Alberto Mastra (Música y letra).
Cette milonga alerte, très alerte, cache cependant une nostalgie, celle du quartier de Palermo avec son tramway, ses allumeurs de réverbères et ses veilleurs de nuit. La prochaine fois que vous vous lancerez dans cette milonga endiablée, vous vous souviendrez peut-être de l’évolution de ce quartier et de sa rivière, aujourd’hui domptée.
Extrait musical

Paroles
Les voy a recordar el tiempo pasado
cuando Palermo fue Maldonado
y yo en la gran Nacional
trabajé de mayoral.
Y voy a recodar algunos detalles
que sucedían siempre en la calle,
cuando con su cadenero
al tranvía algún carrero
quería pasar.Dale que dale, dale más ligero
a ver quién sube el repecho primero
y orgulloso el conductor
lo pasaba al percherón.
Dale que dale, dale más ligero
y atrás dejaban al pobre carrero
repitiendo al mayoral
si le sobra deme un real.Yo soy del Buenos Aires de ayer, compañero,
cuando en las tardes el farolero
con su escalera apurado
la sección iba a alumbrar.
Después con su pregón familiar el sereno
marcaba hora tras hora el tiempo
luego el boletín cantado
dando así por terminado
un día más.Dale que dale, dale más ligero
total ahora ya no está el carrero
ni el bromista conductor
ni el sereno y su pregón.
Dale que dale, dale más ligero
total tampoco existe el farolero
dale y dale sin parar
hasta que me hagas llorar.
Alberto Mastra (Música y letra)
Traduction libre des paroles
Je vais vous l’évoquer le temps d’antan où Palermo était Maldonado (El Maldonado était l’un des cours d’eau de Buenos Aires) et où je travaillais comme mayoral (préposé de tramway vendant les billets) à la Gran Nacional (compagnie de tramways passée à l’électrique en 1905 en remplacement de la traction animale que l’on appelait motor de sangre, moteur de sang).
Et je vais rappeler quelques détails qui se passaient toujours dans la rue, lorsqu’avec son cheval de tête un conducteur de charrette voulait dépasser le tramway.
Envoie ce qu’il envoie (encouragement, en matière d’équitation ont dit envoyer, j’ai donc choisi cette traduction), envoie plus rapidement, voyons qui grimpe la pente le premier et fièrement le conducteur (du tramway) double le percheron.
Envoie ce qu’il envoie, envoie plus rapidement, et ils ont laissé le pauvre conducteur de charrette derrière eux, répétant au mayoral s’il en reste, donne-moi un réal (monnaie en usage à l’époque espagnole et qui a été frappée en Argentine de 1813 à 1815 et qui n’était bien sûr plus d’usage au début du 20e siècle).
Je suis du Buenos Aires d’hier, compagnon, quand, en soirée, l’allumeur de réverbères, pressé, avec son échelle, allait éclairer la section.
Puis, avec sa proclamation familière, le veilleur de nuit (personne qui assurait la vigilance de nuit) marquait le temps, heure après heure, puis, avec son bulletin chanté, mettait ainsi fin à une autre journée.
Envoie ce qu’il envoie, envoie plus rapidement, résultat, maintenant il n’y a plus le conducteur de charrette, ni le conducteur farceur, ni le veilleur et sa proclamation.
Envoie ce qu’il envoie, envoie plus rapidement, il n’y a pas plus d’allumeurs de réverbères, envoie, envoie sans arrêt jusqu’à ce que tu me fasses pleurer.
Autres versions
Notre tango du jour est une milonga qui fut enregistrée aussi par Di Sarli avec Rufino. Mais d’autres tangos ont également été composés et enregistrés. Je vous en propose quatre, interprétés par six orchestres, mais il y en a d’autres et même des musiques sur d’autres rythmes. Mais attention, ces dernières font référence à d’autres lieux que la rivière Maldonado et le quartier de Buenos Aires.
Maldonado, milonga de Alberto Mastra
Laurenz a enregistré ce titre pour Odeón le jeudi 9 décembre. La semaine d’après, le vendredi 17, La Victor enregistre le titre avec Di Sarli.
Ce sont les deux seuls enregistrements « historiques » de cette superbe milonga.
On notera que Pedro Laurenz et Di Sarli mettent en avant leur instrument personnel, respectivement le bandonéon pour Laurenz et le piano pour Di Sarli.
Maldonado, tango par un auteur inconnu
Tango de Luis Nicolás Visca Letra: Luis Rubistein
Tango de Raúl Joaquín de los Hoyos Letra: Alberto Vacarezza
Maldonado et le tranvia
Maldonado n’a rien à voir avec une chaîne de fastfoods américains, vous l’avez compris. C’était le nom d’un des cours d’eau de Buenos Aires. Celui-ci se jette dans le Rio de la Plata à Palermo, ce qui a valu ce nom au quartier du XVIIIe au début du XIXe siècle. On notera que les paroles évoquent un temps où Palermo s’appelait Maldonado. Au sens strict, c’était au début du XIXe siècle. Mais, comme elles parlent de réverbères, de Tranvia, c’est sans doute d’une époque postérieure qu’il est question.
En effet, les premiers Tranvia ont été mis en place en 1863.

La milonga nous compte une course entre un tranvia et une charrette tirée par un percheron.
Il n’est pas sûr que deux chevaux attelés à un tranvia soient capables de distancer une charrette. Je pense donc, que le texte fait référence à une époque encore postérieure, à partir de 1905, date à laquelle la compagnie Gran Nacional (citée dans les paroles) est passée à la traction électrique.

L’année 1905 a vu l’arrivée des premiers tramways électriques et 1906 a inauguré la numérotation des lignes, ce qui a simplifié la tâche des voyageurs… Sur la photo, le tranvia porte le numéro 45, c’était donc un des équipements de la ligne 45 qui était exploitée par La Capital. La compagnie Gran Nacional citée dans la milonga portait des numéros de 61 à 80.
Dans la milonga, il semble logique de penser que la course s’effectue entre une charrette hippomobile et un tranvia électrique qui affirme facilement sa supériorité dans les montées.
El arroyo Maldonado
En ce qui concerne la rivière qui avait donné son nom au quartier (El arroyo Maldonado), vous aurez du mal à la trouver, car elle est désormais souterraine. La dernière fois qu’elle a fait parler d’elle, c’était en 2010 et j’en ai été témoin, elle a causé d’importantes inondations à Palermo. Depuis, des travaux ont été entrepris pour éviter ces problèmes.


À bientôt les amis !