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La payanca 1936-06-09 — Orquesta Juan D’Arienzo

Augusto Pedro Berto Letra: Juan Andrés Caruso (V1) — Jesús Fernández Blanco (V2)

La payanca par D’Arienzo dans la version de 1936 est un des très gros succès des milongas. Peut-être vous-êtes-vous demandé d’où venait le nom de ce tango ? Si ce n’est pas le cas, laissez-moi vous l’indiquer t vous faire découvrir une vingtaine de versions et vous présenter quelques détails sur ce titre.

Extrait musical

Partition pour piano de la Payanca. Couverture originale à gauche et Partition de piano à droite avec les paroles de Jesús Fernández Blanco (les plus récentes).
La payanca 1936-06-09 — Orquesta Juan D’Arienzo.

C’est un des premiers enregistrements où Biagi se lâche. Le contrebassiste, Rodolfo Duclós marque un rythme à la « Yumba » qui deviendra une caractéristique de Pugliese. Les violons de Alfredo Mazzeo, León Zibaico, Domingo Mancuso et Francisco Mancini font des merveilles. Une version énergique, euphorisante, sans doute la toute première à utiliser pour faire plaisir aux .
On remarque qu’il est indiqué « Sobre motivos populares ». En effet, on reconnaîtra des thèmes traditionnels, notamment de gato (une sorte de ), mais modifié en tango.
On remarquera également qu’il est indiqué « Tango Milonga », ce qui signifie que c’est un tango pour danser. Cependant, nous verrons que ce thème a également été basculé franchement du côté de la milonga pure et dure dans d’autres enregistrements.

Trois versions de couverture de la partition. À gauche, la plus ancienne, sans auteur de paroles. Au centre, avec les paroles de Caruso et à droite, avec les paroles de Blanco.

Origine du titre

Dans son livre, , Francisco García Jiménez, raconte que est né lors d’une fête à la campagne en l’honneur d’une personnalité locale qui venait d’être élue triomphalement, des musiciens avaient joué des airs de l’intérieur, dont un gato (sorte de chararera) duquel il restait : « Laraira laralaila; laira laraira… ». Il est impossible de retrouver le gato à partir de cette simple indication, car laraira… c’est comme tralala. C’est ce que chantent les payadors quand ils cherchent leurs mots (ils chantaient en inventant les paroles à la volée). Certains textes de ces musiques ont été fixés et écrits par la suite et nombre d’entre eux comportent Laraira laralaila; laira laraira ou équivalent :

  • La,lara,laira,laira,la dans Pago viejo (chacarera, mais le rythme est proche du gato),
  • Lara lara laira larai ñarai lá dans Corazón alegre (bailecito)
  • Trala lará larala lará larala lará lará dans El pala pala (danse, danza)
  • Lará, larará, laraira, Lará, larará, laraira, dans Cabeza colorada
  • La ra lara la ra la la ra la ra la ra la dans La Sanlorencina (Cuenca)
  • La lalara la la la la la la La la lara la la la la la la La la lara la la lara la la dans Dios a la una (chanson).
  • Tra lara lara lara tra lara lero dans Que se vengan los chicos (Bailecito)
  • La lara la la la la La lara la la la la dans La chararera del adios (chacarera)
  • Larala larala lara lara lara lara lara dans Amigazo pa’ sufrir (huella)
  • La lara lara larará… lara lara larará… lara lara larará… dans Cantar de coya (Carnavalito)
  • Lara lara lara lara dans Muchacha de mayo (Chanson).

Je n’ai pas trouvé de gato avec l’indication, mais il est fort probable que Berto ait entendu une improvisation, le lara lara étant une façon de meubler quand les paroles ne viennent pas.
Donc Berto a entendu ce gato ou gato polqueado et il eut l’idée de l’adapter en tango. Lui à la guitare et Durand à la flûte l’ont adapté et joué. Ce titre a tout de suite été un succès et comme souvent à l’époque, il est resté sans être édité pendant onze années. Comme la plupart des orchestres jouaient le titre, il était très connu et les danseurs et divers paroliers lui ont donné des paroles, plus ou moins recommandables. N’oublions pas où évoluait le tango à cette époque.
Deux de ces paroles nous sont parvenues, celles de Caruso et celles de Blanco. Les secondes sont plus osées et correspondent assez bien à cet univers.
Il reste à préciser pourquoi il s’appelle payanca. Selon Jiménez, Berto aurait dit tout de go que ce tango s’appelait ainsi quand il fut sommé de donner un titre. Il semblerait que Berto ait donné sa propre version de l’histoire, en affirmant que le titre serait venu en voyant des gamins jouer avec un lasso à attraper des poules. Un adulte leur aurait crié « ¡Pialala de payanca!« , c’est-à-dire tire la avec un mouvement de payanca. Il indiquait ainsi la meilleure façon d’attraper la poule avec le lasso.
L’idée du lasso me semble assez bonne dans la mesure où les trois partitions qui nous sont parvenues illustrent ce thème.
Voici une vidéo qui montre la technique de la Payanca qui est une forme particulière de lancer du lasso pour attraper un animal qui court en le faisant choir.

Dans cette vidéo, on voit un pial (lancement du lasso) pour attraper un bovidé à l’aide de la technique « Payanca ». Elle consiste à lancer le lasso (sans le faire tourner) de façon à entraver les antérieurs de l’animal pour le déséquilibrer et le faire tomber. Âmes sensibles s’abstenir, mais c’est la vie du gaucho. Ici, un joli coup par le gaucho Milton Mariano Pino.

Pour être moins incomplet, je pourrai préciser que la payanca ou payana ou payanga ou payaya est un jeu qui se joue avec cinq pierres et qui est très proches au jeu des osselets. L’idée de ramasser les pierres en quechua se dit pallay, ce qui signifie collectionner, ramasser du sol. Que ce soit attraper au lasso ou ramasser, le titre joue sur l’analogie et dans les deux cas, le principe est de capturer la belle, comme en témoignent les paroles.

Paroles de Juan Andrés Caruso

¡Ay!, una payanca io
quiero arrojar
para enlazar
tu corazón
¡Qué va cha che!
¡Qué va cha che !
Esa payanca será
certera
y ha de aprisonar
todo tu amor
¡Qué va cha che !
¡Qué va cha che !
Por que yo quiero tener
todo entero tu querer.

Mira que mi cariño es un tesoro.
Mira que mi cariño es un tesoro.
Y que pior que un niño po’ ella « yoro »…
Y que pior que un niño po’ ella « yoro »…

Payanca de mi vida, ay, io te imploro.
Payanca de mi vida, ay, io te imploro,
que enlaces para siempre a la que adoro…
que enlaces para siempre a la que adoro…
Augusto Pedro Berto Letra: Juan Andrés Caruso

Augusto Pedro Berto Letra: Juan Andrés Caruso

Traduction libre des paroles de Juan Andrés Caruso

Yeh ! une payanca (payanca attraper au lasso). Moi, (Io pour yo = je), je veux lancer pour enlacer (enlacer du lasso…) ton cœur.
Que vas-tu faire ! (¿Qué va cha ché ? ou Qué vachaché Est aussi un tango écrit par Enrique Santos Discépolo)
Que vas-tu faire !
Cette payanca sera parfaite et emprisonnera tout ton amour.
Que vas-tu faire ?
Que vas-tu faire ?
Parce que je veux avoir tout ton amour.

Regarde, mon affection est un trésor.
Regarde, mon affection est un trésor.
Et quoi de pire qu’un enfant qui pleure pour elle…
Et quoi de pire qu’un enfant qui pleure pour elle…

Payanca de ma vie, oui, je t’en supplie (il parle à son coup de lasso pour attraper le cœur de sa belle).
Payanca de ma vie, oui, je t’en supplie,
que tu enlaces pour toujours celle que j’adore…
que tu enlaces pour toujours celle que j’adore…
La métaphore rurale et gauchesque est poussée à son extrémité. Il compare la capture du cœur de sa belle à une passe de lasso. Dans le genre galant, c’est moyen, mais cela rappelle que la vie du gaucho est une source d’inspiration pour le tango et en cela, je ne partage pas l’avis de Jorges Luis Borges pour quoi le tango est uniquement urbain et violent.

Paroles de Jesús Fernández Blanco

Con mi payanca de amor,
siempre mimao por la mujer,
pude enlazar su corazón…
¡Su corazón !
Mil bocas como una flor
de juventud, supe besar,
hasta saciar mi sed de amor…
¡Mi sed de amor !

Ninguna pudo escuchar
los trinos de mi canción,
sin ofrecerse a brindar
sus besos por mi pasión…
¡Ay, quién pudiera volver
a ser mocito y cantar,
y en brazos de la mujer
la vida feliz pasar !

Payanca, payanquita
de mis amores,
mi vida la llenaste
de resplandores…
¡Payanca, payanquita
ya te he perdido
y sólo tu recuerdo
fiel me ha seguido!

Con mi payanca logré
a la mujer que me gustó,
y del rival siempre triunfé.
¡Siempre triunfé!
El fuego del corazón
en mi cantar supe poner,
por eso fui rey del amor…
¡Rey del amor!

Jesús Fernández Blanco

Traduction, libre des paroles de Jesús Fernández Blanco

Avec ma payanca d’amour (je ne sais pas quoi en penser, admettons que c’est son coup de lasso, mais il peut s’agir d’un autre attribut du galant), toujours choyée par les femmes, j’ai pu enlacer ton cœur…
Ton cœur !
Mille bouches comme une fleur de jouvence, j’ai su embrasser, jusqu’à étancher ma soif d’amour…
Ma soif d’amour !

Aucune ne pouvait entendre les trilles de ma chanson, sans offrir ses baisers à ma passion…
Yeh, qui pourrait redevenir un petit garçon et chanter, et passer dans les bras de la femme, la vie heureuse !

Payanca, payanquita de mes amours (Payanca, petite payanca, on ne sait toujours pas ce que c’est…), tu as rempli ma vie de brillances…
Payanca, payanquita Je t’ai déjà perdue et seul ton souvenir fidèle m’a suivi !

Avec ma payanca, j’ai eu la femme que j’aimais, et du rival, j’ai toujours triomphé.
J’ai toujours triomphé !
J’ai su mettre le feu du cœur dans ma chanson (la payanca pourrait être sa chanson, sa façon de chanter), c’est pourquoi j’étais le roi de l’amour…
Le roi de l’amour !

Autres versions

La payanca 1917-05-15 — Orq. Eduardo Arolas con Pancho Cuevas (Francisco Nicolás Bianco).

Probablement la plus ancienne version enregistrée qui nous soit parvenue. Il y a un petit doute avec la version de Celestino Ferrer, mais cela ne change pas grand-chose. Pancho Cueva à la guitare et au chant et le tigre du Bandonéon (Eduardo Arolas) avec son instrument favori. On notera que si le tango fut composé vers 1906, sans paroles, il en avait en 1917, celles de Juan Andrés Caruso.

La payanca 1918-03-25 (ou 1917-03-12) — Orquesta Típica Ferrer (Orquesta Típica Argentina Celestino).

Le plus ancien enregistrement ou le second, car il y a en fait deux dates, 1917-03-12 et 1918-03-25. Je pense cependant que cette seconde date correspond à l’édition réalisée à New York ou Camdem, New Jersey. On remarquera que l’orchestre comporte une guitare, celle de Celestino Ferrer qui est aussi le chef d’orchestre, une flûte, jouée par E. Santeramo et un par Carlos Güerino Filipotto. Deux violons complètent l’orchestre, Gary Busto et L. San Martín. Le piano est tenu par une femme, Carla Ferrara. C’est une version purement instrumentale. Après avoir été un des pionniers du tango en France, Celestino Ferrer s’est rendu aux USA où il a enregistré de nombreux titres, dont celui-ci.

La payanca 1926-12-13 — Orquesta Típica Victor, direction Adolfo Carabelli.

Une version un peu plus moderne qui bénéficie de l’enregistrement électrique. Mais on peut mieux faire, comme on va le voir bientôt.

La payanca 1936-06-09 — Orquesta Juan D’Arienzo. C’est notre tango du jour.

J’ai déjà dit tout le bien que je pensais de cette version, à mon avis, insurpassée, y compris par D’Arienzo lui-même…

Trío de Guitarras (Iriarte-Pagés-Pesoa).

Le trio de guitares de Iriarte, Pagés et Pesoa ne joue pas dans la même catégorie que D’Arienzo. C’est joli, pas pour la danse, un petit moment de suspension.

La payanca 1946-10-21 — Roberto Firpo y su Nuevo Cuarteto.

Pour revenir au tango de danse, après la version de D’Arienzo, cette version paraît fragile, notamment, car c’est un quartetto et que donc il ne fait pas le poids face à la machine de D’Arienzo. On notera tout de même une très belle partie de bandonéon. La transition avec le trio de guitares a permis de limiter le choc entre les versions.

La payanca 1949-04-06 — Orquesta Juan D’Arienzo.

On retrouve la grosse machine D’Arienzo, mais cette version est plus anecdotique. Cela peut passer en milonga, mais si je dois choisir entre la version de 1936 et 1949, je n’hésite pas une seconde.

La payanca 1952-10-01 — Enrique Mora y su Cuarteto Típico.

Encore un quartetto qui passe après D’Arienzo. Si cette version n’est pas pour la danse, elle n’est pas désagréable à écouter, sans toutefois provoquer d’enthousiasme délirant… Le final est assez sympa.

La payanca 1954-11-10 — Orquesta Juan D’Arienzo.

Eh oui, encore D’Arienzo qui décidément a apprécié ce titre. Ce n’est assurément pas un grand D’Arienzo. Je ne sais pas si c’est meilleur que la version de 49. Par certains côtés, oui, mais par d’autres, non. Dans le doute, je m’abstiendrai de proposer l’une comme l’autre.

La payanca 1957-04-12 — Orquesta .

On est dans tout autre chose. Mais cela change sans être un titre de danse à ne pas oublier. On perd la dimension énergique du gaucho qui conquiert sa belle avec son lasso pour plonger dans un romantisme plus appuyé. Cependant, cette version n’est pas niaise, le bandonéon dans la dernière variation vaut à lui seul que l’on s’intéresse à ce titre.

La payanca 1958 — Los Muchachos de antes.

Avec la guitare et la flûte, cette petite composition peut donner une idée de ce qu’aurait pu être les versions du début du vingtième siècle, si elles n’avaient pas été bridées par les capacités de l’enregistrement. On notera que cette version est la plus proche d’un rythme de milonga et qu’elle pourrait remplir son office dans une milonga avec des danseurs intimidés par ce rythme.

La payanca 1959 — Miguel Villasboas y su Quinteto Típico.

Les Uruguayens sont restés très fanatiques du tango milonga. En voici une jolie preuve avec Miguel Villasboas.

La payanca 1959-03-23 — Donato Racciatti y sus Tangueros del 900.

Oui, ce tango inspire les Uruguayens. Racciatti en donne également sa version la même année.

La payanga 1964 — Orquesta Osvaldo Pugliese.

Pas évident de reconnaître notre thème du jour dans la version de Pugliese. C’est une version perdue pour les danseurs, mais qu’il convient d’apprécier sur un bon système sonore.

La payanca 1964-07-29 — dir. Francisco Canaro.

De la même année que l’enregistrement de Pugliese, on mesure la divergence d’évolution entre Pugliese et Canaro. Cependant, pour les danseurs, la version du Quinteto pirincho, dirigé pour une des toutes dernières fois par Canaro sera la préférée des deux…

La payanca 1966-07-25 — Orquesta Juan D’Arienzo.

D’Arienzo se situe entre Pugliese et Canaro pour cet enregistrement quasiment contemporain, mais bien sûr bien plus proche de Canaro. Ce n’est pas vraiment un titre de danse, mais il y a des éléments intéressants. Définitivement, je l’avoue, je reste avec la version de 1936.

La payanga 1984 — Orquesta con y Víctor Renda.

Alberto Nery fut pianiste d’Edith Piaf en 1953. Ici, il nous propose une des rares versions chantées, avec les paroles de Jesús Fernández Blanco. Vous aurez donc les deux versions à écouter. Honnêtement, ce n’est pas beaucoup plus intéressant que l’enregistrement de Eduardo Arolas et Pancho Cuevas antérieur de près de 70 ans. On notera toutefois le duo final qui relève un peu l’ensemble.

La payanca 2005 — .

Pour terminer en fermant la boucle avec une version à la saveur début du vingtième siècle, je vous propose une version par le Cuarteto Guardia Vieja.

À demain, les amis !

Racing Club 1930-06-03 – Sexteto Carlos Di Sarli

Vicente Greco Letra : Carlos Pesce

Les Argentins sont toqués de football, comme peu d’autres peuples. Chacun est hincha (fan) d’un club. Il était donc naturel que cela se retrouve dans l’autre passion de certains Argentins, le tango. Notre ne brille pas forcément par ses paroles, mais la musique de Vicente Greco est intéressante et comme toutes les versions enregistrées sont instrumentales, on peut danser, même si on déteste le football.

Extrait musical

Partition pour piano de . On voit que sur la couverture de la partition, la dédicace aux affiliés au Racing Club et la mention « Tango Footballistico ». L’orthographe est plus proche de l’anglais que l’orthographe actulle, les Argentins écrivent désormais Futbol.
Racing Club 1930-06-03 – Sexteto .

On connaît bien l’entrée en matière énergique. Cette version se distingue de bien des enregistrements de l’époque, par un bel étagement des instruments, avec un motif de violon qui lie le tout et quelques relances de piano ou de bandonéon. Cette version est assez moderne et pourrait probablement passer en milonga, notamment, s’il y a beaucoup de piétineurs dans les participants.
Pour cet enregistrement, le sexteto est composé des musiciens suivants :
César Ginzo et Tito Landó (bandonéons) Carlos Di Sarli (piano) Roberto Guisado et Héctor Lefalle (violons) et Domingo Capurro à la contrebasse.

Paroles


club de mi pueblo querido,
yo que admiro con cariño
tu valiente batallar
en esas horas gloriosas
para el deporte argentino,
fuiste campeón genuino
de la masa popular.

Racing Club, vos que diste
academia en la América del Sur
gran campeón de los de oro
del futbol de mi Nación,
yo quisiera ver triunfar a tus colores,
que son los de mi bandera
porque aún seguís siendo para todos
el glorioso Racing Club.

Noble club con gran cariño
te sigue la muchachada
la que tan entusiasmada
te sabrá siempre alentar,
porque sos vos Racing Club
la gloria del tiempo de oro
como el Alumni que añoro
y jamás volverá.

Vicente Greco Letra: Carlos Pesce

libre et indications

Racing Club de Avellaneda, club de mon village bien-aimé, moi qui admire avec affection ta courageuse bataille en ces heures glorieuses pour le sport argentin, tu as été un véritable champion des masses populaires.
Racing Club, toi qui as donné académie en Amérique du Sud, grand champion de l’ancien âge d’or du football dans ma nation, je voudrais voir triompher tes couleurs, qui sont celles de mon drapeau, car tu es toujours pour nous tous, le glorieux Racing Club.
Noble club, avec beaucoup d’affection te suit la foule, celle qui avec tant d’enthousiasme saura toujours t’encourager, car tu es, toi,
Racing Club, la gloire de l’âge d’or, comme L’Alumni (club de football des élèves de l’école Willis High School, disparu en 1913) qui me manque et jamais ne reviendra.
Les fans de foot pourront regarder cette courte vidéo présentant l’histoire du club Alumni.

https://youtu.be/R5Nr6FKgJ6k

Histoire du club Alumni en vidéo. Les maillots ont des rayures comme celles du Racing Club, mais rouges et blanches au lieu de célestes et blanches.

Pour les superfans qui s’intéressent à l’histoire des stades, je propose ce document, seulement en espagnol, mais bien documenté sur la vie des stades, notamment à partir d’exemples portègnes. El ciclo de vida de los estadios porteños (PDF).

Autres versions

Racing Club 1916 – Orquesta Típica Ferrer (Orquesta Típica Argentina Celestino).

Je pense que vous êtes désormais habitué à ce son linéaire. La prise de son acoustique ne rend sans doute pas une grande justice à la prestation. Les nuances sont impossibles. Jouer moins fort, c’est prendre le risque que la musique disparaisse dans le bruit de fond du disque. On entend cependant de jolis motifs, comme les « twitwititis » de la flûte, en arrière-plan. Comme avec la plupart des tangos de l’époque, on peut trouver le résultat monotone, les différentes parties étant très similaires, pour ne pas dire identiques.

Racing Club 1930-06-03 – Sexteto Carlos Di Sarli. C’est notre tango du jour.
Racing Club 1940-07-04 – Orquesta Carlos Di Sarli.

Avec son orchestre, Di Sarli enregistre de nouveau le titre. Une version vraiment très différente de la version de 1930 qui permet de mesurer son évolution et reconnaître ses évolutions futures. Roberto Guisado (violon) et Carlos Di Sarli (piano), sont les seuls musiciens ayant participé au sexteto.

Racing Club 1942 – Orquesta Aníbal Troilo.

Bien que ce ne soit pas son club de cœur, il était de River, Troilo a enregistré le titre. La qualité sonore est médiocre, car c’est un enregistrement en acétate réalisé lors d’une prestation à la radio, c’est dommage, avec un enregistrement correct, on aurait eu une version animée pour les milongas.

Racing Club 1946-03-29 – Orquesta .

On ne s’attend sans doute pas à trouver cet enregistrement de la part de D’Agostino. Mais c’est sans doute qu’on privilégie les enregistrements avec Ángel Vargas qui pousse d’Agostino à plus de douceur et de romantisme. On notera un appel en début de morceau, au bandonéon, différents des versions précédentes.

Racing Club 1949-10-13 – Orquesta Alfredo Gobbi.

Le moins qu’on puisse dire est que Gobbi n’est pas très apprécié/passé en milonga, mais si on le passe, c’est avec Racing Club et Orlando Goñi, et bien sûr Independiente Club qui est le pendant parfait de Racing Club, puisque c’est un club concurrent. Peu de DJ s’aventurent beaucoup plus loin et c’est sans doute mieux ainsi, car il est difficile de faire une belle tanda, homogène, avec le reste de ses enregistrements… Gobbi utilise le même appel au bandonéon que D’Agostino.

Racing Club 1950-09-13 – Orquesta .

Racing Club 1950-09-13 – Orquesta Rodolfo Biagi. Bon, c’est du Biagi. Cela se reconnaît dès le début, Biagi entre directement dans le « Tchang – Tchang » qui lui est cher. Ceux qui n’ont pas reconnu, le feront au bout des quinze premières secondes, lors de la première virgule (la petite fioriture) de Biagi au piano. Même si Biagi a de nombreux fans, il est difficile de mettre plus de deux tandas de cet orchestre dans une milonga si on veut proposer un éventail de sensations plus large. Mais certains sont prêts à danser toute la nuit avec Biagi, alors, ojo comme on dit en Argentine, attention, DJ, on t’a à l’œil, ou plutôt à l’oreille).

Racing Club 1966-10-07 – Los Siete Del Tango dir. y arr. Luis Stazo y Orlando Trípodi.

Pour terminer, cette liste qui pourrait bien sûr être plus longue, cette version par les anciens musiciens de Pugliese, Los Siete Del Tango (les 7 du tango). On n’est plus dans la danse, mais c’est de la belle ouvrage. On notera que le début est celui de D’Agostino, mais revu. Il est plus lent et annonce une pause avant le début du morceau.

Pour réconcilier les footeux et les tangueros et faire plaisir à ceux qui sont les deux

Je vous propose cette vidéo avec comme musique, Quejas de bandoneón par Aníbal Troilo, dansé à San Telmo (quartier de ) par un couple virtuose du ballon rond. Petite fantaisie, Troilo était hincha de River Plate (Les anglo-saxons parlent de River Plate pour le Río de la Plata), pas du Racing, mais comme fanatique de football, il me pardonnera sans doute, d’autant plus qu’il a enregistré Racing Club…
Pour le Racing, il faudrait plutôt choisir Atilio Stampone qui était hincha de ce club, mais il n’a pas enregistré le titre…

Réalisé pour la coupe du Monde de 2018, ce film était dans le cadre de la campagne futbol deporte nacional (Football, Sport National).

Allez, un dernier truc, une playlist pour hinchas de Racing sur Spotify… ATTENTION, cela n’a rien de tango, c’est juste pour vous aider à prendre la dimension du phénomène football en Argentine.

El pollo Ricardo 1946-03-29 – Orquesta Carlos Di Sarli

Luis Alberto Fernández Letra : Gerardo Adroher

Je dédicace cet article à mon ami Ricardo Salusky, DJ de Buenos Aires, ce tango étant une d’amitié, c’était logique. Pollo, le poulet, est un surnom assez courant, les Argentins et Uruguayens sont friands de cet exercice qui consiste à ne jamais dire le véritable prénom de personnes…

Reste à savoir qui était le poulet de Luis Alberto Fernández, l’auteur et le parolier de ce tango qu’il a dédicacé à un de ses amis.
Ricardo est un prénom courant. Il nous faut donc investiguer.
Luis Alberto Fernández (c’est son véritable nom) est né à Montevideo le 29 mars 1887. Il était pianiste, compositeur et parolier d’au moins deux tangos, celui dont nous parlons aujourd’hui et Intervalo. El Pollo Ricardo est indiqué dans les registres de la comme étant de 1911, ce que confirment d’autres sources, comme les plus anciennes exécutions connues par Carlos Warren, puis (malheureusement sans ) et un peu plus tardivement (1917), celle de Celestino Ferrer que vous pourrez écouter à la fin de cet article.
De Fernández, on ne connaît que deux compositions, El pollo Ricardo et Intervalo.
En cherchant dans les amis de Fernández on trouve un autre Uruguayen ayant justement écrit un tango sur les cartes,

Une partition de Ricardo Scandroglio du tango « En Puerta » (l’ouverture) sur le thème des jeux de cartes. On notera que l’auteur se fait appeler (El Pollo Ricardo).

On retrouve ce Ricardo Scandroglio sur une photo où il est au côté de Luis Alberto Fernández.

Photo prise dans les bois de en 1912 (Parque Tres de Febrero à Buenos Aires).

Assis, de gauche à droite : El pollo Ricardo qui a bien une tête de poulet, non ? Au centre, Luis Alberto Fernández et . Debouts, et Fernández Castilla. Cette photo a été reproduite dans la revue La Mañana du 29 septembre 1971.
Et pour clore le tout, on a une entrevue entre et Ricardo Scandroglio où ce dernier donne de nombreuses précisions sur leur amitié.
Vous pouvez écouter cette entretien (à la fin de la version de Canaro de El pollo Ricardo) ici:
https://bhl.org.uy/index.php/Audio:_Entrevista_a_Ricardo_Scandroglio_a_sus_81_a%C3%B1os,_1971
Mais je vous conseille de lire tout le dossier qui est passionnant :
https://bhl.org.uy/index.php/Scandroglio,_Ricardo_-_El_Pollo_Ricardo

Extrait musical

Il s’agit du deuxième des trois enregistrements de El pollo Ricardo par Carlos Di Sarli. Nous écouterons les autres dans le chapitre « autres versions ».

El pollo Ricardo 1946-03-29 — Orquesta Carlos Di Sarli.
Couverture de la deuxième édition et partition pour piano de El pollo Ricardo

Les paroles

Personne ne connaît les paroles que Gerardo Adroher, encore un Uruguayen, a composées, mais qu’aucun orchestre n’a enregistrées.
Ce tango a été récupéré par les danseurs qui ont moins besoin des paroles. Toutefois, il me semble intéressant de les mentionner, car il montre l’atmosphère d’amitié entre Ricardo Scandroglio et Luis Alberto Fernández.

Tu pinta de bacán
tu estampa de varón
tu clase pura para el baile
cuando te floreás
te han distinguido
entre los buenos guapos con razón
porque entrando a tallar
te hiciste respetar.
Pollo Ricardo
vos fuiste amigo fiel
y yo he querido con un tango
bravo y compadrón
dar lo mejor de mi amistad
a quien me abrió su corazón.
La barra fuerte del café
muchachos bravos de verdad
formaban rueda cuando vos
maravillabas al tanguear.
Y siempre fue tu juventud
el sol que a todos alumbró
borrando sombras con la luz
que tu bondad nos dio.
Y cuando pasen los años
oirás en el compás de este tango
un desfilar de
largo… largo.
Puede que entonces
me fui yo a viajar
con rumbo por una estrella.
Mira hacia el cielo
es ella, la que brilla más.

Gerardo Adroher

Traduction libre et indications

Ton élégance de noceur, ton allure de mec, ta pure classe pour la danse quand tu brilles t’ont distingué parmi les beaux élégants, à juste titre, parce que quand tu entres en taille (figure de tango, comme dans le ocho cortado. Ne pas oublier que la forme ancienne du tango de danse avait des attitudes pouvant rappeler le combat au couteau) ; tu t’es fait respecter.
Poulet Ricardo tu étais un ami fidèle et moi j’ai aimé avec un tango, courageux, et compère, donner le meilleur de mon amitié à qui m’a ouvert son cœur.
La bande du café, des garçons vraiment bons (vaillants, bons danseurs dans le cas présent).
Formant le cercle quand tu émerveillais en dansant le tango.
Et ça a toujours été ta jeunesse, le soleil qui a illuminé tout le monde, effaçant les ombres avec la lumière que ta bonté nous a donnée.
Et quand les années passeront, tu entendras au rythme de ce tango un défilé de
long… long.
Il se peut qu’ensuite, je sois parti en voyage,
En route vers une étoile. Lève les yeux vers le ciel, c’est celle qui brille le plus.
Fernandez est décédé en 1947, et il avait trois ans de plus que Ricardo, ces paroles peuvent paraître prémonitoires, mais avec beaucoup d’avance…

Autres versions

Les premières versions

Le premier orchestre à avoir joué El pollo Ricardo en 1912 serait l’orchestre uruguayen de Carlos Warren, mais il ne semble pas y avoir d’enregistrement. Même chose pour la version par Juan Maglio Pacho. La partition aurait été éditée en 1917, mais si on prend en compte que Fernández jouait d’oreille et n’écrivait pas la musique, on peut penser que les premières interprétations soient passées par un canal différent.

El pollo Ricardo 1917-01-17 — Orquesta Típica de Celestino Ferrer.

C’est, a priori, la plus ancienne version existante en enregistrement. Ferrer était réputé pour sa participation aux nuits parisiennes autour des orchestres comme celui de Pizarro. On lui doit un tango comme compositeur, El Garrón, qui célèbre le salon parisien qui fut un des premiers lieux de tango à Paris. Il faut attendre un peu pour trouver des versions dansantes du tango.

El pollo Ricardo 1938-05-09 — Quinteto Don Pancho dir. Francisco Canaro.

Une version bien ronde et qui avance avec une cadence régulière qui pourra plaire aux danseurs milongueros. J’aime bien les petits « galops » qu’on entend particulièrement bien vers 43 secondes et à diverses reprises. Cependant, on ne pense pas forcément à un poulet ou à un danseur de tango.

Les trois enregistrements de Di Sarli

J’ai choisi de regrouper les trois enregistrements de Di Sarli pour qu’il soit plus facile à comparer. La version intermédiaire de D’Arienzo de 1947 sera placée après celle de 1951 de Di Sarli, ce qui vous permettra de comparer également les deux enregistrements de D’Arienzo (1947 et 1952).

El pollo Ricardo 1940-09-23 Orquesta Carlos Di Sarli.

C’est la première version de ce thème par Di Sarli. À diverses reprises le son du bandonéon peut faire penser au caquètement d’un poulet (0 : 26 ou 1 : 26 par exemple).

El pollo Ricardo 1946-03-29 — Orquesta Carlos Di Sarli. C’est notre tango du jour.

Le tempo est plus modéré que dans la version de 1940 et le caquètement de poulet est plus accentué, en contraste avec les violons en legato. Comme le tempo est un peu plus lent, les caquètements sont décalés à 0 : 30 et 1 : 30. En six ans on remarque bien l’évolution de l’orchestre, même si le style reste encore très rythmé et les violons s’expriment moins que dans des versions plus tardives comme celle de 1951.

El pollo Ricardo 1951-07-16 — Orquesta Carlos Di Sarli.

La sonorité de cette version est plus familière aux aficionados de Di Sarli des années 50. Les violons sont beaucoup plus présents, y compris dans les caquètements qui toutefois sont plus discrets que dans les deux autres versions. Le piano s’exprime également plus et rajoute les fioritures qui sont une des caractéristiques du Di Sarli des années 50.

Les deux enregistrements de D’Arienzo

Les deux enregistrements de D’Arienzo sont à comparer aux deux enregistrements quasi contemporains de Di Sarli (46-47 et 51-52).
Comme nous l’avons vu, l’évolution de Di Sarli est allée en direction des violons. Celles de D’Arienzo serait plutôt de favoriser les bandonéons et de les engager dans le marquage du tempo, comme d’ailleurs tous les instruments de l’orchestre. Il n’est pas El Rey del Compas pour rien… Le piano a toujours une grande place chez D’Arienzo qui n’oublie pas que c’est aussi un instrument à percussion…

El pollo Ricardo 1947-05-20 — Orquesta Juan D’Arienzo
El pollo Ricardo 1952-11-12 — Orquesta Juan D’Arienzo

Retour en Uruguay

Le héros, le compositeur et le parolier de ce tango étant uruguayens, il me semble logique de donner la parole en dernier à trois orchestres de ce pays.

El pollo Ricardo 1972 — Orquesta Orquesta Donato Racciatti.

Une version énergique et au tempo soutenu. Quelques illuminations du piano de Racciatti répondent aux violons (jouant legato mais aussi en pizzicati) . Le style haché et joueur peut être intéressant à proposer aux danseurs.

El pollo Ricardo 1985 – Miguel Villasboas y su Orquesta Típica.

Un peu moins tonique que la version de Racciatti et avec la sonorité particulière de cet orchestre, on trouve tout de même un air de famille, le son uruguayen 😉 Les violons un peu plus lyriques, le piano plus sourd rendent sans doute cette version moins intéressante, mais elle devrait tout de même plaire aux danseurs notamment dans la dernière partie qui est plutôt très réussi et entraînante.

El pollo Ricardo 2005-10 – Orquesta Matos Rodríguez.

Bien que l’orchestre se réfère à Matos Rodríguez (le compositeur uruguayen de la Cumparsita), on est plus dans une impression à la Di Sarli. Cependant, le résultat est un peu mièvre et ne se prête pas à une danse de qualité, même s’il reprend des idées des orchestres urugayens et des trucs à la Sassone.

La dédicace à El Pollo Ricardo

Comme Fernandez a réalisé un hommage à son ami Ricardo, je fais de même avec Ricardo, l’excellent DJ de Buenos Aires. J’ai emprunté la photo au talentueux photographe (celui qui avait réalisé la grande fresque du salon

Adios Argentina 1930-03-20 — Orquesta Típica Victor

Gerardo Hernán Matos Rodríguez Letra: Fernando Silva Valdés

Je suis dans l’avion qui m’éloigne de mon Argentine pour l’Europe. La coïncidence de date fait, que je me devais le choisir comme . Il y a un siècle, les musiciens, danseurs et chanteurs argentins s’ouvrirent, notamment à Paris, les portes du succès. Un détail amusant, les auteurs de ce titre sont Uruguayens, Gerardo Hernán Matos Rodríguez, l’auteur de la Comparsita et Fernando Silva Valdès…

Correspondance de date. Cette anecdote a été écrite dans l’avion l’an dernier et je suis encore de voyage entre l’Argentine et l’ à la même date. Ce court exil me permettra d’animer quelques milongas et je rentrerai à , fin avril.

Ce titre peut ouvrir la piste à de très nombreux sujets. Pas question de les traiter tous. Je liquide rapidement celui de l’histoire contée dans ce tango, d’autant plus que cette version est instrumentale. C’est un gars de la campagne qui s’est fait voler sa belle par un sale type et qui a donc décidé de se faire la belle (s’en aller) en quittant l’Argentine « Adios Argentina ».
Il se peut qu’il se retourne en Uruguay, ce qui serait logique quand on connaît la nostalgie des originaires de la Province de l’Est (voir par exemple, Felicia écrit par Carlos Mauricio Pacheco).
Dans le cas présent, j’ai préféré imaginer qu’il va en Europe. Il dit dans la chanson qu’il cherche d’autres terres, et un autre soleil, ce n’est donc sans doute pas le Sol de Mayo qui est commun, quoique d’aspect différent sur les deux drapeaux.

Les voyages transatlantiques des musiciens de tango

Le début du vingtième siècle jusqu’en 1939 a vu de nombreux musiciens et chanteurs argentins venir tenter leur chance en Europe.
Parmi eux, en vrac :
Alfredo Eusebio Gobbi et sa femme Flora Rodriguez, Ángel Villoldo, Eduardo Arolas, Enrique Saborido, Eduardo Bianco, et son fils Tito, les frères Canaro, , Vicente Loduca, Manuel Pizarro, , José Razzano, Mario Melfi, Víctor Lomuto, Genaro Espósito, Celestino Ferrer, Eduardo Monelos, Horacio Pettorossi…
La liste est interminable, je vous en fais grâce, mais nous en parlerons tout au long des anecdotes de tango. Sachez seulement que, selon l’excellent site « La Bible tango », 345 orchestres ont été répertoriés, chaque orchestre comptant plusieurs musiciens. Même si tous n’étaient pas Argentins ou Uruguayens de naissance, ils ont donné dans la mode « Tango ». Pour en savoir plus, vous pouvez consulter l’excellent site de Dominique Lescarret (dit el Ingeniero « Une histoire du tango »)

Vous remarquerez que l’orchestre de Bianco et Bachita est vêtu en costume de Gaucho et qu’ils portent la fameuse bombacha, bombacha offerte par la France à l’Argentine… En effet, le syndicat des musiciens français obligeait les artistes étrangers porter un costume traditionnel de leur pays pour se distinguer des artistes autochtones.

Histoire de bombachas

On connaît tous la tenue traditionnelle des gauchos, avec la culotte ample, nommée bombacha. Ce vêtement est particulièrement pratique pour travailler, car il laisse de la liberté de mouvement, même s’il est réalisé avec une étoffe qui n’est pas élastique.
Cependant, ce qui est peut-être moins connu c’est que l’origine de ce vêtement est probablement française, du moins indirectement.
En France métropolitaine, se portaient, dans certaines régions, comme la Bretagne, des braies très larges (bragou-braz en breton).
Dans les pays du sud et de l’est de la Méditerranée, ce pantalon était aussi très utilisé. Par exemple, par les janissaires turcs, ou les zouaves de l’armée française d’Algérie.

La désastreuse guerre de Crimée en provoquant la mort de 800 000 soldats a également libéré des stocks importants d’. Qu’il s’agisse d’uniformes de zouaves (armée de la France d’Algérie dont quatre régiments furent envoyés en Crimée) ou de Turcs qui étaient alliés de la France dans l’affaire.

Napoléon III s’est alors retrouvé à la tête d’un stock de près de 100 000 uniformes comportant des « babuchas », ce pantalon ample. Il décida de les offrir à Urquiza, alors président de la fédération argentine. Les Argentins ont alors adopté les babuchas qu’ils réformeront en bombachas.
En guise de conclusion et pour être complet, signalons que certaines personnes disent que le pantalon albicéleste d’Obélix, ce fameux personnage René Goscinny et Albert Uderzo est en fait une bombacha et que c’est donc une influence argentine. Goscinny a effectivement vécu dans son enfance et son adolescence en Argentine de 1927 (à 1 an) à 1945. Il a donc certainement croisé des bombachas, même s’il a étudié au lycée français de Buenos Aires. Ce qui est encore plus certain, c’est qu’il a connu les bandes alternées de bleu ciel et de blanc que les Argentins utilisent partout de leur drapeau à son équipe nationale de foot.

Il se peut donc que Goscinny ait influencé Uderzo sur le choix des couleurs du pantalon d’Obélix. En revanche, pour moi, la forme ample est plus causée par les formes d’Obélix que par la volonté de lui faire porter un costume traditionnel, qu’il soit argentin ou breton… Et si vraiment on devait retenir le fait que son pantalon est une bombacha, alors, il serait plus logique de considérer que c’est un bragou-braz, par Toutatis, d’autant plus que les Gaulois portaient des pantalons amples (braies) serrés à la cheville…

Extrait musical

Adiós Argentina 1930-03-20 – Orquesta Típica Victor.

Les paroles

Tierra generosa,
en mi despedida
te dejo la vida
en mi adiós.
Me voy para siempre
como un emigrante
buscando otras tierras,
buscando otro sol.
Es hondo y es triste
y es cosa que mata
dejar en la planta
marchita la flor.
Pamperos sucios
ajaron mi china,
adiós, Argentina,
te dejo mi amor.

Mi alma
prendida estaba a la de ella
por lazos
que mi cariño puro trenzó,
y el gaucho,
que es varón y es altanero,
de un tirón los reventó.
¿Para qué quiero una flor
que en manos de otro hombre
su perfume ya dejó?

Llevo la guitarra
hembra como ella;
como ella tiene
cintas de color,
y al pasar mis manos
rozando sus curvas
cerraré los ojos
pensando en mi amor.
Adiós, viejo rancho,
que nos cobijaste
cuando por las tardes
a verla iba yo.
Ya nada queda
de tanta alegría.
Adiós Argentina,
vencido me voy.

Gerardo Hernán Matos Rodríguez Letra: Fernando Silva Valdés

Traduction libre

Terre généreuse, dans mes adieux, je te laisse la vie tremblante dans mes adieux. Je pars pour toujours comme un émigré à la recherche d’autres terres, à la recherche d’un autre soleil. C’est profond et c’est triste et c’est une chose qui tue que de laisser la fleur sur la plante fanée. Les sales pamperos ont sali ma chérie, au revoir, Argentine, je te laisse mon amour.
Mon âme était attachée à la sienne par des liens que ma pure affection tressait, et le gaucho, qui est homme et hautain, les brisa d’un seul coup. Pourquoi voudrais-je d’une fleur qui a déjà laissé son parfum dans les mains d’un autre homme ?
J’emporte ma guitare, femme comme elle, comme elle, elle a des rubans colorés, et, quand mes mains frôleront ses courbes, je fermerai les yeux en pensant à mon amour. Adieu, vieux ranch, tu nous abritais quand j’allais la voir le soir. Il ne reste rien de tant de joie. Adieu Argentine, vaincu, je pars.

J’ai laissé le terme « Pamperos » dans sa forme originale, car il peut y avoir différents sens. Ici, on peut penser qu’il s’agit des hommes de la pampa, vu ce qu’ils ont fait à sa china (chérie) voir l’article sur Por vos yo me rompo todo.
Le Pampero est aussi un vent violent et froid venant du Sud-ouest. Un vent qui pourrait faire du mal à une fleur. Dans un autre tango, Pampero de 1935 composé par Osvaldo Fresedo avec des paroles d’Edmundo Bianchi ; le Pampero (le vent) donne des gifles aux gauchos.

¡Pampero!
¡Viento macho y altanero
que le enseñaste al gaucho
golpeándole en la cara
a levantarse el ala del sombrero!

Pampero 1935-02-15 – Orquesta Osvaldo Fresedo con Roberto Ray (Osvaldo Fresedo Letra: Edmundo Bianchi)

Pampero, vent macho et hautain qui a appris au gaucho en le giflant à la face à lever les ailes de son chapeau (à saluer).

Le terme de Pampero était donc dans l’air du temps et je trouve que l’hypothèse d’un quelconque malotru de la Pampa fait un bon candidat, en tout cas meilleur que le compagnon de Patoruzú, le petit Tehuelche de la BD de Dante Quinterno, puisque ce cheval fougueux n’a rejoint son compagnon qu’en 1936, 8 ans après la création de la BD et donc trop tard pour ce tango. Mais de toute façon, je n’y croyais pas.

Autres versions

D’autre versions, notamment chantées, pour vous permettre d’écouter les paroles.
Les artistes qui ont enregistré ce titre dans les années 1930 étaient tous familiers de la France. C’est dans ce pays que le tango s’est acheté une « conduite » et qu’il s’est ainsi ouvert les portes de la meilleure société argentine, puis d’une importante partie de sa communauté de danseurs, de la fin des années 30 jusqu’au milieu des années 50 du XXe siècle.

Adiós Argentina 1930-03-20 – Orquesta Típica Victor.
Adiós Argentina 1930 – Alina De Silva accompagnée par l’Orchestre argentin El Morito. Voir ci-dessous un texte très élogieux sur cette artiste paru dans une revue de l’époque.
Adiós Argentina 1930-07-18 – Alberto Vila con conjunto
Adiós Argentina 1930-12-03 – Ada Falcón con acomp. de Francisco Canaro
Adiós Argentina 1930-12-10 – Orquesta Francisco Canaro. Une semaine après l’enregistrement du titre avec Ada Falcón, Francisco Canaro enregistre une version instrumentale.
Adiós Argentina 1930-12-10 – Orquesta Francisco Canaro. Il s’agit du même disque que le précédent, mais lu sur un gramophone de 1920. C’est en gros le son qu’avaient les utilisateurs de l’époque… La comparaison est moins nette car pour être mis en place sur ce site, les fichiers sont environ réduit à 40 % de leur taille, mais on entend tout de même la différence.
Adiós Argentina 2001-06 – Orquesta Matos Rodríguez (Orquesta La Cumparsita). Une sympathique versión par cet orchestre à la gloire du compositeur uruguyane, autour de la musique du tango du jour.

Le succès d’une chanteuse Argentine en France, Alina de Silva

« Nous l’avons connue à l’Empire il y a quelques mois.
Son tour de chant, immédiatement et justement remarqué, réunit les éloges unanimes de la critique.
Elle s’est imposée maintenant dans la pléiade des grandes et pures artistes.
Chanteuse incomparable, elle est habitée d’une passion frémissante, qu’elle sait courber à sa fantaisie en ondes douces et poignantes à la fois.
Sur elle, notre confrère Louis-Léon Martin a écrit, ce nous semble, des phrases définitives :
“Alina de Silva chante et avec quel art. Elle demeure immobile et l’émotion naît des seules indexions de son visage et des modulations de sa voix. Elle possède cette vertu extraordinaire de paraître toute proche, comme penchée vers nous. J’ai dit sa voix calme et volontaire, soumise et impérieuse, capiteuse, passionnée, mais jamais je ne I’avais entendue s’éteindre — mais oui, tous les sens ont ici leur part — en de belles pâmoisons. Alina de Silva joue de sa voix comme les danseuses, ses compatriotes, de leurs reins émouvants et flexibles. Elle subjugue…”
Deux ans ont suffi à Mlle Alina de Silva pour conquérir ce Paris qu’elle adore et qui le lui rend bien, depuis le jour où elle pénétra dans la capitale.
La petite chanteuse argentine est devenue maintenant une » étoile » digne de figurer à côté des plus éclatantes.
Il est des émotions qui ne trompent pas. Celles que continue à nous donner Alina de Silva accroissent notre certitude dans l’avenir radieux réservé à cette artiste de haute race. »
A. B.

Et ce n’est qu’un des nombreux articles dithyrambiques qui saluent la folie du tango en France à la belle époque des années folles.

A. B. ? La Rampe du premier décembre 1929

Ainsi s’achève mon vol

Mon avion va bientôt atterrir à Madrid, c’est merveilleux de faire en si peu d’heures le long trajet qu’ont effectué en bateau tant de musiciens argentins pour venir semer le tango en Europe. Je vais essayer, lors de cette tournée européenne, de faire sentir l’âme de notre tango à tous les danseurs qui auront la gentillesse de danser sur mes propositions musicales.
À très bientôt les amis !