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Temo 1940-05-10 – Orquesta Típica Victor con Mario Pomar (Mario Celestino Corrales)

Letra:

Temo (j’ai peur), est une merveilleuse qui depuis une quinzaine d’années fait partie des valses les plus passées en milonga. Lorsque les premières notes retentissent, les danseurs se ruent sur la piste.

Une équipe de choc

Certains danseurs pensent que l’orchestre Típica Victor est un orchestre comme un autre. Il s’agit en fait d’un orchestre destiné aux enregistrements. Il ne se produisait pas sur scène.
Son autre particularité est qu’il a changé de chef au cours du temps. Le premier Carabelli n’est plus dans l’orchestre au moment de l’enregistrement de Temo. C’est le bandonéoniste Federico Scorticati qui dirige l’orchestre à ce moment. Cet excellent bandonéoniste, encore un enfant prodige a joué pour les plus grands orchestres et malgré sa discrétion, la compagnie Victor lui confia la direction de l’orchestre, de 1935 à 1941. Il était modeste, mais excellent.
La Victor savait choisir ses musiciens, voici la liste de ceux qui travaillaient pour l’orchestre au moment de l’enregistrement de notre valse du jour :
Federico Scorticati (direction et bandonéon) Eduardo Del Piano (bandonéon), Horacio Gollino (bandonéon), Domingo Triguero (bandonéon), Héctor Stamponi (piano), Elvino Vardaro (violon), (violon), Víctor Braña (violon), Abraham Gosis (violon), Emilio González (violon), Humberto Di Tata (contrebasse) et au chant, Mario Pomar. Que l’on semble plus désormais appeler par son nom réel, Corrales, je ne connais pas la raison de cette mode.

Extrait musical

Temo 1940-05-10 — Orquesta Típica Victor con Mario Pomar. Je vous laisse écouter cette merveille. On en reparlera plus bas…

Paroles

Porque tus ojos me huyen
Acaso no me amas ya…
Dime que lo haces tan sólo
Por ver si te quiero más…
Dilo, no ves que mi alma
Espera escuchar tu voz…
Entre canciones de besos
Me dices: “Te quiero, mi vida…”

Temo que ya no me quieras
Que ya no me quieras más…
Y es cruel tortura el pensar
Que no me amas, que a otro amás…
Dime que es fiel tu cariño
Dime que es mío, muy mío,
Que sólo me huyen tus ojos
Por verme sufrir.

Aguariguay (Mario Luis Rafaelli) Letra: Atilio Gálvez (Atilio Manuel Perasso)

Traduction libre

Pourquoi tes yeux me fuient-ils ? Peut-être que tu ne m’aimes plus ?
Dis-moi que tu le fais juste pour voir si je t’aime encore plus…
Dis-le, ne vois-tu pas que mon âme attend d’entendre ta voix, entre deux chansons de baisers me dire : « Je t’aime, ma vie… »
 J’ai peur que tu ne m’aimes pas, que désormais tu ne m’aimes plus et c’est une cruelle torture de penser que tu ne m’aimes pas, que tu aimes un autre…
Dites-moi que ton affection est fidèle, dis-moi que tu es mienne, bien mienne, que tes yeux se détournent seulement, car ils me voient souffrir.

Autres versions

Le succès de cette valse est lié uniquement à la version de la Típica Victor. Donc, pas vraiment d’autres versions à vous proposer. Signalons toutefois que l’orchestre Hypérion l’a à son répertoire et la joue régulièrement. Malheureusement les versions disques ne sont pas géniales et il vaut mieux écouter l’orchestre en direct.
Je vous propose donc un autre exercice, une tanda de valse de la Típica Victor

Une tanda de valses

Faire une tanda de la Típica Victor n’est pas si facile. Il y a pourtant près de 50 valses par cet orchestre, mais comme nous l’avons vu, cet orchestre a des styles très différents selon les époques et les directeurs qui se sont succédé.
Le but de la Victor était d’enregistrer les gros succès de l’époque, pas de faire des tandas homogènes. N’oublions pas qu’il ne s’agit pas d’un orchestre de bal, seulement d’un orchestre de disques.

Construction d’une tanda avec Mario Pomar au chant

En général, on s’arrange pour placer dans une tanda des titres du même orchestre. S’il y a un chanteur, on reste souvent avec le même chanteur, dans la même période et le même style.
Avec la Victor, autour de la valse Temo, si on suit ce principe, on n’a que trois autres valses à proposer. Les voici par ordre chronologique avec Temo pour terminer :

1939-05-08 — Orquesta Típica Victor con Mario Pomar.

Ce titre démarre d’une façon assez rapide. Il a contre lui de ne pas être beaucoup joué. Pour un premier titre, il y a donc le risque que ça ne se lève pas assez vite. Il a un autre point faible, lorsque Pomar commence à chanter, le rythme a un peu ralenti. L’ingénieur du son a de plus nettement baissé le volume de l’orchestre pour favoriser la voix, ce qui peut faire perdre le pas aux danseurs. N’oublions pas le conseil de , à son fils, Osvaldo : « regarde les pieds des danseurs. S’ils perdent la musique, c’est de ta faute ». Sur une tanda de trois, je ne mettrais pas ce titre.

Noche de estrellas 1939-10-04 — Orquesta Típica Victor con Mario Pomar.

En revanche Noche de estrellas est suffisamment connu pour faire un premier titre et même s’il n’est pas plus rapide que la précédente, ses jeux de violons et bandonéons la rende moins monotone. Pomar chante également de façon plus tonique. Sur une tanda de trois, c’est un excellent premier titre.

Anita 1939-12-12 — Orquesta Típica Victor con Mario Pomar.

Anita a un rythme plus rapide. Elle est entraînante. Le style est cependant différent des deux premières valses. Pour ma part, cela me gêne. En revanche, la fin est entraînante. Le changement de vers un son plus aigu donne l’impression d’accélération. La fin est donc très satisfaisante pour les danseurs.

Temo 1940-05-10 — Orquesta Típica Victor con Mario Pomar.

On arrive à notre valse du jour, la vedette des enregistrements avec Pomar. Aucun problème pour terminer la tanda, avec cette valse, car le titre est consensuel. Cependant, si on a passé avant Anita, on peut trouver que la fin manque d’élan
Dans ce cas on pourrait imaginer de passer Anita en dernier. Mais c’est un peu comme terminer un repas en reprenant du fromage après le dessert. C’est là que l’observation des danseurs est très importante. En effet, selon le moment de la milonga, selon ce qu’on va mettre ensuite, on ne fera pas le même choix. Il est sûr que les deux premiers titres iront au début d’une tanda de quatre et que les deux derniers iront à la fin d’une tanda de quatre. Si on fait une tanda de trois, ce qui commence à devenir courant, notamment pour les valses, même à Buenos Aires. On pourrait donc avoir :

Noche de Estrellas — Anita — Temo ou Noche de Estrellas — Temo — Anita.

Je pencherai plutôt pour la seconde solution, car la petite déception d’avoir Anita après Temo sera absorbée par la fin plus tonique, mais c’est le type de cas où je prends la décision dans les 20 secondes qui précèdent l’avant-dernier titre…

Exploration d’autres tandas à partir de Temo

Il y a d’autres possibilités que de se cantonner aux quatre valses de Pomar.

Prendre une ou des valses de la Típica Victor, instrumentales ou par un autre chanteur.

C’est souvent ce qu’on fait quand on veut faire une tanda des grands hits. Dans ce cas, on va placer les valses les plus fameuses de cet orchestre, comme Sin rumbo fijo (chantée par Ángel Vargas).

Sin rumbo fijo 1938-04-18 — Orquesta Típica Victor con Ángel Vargas.

La voix est moyennement compatible, mais la musique, si, et après tout, le chanteur ne chante qu’une toute petite partie, ce qui fait que les danseurs auront oublié la différence de voix.
Attention, certains chanteurs ne vont pas du tout ensemble. Par exemple, Carlos Lafuente qui chante un mois avant Pomar la valse risque d’être très gênant.

Íntima 1940-04-11 — Orquesta Típica Victor con Carlos Lafuente.

Toutefois, on peut faire pire en prenant une valse d’un caractère totalement différent, ici, toujours par Lafuente,  :

Lamentos de mujer 1933-05-24 — Orquesta Típica Victor con Carlos Lafuente.

Dans ce cas extrême, les deux valses par Lafuente ne vont même pas ensemble. On notera que l’introduction très longue (40 secondes) devra être coupée pour un passage en cours de tanda afin d’éviter que les danseurs, même les plus bavards, s’ennuient.
Si on ne veut pas prendre de risque de mélanger des voix incompatibles, on peut mixer avec de l’instrumental, par exemple en choisissant la valse Novia mía :

Novia mía 1938-01-07 — Orquesta Típica Victor.

Prendre des titres célèbres pour faire une super tanda est une excellente solution. Son seul inconvénient pour des milongas de très longue durée (8 heures ou plus comme j’en fais souvent), c’est que l’on grille toutes ses cartouches dans une tanda. Si on veut faire une autre tanda semblable quelques heures plus tard, on a moins de choix de morceaux phares. C’est aussi le même problème dans les événements où se succèdent plusieurs DJ qui ne s’écoutent pas (ou qui travaillent avec des playlists immuables), on peut avoir deux fois de suite les mêmes morceaux. À Buenos Aires où les milongas durent souvent longtemps, il arrive qu’il y ait deux DJ. Lors de la passation de « pouvoir », on indique au collègue ce qu’on a passé pour qu’il évite les répétitions. Cela lui permet aussi de boucher les éventuels trous, les orchestres qui ne sont pas passés, par exemple. Pour ma part quand je passe après d’autres DJ, j’évite les répétitions et si j’anime tout un week-end (5 ou 6 milongas), je garde des tangazos (tangos très appréciés) pour chaque orchestre afin de pouvoir proposer une variété, sans épuiser les titres incontournables trop rapidement.

Prendre un titre par un autre orchestre

Pour les enregistrements anciens de la Típica Victor, avec Carabelli, il est assez logique de marier les tandas avec des titres de Carabelli dirigeant son orchestre personnel. Dans le cas de Scorticati, c’est impossible, il n’a pas enregistré avec ses propres orchestres qui étaient par ailleurs temporaires et plus de circonstance que la volonté de ce bandonéoniste d’avoir son orchestre. Cela se fait très peu en tango. En revanche, cela se pratique assez souvent en milonga et en valse. Cela peut être une bonne solution. Encore faut-il que le DJ le fasse avec goût. Rien de plus frustrant pour un danseur de s’élancer sur la piste avec un thème qui lui plaît et de se retrouver ensuite avec un titre qui ne l’inspire pas.
Voici une suggestion, un peu limite, mais qui peut passer avec Temo, du moins à mon avis.

1938-04-02 — Orquesta Edgardo Donato con Horacio Lagos.

Con tus besos pourrait faire un bon début de tanda.

Pourquoi tu as peur, mon gars ?

Recuerdo, 1944-03-31 — Orquesta Osvaldo Pugliese

Adolfo et/ou Osvaldo Pugliese Letra : Eduardo Moreno

Recuerdo serait le premier tango écrit par Osvaldo Pugliese. Ayant été édité en 1924, cela voudrait dire qu’il l’aurait écrit avant l’âge de 19 ans. Rien d’étonnant de la part d’un génie, mais ce qui est étonnant, c’est le titre, Recuerdo (souvenir), semble plus le titre d’une personne d’âge mûr que d’un tout jeune homme, surtout pour une première œuvre. Essayons d’y voir plus clair en regroupant nos souvenirs…

La famille Pugliese, une famille de musiciens

Osvaldo est né en 1905, le 2 décembre. Bien que d’une famille modeste, son père lui offre un violon à l’âge de neuf ans, mais Osvaldo préféra le piano.
Je vais vous présenter sa famille, tout d’abord avec un arbre généalogique, puis nous entrerons dans les détails en présentant les musiciens.

Adolfo Pugliese (1876-06-24 – 1945-02-09), le père, flûtiste, compositeur (?) et éditeur de musique

Comme compositeur, on lui attribue :

(Tango mío) (Tango de 1931), mais nous verrons, à la fin de cet article, qu’il y en a peut-être un autre, ou pas…
La légende veut qu’il soit un modeste ouvrier du cuir, comme son père qui était cordonnier, mais il était aussi éditeur de musique et flûtiste. Il avait donc plusieurs cordes à son arc.
De plus, quand son fils Osvaldo a souhaité faire du piano, cela ne semble pas avoir posé de problème alors qu’il venait de lui fournir un violon (qui pouvait être partagé avec son frère aîné, cependant). Les familles qui ont un piano ne sont pas les plus démunies…
Même si Adolfo a écrit, semble-t-il, écrit peu (ou pas) de tango, il en a en revanche édité, notamment ceux de ses enfants…
Voici deux exemples de partition qu’il éditait. À droite, celle de Recuerco, notre tango du jour. On remarquera qu’il indique « musique d’Adolfo Pugliese » et la seconde de « Por una carta », une composition de son fils Alberto, frère d’Osvaldo, donc.

Sur la couverture de Recuerdo, le nom des musiciens de Julio de Caro, à savoir : , reconnaissable à son violon avec cornet qui est également le directeur de l’orchestre., puis de gauche à droite, Francisco de Caro au piano, Pedro Maffia au bandonéon (que l’on retrouve sur la partition de Por una carta), Enrike Krauss à la contrebasse, Pedro Laurenz au bandonéon et Emilio de Caro, le 3e De Caro de l’orchestre…
Sur la partition de Por una carta, les signatures des membres de l’orchestre de Pedro Maffia : Elvino Vardaro, le merveilleux violoniste, Osvaldo Pugliese au piano, Pedro Maffia au bandonéon et directeur de l’orchestre, Francisco De Lorenzo à la contrebasse, au bandonéon et Emilio Puglisi au violon.

On voir qu’Adolfo gérait ses affaires et que donc l’idée d’un Osvaldo Pugliese né dans un milieu déshérité est bien exagérée. Cela n’a pas empêché Osvaldo d’avoir des idées généreuses comme en témoignent son engagement au parti communiste argentin et sa conception de la répartition des gains avec son orchestre. Il divisait les émoluments en portions égales à chacun des membres de l’orchestre, ce qui n’était pas la façon de faire d’autres orchestres ou le leader était le mieux payé…

Antonio Pugliese (1878-11-21— ????), oncle d’Osvaldo. Musicien et compositeur d’au moins un tango

Ce tango d’Antonio est : Qué mal hiciste avec des paroles d’Andrés Gaos (fils). Il fut enregistré en 1930 par Antonio Bonavena. Je n’ai pas de photo du tonton, alors je vous propose d’écouter son tango dans cette version instrumentale.

Que mal hiciste 1930 Orquesta Antonio Bonavena (version instrumentale)

Alberto Pugliese (1901-01-29- 1965-05-15), frère d’Osvaldo. Violoniste et compositeur

Curieusement, les grands frères d’Osvaldo sont peu cités dans les textes sur le tango. Alberto a pourtant réalisé des compositions sympathiques, parmi lesquelles on pourrait citer :

  • Adoración (Tango) enregistré Orquesta Juan Maglio « Pacho » avec Carlos Viván (1930-03-28).
  • Cabecitas blancas (Tango) enregistré par Osvaldo et Chanel (1947-10-14)
  • Cariño gaucho (Milonga)
  • El charquero (Tango de 1964)
  • El remate (Tango) dont son petit frère a fait une magnifique version (1944-06-01). Mais de nombreux autres orchestres l’ont également enregistré.
  • Espinas (Tango) Enregistré par Firpo (1927-02-27)
  • Milonga de mi tierra (Milonga) enregistrée par Osvaldo et Jorge Rubino (1943-10-21)
  • Por una carta (Tango) enregistré par la Típica Victor (1928-06-26)
  • Soñando el Charleston (Charleston) enregistré par Jazz Band (1926-12-02).

Il en a certainement écrit d’autres, mais elles sont encore à identifier et à faire jouer par un orchestre qui les enregistrera…
On notera que sa petite fille, Marcela est chanteuse de tango. Les gênes ont aussi été transmis à la descendance d’Alberto.

Adolfo Vicente (Fito) Pugliese (1899— ????), frère d’Osvaldo. Violoniste et compositeur

Adolfo Vicente (surnommé Fito pour mieux le distinguer de son père Adolfo, Adolfito devient Fito) ne semble pas avoir écrit ou enregistré sous son nom. Ce n’est en revanche pas si sûr. En effet, il était un brillant violoniste et étant le plus âgé des garçons, c’est un peu lui qui faisait tourner la boutique quand son père se livrait à ses frasques (il buvait et courait les femmes).
Cependant, la mésentente avec le père a fini par le faire partir de Buenos Aires et il est allé s’installer à Mar del Plata où il a délaissé la musique et le violon, ce qui explique que l’on perde sa trace par la suite.

Beba (Lucela Delma) Pugliese (1936— …), pianiste, chef d’orchestre et compositrice

C’est la fille d’Osvaldo et de María Concepción Florio et donc la petite fille d’Adolfo, le flûtiste et éditeur.
Parmi ses compositions, Catire et Chicharrita qu’elle a joué avec son quinteto…

Carla Pugliese (María Carla Novelli) Pugliese (1977— …), Pianiste et compositrice

Petite fille d’Osvaldo et fille de Beba, la tradition familiale continue de nos jours, même si Carla s’oriente vers d’autres musiques.
Si vous voulez en savoir plus sur ce jeune talent :

https://www.todotango.com/creadores/biografia/1505/Carla-Pugliese/ (en espagnol)

https://www.todotango.com/english/artists/biography/1505/Carla-Pugliese/ (en anglais)

Les grands-parents de Pugliese

Je ne sais pas s’ils étaient musiciens. Le père était zapatero (cordonnier). Ce sont eux qui ont fait le voyage en Argentine où sont nés leurs 5 enfants. Ce sont deux parmi les milliers d’Européens qui ont émigré vers l’Argentine, comme le fit la mère de Carlos Gardel quelques années plus tard.

Roque PUGLIESE Padula

Né le 5 octobre 1853 — Tricarico, Matera, Basilicata, Italie
Zapatero. C’est de lui que vient le nom de Pugliese qu’il a certainement adopté en souvenir de sa terre natale.

Filomena Vulcano

Née en 1852 — Rossano, Cosenza, Calabria, Italie
Ils se sont mariés le 28 novembre 1896, dans l’église Nuestra Señora de la Piedad, de Buenos Aires.
Leurs enfants :

  • Adolfo Juan PUGLIESE Vulcano 1876-1943 (Père d’Osvaldo, compositeur, éditeur et flûtiste)
  • Antonio PUGLIESE Vulcano 1878 (Musicien et compositeur)
  • Luisa María Margarita PUGLIESE Vulcano 1881
  • Luisa María PUGLIESE Vulcano 1883
  • Concepción María Ana PUGLIESE Vulcano 1885

Extrait musical

Recuerdo, 1944-03-31 — Orquesta Osvaldo Pugliese.

Dans cette version il y a déjà tout le Pugliese à venir. Les versions enregistrées auparavant avaient déjà pour certaines des intonations proches. On peut donc penser que la puissance de l’écriture de Pugliese a influencé les orchestres qui ont interprété son œuvre. À l’écoute on se pose la question de la paternité de la composition. Alfredo, Osvaldo ou un autre ? Nous y reviendrons.

Les paroles

Ayer cantaron las poetas
y lloraron las orquestas
en las suaves noches del ambiente del placer.
Donde la bohemia y la frágil juventud
aprisionadas a un encanto de mujer
se marchitaron en el bar del barrio sud,
muriendo de ilusión
muriendo su canción.

Mujer
de mi poema mejor.
¡Mujer!
Yo nunca tuve un amor.
¡Perdón!
Si eres mi gloria ideal
Perdón,
serás mi verso inicial.

Y la voz en el bar
para siempre se apagó
su motivo sin par
nunca más se oyó.

Embriagada Mimí,
que llegó de París,
siguiendo tus pasos
la gloria se fue
de aquellos muchachos
del viejo café.

Quedó su nombre grabado
por la mano del pasado
en la vieja mesa del café del barrio sur,
donde anoche mismo una sombra de ayer,
por el recuerdo de su frágil juventud
y por la culpa de un olvido de mujer
durmióse sin querer
en el Café Concert.

Adolfo et/ou Osvaldo Pugliese Letra : Eduardo Moreno

Dans la version de la Típica Victor de 1930, Roberto Díaz ne chante que la partie en gras. chante deux fois tout ce qui est en bleu.

libre et indications

Hier, les poètes ont chanté et les orchestres ont pleuré dans les douces nuits de l’atmosphère de plaisir.
Où la bohème et la jeunesse fragile prisonnière du charme d’une femme se flétrissaient dans le bar du quartier sud, mourant d’illusion et mourant de leur chanson.
Femme de mon meilleur poème.

Femme !
Je n’ai jamais eu d’amour.
Pardon !
Si tu es ma gloire idéale
Désolé, tu seras mon couplet d’ouverture.

Et la voix dans le bar s’éteignit à jamais, son motif sans pareil ne fut plus jamais entendu.
Mimì ivre, qui venait de Paris, suivant tes traces, la gloire s’en est allée à ces garçons du vieux café.

Son nom était gravé par la main du passé sur la vieille table du café du quartier sud, où hier soir une ombre d’hier, par le souvenir de sa jeunesse fragile et par la faute de l’oubli d’une femme, s’est endormie involontairement dans le Café-Concert.

Dans ce tango, on voit l’importance du sud de Buenos Aires.

Autres versions

Recuerdo, 1926-12-09 — Orquesta Julio De Caro. C’est l’orchestre qui est sur la couverture de la partition éditée avec le nom d’Adolfo. Remarquez que dès cette version, la variation finale si célèbre est déjà présente.
Recuerdo 1927 — Rosita Montemar con orquesta. Une version chanson. Juste pour l’intérêt historique et pour avoir les paroles chantées…
Recuerdo, 1928-01-28 — Orquesta Bianco-Bachicha. On trouve dans cette version enregistrée à Paris, quelques accents qui seront mieux développés dans les enregistrements de Pugliese. Ce n’est pas inintéressant. Cela reste cependant difficile de passer à la place de « La référence ».
Recuerdo, 1930-04-23 — Orquesta Típica Victor con Roberto Díaz. Une des rares versions chantées et seulement sur le refrain (en gras dans les paroles ci-dessus). Un basson apporte une sonorité étonnante à cette version. On l’entend particulièrement après le passage chanté.
Recuerdo, 1941-08-08 — Orquesta Francisco Lomuto. Une version très intéressante. Que je pourrais éventuellement passer en bal.
Recuerdo 1941 Orquesta Aníbal Troilo. La prise de son qui a été réalisée à Montevideo est sur acétate, donc le son est mauvais. Elle n’est là que pour la référence.
Recuerdo, 1942-11-04 — Orquesta . Une version surprenante pour du Tanturi et pas si loin de ce que fera Pugliese, deux ans plus tard. Heureusement qu’il y a la fin typique de Tanturi, une dominante suivie bien plus tard par la tonique pour nous certifier que c’est bien Tanturi 😉
Recuerdo, 1944-03-31 — Orquesta Osvaldo Pugliese. C’est le tango du jour. Il est intéressant de voir comment cette version avait été annoncée par quelques interprétations antérieures. On se pose toujours la question ; Alfredo ou Osvaldo ? Suspens…
Recuerdo, 1952-09-17 — Orquesta Julio De Caro. De Caro enregistre 26 ans plus tard le titre qu’il a lancé. L’évolution est très nette. L’utilisation d’un orchestre au lieu du sexteto, donne de l’ampleur à la musique.
Recuerdo 1966-09 — Orquesta Osvaldo Pugliese con . On retrouve Pugliese, 22 ans après son premier enregistrement. Cette fois, la voix de Maciel. Celui-ci chante les paroles, mais avec beaucoup de modifications. Je ne sais pas quoi en penser pour la danse. C’est sûr qu’en Europe, cela fait un malheur. L’interprétation de Maciel ne se prête pas à la danse, mais c’est tellement joli que l’on pourrait s’arrêter de danser pour écouter.

En 1985, on a au moins trois versions de Rucuerdo par Pugliese. Celle de « Grandes Valores », une émission de télévision, mais avec un son moyen, mais une vidéo. Alors, je vous la présente.

Recuerdo par Osvaldo Pugliese dans l’émission Grandes Valores de 1985.

Puisqu’on est dans les films, je vous propose aussi la version au théâtre Colon, cette salle de spectacle fameuse de Buenos Aires.

Recuerdo par Osvaldo Pugliese au Théatre Colon, le 12 décembre 1985.

Pour terminer, toujours de 1985, l’enregistrement en studio du 25 avril.

Recuerdo, 1985-04-25 — Orquesta Osvaldo Pugliese.

Pugliese a continué à jouer à de nombreuses reprises sa première œuvre. Vous pouvez écouter les différentes versions, mais elles sont globalement semblables et je vous propose d’arrêter là notre parcours, pour traiter de notre fil rouge. Qui est le compositeur de Recuerdo ?

Qui est le compositeur de Recuerdo ?

On a vu que la partition éditée en 1926 par Adolfo Pugliese mentionne son nom comme auteur. Cependant, la tradition veut que ce soit la première composition d’Osvaldo.
Écoutons le seul tango qui soit étiqueté Adolfo :
Ausencia, 1926-09-16 — José Bohr y su Orquesta Típica. C’est mignon, mais c’est loin d’avoir la puissance de Recuerdo.
On notera toutefois que la réédition de cette partition est signée Adolfo et Osvaldo. La seule composition d’Adolfo serait-elle en fait de son fils ? C’est à mon avis très probable. Le père et sa vie peu équilibrée et n’ayant pas donné d’autres compositions, contrairement à ses garçons, pourrait ne pas être compositeur, en fait.

Pour certains, c’est, car Osvaldo était mineur, que son père a édité la partition à son nom. Le problème est que plusieurs tangos d’Osvaldo avaient été antérieurement édités à son nom. Donc, l’argument ne tient pas.

Pour rendre la chose plus complexe, il faut prendre en compte l’ de son frère aîné
Adolfo (Fito). Ce dernier était un brillant violoniste et compositeur.
Pedro Laurenz, alors Bandonéiste dans l’orchestre de Julio De Caro, indique qu’il était avec Eduardo Moreno quand un violoniste Emilio Marchiano serait venu lui demander d’aller chercher ce tango chez Fito pour lui ajouter des paroles.
Marchiano travaillait alors au café ABC, comme l’indique Osvaldo qui était ami avec le bandonéoniste et qui aurait recommandé les deux titres marqués Adolfo (Ausencia et Recuerdo).
On est sur le fil avec ces deux histoires avec les mêmes acteurs. Dans un cas, l’auteur serait Adolfito qui donnerait la musique pour qu’elle soit jouée par De Caro et dans l’autre, ce serait Pollet qui aurait fait la promotion des compositions qui seraient toutes deux d’Osvaldo et pas de son père, ni de son grand frère.
Pour expliquer que le nom de son père soit sur les partitions de ces deux œuvres, je donne la parole à Osvaldo qui indique qu’il est bien l’auteur de ces tangos, et notamment de Recuerdo qu’il aurait donné à son père, car ce dernier, flûtiste avait du mal à trouver du travail et qu’il avait décidé de se reconvertir comme éditeur de partition. En effet, la flûte, très présente dans la vieille garde n’était plus guère utilisée dans les nouveaux orchestres. Cette anecdote est par Oscar del Priore et Irene Amuchástegui dans Cien tangos fundamentales.
Toujours selon Pedro Laurenz, la variation finale, qui donne cette touche magistrale à la pièce, serait d’Enrique Pollet, alias El Francés, (1901-1973) le bandonéoniste qui travaillait avec Eduardo Moreno au moment de l’adaptation de l’œuvre aux paroles.
Cependant, la version de 1927 chantée par Rosita Montemar ne contient pas la variation finale alors que l’enregistrement de 1926 par De Caro, si. Plus grave, la version de 1957, chantée par Maciel ne comporte pas non plus cette variation. On pourrait donc presque dire que pour adapter au chant Recuerdo, on a supprimé la variation finale.

Et en conclusion ?

Ben, il y a plein d’hypothèses et toutes ne sont pas fausses. Pour ma part, je pense que l’on a minimisé le rôle Fito et qu’Adolfo le père n’a pas d’autre mérite que d’avoir donné le goût de la musique à ses enfants. Il semble avoir été un père moins parfait sur d’autres plans, comme en témoigne l’exil d’Adolfito (Vicente).
Mais finalement, ce qui compte, c’est que cette œuvre merveilleuse nous soit parvenue dans tant de versions passionnantes et qu’elle verra sans doute régulièrement de nouvelles versions pour le plus grand plaisir de nos oreilles, voire de nos pieds.
Recuerdo restera un souvenir vivant.