape. Si c’est ce à quoi ressemble normalement votre milonga, ajustez votre jugement en conséquence. [Édit. : Ce que vous cherchez, c’est si le DJ, ou une tanda individuelle font la différence].
Aucun de ces problèmes ne s’est produit (+10)
Un ou deux moments douteux (-5)
Plusieurs sections douteuses (-7)
Tanda après tanda, je m’ennuyais, j’ai reçu des coups, ou les deux (-10)
Avez-vous déjà été surpris par une pièce qui ne correspondait pas à cette tanda et qui vous a causé des difficultés, de l’embarras ou de la déception à vous ou à votre partenaire ? Par exemple :
Un changement d’humeur ou de style choquant au milieu de la tanda, de sorte que vous avez senti que vous deviez dévisser votre tête et la revisser
Une ouverture trompeuse qui signifiait que vous passiez à côté d’une tanda que vous auriez autrement aimée
Une pièce faible ou décevante au milieu, ou à finir
Changements de vitesse excessivement brusques
Une tanda mélangée de musique que vous auriez préféré danser avec deux personnes différentes – ou une partie pas du tout.
Aucun de ces problèmes ne s’est produit (+10)
Une ou deux fois, peut-être une question d’opinion (-3)
Plus, peut-être une question d’opinion (-5)
Une ou deux fois, sans aucun doute ! (-7)
Plus que cela (-10)
Tout le temps de retournement ! (-15)
Dans l’ensemble, sans se soucier de pistes spécifiques, quelle était la qualité du son ?
Bon – j’ai pu sentir la musique et vraiment m’y plonger (+7)
OK – Je l’entendais de partout (+5)
Médiocre – je ne pouvais pas l’entendre assez clairement pour entrer dedans correctement – étouffé / pas de détail / pas de profondeur / trop silencieux / fort, mais boueux / déformé / trop fort parce que DJ est sourd (-5)
Ne s’applique pas, l’équipement de ce lieu est médiocre, donc je ne peux pas le dire (0)
Y a-t-il eu de mauvais choix de pistes spécifiques, comme quelque chose de beaucoup trop rapide, beaucoup trop lent, ou avec une qualité sonore inacceptable ?
Non (+5)
Un ou deux, incertains (0)
Plus que cela (-5)
Les cortinas vous ont-elles rendu heureux ?
Oui (+5)
Elles ont rendu les gens heureux, mais pas moi en particulier (+3)
Non, elles étaient généralement ennuyeuses (-3)
Elles n’ont pas fait le travail, je n’ai pas toujours pu dire ce qui était une cortina ou s’il y en a eu (-5)
Ne s’applique pas – cette milonga a une politique de non-cortinas (0)
Il y avait-il suffisamment de tandas de vals (V) et milonga (M) par rapport au tango (T), et elles étaient-ils jouées de manière régulière pour que vous sachiez où vous étiez ?
À peu près à droite – quelque part dans la gamme TTVTTM ou TTTTVTTTTM, tout ce qui avait du sens compte tenu de la longueur de cette milonga (+5)
Pas assez – TTTTTTTTTTM ou quelque chose comme ça (-5)
Trop – TVTMTVTMTVTM DJ WTF ? (-7)
Tellement chaotique que je ne pouvais pas dire – TT VV TTTTVTTTTTMTMV, ou quelque chose comme ça. (-10)
« Tanda » n’est pas le bon mot. (-15).
Les cortinas étaient-elles assez longues pour que vous puissiez dégager la piste et trouver votre prochain partenaire sans obstruer la vue de quelqu’un d’autre, compte tenu de la taille de la pièce, et en supposant qu’il y ait un endroit pour s’asseoir ?
Oui (+3)
Non (-3)
Le DJ a-t-il diffusé gracieusement à la fin avec de la musique qui n’est pas du tango pour que les gens se calment et s’éclaircissent, en supposant que cela soit possible ?
Oui (+4)
Non, il a utilisé le temps prévu et s’est arrêté là (0)
Professionnalisme
La musique a-t-elle retenu toute l’attention du DJ ?
Oui, tout ou presque tout le temps (+5)
Oui, autant que nécessaire dans la situation (+3)
Moins que cela (-3)
Non, il est sorti fumer et la musique s’est arrêtée (-10)
Non, il a mis une playlist/CD et s’est fâché avec les danseurs (-20)
S’il y avait des problèmes avec l’équipement, le DJ les a-t-il traités calmement et avec compétence ?
Oui, exceptionnel – par exemple, il est rentré chez lui et a acheté un meilleur équipement. Il a trouvé un autre ordinateur (+7)
Satisfait aux attentes – contournement du problème et correction (+5)
Un drame ! Mais il s’en est sorti (+3)
Non (-5)
Sans objet (0)
Le DJ a-t-il eu de la difficulté à utiliser l’équipement de sonorisation ?
Non (+2)
Il y a eu quelques conneries faites (-2)
Il y a eu quelques problèmes, mais compréhensibles dans les circonstances (0)
Le DJ n’était clairement pas préparé (-7)
Le DJ a-t-il semblé à un moment donné oublier pourquoi il/elle était là ? A-t-il, par exemple, suivi une performance de vingt minutes, dans une milonga de trois heures, avec une piste de jive de cinq minutes pour qu’un seul couple puisse danser dans une performance bonus non officielle, pendant que tous les autres attendaient comme des citrons, comme s’ils attendaient les photos d’un mariage qui se retourne, et dans la position inconfortable de devoir prétendre qu’ils n’étaient pas du tout ennuyés et qu’ils n’avaient rien de mieux à faire que de regarder cette vanité ?
Non (0)
Oui (-5)
Oui, et ce couple se comprenait lui-même ou son conjoint/partenaire et/ou au moins un membre du couple qui venait de se produire (-10)
Oui, mais, j’étais d’accord avec ça dans les circonstances (0)
S’il y avait un intermède de danse traditionnelle, comme la chacarera, ou une autre danse comme le jive ou la salsa, était-il bien programmé, pas trop long et agréable pour un nombre raisonnable de personnes présentes ?
Oui, c’était amusant, ça m’a plu / ça ne m’a pas dérangé de regarder (0)
Non, c’était un bordel fastidieux, personne ne pouvait danser dessus, ou ça prenait la dernière heure avant le dernier métro ! (-5)
C’était ennuyeux, mais c’était exigé par les professeurs invités ou le lieu (0)
Questions
La musique était-elle :
Prétentieusement salé avec l’indansable, l’obscur ou l’inapproprié (-10)
Disposés de manière irréfléchie au fil du temps, avec de bonnes choses gâchées par le fait d’être trop proches les unes des autres (-5)
D’accord, mais à un rythme, trop d’un genre de chose (+5)
Bon, mais avec un style de DJ qui n’est tout simplement pas à mon goût (+10)
Convenablement variée, avec un bon mélange entre rythmique et lyrique et dramatique, compte tenu de la situation (+15)
Brillamment mixé, chaque tanda donnant l’impression d’être un changement parfait après le précédent (+20)
Qu’avez-vous ressenti par rapport à « l’énergie » dans la pièce ?
Confus et chaotique. (-7)
Bas. Ni moi ni mes partenaires préférés n’avons pu entrer dans la musique. (-5)
Un peu plat, j’aimais bien la musique, mais je n’avais pas vraiment eu envie de m’y plonger (-2)
Bien, ça se passait toujours bien (+5)
Magnifique, il a réussi avec de bonnes sensations, variées (+10)
Fantastique, j’ai passé une excellente soirée, tout le monde était en effervescence, tout coulait de source et j’étais aussi très heureux quand j’étais assis (+15)
Choisissez trois très bons danseurs sociaux qui étaient là, de préférence célibataires. À quel point semblaient-ils danser ?
Pas du tout, peut-être une ou deux tandas avec la bonne personne (-5)
Un peu, comme d’habitude en fait (0)
Plus que d’habitude (+5)
Tout le temps, et en prenant plus de risques que d’habitude avec le choix du partenaire (+10)
Subjectivement, qu’en avez-vous pensé ? Pas de scores ici – comparez avec ce que vous avez obtenu ci-dessus.
C’était génial / ça a été une révélation pour moi / ça a transformé le lieu ou la situation pour le mieux.
C’était très bien. J’en étais très content.
C’était bien, mais il y avait quelques défauts, ou c’était bien fait, mais ce n’était pas mon truc.
C’était bon et constant, je pouvais lui faire confiance, mais peut-être que ce n’était pas inspirant.
C’était généralement inoffensif et ne m’a pas causé de problèmes sérieux.
Pas bon – c’était faible ou m’a ennuyé plusieurs fois.
C’était pauvre. Je ne pouvais pas lui faire confiance. Si quelque chose de bien se présentait, je devais prendre quelqu’un.
C’était mauvais – moi, ou mes partenaires envisagés, nous ne voulions tout simplement pas danser. Inutile de rester.
Je tracerais la ligne de démarcation entre 4 et 5.
Un organisateur me disait il y a quelques temps qu’il suffisait de secouer un arbre pour que 10 “DJ” en tombent. L’arrivée de l’ordinateur dans le DJiing et la diffusion de tangos via Internet ont très clairement démocratisé le métier de DJ de tango. Il suffit désormais de télécharger des playlists pour se dire DJ. C’est un peu facile, mais est-ce souhaitable pour les danseurs ? Bien sûr, ce phénomène existait auparavant avec les compilations organisées en tandas, vendues par certaines milongas et DJ portègnes, ou par divers autres canaux. Ce qui est nouveau maintenant, c’est que la facilité d’utilisation de l’ordinateur permet de mélanger ces morceaux, sans avoir à maîtriser les outils en temps réel. Et c’est là que le bât blesse. En effet, une compilation, qu’elle soit en provenance d’une milonga de Buenos Aires, ou qu’elle ait été réalisée à la maison par l’apprenti DJ, NE PEUT CONVENIR À COUP SÛR À LA MILONGA en cours de musicalisation.
Sentir la milonga
Le rôle du DJ est de diffuser le bon morceau au bon moment. Si c’est pour diffuser une playlist, il suffit d’un CD gravé, d’un lecteur mp3 ou d’un ordinateur. Je me demande quel peut être l’intérêt pour le DJ qui reste 5 heures ou plus derrière son ordi à faire semblant de bricoler une playlist qui est de toute façon immuable…
Je comprends mieux les motivations de ce DJ qui se contente de couper la fin de la cortina sur son lecteur mp3 pour être le premier sur la piste. Lui, il veut danser sur les musiques qu’il aime et peu importe le vécu des danseurs (ou non-danseurs qui voient le DJ, s’agiter sur la piste alors qu’eux attendent un titre à peu près à leur goût).
Pour moi, le DJ doit sentir la milonga, regarder ceux qui ne dansent pas, repérer ce qui fait lever certains et pas d’autres, afin que chaque sensibilité puisse trouver de quoi avoir envie de danser. Il pourra faire des tests, par exemple en variant les cortinas, ou en observant les réactions devant un morceau un peu plus surprenant.
Mais dans tous les cas, c’est l’adéquation entre les envies des danseurs et la programmation qui fera le succès de la soirée.
Le choix du DJ
J’ai été très interpelé il y a quelque temps en discutant avec un organisateur qui me disait qu’il sélectionnait ses DJ par rapport à leur style. Je crois qu’il pensait que mettre un DJ « catalogué » d’un style proche de sa milonga était un gage de qualité. De fait, s’il lui arrive de faire venir de bons DJ, il recrute finalement, surtout des maniaques de la playlist.
Vous avez tous en tête certains DJ capables de musicaliser un festival, une milonga de Buenos Aires ou un encuentro milonguero avec le même bonheur, mais pas avec la même musique. C’est que ce DJ sait jouer des paramètres offerts par la musique et des moyens techniques à sa disposition pour s’adapter réellement à son public.
Paramètres à la disposition du DJ pour adapter sa musicalisation
Les orchestres sont la première variable. Il est possible de varier les orchestres pour éviter la monotonie.
Les styles des orchestres est un facteur important. Notons aussi qu’un même orchestre, suivant les périodes peut avoir des ambiances différentes.
Les formes de tangos (chantés, instrumentaux, canyengue ou autres) sont très directement ressenties par les danseurs. Cependant, globalement, les titres chantés sont majoritaires car ils sont plus plaisants à danser à condition de choisir des tangos chantés et pas des chansons de tango, ce qui est une erreur beaucoup trop fréquente chez les apprentis DJ et qui plombent assurément la tanda…
L’énergie des morceaux est sans doute le paramètre essentiel et souvent mal géré. Il ne faut en effet pas confondre énergie et vitesse. Des morceaux d’apparence calmes comme certains titres de Calo peuvent être très énergiques et inversement, des tangos bruyants et rapides peuvent être complètement plats à danser. Certains DJ confondent ces paramètres et vont diffuser des orchestres de style ou sonorité différents, mais qui ont tous la même énergie. Cela créé l’ennui à coup sûr…
L’organisation des tandas est très importante selon moi. En effet, si le premier morceau est destiné à faire se lever le plus de danseurs que possible, il ne faut pas que les autres déçoivent. Ils doivent être donc d’une énergie semblable et de préférence ascendante. Les danseurs ne doivent pas non plus subir de choc causés par des titres mal assemblés.
Réactivité et adaptation sont très importantes. Il m’arrive fréquemment de changer une tanda en cours de diffusion en fonction de ce qui se passe sur et autour de la piste. Si le premier titre n’a pas fait lever assez de monde, je place un second titre plus efficace, voire, je change l’ambiance de la tanda en la faisant évoluer. Je pense par exemple à une tanda de canyengue qui peut selon les publics passer parfaitement ou bien fatiguer. Je fais alors évoluer la tanda vers des canyengues plus rapides, voire plus du tout canyengue si cela n’a pas du tout de succès.
L’organisation des tandas en ronda est aussi un élément sur lequel le DJ peut jouer. Pour ma part, je diffuse quasiment toujours des tandas de quatre, y compris pour les valses et sauf pour les milongas ou des titres nuevos parfois plus longs. J’adopte cependant parfois les tandas de trois, sur une partie de la milonga, par exemple lorsque la durée est très courte et s’il y a un gros déséquilibre des partenaires. C’est cependant quelque chose que je répugne un peu à faire car cela entre dans la mode du « zapping » et l’on s’éloigne du tango. Il me semble préférable de faire des milongas qui durent plus longtemps afin d’offrir à tout le monde une chance de bien danser (c’est d’ailleurs le choix effectué par les portègnes…). La ronda comporte traditionnellement des successions de styles du type T T V T T M ou T = Tango, V = Vals et M = Milonga). Pour les milongas courtes où quand je veux donner beaucoup d’énergie, il m’arrive de faire T V T M, ou T V T T M. Il n’est pas possible d’utiliser cette ronda toute une milonga, car elle est très fatigante pour les danseurs… D’autres DJ vont multiplier au contraire les tandas de tango pour diminuer le nombre de Vals et Milongas.
Le volume sonore est aussi très important à considérer. Il arrive souvent que les cortinas soient plus fortes que les morceaux dansés. Je trouve cela illogique. C’est à mon avis les tandas qui doivent donner l’ambiance. Les cortinas sont là pour échanger quelques mots et se préparer à la prochaine tanda. Je pense aussi que la musique doit être jouée suffisamment forte pour que l’on puisse enter dedans sans être obligé de tendre l’oreille. Une cortina moins forte permettra de se reposer l’oreille et évitera d’avoir à pousser exagérément le volume de la tanda suivante pour couvrir les conversations qui auront été poussées pour couvrir le bruit de la cortina.
Je reste bref sur le choix des morceaux pour chaque compositeur et orchestre. C’est un des rôles majeur du DJ, mais ce n’est pas souvent là qu’est le plus gros problème (si on excepte la question des chansons diffusées comma tangos chantés). Le sérieux point noir vient de ce que ces morceaux sont diffusés dans un ordre hasardeux ou à mauvais escient. Deux excellentes tandas peuvent se tuer si elles se succèdent car elles peuvent être d’une énergie trop proche (ou trop différente).
L’utilisation de l’ordinateur conduit aussi à ne pas exploiter un des facteurs qui est l’intervalle entre les morceaux. Par défaut, j’ai un intervalle de 3,7 secondes entre les titres, mais il m’arrive de raccourcir ou prolonger cette durée en fonction du lieu, des danseurs et de l’énergie à diffuser. Par exemple, dans une tanda où il y a une dynamique mécanique très entraînante comme dans certains vals de d’Arienzo, il peut être intéressant de ne pas laisser de trop grands blancs pour que l’énergie reste en progression constante.
La longueur des cortinas est aussi à prendre en considération. Trop courtes, elles empêchent d’avoir le temps de retourner s’assoir, ce qui pénalise le renouvellement des couples. Il faut avoir le temps de raccompagner sa danseuse et de préparer la suite… Il ne faut pas qu’elle soit trop longue non plus. Une fois que les plus rapides ont fait leur choix, il est intéressant de lancer la tanda suivante…
Dans la pratique, il y a des dizaines d’autres paramètres que doit pouvoir estimer et maîtriser le DJ. Je prendrai juste pour exemple la diffusion d’une tanda de milonga dans la dernière heure d’une soirée. Certains DJ se l’interdisent par principe. En fait, c’est assez idiot dans la mesure où, où la milonga est appréciée, cette dernière tanda sera hyper bien vécue, dans le style éclate finale. Il m’arrive dans d’autres endroits, de remplacer une tanda de milonga par des vals, ou plus rarement l’inverse.
Aux organisateurs
J’espère que ces petits éléments vous permettront de voir plus clair sur comment choisir un DJ. Lorsque je suis danseur, j’ai envie de passer une bonne soirée et si je peux faire des kilomètres pour un DJ et même si tous les danseurs ne sont pas aussi exigeants, ils sont globalement tous sensibles à la musique et ils passeront, ou pas, une excellente soirée, avec fatigue, ou sans. Le DJ doit donc pouvoir veiller sur eux, en les ménageant ou en les tonifiant en fonction de l’ambiance du moment.
Un bon DJ a effectué un énorme travail en amont pour connaître et organiser sa musique, de façon à pouvoir programmer avec efficacité en direct. Ce travail mérite salaire et il me semble que l’on devrait payer le DJ en fonction de sa réussite. J’ai proposé à certains organisateurs un paiement à l’entrée. Curieusement, cela en gène beaucoup. Pourtant, quand le DJ fait venir deux fois plus de monde que le public habituel, il semblerait logique qu’il soit mieux payé.
Bienvenue dans cette merveilleuse activité qui consiste à faire danser le tango en choisissant des musiques. Je vous conseille très vite d’abandonner les playlists pour vous concentrer sur ce qui se passe dans la salle (y compris autour de la piste).
Vous pouvez en revanche organiser des tandas toutes faites, que vous diffuserez dans l’ordre qui convient à l’ambiance du moment. C’est un premier pas vers l’adaptation. Ainsi, si vous avez besoin d’une tanda plus calme ou plus tonique, vous en aurez quelques-unes toutes prêtes que vous pourrez diffuser en confiance, sachant que vous en ferez pas de grave faute de goût.
Lorsque vous aurez acquis de l’assurance, vous pourrez vous détacher de ces tandas préfabriquées pour en créer de nouvelles en direct. Pour acquérir cette liberté, il vous faut deux choses :
Bien connaître votre musique
Avoir bien organisé sa musique (rien de plus bête que de passer une milonga ou une ranchera au milieu d’une tanda de vals car on a mal étiqueté sa musique…).
Cela ne vous dispensera pas de la pré-écoute, notamment pour les cortinas… En général, j’ai au moins deux musiques en même temps dans les oreilles. La musique de la salle, la musique de la cortina et/ou la tanda que je suis en train de préparer. Il faut éviter de s’isoler de la salle pour toujours avoir conscience de la qualité sonore de la diffusion. Même si j’utilise en général des casques avec réduction de bruit, je n’active cette fonctionnalité que quelques instants, par exemple pour caler le début d’un morceau dont je ne souhaite pas diffuser l’introduction.
Stages montés sur mesure dans le cadre de festivals ou pour des particuliers, dans ma salle de danse ou à domicile.
Les points abordés peuvent faire partie de cette liste ou plus… Une durée de trois heures est idéale pour chaque stage x1 à x3 pour les stages DJ (3 à 9 heures) et x1 à x6 pour les stages danseurs (3 à 18 heures). Les cours peuvent aussi être proposés aux débutants complets, notamment aux futurs danseurs qui souhaitent apprendre le tango argentin de bal rapidement (sans chorégraphie). Possibilité de débuter en bal à partir de 6 à 9 heures de cours. Ils sont aussi destinés aux danseurs avancés qui souhaitent danser plus en musique et explorer les pistes de l’improvisation.
Tarif indicatif, 100 € le module de 3 heures (à répartir entre les participants, soit, par exemple 25 € pour 4 participants). Déplacements en sus – Bon plan:Inclure les stages dans un événement où je suis DJ, tarifs adaptés 😉
Langues du cours Français – Anglais – Espagnol (prévoir traducteurs si plusieurs langues en mode conférence)
Clase para DJ
Clase de musicalidad para bailarines y DJ
Autour d’une table ou dans une salle de conférence. De 1 à 20 participants, illimité en conférence
Rôles du DJ Comment assembler une tanda Critères de dansabilité Savoir lire la piste et la salle Les orchestres du tango à danser Animation de la milonga Gestion de sa musique Utilisation d’un logiciel DJ spécialisé Utilisation d’une table de mixage et de matériels spécifiques aux DJ Technique de la restauration de fichiers Ressources pour DJ Trucs et astuces
Un lieu où on peut danser… De 1 à 4 participants (travail individuel / couple) Le tango est une danse d’improvisation Danser sur la musique ou danser la musique ? Comment interpréter une musique ? Différence entre les différents styles de danse Danser sur différents orchestres Principes et mise en œuvre du guidage portègne Découverte de son style personnel (ne pas danser comme les autres) Cours accessibles aux danseurs débutants Aucune chorégraphie ne sera proposée dans le cadre de mes stages basés sur la pratique Configurations idéales : Femme seule un ou deux couples
Exemple de contenus. Cette liste est très loin d’être exaustive, les contenus sont définis en amont avec les organisateurs et/ou stagiaires.
Clases y talleres para bailarines y DJ
Clases como parte de festivales o especial cabida aduana en mi salón de baile o en vuestro hogar.
Las cuestiones planteadas pueden ser parte de esta lista y más … Una clase de tres horas es ideal para cada curso x1 a x3 cursos DJ (3-9 horas) y X1 a X6 prácticas para bailarines (3-18 horas). Los cursos también pueden ser ofrecidas para los principiantes completos, incluyendo futuros bailarines que desean aprender el baile de tango argentino rápidamente (sin coreografía). Posibilidad de iniciar en milongas después de 6 a 9 horas de clases. Son también para bailarines avanzados que quieren bailar más música y explorar las formas de improvisación.
Precio €100 cada módulo de 3 horas (para 4 participantes, cada €25). además viajes – Consejos: Incluir cursos en un evento en el que las tasas de DJ sean adaptados 😉
Idiomas Curso en francés – Inglés – Español
Cours pour DJ
Cours de musicalité pour danseurs et DJ
Alrededor de una mesa o en el modo de conferencia 1 a 20 participantes. Por conferencias sin limitada
Papeles de lDJ Cómo armar una tanda Criterios por el baile Saber leer la pista de baile y el salón Las orquestas de baile de tango Animación de la milonga Gestión de la música El uso de un software especializado para DJ El uso de un mezclador (mesa) y equipamiento específico para DJ Restauración de la música Recursos para DJ Trucos y astucias
Un lugar donde se puede bailar… de 1 a 4 participantes (Trabajo individual / pareja)
El tango es una danza de improvisación Bailar con la música o bailar la música? ¿Cómo interpretar la música? Diferencia entre diferentes estilos de baile Orquestas de baile Principios y aplicación de las indicaciones del guía porteño Descubrimiento de estilo proprio (No bailar como los demás) Curso accesible para principiantes Se propondrá ninguna coreografía como parte de mis cursos de formación basada en la práctica configuraciones ideales: Mujer sola una o dos parejas
Ejemplo de contenido. Esta lista está lejos de ser exhaustiva, los contenidos se definen previamente con los organizadores y/o los participantes.
Classes and workshops for dancers and DJ
Fitted internships as part of festivals or special in my dance room or at your home.
The points raised can be part of this list and more … A three-hour lesson is ideal for each course x1 to x3 DJ courses (3-9 hours) and x1 to x6 internships for dancers (3-18 hours). Courses may also be offered for complete beginners, including future dancers who wish to learn the Argentine tango dance quickly (without any choreography). Possibility of starting in milongas after 6 to 9 hours of classes. They are also for advanced dancers who want to dance more in music and explore ways of improvisation.
Indicative price 100 € each 3-hours module (for distribution to participants, eg € 25 for 4 participants). not including trips – Tips: Include courses in an event where I am DJ for adapted rates 😉
Course languages French – English – Spanish
Tango DJ lessons
Musicality classes for dancers and DJ
Around a table or in conference mode 1 to 20 participants, unlimited for conferences
DJ’s Roles How to assemble a tanda Criteria for dancing Knowing how to read the dance floor and the room The orchestras of tango Animation of the milonga How to organize the music Using a specialized DJ software Using a mix table and DJ’s specific equipment Restoring files DJ Resources Tips and tricks
A place where you can dance… of 1 to 4 participants (Individual work/couple)
The tango is a dance of improvisation Dance with the music or dance the music? How to interpret music? Difference between different dance styles Dance orchestras Principles and implementation of the porteño guiding Discovery of his own style (Do not dance like the others) Course accessible to beginners No choreography will be proposed as part of my training courses based only on practice Ideal configurations: Alone woman One or two couples
Example of content. This list is far from being exhaustive, the contents are previously defined with the organizers and/or participants.
Existe-t-il une influence des vinyles sur l’ordre des morceaux d’une tanda ?
Byc Bernardo j’ai lu avec intérêt ton article. Concernant l’apport des vinyles, je me suis fait la remarque que certaines tandas « classiques » que l’on entend parfois (du genre où on peut prédire le morceau suivant) semblaient correspondre à l’ordre des morceaux sur un vinyle d’origine. Je me suis donc demandé si certains DJ à l’époque, peut-être par facilité, laissaient les quatre morceaux dans l’ordre du disque (un peu comme pour les cassettes) et que, par habitude auditive, certains DJ actuels reprenaient ce même ordre sans forcément savoir qu’il avait été dicté par.un aspect pratique au début. Qu’en penses-tu ? As-tu pu observer cela ?
Danseur anonyme, car je ne me souviens pas…
Ma réponse…
Excellente question, dont la réponse est facile à donner, c’est non 😉
Les disques des tangos de l’âge d’or étaient des 78 tours qui ne comportaient qu’un morceau par face. Il n’y avait donc pas d’obligation d’enchaîner deux morceaux.
Les publications vinyles étaient réalisées par des éditeurs qui ne cherchaient pas forcément à satisfaire les danseurs. Les morceaux sont dans un ordre quelconque, ou plutôt, ils sont organisés d’un point de vue « esthétique », pas du tout par tanda.
Le concept de disque tanda est même assez récent et quelques orchestres comme la Romantica Milonguera se sont lancés dans cette stratégie. C’est d’ailleurs un problème pour les orchestres contemporains qui n’ont pas leur style propre, ils font un morceau dans le style de d’Arienzo, un dans le style de Di Sarli et ainsi de suite et il est impossible d’en faire une belle tanda. Évidemment, les orchestres monostyles, comme la Juan d’Arienzo, sont plus faciles à utiliser.
Sur l’organisation à l’identique de tandas par différents « DJs », j’attribuerai cela plutôt à l’origine commune des tandas. À Buenos Aires, chaque DJ arrondit ses fins de mois en vendant des Playlists, y compris avec les cortinas toutes faites.
Tu l’auras compris, c’est du tout-venant et rarement de bonne qualité, les DJ conservent jalousement leurs meilleurs atouts.
D’autres récupèrent des playlists sur YouTube ou autres endroits, cela ne relève pas le niveau.
Mais, on peut en dire plus…
Cependant, il y a des logiques.
Les titres d’une tanda ne sont pas mis en œuvre de façon aléatoire. Pour moi, c’est comme une exposition de peinture, il doit y avoir une harmonie d’ensemble. Cela peut se faire en ayant des titres de la même période, mais ce n’est pas totalement sûr, les orchestres pouvant avoir enregistré le même jour une version à écouter et une à danser, ou des titres à la mode qui n’ont rien à voir. Après la pandémie, à Buenos Aires, plusieurs DJ s’étaient mis à mélanger dans les tandas des tangos instrumentaux et des chantés. C’est un peu passé de mode maintenant. Depuis la pandémie, beaucoup de choses ont changé et les organisateurs/DJ, cherchent des formules pour attirer la manne des touristes qui ont un taux de change très avantageux.
Une tanda est un voyage. On propose au début un morceau qui donne envie de se lever, puis on propose une progression. Le couple augmente en compétence et la dernière pièce est donc une apothéose, les danseurs étant parfaitement accordés, il est possible de se « lâcher » (ce qui est étonnant si on considère que l’abrazo est serré). Lorsque l’orchestre est très prolifique, il y a beaucoup de façon d’organiser les thèmes. Quand il a moins enregistré, c’est plus compliqué. Si on respecte l’harmonie des titres et le voyage, il reste peu de choix et donc, la redite est probable.
La cassette, ferait-elle un coupable idéal ?
Maintenant que j’ai donné plusieurs pistes, je vais te donner une raison bien plus probable. En effet, lorsque Philips a sorti la cassette, les DJ se sont jetés dessus. Pour des raisons de solidité, les DJ utilisaient uniquement les C60 qui avaient 30 minutes par face. Elles permettaient donc de caser 2X5 titres sur une face.
Ainsi, sur une cassette D’Arienzo, il y avait 4 tandas possibles (de 5 titres chacune). Cela conduisait à lire les titres dans le même ordre et pire, les tandas dans le même ordre. Car il est impossible de rembobiner les K7 en cours de milonga. On passe donc la première tanda, ensuite la cortina sur une autre cassette (qui elle est rembobinée à chaque passage pour revenir au début de la cortina qui était toujours la même). Ensuite, le DJ choisissait la cassette d’un autre orchestre et quand il voulait revenir à D’Arienzo, il jouait la deuxième tanda de la première face de la disquette.
Pour en savoir plus sur ce thème et la raison du nombre de titres d’une tanda, je t’invite à lire un article que j’ai proposé sur le sujet : https://dj-byc.com/tandas-de-5-4-3-2-ou-1/
Je pourrai rajouter plusieurs explications, du genre, la paresse de certains qui fabriquent des playlists à l’avance et qui ne se donnent pas la peine de composer les tandas en direct. Dans une certaine mesure, ils ont raison, si les organisateurs font appel à eux et dépensent de l’argent pour payer quelqu’un qui pourrait être remplacé par un lecteur de CD… ils auraient tort de se priver. J’ai vu certains de ces DJ passer des playlists qui portaient le nom d’autres événements, ou qui passent toujours les mêmes titres, car ils sont itinérants et que donc personne ne se rend compte qu’ils passent toujours la même chose.
Je pense que si tu as participé à une milonga que j’anime tu as eu un peu plus de mal à deviner ce qui va suivre, car justement, j’essaye de proposer des titres moins connus ou de les enchaîner de façon plus originale pour susciter l’intérêt et la curiosité. Ce sont les danseurs qui me donnent des idées et je tire le fil. Un titre s’impose à moi et selon le moment, je trouve de quoi l’accompagner pour renforcer le thème. Par exemple, hier, plusieurs thèmes me sont passés par la tête, comme les oiseaux (au jardin Massey à Tarbes), le café (pour la buvette du jardin).
Ensuite, le DJ conduit aussi les danseurs. En mettant un titre qui en évoque un autre, il place à l’insu des danseurs, l’idée du titre plus connu et quand celui-ci arrive, c’est comme une délivrance (au sens paysan du terme ; —)
Hommage à un extraordinaire DJ
Mon DJ préféré, Daniel Borelli (Buenos Aires) est un as dans la composition des tandas et dans la succession des tandas. Ma grande fierté est de deviner quel orchestre il va mettre après la tanda qu’il vient de passer. Cela fait près de quinze ans que je le suis, et il arrive toujours à me surprendre dans la composition des tandas, mais plus rarement dans l’enchaînement des tandas 😉
Choisir une chacarera / Elegir una chacarera / To choose a chacarera
Dans la plupart des milongas portègnes, on pratique des danses folkloriques. Depuis une quinzaine d’années, j’essaye de proposer une tanda de folklore dans les milongas que j’anime. La chacarera commence à bien prendre et j’ai même eu le bonheur de voir des zambas dansées en France. Pour aider au développement du phénomène, je vous propose quelques conseils pour choisir des chacareras qui ne vont pas dérouter les danseurs novices.
In most milongas of Buenos Aires, folk dances are performed. For the past fifteen years, I have been trying to offer a tanda of folklore in the milongas that I do. The chacarera is starting to take well and I even had the pleasure to see zambas danced in France. To help develop the phenomenon, I offer some tips for choosing chacareras that will not confuse novice dancers.
En la mayoría de las milongas porteñas hay bailes tradicionales. Durante los últimos quince años, he tratado ofrecer una tanda del folclore en las milongas que asumo. La chacarera está empezando a tomar bien y tuve el placer ver zambas bailado en Francia también. Para ayudar a desarrollar el fenómeno, doy acá algunos consejos para elegir chacareras que no confundirán a los principiantes.
Animer une chacarera / Guiar a una chacarera / How to help for a chacarera
Animer une chacarera
Lorsque les danseurs sont peu familiers avec la chacarera, il est utile de les aider pour que le résultat ne vire pas à la pagaille. Voici quelques conseils.
Annoncer l’intermède de folklore
Il faut laisser le temps aux danseurs de se placer. Le mieux est de lancer une introduction bien marquée qui signifiera aux danseurs que l’on va danser une chacarera. Cette introduction peut être une introduction spécifique ou le début d’une chacarera, pas forcément celle que l’on dansera. Attention à ne pas laisser se dérouler plus que les introductions pour éviter que les danseurs plus avancés commencent. On peut mettre une intro en boucle pour quand les danseurs sont longs à s’organiser.
Penser à annoncer de se munir d’un pañuelo si on a prévu une zamba dans l’intermède de folklore.
Positionner les danseurs
En général, on place les hommes sur une ligne en face d’une ligne de femmes. Il est souvent utile de proposer que les danseurs se positionnent à un endroit précis. Par exemple : « Les hommes du côté des fenêtres ». Les femmes se positionneront en face de leur partenaire.
Si les danseurs sont nombreux, on peut proposer de faire deux ou plusieurs lignes. Mais en général, quand ils sont nombreux, ils savent à peu près s’organiser.
Les danseurs sont dans leurs lignes, face à leurs partenaires. Le DJ peut lancer la musique de la chacarera qui sera dansée.
Annoncer le début « adentro »
Même à Buenos Aires, il est courant d’annoncer le début de la danse par « adentro ». Si vos danseurs ont lu le guide pour choisir les chacareras, ils n’auront pas besoin de cette aide, car ils auront écouté l’introduction. Cependant, beaucoup de musiques de folklore contiennent l’adentro annoncé par l’orchestre.
Cela me semble donc indispensable de l’annoncer, même si l’orchestre le dit, car les danseurs européens ne sont pas tous bien familiers avec cela.
Cela permet un départ plutôt franc et le résultat d’ensemble aura plus de chance d’être harmonieux.
Pour mémoire, voici la chorégraphie. On peut annoncer les différentes phases si les danseurs se décalent et plus particulièrement ce qui est en gras, car c’est le début et l’annonce du final. Cela évite que certains commencent trop tard ou termine trop tard…
Voz preventiva: Adentro 1º Figura : Avance y retroceso 4 compases 2º Figura : Giro – 4 Compases 3º Figura : Vuelta entera — 6 u 8 compases 4º Figura : Zapateo y zarandeo – 8 compases 5º Figura : Vuelta entera — 6 u 8 compases 6º Figura : Zapateo y Zarandeo – 8 compases Voz preventiva: Aura 7º Figura : Media vuelta – 4 compases 8º Figura : Giro y coronación 4 compases
Pour la seconde partie, on peut en général se contenter de adentro et aura.
Et après la première chacarera
Si tout s’est bien passé et qu’il y a une bonne partie des danseurs sur la piste, on fait en général une seconde chacarera.
Pas de consigne particulière. On peut encourager le frappé des mains en annonçant palmas. Pour ma part, je marque le rythme avec des claquements de langue au microphone.
Il me semble moins utile de le faire pour la première chacarera, car les danseurs se mettent en place et on peut avoir des consignes à donner. Cela peut aussi gêner pour l’écoute du nombre de compases (6 ou 8).
Pour la seconde, cela me semble utile, car ça permet d’entretenir l’ambiance et d’éviter que les danseurs retournent à leur place. On peut aussi en profiter pour encourager les timides qui n’ont pas dansé la première chacarera à rejoindre la piste.
En général, on propose toujours une chacarera à 8 compases pour la première et si on décide de proposer une chacarera à 6 compases pour la seconde, c’est que le niveau est satisfaisant, mais il faudra veiller à ce que les danseurs ne se laissent pas surprendre en terminant trop tard leurs vueltas.
Si on a la chance d’être dans un lieu où les danseurs pratiquent aussi la zamba, on terminera l’intermède de folklore par une zamba. Le fait d’avoir annoncé de prendre le pañuelo à l’avance permet de savoir si la proposition d’une zamba est pertinente.
Si personne ne danse la zamba, cela fera une belle cortina…
En général, je laisse la zamba même s’il n’y a qu’un ou deux couples. Cela fait un peu démo, mais c’est une façon d’encourager le développement de cette danse magnifique.
Michèle et Christophe, deux danseurs ayant dansé magnifiquement une zamba dans une milonga que j’animais. Sûr qu’ils ont créé des vocations car depuis, je passe un peu plus de zambas…
DJ BYC (Bernardo) a une solide formation musicale et depuis l’enfance, une passion pour la musique argentine, contemporaine et folklorique. Il était donc logique qu’il devienne danseur de tango et DJ spécialisé dans cette merveilleuse musique.
Depuis une vingtaine d’années, il anime des milongas, des festivals et des encuentros milongueros en Europe et à Buenos Aires. Voir son agenda…
Il a développé un style totalement voué au plaisir des danseurs dans l’esprit portègne, celui de Buenos Aires, avec sa touche personnelle, un brin de fantaisie.
Toutes ses tandas sont assemblées en direct à partir d’une sélection de 6000 tangos restaurés par ses soins. Aucune playlist…
Son autre passion est l’image, il travaille dans l’audiovisuel depuis 1979 et a combiné cette passion avec le tango en étant aussi VJ (Video-jockey) et photographe.
Ses animations vidéo sont en relation avec l’ambiance du bal, que ce soit pour des milongas traditionnelles ou des événements alternatifs. Pour en savoir plus…
Ses photos sont des remerciements au plaisir que lui donnent les danseurs qui évoluent sur sa musique. Pour voir quelques exemples…
Sa devise : « El tango es un pensamiento feliz que se baila ». (Le tango est une pensée joyeuse qui se danse).
DJ BYC (Bernardo) tiene una sólida formación musical y desde la infancia, la pasión por la música argentina, contemporánea y folklorica. Era lógico, pues, que se convierte en bailarín de tango y DJ especializado en esta maravillosa música.
Por veinte años, que hace DJing en milongas, festivales y encuentros milongueros en Europa y Buenos Aires. Ver las fechas…
Desarrolló un estilo totalmente dedicado al placer de los bailarines en el espíritu porteño, con un toque personal, un toque de fantasía.
Todas sus tandas se armen en vivo entre una selección de tangos 6000 restaurados por él. No hay lista de reproducción, ninguna…
Su otra pasión es la imagen que él trabajó en el audiovisual desde 1979 y combina esta pasión con el tango, como VJ (video jockey) y fotógrafo.
Sus animaciones de vídeo están relacionadas con el estado de ánimo del baile, ya sea para milongas tradicionales o eventos alternativos. Para saber más…
Sus fotos son para dar gracias los bailarines del placer a ver los evolucionar sobre su música. Para ver algunos ejemplos…
Su lema: “El tango es un pensamiento feliz que se baila”.
También hago formaciones de bailarines y DJ (musicalidad).
DJ BYC (Bernardo) has a solid musical background and since childhood, the passion for Argentine’s music, contemporary and folk. It was logical, then, that he became a tango dancer and DJ specialized in this wonderful music.
For twenty years, he makes DJing in milongas, festivals and encuentros milongueros in Europe and Buenos Aires. See the dates…
He developed a personal style totally dedicated to the pleasure of the dancers in the Buenos-Aires spirit, with a personal touch, a touch of humor.
All his tandas are realized live among a selection of 6000 tangos restored by him. No playlist…
His other passion is the image. He has worked in audiovisual since 1979 and combines this passion with tango, as VJ (video jockey) and photographer.
His video animations are related to the mood of the dance, whether for traditional milongas or alternative events. To know more…
His photos are to thank the dancers for the pleasure of watching them evolving over his music. To see some examples…
His motto: “The tango is a happy thought that is danced.”
I also make formations of dancers and DJ (musicality).
Dans une milonga traditionnelle, les musiques sont regroupées par plages du même type et interprétées par le même orchestre et les mêmes chanteurs à la même période.
Ces plages regroupant de trois ou quatre compositions s’appellent des tandas.
Une tanda est un petit voyage que l’on va faire avec le même partenaire. Il importe donc que le DJ la construise avec logique. Les morceaux doivent bien aller ensemble et être placés dans un ordre cohérent, comme des tableaux dans une exposition. Rien n’est plus désagréable d’inviter sur une musique qui plaît et de devoir se forcer sur la musique suivante, ou inversement, avoir envie de danser sur le second ou troisième titre lorsque la piste ne permet plus la mirada facile…
Les cortinas
Pour séparer deux tandas, il y a une cortina. C’est une courte composition musicale, de quelques dizaines de secondes permettant aux danseurs d’aller s’asseoir et de se préparer à l’invitation suivante.
Une bonne cortina n’est pas « dansable » et doit permettre de rester dans l’ambiance ou de préparer à ce qui va suivre.
Dans certaines milongas modernes, les cortinas sont supprimées ou remplacées par des silences. Les couples ont alors la responsabilité de se séparer après trois ou autre danses.
L’intérêt principal des cortinas est de pouvoir vider la piste, ce qui facilite la mirada (invitation au regard). Si des danseurs indélicats restent sur la piste, ils empêchent les autres d’inviter et sont donc mal vus (car trop vus…). Si vous souhaitez redanser avec la même danseuse, sortez de la piste et retournez-y quand la musique reprend. Cela vous évitera aussi de vous retrouver tout bête si la musique de la nouvelle tanda ne vous convient pas…
Les milongas traditionnelles comportent tandas et cortinas. En général, deux tandas de tango (TTTT), puis une de milonga (MMM) ou de valse (VVVV ou VVV). Cette organisation peut varier d’un DJ à un autre, suivant les événements ou le moment de la soirée, mais une milonga traditionnelle est généralement de la forme suivante :
TTTT
cortina
TTTT
cortina
VVVV
cortina
TTTT
cortina
TTTT
cortina
MMM
Quelques intermèdes de folklore argentin, de rock ou de tropical ponctuent généralement la milonga portègne.
Aujourd’hui se pose de plus en plus souvent la question du nombre de titres dans une tanda. Pour ma part, sans consigne particulière, je propose 4 tangos, 4 valses et 3 milongas, mais de plus en plus souvent (même à Buenos Aires), cela devient 3 tangos, 3 valses et 3 milongas. Je sépare les tandas par une cortina et de temps à autre, je propose un intermède de Folklore (chacarera et parfois zamba), Tropical (cumbia, cuarteto, salsa…) ou Rock, voire autre chose en fonction du lieu. Dans certaines régions, on milite pour la tanda de trois tangos, dans le but espéré de faire plus souvent tourner et ainsi limiter le temps d’attente, généralement des femmes, pour ceux qui ne dansent pas, faute d’un équilibre du nombre de partenaires. La notion de tanda est cependant une notion assez récente.
Le temps des orchestres, tandas de 2 et de 1
À l’âge d’or du tango, celui où on pouvait danser tous les soirs sur un orchestre, les choses étaient bien différentes. En fait, elles étaient absolument identiques à ce que l’on trouve dans nos actuels bals musette en France. L’orchestre jouait deux tangos, puis le même orchestre ou un second orchestre jouait un autre air, du jazz, ou un foxtrot, par exemple.
Ensuite, ils jouaient une valse, suivie d’un nouveau morceau Jazz, puis à nouveau deux tangas, du jazz, et enfin une milonga et on recommençait.
Mais alors, me direz-vous, les danseurs se séparaient à chaque morceau, par exemple après la valse s’ils ne souhaitaient par faire le jazz ?
Ben oui, mais la différence est que les sièges n’étaient pas encore la règle dans les lieux de danse. Les danseurs rejoignaient le milieu de la piste et se dirigaient ensuite vers les femmes situées au bord de la piste.
Cette stratégie pourrait être intéressante pour les événements double-rôle. Les guideurs au milieu, les suiveurs autour…
Je vous propose ici un extrait de l’entrevue de Toto Faraldo interrogé par Pepa Palazon. https://www.youtube.com/watch?v=HDwAVXI0zWs Je vous engage à voir en entier cette entrevue, car elle est passionnante, comme toutes celles de la série. Ici, j’ai isolé la partie qui concernait l’origine des tandas et apporté une traduction en français. Vous trouverez en fin de cet extrait, un aspect intéressant et peu connu sur le tango, mais qui vous aidera à comprendre l’importance de la calecita que l’on retrouve dans plusieurs tangos.
L’apparition des tables et des enregistrements sur cassettes, tandas de 5 et cortina
Philips, en inventant la cassette musicale a modifié les comportements dans les bals. Chaque face de cassette, à l’époque de 60 minutes pouvait comporter 10 titres. Donc, entre la face A et la face B, une cassette comportait 20 titres.
L’animateur découpait donc sa programmation en 5 morceaux de la première face, une cortina sur une autre cassette. Ah, je vous vois venir, pourquoi la cortina ?
C’est que sont apparues aussi les tables. Il fallait donc prévoir le temps nécessaire pour que les couples se défassent, se reposent (après 5 tangos) et se recomposent.
Pourquoi une deuxième cassette ? Ben, le temps pour effectuer toutes ces opérations pouvant être très variables d’un jour à l’autre ou d’une salle à l’autre, il est plus simple d’avoir une cassette avec la cortina et de la rembobiner pour repositionner la cortina à son début. Certains le faisaient avec un crayon car c’était plus précis qu’avec le lecteur de cassette car il suffisait de trouver le repère, généralement l’amorce. À mes débuts, je coupais les amorces pour que le rembobinage soit plus simple… Il me suffisait de rembobiner et j’étais au début. Mais j’avais un double-cassettes. Sans cela, j’aurais procédé comme Felix Picherna, au crayon…
De cette période reste aussi la mode de la cortina unique pour toute la soirée. C’est la même cassette qui servait et était rembobinée.
Les tables et le service à icelles a aussi favorisé le développement des cortinas pour permettre aux serveurs de rejoindre les tables avec moins de risque d’accident…
L’apparition du CD, Tandas de 4 et cortinas
Je n’ai pas évoqué l’utilisation du disque noir, car elle n’a pas apporté de grandes innovations sur ce point. En permettant l’accès direct à chaque titre, elle permettait en principe de créer les tandas en direct, mais cela n’a pas d’influence sur le nombre de titres. On retrouve cette facilité sans la difficulté d’accéder à une plage précise avec les CD (il fallait bien viser pour positionner la tête de lecture pile au bon endroit du sillon et ne pas se tromper de plage, non plus…).
De cette époque, on retrouve la normalisation des tandas comme aujourd’hui dans les milongas traditionnelles avec 4T, 4T, 4V, 4T, 4T et 3M (T=Tango, V=Valse, M=Milonga).
Je n’ai pas encore d’explication pour ce passage de cinq à quatre, si ce n’est, peut-être déjà l’idée de réduire l’attente en cas de déséquilibre entre partenaires. Il y avait aussi, sans doute le fait que beaucoup de danseurs n’invitaient que sur le second titre…
La démocratisation du graveur de CD a fait apparaître un nouveau phénomène, la « Playlist ». Le CD est alors tout bonnement lu en continu.
L’apparition de l’ordinateur portable
Dans les années 90, l’ordinateur et l’apparition des disques durs ont favorisé son utilisation en musique.
Pour ma part, je suis passé par le stade intermédiaire du Minidisk qui permettait de conserver une qualité CD, sans se ruiner. C’est l’époque où j’ai numérisé beaucoup de disques de pâte (Shellac et Vinyles) grâce à ma regrettée platine Thorens TD 124…
L’ordinateur a offert une grande facilité pour proposer des tandas construites à la volée. En fait, c’est l’ordinateur portable qui permettait cela, difficile de se trimbaler avec les tours et surtout les écrans cathodiques de l’époque.
Cet outil est donc merveilleux pour le DJ et dès que j’ai pu avoir un ordinateur portable, je l’ai adopté.
J’utilisais Winamp à l’époque, ce que de très nombreux DJs continuent à faire, mais c’est une autre histoire.
L’ère de l’ordinateur, encore plus que celle du graveur de CD a fait la part belle aux Playlists. Et je ne parle pas des mp3… Tiens, à ce sujet, j’ai eu aussi un épisode mp3, avec deux petits iPods nano et classic (avec affichage) qui me permettaient de choisir une tanda pendant que l’autre défilait. C’était pour ma milonga en plein air.
Donc, aujourd’hui, l’ordinateur domine le domaine. C’est très bien, car c’est l’outil qui permet la plus grande souplesse pour l’organisation en direct de la musique. Il sert aussi beaucoup pour les « DJs » à Playlists, qui font leur courrier, échangent sur Facebook ou tout autre activité pour ne pas s’ennuyer (et pour que les danseurs les croient absorbés dans la création…). C’est une raison supplémentaire pour ne pas encourager ce type de DJs (je ne parle pas des bénévoles qui officient dans les associations et qui ont le mérite de se dévouer pour le plaisir des autres). Ces playlisteurs n’ont aucune raison d’être attentifs au bal, puisque de toute façon, ils ne pourront pas changer son déroulement. Un véritable DJ, à mon sens est l’animateur de la soirée, rebondissant sur l’actualité de la salle, pour offrir le plus souvent possible le bon titre au bon moment.
Et mes tandas dans tout cela ?
Ah, oui. Les tandas. Ben, avec l’ordinateur, on peut faire ce que l’on veut. Passer la musique en mode aléatoire. C’est l’ordinateur qui « choisit » la musique à suivre. Diffuser une playlist, ou, s’en servir pour rechercher rapidement le bon titre à diffuser.
J’espère que vous aurez deviné quelle stratégie est la mienne.
Je construis donc à la volée, des tandas de quatre, ou trois selon les circonstances.
Je ne sais pas ce que deviendront les tandas dans le futur. Ici, à Buenos Aires, les tandas sont de quatre, y compris pour les valses (trois pour les milongas) dans les milongas traditionnelles. C’est le modèle auquel je m’accroche et que j’essaye de faire partager, car je le trouve bien adapté au fonctionnement actuel avec tables, chaises et mirada. Le voyage sur quatre titres est aussi idéal avec la danseuse. Trois donne un impression de frustration (et parfois, avouons-le de soulagement, mais dans ce cas, il fallait mieux inviter…).
Peut-être qu’ailleurs, la réduction du nombre de titres va se généraliser (dans certaines milongas à Buenos Aires, il existe des tandas de trois valses). D’ailleurs, je vais respecter cela lors de ma prochaine musicalisation à Gricel…
En descendant le nombre de titres par tanda, on risque de retrouver le fonctionnement des milongas de l’âge d’or, à la limite pourquoi pas. C’est peut-être à essayer dans les milongas où il n’y a pas de sièges…
Par contre, les hommes au milieu qui vont chercher les femmes, pas sûr que ce soit apprécié.
À suivre…
Merci à Dany Borelli, DJ à Los Consagrados, Nueveo Chique, Milonga de Buenos Aires et autres, d’avoir échangé sur ce sujet, ce qui me permet de confirmer certaines idées qui peuvent paraître surprenantes aux néophytes.
Il y a plusieurs explications à l’origine de l’utilisation des cortinas. L’une d’entre-elle était le changement d’orchestre qui donnait lieu à la fermeture du rideau de scène (Telon ou Cortina) pour que les orchestres s’installent plus discrètement. Une autre vient de la nécessité de donner du temps au DJ pour préparer la tanda suivante à l’époque où les DJ utilisaient des cassettes. Mais la cortina fait désormais partie intégrante de la milonga, même s’il n’y a plus les contingences techniques du début. Nous allons voir pourquoi.
Les cortinas sont des coupures dans un bal tango
Elles servent à marquer les changements de style de musique (changement d’orchestre, de style de danse…). En effet, le tango est organisé par tandas, groupe de trois ou quatre compositions semblables qui permettent à un couple de danseurs d’aller plus loin dans l’expérience. La première danse pour s’apprivoiser, les suivantes pour danser de mieux en mieux, en parfaite harmonie.
Quelle musique pour les cortinas ?
Généralement, une cortina ne se danse pas. Il faut donc éviter de mettre des danses, comme du rock, car certains danseurs risquent de la danser et par conséquent, ils ne libéreront pas la piste. Il y a deux pratiques, celle qui consiste à mettre des cortinas différentes, éventuellement sur un thème tout au long de la soirée et une autre qui consiste à mettre tout le temps la même cortina dans la soirée. Certains DJ utilisent même la même cortina pour toutes leurs milongas. Toutefois, la mode fait que maintenant, on privilégie les milongas variées. Cela permet d’avoir plus d’action sur l’ambiance de la milonga et de tester la disponibilité des danseurs aux différents intermèdes.
Pourquoi des cortinas ?
Pour moi, la cortina est d’abord associée à la mirada. Il faut que la piste soit dégagée pour que les invitations au regard puissent se faire. De cela découle un autre point, il faut des sièges pour les danseurs pour éviter qu’ils encombrent la piste.
Si ces conditions idéales ne sont pas réunies, on peut effectivement se poser la question de la cortina. Voici quelques réflexions qui la justifient.
La tanda est une coupure dans le flux de la danse.
Elle permet de se rééquilibrer des émotions de la tanda précédente et de se préparer à la suite.
Elle permet une discussion plus libre et une socialisation, très importante pour les Argentins et qui peut se traduire par des échanges vocaux parfois soutenus…
Les danseurs débutants et ceux qui n’écoutent pas la musique ne se rendent pas toujours compte du changement de style de la musique et donc de la fin d’une tanda. Le problème est qu’alors la danseuse abandonnée au milieu d’une tanda se retrouve décalée par rapport aux autres danseurs qui ne seront disponibles qu’à la fin de la tanda. Certains DJ rendent les choses encore plus difficiles en mélangeant dans une tanda des styles qui ne vont pas ensemble…
Cette interrogation sur les cortinas est assez typique des danseurs qui manquent un peu d’expérience. Lorsque l’on a goûté à l’ambiance des belles milongas traditionnelles, il est difficile de revenir en arrière et de trouver du plaisir dans des milongas décousues, où les musiques s’enchaînent sans ordre et sans pause. Chaque tanda est un petit voyage avec la danseuse. Si on prend la tanda en cours, ce voyage sera réduit, mais il aura une logique. Si on reste à cheval sur deux tandas, on risque de se trouver dans une situation où l’on n’a pas envie de danser la seconde tanda avec cette danseuse.
L’élégance veut que l’on n’invite pas une danseuse sur les derniers morceaux d’une tanda pour ne pas donner l’impression que l’on fait un « test ». Pourtant, cela se pratique régulièrement et une danseuse peu invitée préférera sans doute deux danses à rien… Et puis, si la tanda suivante vous plaît à tous les deux, vous pouvez toujours vous réinviter du regard, cette fois-ci pour une tanda complète.
Je vois cependant deux occasions où la cortina peut être une gêne, au tout début de la soirée, lorsque le bal n’a pas vraiment démarré, il m’arrive de ne pas mettre de cortina pour faire lever plus rapidement les gens. L’autre cas est la milonga « boîte de nuit » (souvent utilisé pour les milongas alternatives), où on recherche plus la transe que le voyage avec une danseuse. Dans ce cas, on garde les danseurs sur la piste, le but étant de ne jamais les lâcher.
Une dernière remarque, lorsqu’il n’y a pas de cortina, les danseurs tendent à garder leurs danseuses plus longtemps, de crainte de ne pas pouvoir en inviter une autre. En effet, comme tout le monde est sur la piste, lorsque l’on arrête, on risque de se retrouver sans possibilité d’inviter. Lorsqu’il y a beaucoup de danseuses qui attendent, il m’arrive de faire des tandas de trois pour permettre une rotation plus rapide. Sans cortina, les danseurs feraient six danses au lieu de trois ou quatre.