Archives par étiquette : Armando Lacava

Un tango y nada más 1945-07-05 — Orquesta Carlos Di Sarli con Jorge Durán

Armando Lacava ; Letra: Carlos Waiss

Deux Bahienses sont à l’origine de notre tango du jour. Un pour la composition et l’autre pour l’interprétation. Pour être précis, un seul des compositeurs, Armando Lacava est de . Juan Pomati est né pour sa part en Italie, à Milan. Quoi qu’il en soit, Di Sarli a enregistré ce tango, tout juste composé.

Les pianistes bahienses et les autres…

et Armando Lacava, les deux pianistes de Bahía Blanca.

La mise en avant des pianistes de Bahía Blanca ne devrait pas faire passer à l’arrière-plan la contribution de Juan Pomati, le bandonéoniste qui a co-composé avec Lacava. Il était en effet un copiste très recherché à une époque où il n’existait pas de photocopieuses et a de son côté composé un certain nombre de titres dont une bonne part co-signée avec Tití Rossi dont il était un des bandonéonistes de l’orchestre. Impossible d’avoir une photo de lui, ce récent arrivée d’Italie est resté trop discret.

En revanche, j’ai une photo de l’auteur des paroles, Carlos Waiss.

Carlos Waiss

Extrait musical

Un tango y 1945-07-05 – Orquesta Carlos Di Sarli con Jorge Durán.

Dès les premières notes, le piano de Di Sarli fait merveille. Il marque le tempo et donne un parfait contrepoint aux violons qui se balancent au-dessus. Tout s’enchaîne, s’harmonise. La voix de Durán lance les paroles avec un rubato qui donnera de l’élan au danseur, un balancement qui dynamisera la créativité de l’improvisation.
Le tango se termine avec un tutti incluant la voix de Durán et qui se perd dans .

Paroles

Un tango más, un gorrión de barrio viejo
llega moliendo su cruel desilusión.
Rodando van los de mi vida,
mi vida gris que no tiene ya canción.
Dónde estarán los que fueron compañeros,
mi amor primero de un claro anochecer,
y ese silbido llamando de la esquina
hacia el calor de aquel viejo café.

Quién sabe dónde está
lo que perdí, loco de afán.
Del tiempo que pasó
sólo quedó un tango más.

Tan sólo un tango más que trae
fracaso de no ser,
cansancio de mi andar.
La vida que al rodar, sólo dejó,
un tango y nada más
.

Un tango más, un gorrión de barrio viejo
tiembla en la sombra doliente del ayer.
Un tango más, y el juguete de la luna
vuelve a mentir en el triste anochecer.
Mi juventud la quemé en la cruz viajera
en la quimera de andar, siempre de andar.
Buscan mis ansias calor de primavera
y sólo hay un tango y nada más.

Armando Lacava ; Juan Pomati Letra: Carlos Waiss

Durán chante ce qui est en gras et termine en chantant de nouveau ce qui est en bleu.

Julio Martel chante également ce qui est en gras, mais il reprend ce qui est en rouge, puis ce qui est en bleu pour terminer. Aucun des deux ne chante le dernier couplet.

chante en plus de Julio Martel, la fin du dernier couplet (ce qui est en vert).

Traduction libre et indications

Un tango de plus, un moineau du vieux quartier arrive, ruminant sa cruelle désillusion (un gorrión en plus d’être un moineau est un profiteur, un pique-assiette).
Les de ma vie, ma vie grise qui n’a plus de chanson.
Où seront ceux qui étaient des compagnons, mon premier amour d’une soirée claire, et ce sifflement invitant depuis l’angle de la rue à la chaleur de ce vieux café.
Qui sait où est ce que j’ai perdu, fou d’impatience.
Du temps qui s’est écoulé, il ne restait plus qu’un tango.
Juste un tango de plus qui apporte l’échec de ne pas être, la fatigue de ma marche.
La vie qui en roulant n’a laissé qu’un tango et rien de plus.
Un tango de plus, un moineau du vieux quartier tremble dans l’ombre souffrante d’hier.
Un tango de plus, et le jouet de la lune recommence à mentir dans le triste crépuscule.
J’ai brûlé ma jeunesse sur la croix de voyage dans la chimère de la marche, toujours de la marche.
Ils cherchent mon désir de chaleur printanière et il n’y a qu’un tango et rien de plus.

Autres versions

Pas beaucoup d’ pour ce thème, mais il faut dire que la merveille de Di Sarli et Durán ne laissait pas beaucoup d’autres options aux autres orchestres.

Un tango y nada más 1945-07-05 – Orquesta Carlos Di Sarli con Jorge Durán. C’est notre tango du jour.
Un tango y nada más 1945-07-17 — Orquesta con Julio Martel.

De Angelis enregistre le titre 12 jours après Di Sarli. Ce n’est pas vilain et relativement dansant, mais sans doute pas aussi satisfaisant que la version de Di Sarli avec Durán.

Un tango y nada más 1986 – Orquesta José Basso con Eduardo Borda.

Cette version tardive date d’une époque où le tango de danse n’avait pas encore complètement retrouvé sa place. La jolie voix chaude de Borda donne plaisir à écouter ce titre, mais les danseurs n’y trouveront pas leur compte.

Un tango y nada más 2013-11-01 — Ariel Ardit. Ariel Ardit donne sa vision de l’œuvre.

Comme pour Borda, je n’irai pas proposer cela à des danseurs.

On pourrait continuer avec des tangos avec « nada más » dans le titre, il y en a près d’une vingtaine avec au moins un enregistrement… Mais ce sera pour une autre fois.

À demain les amis !

El adiós 1938-04-02 – Orquesta Edgardo Donato con Horacio Lagos

Maruja Pacheco Huergo (María Esther Pacheco Huergo) Letra:

Plus de 200 tangos ont dans leur titre le mot «Adios». C’est donc un thème fort du tango, mais la composition écrite par Maruja Pacheco Huergo est de loin la plus célèbre. Je vous propose, la version qui est considérée comme la plus belle, celle de Donato avec Lagos qui fête aujourd’hui ses 86 ans.

Il y a adiós et adiós

Il y a environ 200 tangos avec adiós dans le titre dont on a au moins un enregistrement et il faut rajouter une dizaine de valses et même une milonga.
Cependant, tous les adiós ne sont pas similaires.
Contrairement au français, adiós n’a pas la connotation définitive de l’adieu. En français, on dit surtout Adieu quand on ne compte plus se revoir, ou seulement en présence de Dieu (À Dieu), après la résurrection.
Pour les Argentins, ce n’est pas le cas. C’est un synonyme complet d’au revoir et il s’emploie donc de la même façon. Un Argentin qui vous dit adieu a l’intention de vous revoir, il vous recommande juste « à Dieu », c’est-à-dire qu’il vous souhaite d’aller bien pendant le temps de la séparation.
Cependant, en Argentine également, le terme adiós a une signification définitive. On l’utilise également pour quitter un défunt, tout comme en France.
Dans le petit monde du tango, il est fréquent que l’on honore un défunt en lui faisant un adieu musical. Parmi les titres célèbres dans ce sens, on a A Magaldi, cette d’adieu à Agustín Magaldi, composée par Carlos Dante et Pedro Noda et dont les paroles sont de Juan Bernardo Tiggi. On connaît les merveilleuses versions chantées justement par Carlos Dante, notamment celle de 1947, 9 ans après la mort d’Agustín qui lui-même avait chanté pour la mort de Gardel peu d’années auparavant. Nous en reparlerons le 21 octobre…

Note : El adiós, porte un S à la fin, car c’est « À Dieu » (adieu), Dieu se dit « Diós » en espagnol, ce n’est pas un S du pluriel. Comme DJ, combien de fois ai-je entendu nommer ce titre « El adio »…

Maruja Pacheco Huergo

Maruja (María Esther) Pacheco Huergo (3 avril 1916 – 2 septembre 1983) était pianiste, compositrice et parolière, mais également auteure (notamment de poèmes et scénarios), actrice et professeur de musique et de chant.
Elle a composé plus de 600 thèmes, pas tous des tangos, mais parmi ses créations dont nous avons une trace enregistrée dans notre domaine qu’est le tango, on pourrait citer les titres suivants :

Comme auteure et compositrice :

Sinfonía de arrabal, (paroles et musique) célèbre par le même chef d’orchestre que El Adios, notre tango du jour avec le trio enchanteur de Horacio Lagos, Lita Morales et Romeo Gavioli.
Cuando silba el viento une habanera dont elle a également écrit, paroles et musique.
Lejanía (une chanson qu’a chantée Corsini), Oro y Azul, El , Con sabor a tierra, Nenucha et environ 500 autres titres que vous me pardonnerez de ne pas lister ici, mais ce ne sont pas non plus des tangos.

Comme compositrice

Canto de ausencia mise en musique d’un texte d’Homero Manzi
Don Naides avec des paroles de Venancio Clauso
Gardenias avec des paroles de (son mari)
Milonga del aguatero et Cancionero porteño del siglo XIX avec des paroles d’Eros Nicola Siri

Comme parolière

Sur des musiques de Donato, elle a écrit les paroles d’Alas rotas, Para qué, Lágrimas et Triqui tra.
Ses 600 compositions lui valent d’être inhumée au panthéon (société des auteurs et compositeurs argentins) du cimetière de la Chacarita (Buenos Aires).

Virgilio San Clemente

Virgilio San Clemente est surtout un poète. On lui doit cependant les paroles de El adios, et de quelques autres titres, comme la jolie valse Viejo jardín et sans doute (mais il y a un doute, car il est mentionné tantôt comme compositeur ou comme parolier). Comme il m’est impossible de départager les deux possibilités, voici où j’en suis de l’investigation…

Sur le disque de gauche, Fresedo (1938), Virgilio San Clemente est indiqué comme compositeur. Sur celui du milieu, Nano Rodrigo (1940), ce sont Torres et Alperi et sur celui de droite qui est une réédition en vinyle de l’enregistrement de 1938 de Corsini, il y a bien les trois noms, mais sans distinction de fonction.
En résumé, si Virgilio était poète, il a peut-être composé un tango et à assurément écrit les paroles d’autres.
Torres et Alperi ne sont pas des compositeurs connus, on ne peut pas lever le doute sur la composition de ce titre tant que l’on n’a pas la partition originale que je n’ai pas encore trouvée.
En attendant, je penche plutôt du côté où San Clemente s’est cantonné aux paroles pour Dulce Amargura. Les deux œuvres sont écrites de façon comparable, en trois parties et avec des rimes approximatives, mais devinables. Viejo jardín est différent, il y a plus de couplets, mais les rimes sont également très approximatives. Ces indices, très légers n’invalident pas la possibilité qu’il soit l’auteur des trois textes.

Extrait musical

El adiós 1938-04-02 — Orquesta Edgardo Donato con Horacio Lagos.

Les cordes sont très présentes dans cette version, en legati des violons et en pizzicati. Quelques accents des bandonéons. Le piano chante également sa partie à tour de rôle jusqu’à à 1 :42 entre en scène Lagos qui ne chante que très brièvement, seulement le premier couplet. Il explique le thème et laisse la parole aux instruments pour les 55 dernières secondes.

Les paroles

En la tarde que en sombras se moría,
buenamente nos dimos el adiós ;
mi tristeza profunda no veías
y al marcharte sonreíamos los dos.
Y la desolación, mirándote
al partir,
quebraba de emoción mi pobre voz…
El sueño más feliz, moría en el adiós
y el cielo para mí se obscureció.

En vano el alma
con voz velada
volcó en la noche la pena…
Sólo un silencio
profundo y grave
lloraba en mi corazón.

Sobre el tiempo transcurrido
vives siempre en mí,
y estos campos que nos vieron
juntos sonreír
me preguntan si el olvido
me curó de ti.
Y entre los vientos
se van mis quejas
muriendo en ecos,
buscándote…
mientras que lejos
otros brazos y otros besos
te aprisionan y me dicen
que ya nunca has de volver.

Cuando vuelva a lucir la primavera,
y los campos se pinten de color,
otra vez el dolor y los recuerdos
de nostalgias llenarán mi corazón.
Las aves poblarán de trinos el lugar
y el cielo volcará su claridad…
Pero mi corazón en sombras vivirá
y el ala del dolor te llamará.
En vano el alma
dirá a la luna
con voz velada la pena…
Y habrá un silencio
profundo y grave
llorando en mi corazón.

Maruja Pacheco Huergo (María Esther Pacheco Huergo) Letra: Virgilio San Clemente

Traduction libre et indications

Dans la soirée qui se meurt en ombres,
Nous nous sommes tout bonnement dit adieu ; (un adieu comme si c’était un au revoir pour elle).
Tu ne voyais pas ma profonde tristesse
Et quand tu es partie, nous sourions tous les deux.
Et la désolation, de te regarder partir,
brisa d’émotion, ma pauvre voix…
Le rêve le plus heureux est mort dans l’adieu
Et le ciel pour moi s’est obscurci.
En vain l’âme
d’une voix voilée
déversa le chagrin dans la nuit…
Juste un silence
profond et grave
pleurait dans mon cœur.

À propos du temps écoulé,
tu vis toujours en moi,
et ces champs qui nous ont vus
sourire ensemble
me demandent si l’oubli
m’a guéri de toi.
Et parmi les vents
mes plaintes s’en vont
mourant en échos
te cherchant…
pendant qu’au loin
d’autres bras et d’autres baisers
t’emprisonnent et me disent
que jamais, tu ne reviendras.

Quand le printemps brillera à nouveau,
et que les champs se peindront de couleurs,
encore une fois, la douleur et les souvenirs
rempliront mon cœur de nostalgie.
Les oiseaux peupleront de trilles l’espace
et le ciel répandra sa clarté…
Mais mon cœur vivra dans l’ombre
et l’aile de la douleur t’appellera.
En vain l’âme
dira à la lune
d’une voix voilée, la douleur…
et il y aura un silence
profond et grave
Pleurant dans mon cœur.

Autres versions

El adiós 1938-03-03 — Orquesta Francisco Canaro con .

Cette version fait jeu égal avec celle de Donato. Je sais que certains préfèrent celle de Donato, mais pour moi, il est difficile de les départager. Dans un bal, je peux passer indifféremment l’une ou l’autre, selon l’ambiance que je veux donner. La version de Canaro marche de façon obstinée, avec de jolis passages de violons ondulants et des moments de piano qui ponctuent. Rien de monotone dans cette version, toujours entraînante.

El adiós 1938-03-15 — Ignacio Corsini con guitarras de Pagés-Pesoa-Maciel.

Avec un accompagnement de guitares, Corsini chante l’intégralité des paroles. Corsini a enregistré 12 jours après après Canaro, mais il a été le premier à jouer le titre, comme en témoigne la partition.

El adiós 1938 Hugo Del Carril con orquesta.

C’est une version à écouter. La voix d’Hugo Del Carril exprime avec émotion les sentiments du narrateur. C’est à comparer avec l’enregistrement d’Ignacio Corsini de la même époque. La voix de Del Carril pourrait tenir la comparaison avec les versions de Maida et Lagos. L’orchestre est également agréable, on se prend à regretter qu’une version de danse ne soit pas venue compléter cet enregistrement.

El adiós 1938-04-02 — Orquesta Edgardo Donato con Horacio Lagos. C’est le tango du jour.
El adiós 1954-01-28 – Ángel Vargas con su orguesta dirigida por Armando Lacava.

Pour une version de chanteur, cette interprétation de Vargas. Donne la part belle à l’orchestre de Lacava. Le thème est chanté par les instruments avec des variations d’intensités qui donnent de la structure à la musique. Après une minute Vargas commence et chante, une minute environ, laissant les 45 dernières à l’orchestre, sauf une courte reprise de la seconde partie du refrain en final. Cette version de chanteur est presque un tango de danse.

El adiós 1963 – Orquesta Osvaldo Pugliese con Jorge Maciel.

Hier, je parlai de Recuerdo. La version de El adiós n’est assurément pas un tango conçu pour la danse. C’est musicalement sublime, même si la voix de Maciel peut parfois être modérément appréciée. Je sais que beaucoup de danseurs se battront pour le danser sur la piste. Alors, je pourrai le passer, mais il y a tant de belles choses de Pugliese parfaites pour la danse que Maciel ne sera pas une de mes priorités, même si les danseurs applaudissent souvent (ce qui ne se fait pas à Buenos Aires).

El adiós 1973 – .

C’est la seule version instrumentale de ma sélection, mais l’harmonica d’Hugo Díaz est comme une voix. Il commence par un cri déchirant et ensuite semble pleurer. La guitare le rejoint mais avec un tampon imparable, qui s’ajuste parfois aux accents les plus tristes de l’harmonica. Du très grand Hugo Díaz. À priori, ce n’est pas pour la danse, mais cette version est tellement émouvante qu’elle pourrait participer à une belle tanda particulière. Il y a une vingtaine d’année, une danseuse adorait et lorsque j’animais la milonga, je passais souvent cet artiste quand elle était là.
Pour terminer, une version de 2010 par le Dúo Angelozzi-Cavacini auquel s’est jointe Ivana Fortunati. Cet enregistrement est en hommage à Remo Angelozzi récemment décédé. Vous le connaissez sans doute mieux sous son nom d’artiste, Raúl Angeló quand il était, notamment le chanteur de l’orchestre d’Edgardo Donato (en 1953).

El adiós 2010 — Dúo Angelozzi-Cavacini junto a Ivana Fortunati. Analia Angelozzi et Ivana Fortunati sont accompagnées par Pablo Cavacini et Jose Morán à la guitare et par Bocha Luca au bandonéon.

Adiós queridos amigos, hasta mañana.