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Cómo se pianta la vida 1940-08-20 – Orquesta Enrique Rodríguez con Armando Moreno

Carlos Viván (Miguel Rice Treacy), paroles et musique

Carlos Viván, l’auteur et le compositeur de ce tango fut un bon vivant et ce tango touche de très près sa vie qui fut clairement parmi les plus instables possibles. Le seul point étonnant est qu’il l’a écrit à 26 ans et pas, comme on peut le supposer, à la fin de sa vie tourmentée… L’abondance des versions à l’âge d’or et par la suite, prouve que ce sujet touchait la sensibilité des Argentins ; et la vôtre ?

Extrait musical

1940-08-20 -Orquesta con Armando Moreno
Partitions de Cómo se pianta la vida de Carlos Viván (paroles et musique)

Paroles

Berretines locos
De muchacho rana
Me arrastraron ciegos
En mi juventud
En milongas, timbas
Y en otras macanas
Donde fui palmando
Toda mi salud

Mi copa bohemia
De rubia champagne
Brindando amoríos
Borracho la alze
Mi vida fue un barco
Cargado de hazañas
Que juntó a las playas
Del mar lo encalle

Cómo se pianta la vida
Cómo rezongan los años
Cuando fieros
Nos van abriendo una herida
Es triste la primavera
Si se vive desteñida

Cómo se pianta la vida
De muchacho calavera

Los veinte abriles cantaron un día
la milonga triste de mi berretín
y en la contradanza de esa algarabía
al trompo de mi alma le faltó piolín.
Hoy estoy pagando aquellas ranadas
Final de los vivos
Que siempre se da
Me encuentro sin chance
En esta jugada
La muerte sin grupo
Ya ha entrado a tallar

Cómo se pianta la vida
De muchacho calavera
Carlos Viván — 1929 — Paroles et musique

Traduction libre

Les folles lubies d’un gars débrouillard m’ont entraîné à l’aveuglette dans ma jeunesse, dans les milongas (Carlos Viván était un grand danseur de tango), les timbas (salle de jeu) et autres clubs où j’ai ruiné toute ma santé.
Mon verre bohème de champagne blond, trinquant aux amours, ivre, je l’ai levé (Carlos Viván était plutôt amateur de Whisky, sans doute à cause de ses origines irlandaises).
Ma vie a été un navire plein d’exploits, qui rejoignit les plages marines et s’échoua.
Comme la vie se perd (piantar, c’est en lunfardo, s’enfuir), comme les années grognent quand de féroces déceptions nous ouvrent une blessure.
Le printemps est triste s’il se vit déteint.
Comment se perd la vie d’un gars débauché.
Les vingt avrils (même si « Avril » en Argentine tombe en automne, c’est l’équivalent de l’expression « Printemps » pour marquer les années. Dans le vers précédent, il parlait d’ailleurs de printemps) ont chanté un jour la milonga triste de ma lubie et dans la contredanse de ce brouhaha, Il me manquait au plus profond de mon âme une innocence (piolín, verlan de limpio, propre, personne sans casier judiciaire…).
Aujourd’hui, je paie pour ces méfaits.
Le final des canailles arrive toujours.
Je me retrouve sans chance dans ce jeu dangereux.
La mort sans mentir est déjà entrée pour tailler.
Comme se perd la vie, d’un garçon débauché.

Autres versions

Voici une petite sélection de versions illustrant le succès du thème pendant plus de 50 ans.

Cómo se pianta la vida 1930-03-18 – Azucena Maizani con conjunto
Cómo se pianta la vida 1930-03-21 – con guitarras
Cómo se pianta la vida 1930-03-27 – Orquesta Luis Petrucelli con Roberto Díaz
Cómo se pianta la vida 1930-04-02 – Orquesta Pedro Maffia con Carlos Viván.

Carlos Viván chante sa composition. Il a 27 ans au moment de l’enregistrement.

Cómo se pianta la vida 1930 – acomp. de Orquesta Castellano.

Roberto Maida avant Francisco Canaro

Cómo se pianta la vida 1930 – Tania acomp. de Orquesta Alberto Castellano.

Tania avec le même orchestre que Roberto Maida.

Cómo se pianta la vida 1932 – Orquesta Típica Auguste-Jean Pesenti du Coliseum de .

En France aussi, la vie des tangueros est un peu dissolue…

Cómo se pianta la vida 1940-08-20 – Orquesta Enrique Rodríguez con Armando Moreno. C’est notre .
Cómo se pianta la vida 1942-09-15 – Orquesta Ricardo Tanturi con Alberto Castillo.
Cómo se pianta la vida 1950-12-26 – Orquesta Edgardo Donato con .
Cómo se pianta la vida 1959c – con guitarras y bandoneon
Cómo se pianta la vida 1963-04-30 – Orquesta Aníbal Troilo con Roberto Goyeneche arr. de Julián Plaza.

On notera le début impressionnant proposé par Troilo et Plaza qui offre un tremplin pour Goyeneche pour lancer le titre d’une façon particulièrement expressive. Une version que je trouve convaincante et touchante. Pas de danse possible, mais un régal à écouter.

Cómo se pianta la vida 1981-07-08 – Orquesta Osvaldo Pugliese con Abel Córdoba.

C’est la plus originale et travaillée, un cran au-dessus de celle de Troilo, mais il faut être vraiment fan de Córdoba pour être enchanté par cette version. Je préfère les versions de danse ou celle de Troilo avec Goyeneche, mais la beauté du tango est qu’on a le choix et chacun pourra trouver son bonheur dans la très grande variété de ces enregistrements.

Cornetín 1943-03-05 Orquesta Carlos Di Sarli con Roberto Rufino

Pedro Maffia Letra : Homero Manzi ; Cátulo Castillo

Le tango du jour, Cornetín, évoque le cornet autrefois utilisé par les « conductors» del tranvía a motor de sangre (les chargés de clientèle des tramways à moteur de sang, c’est-à-dire à traction animale). Il a été enregistré il y a exactement 81 ans.

Éléments d’histoire du tranvía, le tramway de Buenos Aires)

Les premiers tramways étaient donc à traction animale. Vous aurez noté que les Argentins disent à moteur de sang pour ce qui est traction humaine et animale. Cela peut paraître étrange, mais quand on pense au prix que payaient les chevaux qui tiraient les tranvías de Buenos Aires, l’expression est assez parlante.

Tranvías a motor de sangre en la Boca (Puente Puyrredon)

En effet, à Buenos Aires, les chevaux étaient durement exploités et avaient une durée d’utilisation d’environ deux ans avant d’être hors d’usage contre une dizaine d’années en Europe, région où le cheval coûtait cher et était donc un peu plus préservé.
Nous avons déjà vu les calesitas qui étaient animées par un cheval, jusqu’à ce que ce soit interdit, tout comme, il n’y a que très peu d’années, les cartoneros de Buenos Aires n’aient plus le droit d’utiliser des chevaux. L’ironie de l’histoire est que l’arrêt de l’utilisation des chevaux a été édicté pour éviter la cruauté envers les animaux, mais maintenant, ce sont des hommes qui tirent les charrettes de ce qu’ils ont récupéré dans les poubelles.
Dans la Province de Buenos Aires, le passage de la traction animale à la traction électrique s’est fait autour de 1915, sauf pour quelques compagnies résistantes à ce changement et qui ont continué jusqu’à la fin des années 20.
Il faut aussi noter que la réticence des passagers à la traction électrique, avec la peur d’être électrocuté, est aussi allée dans ce sens. Il faut dire que les étincelles et le tintement des roues de métal sur les rails pouvaient paraître inquiétants. Je me souviens que quand j’étais gamin, j’aimais regarder le conducteur du métro, fasciné par les nuées d’étincelles qui explosaient dans son habitacle. Je me souviens également d’un conducteur qui donnait des coups avec une batte en bois sur je ne sais quel équipement électrique, situé à la gauche de la cabine. C’était le temps des voitures de métro en bois, elles avaient leur charme.

Retour au cornetín

Celui qui tenait le cornetín, c’est le conductor. Attention, il n’est pas celui qui mène l’attelage ou qui conduit les tramways électriques, c’est celui qui s’occupe des passagers. Le nom peut effectivement porter à confusion. Le conducteur, c’est le mayoral que l’on retrouve également, héros de différents tangos que je présenterai en fin d’article.
Le cornetín servait à la communication entre le mayoral (à l’avant) et le conductor à l’arrière). Le premier avait une cloche pour indiquer qu’il allait donner le départ et le second un cornet qui servait à avertir le conducteur qu’il devait s’arrêter à la suite d’un problème de passager. Le conducteur abusait parfois de son instrument pour présenter ses hommages à de jolies passantes.
C’est l’histoire de ce tango.

Extrait musical

Cornetín 1943-03-05 — Orquesta Carlos Di Sarli con Roberto Rufino

Les paroles

Tarí, Tarí.
Lo apelan Roque Barullo
conductor del Nacional.

Con su tramway, sin cuarta ni cinchón,
sabe cruzar el barrancón de Cuyo (al sur).
El cornetín, colgado de un piolín,
y en el ojal un medallón de yuyo.

Tarí, tarí.
y el cuerno listo al arrullo
si hay percal en un zaguán.

Calá, que linda está la moza,
calá, barriendo la vereda,
Mirá, mirá que bien le queda,
mirá, la pollerita rosa.
Frená, que va a subir la vieja,
frená porque se queja,
si está en movimiento.
Calá, calá que sopla el viento,
calá, calá calamidad.

Tarí, tarí,
trota la yunta,
palomas chapaleando en el barrial.

Talán, tilín,
resuena el campanín
del mayoral
picando en son de broma
y el conductor
castiga sin parar
para pasar
sin papelón la loma
Tarí, tarí,
que a lo mejor se le asoma,
cualquier moza de un portal

Qué linda esta la moza,
barriendo la vereda,
mirá que bien le queda,
la pollerita rosa.
Frená, que va a subir la vieja,
Frená porque se queja
si está en movimiento,
calá, calá que sopla el viento,
calá, calá calamidad.

Tarí, Tarí.
Conduce Roque Barullo
de la línea Nacional.

Pedro Maffia Letra : Homero Manzi ; Cátulo Castillo

Parmi les détails amusants :

On notera le nom du conducteur du tranvía, Barullo, qui en lunfardo veut dire bagarreur. Encore un tango qui fait le portrait d’un compadrito d’opérette. Celui-ci fait ralentir le tranvía pour faciliter la montée d’une ancienne ou d’une belle ou tout simplement admirer une serveuse sur le trottoir.

Le Tarí, Tarí, ou Tará, Tarí est bien sur le son du cornetín.

“sabe cruzar el barrancón de Cuyo” – El barrancón de Cuyo est un ravin, comme si le tranvía allait s’y risquer. Cela a du paraitre extravagant, car dans certaines versions, c’est tout simplement remplacé par el sur (dans le même sens que le Sur de la chanson de ce nom qui est d’ailleurs écrite par le même Homero Manzi. D’ailleurs la ligne nacionale pouvait s’adresser à celle de Lacroze qui allait effectivement dans le sud.

Tangos sur le tranvía

Cornetín (le thème du jour de Pedro Maffia Letra : Homero Manzi; Cátulo Castillo)

El cornetín (Cornetín) 1942-12-29 — Orquesta con Carlos Roldán. C’est le premier de la série à être enregistré.

Cornetín 1943-03-05 — Orquesta Carlos Di Sarli con Roberto Rufino. C’est le tango du jour.

Cornetín 1943-04-05 — Libertad Lamarque con orquesta dirigida por Mario Maurano.

Cornetín 1943-04-05 — Libertad Lamarque con orquesta dirigida por Mario Maurano.

Cette chanson a été enregistrée un mois, jour pour jour, après la version de Di Sarli. Cette version, plutôt chanson est tout de même dansée dans le film Eclipse de sol de Luis Saslavsky d’après un scénario d’Homero Manzi tiré de l’œuvre d’Enrique García Velloso. Le film est sorti le 1er juillet 1943.
Cet extrait nous permet de voir comment était organisé un tranvía a motor de sangre, avec son mayoral à l’avant, conduisant les chevaux et son conductor, à l’arrière, armé de son cornetín.

Cornetín 1950-07-28 Nelly Omar con el conjunto de guitarras de Roberto Grela.

Après une courte intro sur un rythme à trois temps, Nelly Omar chante sur un rythme d’habanera. Le résultat est très sympa, l’équilibre entre la voix de Nelly et la guitare de Roberto Grela et ses fioritures est agréable.

  • Je vous dispense de la version de De Angelis de 1976…

Autres titres parlant du tranvía

1908 Los Gobbi (Alfredo Gobbi y Flora Gobbi) – Ángel Gregorio Villoldo (MyL).

Le son est pénible à écouter, c’est un des tout premiers enregistrements et c’est plus un dialogue qu’une chanson. C’est pour l’intérêt historique, je ne vous en voudrai par si vous ne l’écoutez pas en entier.

El cornetín del tranvía 1938-06-09 – Orquesta Francisco Lomuto con Jorge Omar / Letra : Armando Tagini. Une belle version de ce titre.
El mayoral 1946-04-24 ( ) — Orquesta Domingo Federico con Oscar Larroca.mp 3/ Letra: Joaquín Gómez Bas.

Au début, les annonces du départ et le adios final, vraiment théâtral. Sans doute pas le meilleur de Larocca.

El mayoral del tranvía (milonga) 1946-04-26 con Julio Martel / ; Carlos Mayel (MyL)
Milonga del mayoral 1953 – Orquesta Aníbal Troilo con Jorge Casal y Raúl Berón arrangements d’Astor Piazzolla/Aníbal Troilo Letra: Cátulo Castillo

Un tango qui est plus une nostalgie de l’époque des tranvías

En effet, les tranvías ont terminé leur carrière à Buenos Aires en 1962, soit environ un siècle après le début de l’aventure.

Tiempo de tranvías 1981-07-01 Orquesta Osvaldo Pugliese con / Raúl Miguel Garello Letra : Héctor Negro.

Un truc qui peut plaire à certains, mais qui n’a aucune chance de passer dans une de mes milongas. L’intro de 20 secondes, sifflée, est assez originale. On croirait du Morricone, mais dans le cas présent, c’est un tranvía, pas un train qui passe.

Tiempo de tranvías 2012 — accompagnement musical Quinteto Néstor Vaz / Raúl Miguel Garello Letra : Héctor Negro.

Petits plus

« Los cocheros y mayorales ebrios, en servicio, serán castigados con una multa de cinco pesos moneda nacional, que se hará efectiva por medio de la empresa ». Les cochers et conducteurs (plus tard, on dira les

On appelle souvent les colectivos de Buenos Aires « Bondis ». Ce nom vient du nom brésilien des tramways, « Bonde ». Sans doute une autre preuve de la nostalgie du tranvía perdu.

Quelques sources

Quelques sources

Tranvías a motor de sangre en la Boca (Puente Puyrredon)
Un des premiers tramways électriques à avoir une grille pour sauver les piétons qui seraient percutés par le tramway. Cette grille pouvait se relever à l’aide d’une chaîne dont l’extrémité est dans la cabine de conduite.
Motorman levant la rejilla 1948 (Document Archives générales de la nation Argentine)

5 Coches del Tranvía eléctrico de la calle Las Heras, doble pisos.

Coches del Tranvía eléctrico de la calle Las Heras, doble pisos.
Reconstitution du tranvía du film « Eclipse de sol », car il n’apparait pas en entier dans le film, car la scène est trop petite.
À l’époque de notre tango (ici en 1938, donc 3 ans avant), c’est ce type de tramway qui circule. on comprend la nostalgie des temps anciens.
Trafic compliqué sur la Plaza de Mayo en 1934. À l’arrière-plan, les colonnes de la cathédrale. Trois tranvías électriques essayent de se frayer un passage. On remarque la grille destinée à éviter aux piétons de passer sous le tramway en cas de collision.