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Mentías (vals) 1937-04-01 – Orquesta Juan D’Arienzo

Juan Carlos Casaretto Letra: Alfredo Navarrine

J’ai reçu ce matin un message d’un organisateur de me demandant quelle proposer pour un anniversaire, avec la contrainte que ce soit une valse du mois de janvier vu que l’anniversaire était aujourd’hui. J’ai proposé cette valse, Mentías, pour deux raisons. La première est que c’est une valse qui correspond bien à l’occasion et la seconde est que sa date d’enregistrement coïncide avec la date de naissance de la danseuse à fêter. Je te donc, Martine de Saint-Pierre (La Réunion), cette valse, en te souhaitant un excellent anniversaire.

Extrait musical

Disque RCA Victor (38 138 face B) de Mentías… Le numéro de matrice 93549 est indiqué à gauche de l’axe. Sur la face A (38 138-A) il y a El apronte, enregistré juste avant, le même jour, avec le numéro de matrice 93548-1.
Mentías 1937-04-01 – Orquesta Juan D’Arienzo.

Cette valse commence sur un rythme rapide, avec une introduction au piano par Rodolfo Biagi, qui proposera de nombreuses ponctuations et transitions légères (comme la première à 13s).
Durant toute la première partie (jusqu’à 28s), tous les instruments sont au service du rythme.
Ensuite, les bandonéons s’individualisent pour la partie B et ensuite cèdent le pas aux magnifiques violons.
À 1:50, la variation apporte une impression de vitesse, sans toutefois changer le tempo, simplement, comme le fait presque systématiquement D’Arienzo, en subdivisant les temps en employant des double-croches au lieu de croches.
Le rythme rapide, mais sans exagération et la fin somme toute tranquille, laisse la place à des titres plus énergiques pour terminer la tanda dans une explosion.
Ce titre est un bon premier titre, ce qui renforce ma conviction qu’il peut faire l’affaire pour un anniversaire.

Paroles

Mis ojos te grabaron en mi mente
Bajaste de la mente al corazón,
La flor del corazón se abrió en latidos
¡Latidos que acunaron nuestro amor!
Amor que florecía con tus besos
Tus besos encubrían la traición,
Traición que me valió la cruz del llanto
¡Y el llanto por mis ojos te arrojó!

¡Mentías…!
Con caricias… estudiadas…
¡Cinismo…!
Del cariño desleal…
Jurabas
Por tu dios y por tu madre…
¡Mira si no es criminal!
Los seres
Que han matado y se redimen,
Merecen el olvido y el perdón…
Cien vidas
No podrán borrar tu crimen
¡Asesinar la ilusión!

Y ahora que mi vida está vacía
Anclada en un silencio sin dolor,
Golpea el aldabón de tu recuerdo
Las puertas de mi pobre corazón…
Ya es tarde para unir idilios rotos
Miremos cara a cara la verdad,
No vuelvas a rondar por mi cariño
¡Que el sueño que se fue no torna más!
Juan Carlos Casaretto Letra: Alfredo Navarrine

Traduction libre des paroles

Mes yeux t’ont gravé dans mon esprit, tu es descendue de l’esprit au cœur, la fleur du cœur s’est ouverte en palpitant.
Des battements de cœur qui ont bercé notre amour !
L’amour qui s’est épanoui avec tes baisers. Tes baisers ont couvert la trahison, la trahison qui m’a valu la croix des pleurs.
Et les larmes à travers mes yeux t’ont rejetée !

Mensonges…!
Avec des caresses… Étudiées…
Cynisme…!
D’affection déloyale…
Tu as juré par ton dieu et par ta mère…
Vois si ce n’est pas criminel !
Les êtres qui ont tué et se sont rachetés méritent l’oubli et le pardon…
Cent vies ne pourront pas effacer ton crime
Tuer l’illusion !

Et maintenant que ma vie est vide, ancrée dans un silence indolore, le heurtoir de ton souvenir frappe les portes de mon pauvre cœur…
Il est trop tard pour unir des idylles brisées. Regardons la vérité face à face, ne reviens pas à chercher mon amour.
Car le rêve qui est parti ne revient pas !

On notera que les paroles sont très moyennement adaptées à une fête d’anniversaire. Cependant, cela ne dérange pas, car elles ne sont pas enregistrées et la musique les dément totalement.

Juan Carlos Casaretto y Alfredo Navarrine

Le compositeur de cette valse, Juan Carlos Casaretto n’est connu que pour un seul autre titre, un tango, y (avec J. Treviño, encore plus inconnu). Il en existe un enregistrement tardif par Enrique Rodriguez et Roberto Flores, mais ce n’est pas pour la danse.
Alfredo Navarrine (Pigmeo), en revanche, est à la tête d’une riche production. Avec son frère, Julio Plácido Navarrine, il a fourni bon nombre de titres de tango.

Des frères Alfredo et Julio Navarrine :

  • Alaridos 1942
  • Juana 1958
  • Mil novecientos treinta y siete 1937 (plus José Domingo Pécora)
  • Lechuza 1928
  • Oiga amigo 1933
  • Sos de Chiclana 1947 (plus Rafael Rossa)
  • Trilla e recuerdos

De Julio Navarrine :

  • A la luz del candil 1927
  • Barcos amarrados
  • Catorce primaveras
  • El anillito de plata
  • El vinacho Milonga
  • La piba de los jazmines
  • Oiga amigo
  • Oro muerto (Jirón porteño) 1926
  • Por qué no has venido 1926
  • Qué quieren yo soy así Milonga
  • Trago amargo 1925

De Alfredo Navarrine :

  • Agüita e luna
  • Ayer y hoy 1939
  • Bandoneones en la noche
  • Barrio reo 1927
  • Brindis de olvido 1945
  • Canción del reloj
  • Canto estrellero 1943
  • Cielito del porteño 1950
  • Como una flor 1947
  • Con licencia 1955
  • Corazón en sombras 1943
  • Curiosa
  • Desvíos
  • Escarmiento 1940
  • Escúcheme, gringo amigo 1944
  • Estampa rea 1953
  • Este amor 1938
  • Falsedad 1955
  • Fea 1925
  • Gajito de cedrón 1973 Canción criolla
  • 1925
  • He perdido un beso 1940
  • Humildad 1938
  • La condición 1946
  • La Federal
  • Latido porteño
  • Luna 1951
  • Mentías 1941 (Notre valse du jour)
  • Milonga de un argentino 1972
  • No nos veremos más 1939
  • Noche de plata 1930 (Vals)
  • Nocturno inútil 1941
  • Ojos en el corazón 1945
  • Ojos tristes 1939
  • Pajarada 1945
  • Qué linda es la vida
  • Rancheriando
  • Resignación
  • Ronda de sueños 1944
  • Rosas negras 1942
  • Sangre porteña 1946
  • Sé hombre
  • Señor Juez 1941
  • Señuelo 1977
  • Serenidad 1946
  • Tamal 1975
  • Tango lindo
  • Tango para un mal amor 1948
  • Tata Dios 1931
  • Torcacita
  • Tucumana (Zamba)
  • Tucumano 1961
  • Vidalita
  • Yo era un corazón 1939
  • Yunque 1953

Autres versions

Il n’y a pas d’autre version de notre valse du jour, Il est assez curieux de voir la frilosité des orchestres contemporains pour enregistrer des valses. Ils nous donnent des dizaines de versions de quelques tangos, mais très peu de valses ou de milongas.
Si cette valse n’a pas été enregistrée par la suite, nous avons un tango du même titre composé par Juan de Dios Filiberto avec des paroles de Milon E. Mujica.
Je vous propose deux enregistrements de celui-ci et on terminera par la valse du jour.

Mentías 1923 – Carlos Gardel con acomp. de , José Ricardo (guitarras).

Un enregistrement acoustique. Bien sûr on réserve cela pour l’écoute et pas pour le bal.

Mentías 1927-10-20 – Orquesta Roberto Firpo.

Une jolie version. C’est assez léger et pas trop marqué en intense… Cela reste cependant un peu monotone, mais le joli violon de Cayetano Puglisi, délicieusement larmoyant, fait pardonner cela.

Mentías 1937-04-01 – Orquesta Juan D’Arienzo.

Mentías 1937-04-01 (vals) – Orquesta Juan D’Arienzo. C’est notre valse du jour. On termine avec énergie.

La tradition de la valse d’anniversaire

Il est des traditions dont on ne connaît pas vraiment l’origine. La valse d’anniversaire dans les milongas en fait sans doute partie. Il se peut aussi que ce soit une ignorance de ma part.
Voici ce qui me semble à peu près vérifiable.

La valse des mariés

Un peu partout dans le monde, les nouveaux mariés ouvrent le bal, par une valse, ce qui assure à certains professeurs de danse une petite rente. Ils mettent en scène une petite chorégraphie, les mariés l’apprennent par cœur et le jour de la noce, ils émerveillent les invités et la famille, soigneusement anesthésiés au préalable par la richesse du repas et des alcools servis.

La valse des 15 ans

Plus spécifiquement en Amérique latine, il y a la tradition des 15 ans des jeunes filles/femmes.
Cette cérémonie, peut-être issue des cultures précolombiennes, perdure de nos jours avec des formes, souvent très élaborées. Il existe des boutiques de robes spéciales pour les 15 ans, des maîtres de cérémonie et des vidéastes spécialisés.
Ce sont des fêtes fort coûteuses et les familles s’endettent bien plus pour les quinze ans que pour le mariage.
Cette tradition évolue, mais en général, la jeune femme est présentée par le père (ou parrain) et effectue avec lui une valse, puis, les amis d’enfance, éventuels prétendants et autres, dansent avec la quinceañera (jeune femme de 15 ans). Voir l’article de Wikipédia pour des éléments plus concrets.
En Europe, chez les puissants, on peut trouver une cérémonie parallèle, le bal des débutantes.

La valse d’anniversaire des tangueros

Vous avez reconnu l’organisation de la valse d’anniversaire telle qu’elle se pratique dans les milongas.
À ce sujet, il existe plusieurs façons de faire et beaucoup d’organisateurs ne souhaitent pas qu’on « perde » du temps à cette manifestation. D’autres, comme celui qui m’a commandé la valse ce matin, marquent plus d’attention pour cette tradition.
En Argentine, les amis tangueros fêtent l’anniversaire à la milonga. Ils réservent une table et c’est une des occasions où il est autorisé d’apporter de la nourriture de l’extérieur. En général, un gâteau qui ferait tomber en syncope un nutritionniste, il n’y a jamais trop de crème et de sucre. Le « champagne » local, qui lui est celui vendu dans la milonga, participe à la fête, ainsi que souvent, des déguisements et autres fantaisies.
En Europe, cela se fait moins, on pense que le temps pris pour fêter l’anniversaire est du temps perdu pour les danseurs. C’est un peu vrai, mais c’est aussi oublier la dimension sociale du tango. Nous sommes une communauté et c’est important de la renforcer par des marques d’amitié. Le tango n’est pas un club de gym où on fait son entraînement avec des écouteurs sur les oreilles. On parle, on chante et on partage.
Comme DJ, il est important d’aider à trouver l’équilibre. Si l’organisateur refuse que l’on fête un anniversaire, je me contente d’une dédicace avant la tanda de valse. Libre aux danseurs qui le souhaitent d’organiser un moment convivial.
Lorsque c’est l’organisateur qui le demande, il y a plusieurs possibilités. Parfois, tous les danseurs/danseuses veulent danser avec la personne qui fête son anniversaire. Dans ce cas, il se forme une immense file et ils refuseront d’aller danser avec quelqu’un d’autre tant qu’ils n’auront pas réussi à partager quelques secondes de valse. Parfois, cela dure toute la tanda.
Cela peut être effectivement frustrant pour ceux qui ne danseront pas avec la personne dont c’est l’anniversaire (les femmes, si c’est une femme qui fête son anniversaire, ou les hommes dans le cas contraire). Cela risque de faire baisser l’énergie dans le bal et à moins que l’ambiance soit très amicale, je pense que cette organisation est à éviter.
Plus intéressante est la mise en place d’un double parcours. On invite le héros de soirée à se placer au centre de la piste et les partenaires intéressés s’alignent. Les autres danseurs peuvent les entourer en dansant autour. Je trouve cela assez sympathique et cela ne frustre ni les stakhanovistes du bal ni les amis qui souhaitent partager quelques secondes de danse avec la personne qui fête son anniversaire.
Il me semble qu’il est intéressant de proposer cette organisation, ce que peut faire le DJ avec l’accord de l’organisateur, ou l’organisateur, de son propre chef. Pour bien mettre en valeur l’anniversaire, on peut réserver une partie du premier thème au seul anniversaire et remplir progressivement la piste. S’il y a beaucoup de prétendants, cela peut impliquer de réserver tout le premier titre de la tanda à la personne qui fête son anniversaire.
Comme DJ qui aime proposer des valses, je propose, en plus de la valse d’anniversaire, une tanda complète. Cela permet aux danseurs qui ont participé au manège de danser avec un autre partenaire. La tanda fera donc au moins quatre valses, voire cinq, si je suis sur un régime de tandas de 4 et que le premier titre a été entièrement utilisé pour souhaiter l’anniversaire.
Les danseurs qui vont inviter la personne dont c’est l’anniversaire ne doivent pas hésiter à faire un peu de spectacle. Pas dans la façon de danser (ils doivent au contraire, être aux petits soins pour le partenaire), mais dans la manière de prendre son tour (ou de le donner). Cela apporte une distraction à ceux qui ne participent pas.
Dans mon ancien profil Facebook, malheureusement fermé pour d’obscures raisons, j’avais réalisé une vidéo en direct où les danseurs qui s’étaient mis en file indienne se sont mis à se balancer en rythme d’un pied sur l’autre. Ce fut un superbe moment, tous les hommes de l’événement se balançant d’une même cadence, dans l’attente de partager quelques secondes de bal.

Mentías. L’illustration n’est pas exactement fidèle au texte, mais plutôt à la musique et surtout, elle évoque l’utilisation que j’en propose, une valse d’anniversaire.

Heureux anniversaire Martine !

À bientôt les amis !

Año nuevo 1956-01-31 (Marcha) – Alberto Castillo y su Orquesta Típica dir. por Ángel Condercuri

A. Riobal ( Castillo) ; Trío Los Halcones (Alberto Losavio ; Héctor Serrao ; Rodolfo Genaro Serrao)

¡Feliz ! Il est minuit à , c’est l’année nouvelle qui commence. Les fusées de feu d’artifice pétaradent et illuminent le ciel de Buenos Aires. Ici, pas de majestueux feux d’artifice élaborés par des artificiers professionnels. Ce sont les Argentins qui se chargent du spectacle en fonction de leurs moyens financiers et de leurs capacités. Notre musique du jour n’est pas un tango, mais est chantée par un de ses chanteurs, Alberto Castillo, qui en est également un des auteurs.

Riobal y los Halcones

Quelques mots sur les auteurs de ce titre.

Riobal

Riobal, alias Alberto Castillo, alias…, alias…, alias…, alias…

Riobal est un des pseudonymes de Alberto Castillo, ou plutôt de Alberto Salvador De Lucca, puisque que Castillo est également un pseudonyme destiné à faire plus espagnol, ce qui était courant pour les chanteurs de tango.
Les orchestres avaient besoin d’un chanteur italien et d’un chanteur espagnol pour satisfaire les deux principales communautés portègnes. Peu importe qu’ils soient réellement originaires de ces pays. D’ailleurs ses premiers pseudonymes ont été Alberto Dual et Carlos Duval
Cette foison de pseudonymes était également destinée à tromper la vigilance paternelle.
Pour son père, il était étudiant en médecine et, effectivement, il devait être médecin gynécologue.
Un jour, en écoutant son fils à la radio, il s’exclama, « il chante très bien, il a une voix semblable à celle de Albertito », et pour cause…
Cependant, a pris le dessus et Alberto a rejoint l’orchestre d’un dentiste, celui de , avant de terminer sa dernière année… Il n’était donc pas à proprement parler gynécologue, comme on le lit en général dans ses biographies.

Trío Los Halcones

Ce trio a chanté avec Miguel Caló, mais leur spécialité était plutôt le boléro et autres musiques traditionnelles ou folkloriques. Ils ont collaboré avec Castillo pour l’écriture de la musique et des paroles de ce titre. Il ne semble pas y avoir d’enregistrement de Año nuevo par ce trio.

Trío Los Halcones.

Extrait musical

Año nuevo 1956-01-31 (Marcha) – Alberto Castillo y su Orquesta Típica dir. por Ángel Condercuri.
Partition de saxophone ténor de Año nuevo.

Ángel Condercuri ou  ?

Año nuevo a été enregistré le 31 janvier 1956. Je n’ai pas respecté le choix d’un thème enregistré le jour de l’anecdote, pour vous proposer un air gai et de circonstance. Nous sommes donc en 1956 et Alberto Castillo a son orchestre dirigé par un chef. Selon les sources, il y a un doute sur le chef qui tenait la baguette le jour de l’enregistrement.

  • Gabriel Valiente dans son Enciclopedia del Tango indique que l’orchestre de Castillo est dirigé par Ángel Condercuri de 1951 à 1954 puis de nouveau à partir de 1959 et par Jorge Dragone de 1955 à 1958. Ce travail est une somme, mais il y a de nombreuses imprécisions et un certain nombre d’erreurs. C’est une bonne source, mais qui demande à être vérifiée.
  • Tango.info indique que Condercuri dirige l’orchestre de Castillo pour l’enregistrement de Año nuevo. https://tango.info/fra/track/T0370371359
  • Todo Tango, qui est le site de référence incontournable propose une entrevue avec Jorge Dragone dans laquelle celui-ci indique qu’il était dans l’orchestre de Condercuri à cette époque. https://www.todotango.com/historias/cronica/238/Dragone-Un-eterno-viajero/ Par conséquent, s’il est le pianiste de l’orchestre, il n’en est pas le directeur. En 1957, donc l’année suivante, il indique avoir son propre orchestre en alternance pour lequel il recourt à la voix de Argentino Ledesma. Même s’il est envisageable que, pour une séance d’enregistrement particulière, Condercuri ait laissé la direction à son pianiste, cela mériterait d’être documenté.
  • Tango-DJ.AT, qui est en général bien renseigné et qui corrige les erreurs quand on les signale, ce qui n’est pas le cas de tous (référence à d’autres sites qui ne prennent même pas la peine de vérifier, ou qui te disent que c’est ainsi et qui corrigent ensuite, en douce…), indique que c’est Condercuri.
    https://tango-dj.at/database/index.htm
    https://tango-dj.at/database/index.htm?titlesearch=ano+nuevo&genresearch=marcha (pour ceux qui sont abonnés).

La solution serait d’avoir le catalogue ou le disque d’origine, malheureusement, je n’ai pas trouvé le catalogue de Odeón correspondant et les CD ne sont pas précis sur la question (soit ils n’indiquent rien, soit ils mettent les deux noms, sans préciser à quels titres, cela se rapporte). Quant aux disques d’origine, ils indiquent juste Alberto Castillo y su Orquesta.
Bernhard Gehberger, le créateur du site , confirme avec les mêmes arguments. Il m’a même rappelé que certains enregistrements étaient donnés avec à la direction. Cependant, cela ne semble concerner que la période 1953-1955. En 1956, Bianchi était à Rosario. On notera toutefois, que Bianchi était pianiste, comme Dragone. Serait-ce une habitude chez Condercuri de laisser ses pianistes diriger ?
En attendant d’en savoir plus, je conserve Ángel Condercuri comme Directeur de l’orchestre de Castillo pour cet enregistrement.

Paroles

Il y a différentes variantes, mais qui ne changent pas le sens. Vous aurez la version du film en fin d’article avec les paroles en sous-titrage.

Año nuevo
Vida nueva
Más alegres los días serán
Año nuevo
Vida nueva
Con salud y con prosperidad

Entre pitos y matracas entre música y sonrisa
El reloj ya nos avisa que ha llegado un año más,
Las mujeres y los hombres, un besito nos daremos
Entre todos cantaremos, llenos de felicidad
Vamos todos a cantar

Año nuevo
Vida nueva
Nuestras penas dejemos atrás
Año nuevo
Vida nueva
Con salud y con prosperidad

Año nuevo
Vida nueva
Mas alegre los días serán
Sin problema, sin tristeza
Y un feliz año nuevo vendrá…

Entre pitos y matracas entre música y sonrisa
El reloj ya nos avisa que ha llegado un año más
Las mujeres y los hombres, un besito nos daremos
Entre todos cantaremos, llenos de felicidad
Vamos todos a cantar

Año nuevo
Vida nueva
Más alegres los días serán
Año nuevo
Vida nueva
Con salud y con prosperidad

Año nuevo
Vida nueva
Nuestras penas dejemos atrás
Sin problema, sin tristeza
Y un feliz año nuevo vendrá
Y un feliz año nuevo vendrá
Y un feliz año nuevo vendrá
Y un feliz año nuevo vendrá…

A. Riobal (Alberto Castillo) ; Trío Los Halcones (Alberto Losavio; Héctor Serrao; Rodolfo Genaro Serrao)

libre des paroles

Nouvel An
Nouvelle vie
Les jours seront plus heureux
Nouvel An
Nouvelle vie
Avec la santé et la prospérité

Entre sifflets et crécelles
Entre musique et sourire
L’horloge nous avertit déjà qu’est arrivée une année de plus
Les femmes et les hommes, un baiser nous nous donnerons
Entre tous, nous chanterons, pleins de bonheur
Nous allons tous chanter

Nouvel An
Nouvelle vie
Les jours seront plus heureux
Nouvel An
Nouvelle vie
Avec la santé et la prospérité

Nouvel An
Nouvelle vie
Les jours seront plus joyeux
Sans problème et sans tristesse
Et un Nouvel An heureux viendra

Entre sifflets et crécelles
Entre musique et sourire
L’horloge nous avertit déjà qu’est arrivée une année de plus
Les femmes et les hommes, un baiser nous nous donnerons
Entre tous, nous chanterons, pleins de bonheur
Nous allons tous chanter

Pito y matraca (sifflet et crécelle)

Nouvel An
Nouvelle vie
Les jours seront plus heureux
Nouvel An
Nouvelle vie
Avec la santé et la prospérité

Nouvel An
Nouvelle vie
Nous laisserons nos peines derrière
Sans problème et sans tristesse
Et un Nouvel An heureux viendra
Et un Nouvel An heureux viendra
Et un Nouvel An heureux viendra
Et un Nouvel An heureux viendra…

Autres versions

Año nuevo 1956-01-31 (Marcha) – Alberto Castillo y su Orquesta Típica dir. por Ángel Condercuri. C’est notre thème du jour.
Año Nuevo 1965 – Billo’s Caracas Boys. C’est la version qui est sans doute la plus connue, elle est jouée pour le Nouvel An dans la plupart des pays d’Amérique du Sud et pas seulement au Vénézuéla, leur pays.

Pour terminer en vidéo, je vous propose de voir et écouter Alberto Castillo dans le film « Música, alegría y amor » dirigé par Enrique Carreras.
La scène a été enregistrée en 1955, cependant, le film sortira après le disque, le 9 mai 1956.
J’ai indiqué les paroles pour vous permettre de suivre…

Año nuevo dans le film Música, alegría y amor. Dans cet extrait, en plus de Alberto Castillo, on remarque Beatriz Taibo, Ubaldo Martínez et Tito Gómez. Il y a aussi une courte apparition de Leonor Rinaldi et Francisco Álvarez, les personnes âgées.

Alberto Castillo, qui tient le rôle principal (Alberto Morán) est un jeune homme bohème qui rêve de devenir peintre, mais qui finalement aura du succès comme chanteur (Raúl Manrupe & María Alejandra Portela – Un Diccionario de Films Argentinos 1995, page 401). Ce film contient beaucoup de chansons par Castillo, dont notre titre du jour.

L’intrigue du film serait tirée de Loute, une comédie française (vaudeville) en quatre actes de Pierre Veber dont l’intrigue tourne autour de Dupont, un homme qui mène une vie de débauche sous l’influence de son « ami » Castillon. Dupont décide de se marier avec Renée, une jeune femme de bonne famille, mais il est rapidement rattrapé par son passé tumultueux. Loute, une ancienne maîtresse de Dupont, réapparaît et cause des complications. Les malentendus et les quiproquos s’enchaînent, notamment avec l’arrivée de Francolin, un cousin de Dupont, qui cherche à se venger de lui. Finalement, après de nombreux rebondissements, les personnages tentent de se réconcilier et de trouver un équilibre entre leurs vies passées et présentes. Le lien entre la pièce et le film réalisé par Enrique Carreras sur un scénario de Enrique Santés Morello me semble un peu distendu, d’autant plus que la pièce a eu son heure de gloire plus de 50 ans avant la réalisation du film. Cela témoigne tout de même de la francophilie qui était encore vive à l’époque.
Disons que la base du synopsis a été de faire une comédie musicale pour mettre en avant Alberto Castillo

L’affiche du film réalisée par le caricaturiste argentin Narciso González Bayón. On y reconnaît Alberto Castillo et . À la table, de gauche à droite, Francisco Álvarez, Leonor Rinaldi, Gerardo Chiarella et Ubaldo Martinez. La taille démesurée de Castillo montre bien que c’était lui la vedette du film…

Voilà de quoi bien débuter l’année, en chanson.

De camino al 2025

Je souhaite une merveilleuse année,
la santé et le bonheur,
à tous les humains de la Terre,
tous.

Tic tac 1941-08-07 – Orquesta Enrique Rodríguez con Armando Moreno

Enrique Cadícamo (Musique et paroles)

Si je dis Tic-Tac, vous penserez tout de suite à l’horloge, à la montre et au-delà, au temps qui passe. Les trois minutes d’un tango peuvent passer très vite, trop vite, ou donner l’impression de s’éterniser. Le nous parle du temps. Sa tristesse est compensée par le savoir-faire de Moreno et Rodriguez, mais il est temps de vous faire écouter ce tango. Nous remontons le temps, jusqu’en 1941, il y a exactement 727 070 heures, quand Rodriguez et Moreno enregistraient le tango Tic Tac.

Extrait musical

Tic tac 1941-08-07 – Orquesta con .

Tic tac 1941-08-07 – Orquesta Enrique Rodríguez con Armando Moreno. Les 30 premières secondes sont classiques pour du Rodriguez. La musique est bien cadencée et marquée de façon un peu (beaucoup) appuyée.
À 30 secondes, donc, Rodriguez nous donne la première information horlogère. Puis il reprend le cours normal de la musique. Les peuvent penser avoir rêvé ce Tic-Tac, mais 20 secondes plus tard, le Tic-Tac réapparaît.
À une minute, Moreno lance deux fois Amor, mais avant d’aller plus loin, voici les paroles.

Paroles

Amor, amor… novela triste
Amor, amor… tú ya no existes.
Solo, sin tu cariño,
Soy como un niño
Que siente miedo.
Solo, solo en la casa,
La noche pasa
Por .

Tic tac, tic tac, tic tac…
Oigo en las sombras, este latido.
Tic tac, tic tac, tic tac…
Como un martillo suena en mi oído.
Es el reloj que va pasando
Y nuestras vidas va contando.
Tic tac, tic tac, tic tac…
Y su recuerdo, se hace dolor.

Letra y música: Enrique Cadícamo (Domingo Enrique Cadícamo)

Traduction libre et indications

L’amour, l’amour… Roman triste
L’amour, l’amour… Tu n’existes plus. (La triste nouvelle est annoncée)
Seul, sans ton affection, je suis comme un enfant qui éprouve la peur.
Seul, seul dans la maison, la nuit passe par l’horloge.
Tic-tac, tic-tac, tic-tac… (À 1:30 Moreno déclare Tic-Tac, levant toute ambiguïté et l’orchestre renforce le son d’horloge).
J’entends dans l’ombre, ce battement (de cœur).
Tic-tac, tic-tac, tic-tac… (Retour du Tic-Tac)
Comme un marteau, il résonne dans mon oreille.
C’est l’horloge qui tourne et nos vies vont comptant.
Tic-tac, tic-tac, tic-tac… (Encore le Tic-Tac)
Et son souvenir se fait douleur.

Abandon ou mort, quoiqu’il en soit, l’horloge marque le temps désormais inutile dans l’être aimé. C’est une façon assez originale de marquer le poids du temps sur la peine. Enrique Cadícamo, l’un des auteurs les plus prolifiques est ici le compositeur et le parolier, cette œuvre lui est donc totalement redevable et prouve la richesse de son univers.
Il fallait sans doute Rodriguez et sa légèreté (dans les thèmes, pas la musique) pour passer en douceur ce message.

Autres versions

Ce tango est encore un orphelin. Il y a bien sûr d’autres tangos qui parlent du temps, voire même de l’horloge. Nous avons évoqué El Reloj (L’horloge) il y a quelques jours, mais pas d’autre de Tic Tac. Je vais cependant lui proposer un ami…

Tic tac 1941-08-07 – Orquesta Enrique Rodríguez con Armando Moreno. Notre tango du jour, orphelin.

Le copain que je lui propose est une musique klezmer. Cela peut sembler curieux, mais le en France avait coutume de proposer comme dernier thème ce titre. J’avoue ne pas en connaître la raison pour laquelle ils ont troqué la cumparsita pour le titre que je vous propose d’écouter maintenant.
Il s’agit de Time par le trio Kroke, un trio polonais dont le nom, Kroke, est celui de la ville polonaise de Cracovie, exprimé en Yidiish (langue des juifs d’Europe centrale).

Time 1998-05 – Kroke (Tomasz Lato).

Le trio Kroke est composé de Tomasz Kukurba au violon alto, Tomasz Lato à la contrebasse et Jerzy Bawoł à l’ diatonique.
Ce titre a été enregistré en mai 1998 a été publié pour la première fois en 1999 sur l’album The Sounds of the Vanishing World.
Pour les masochistes, il existe une version longue de plus de 8 minutes, Tomasz Kukurba ayant complété l’original de Tomasz Lato
Certains seront assez étonnés d’apprendre que des danseurs essayent de danser le tango sur ce titre, mais d’autres adorent cet exercice qui consiste à croire danser le tango sur n’importe quelle musique. C’est génial, mais ce n’est pas du tango.

Bon, j’ai perdu les lecteurs fans de NeoTango. J’espère qu’ils reviendront quand ils sauront que j’ai musicalisé des événements de NeoTango, car pour un DJ, cela permet une très grande créativité dans le choix des musiques, mais aussi dans le mixage, ce qu’on ne fait pas en tango traditionnel. Par exemple, on peut commencer avec un titre, continuer avec un autre, rajouter des samples, voire des éléments synthétisés, revenir au thème initial, varier , hauteur, sonorité, ce que l’on ne peut guère faire dans une .

L’angoisse du DJ qui est en train de se demander s’il peut associer deux titres dans la même tanda. Vuelta al futuro (1985)

Il est l’heure de vous laisser, à demain, les amis.

El reloj 1957-08-02 – Orquesta Juan D’Arienzo con Jorge Valdez

(MyL)

Notre tango du jour n’est pas un tango. Notre tango du jour est un tango. C’est un tango, ou ce n’est pas un tango, il faudrait savoir ! Disons que c’est un tango, mais que ce n’est pas un tango. Le tango sait chanter l’amour, mais il n’est pas le seul. Son copain le boléro le fait sans doute tout aussi bien et sans doute mieux. Alors, nous allons décortiquer le mécanisme de l’horloge, celle qui dit oui, qui dit non, dans le salon.

Boléro y tango

Je vous raconterai en fin d’anecdote l’ qui a donné naissance à ce boléro. Oui, ce titre est né boléro.
En Argentine, certains tangos un peu mielleux et hyper romantiques sont surnommés boléros par les tangueros et ce n’est pas forcément un compliment. Quelqu’un comme Borges aurait pu sortir le facón (couteau de gaucho) pour faire un sort au musicien qui aurait osé proposer ce type de tango, pas assez viril à son goût.
Mais le boléro est aussi un genre musical originaire de Cuba, qui, comme le tango, s’est exporté avec succès en Europe au point d’être une des pièces indispensables des bals de village. On notera toutefois que les danseurs « musette » le dansent exactement comme le tango, avec le même anapeste, le fameux lent-vite-vite-lent des cours de danse de société, alors que celui du boléro serait plutôt du type vite-vite-lent. Les deux danses sont d’ailleurs du type 4/4, même si dans le cas du tango, on aime à parler de 2/4 (dos por cuatro).
Attention, il me semble qu’il faut préciser que le boléro d’Amérique du Sud n’est pas le boléro espagnol qui est lui de rythme ternaire et qui est un dérivé des séguedilles. Il fut très populaire durant tout le dix-neuvième siècle, jusqu’au terrible « Boléro » de Maurice Ravel en 1928, qui en est une légère variante, mais dans lequel on reconnaît bien le rythme ternaire (3/4).
Les Européens se sont jetés sur le boléro d’origine sud-américaine dans les années 30 en s’approvisionnant aux deux principales sources de l’époque, Cuba et le Mexique, ce qui leur a permis d’oublier l’insupportable Boléro de Maurice Ravel. La diffusion était bien sûr la radio et le disque, mais aussi les bals et tout comme le tango de danse a été codifié en Europe, le boléro l’a été.
En Argentine, le boléro a aussi fait son apparition, mais le tango était bien en place et c’est un peu plus tardivement, notamment dans les années 50, qu’il est devenu très important.
Notre tango du jour appartient justement à cette époque. Auréolé de son succès, ce boléro écrit et chanté par García Roberto Cantoral (avec son trio mexicain ) est arrivé jusqu’aux oreilles de Juan D’Arienzo qui a décidé de l’adapter à sa musique, en le transformant en tango.

Comparaison du chant boléro et tango

Je me suis livré à une petite expérience. Roberto Cantoral chante plus lentement que Jorge Valdez. C’est logique, il n’a pas la fusée D’Arienzo pour le pousser et c’est un boléro…
J’ai donc accéléré son pour le placer à la même vitesse que celui de D’Arienzo. Dans ce premier montage, on va entendre un extrait des deux versions en même temps. C’est un peu fouillis, mais on voit tout de même des analogies.

– D’Arienzo Valdez et Roberto Cantoral. On entend les deux en même temps sur un extrait, le début de la partie chantée.
El reloj – Cantoral Puis D’Arienzo Valdez.

Le début de la version chantée par Cantoral, un petit pont par D’Arienzo puis Jorge Valdez. On notera que même si le rythme de l’orchestre est différent, les chanteurs ne sont pas si différents.
On remarquera l’arrastre de Cantoral, bien plus marqué que chez Valdez. De plus, si vous prenez en compte que j’ai accéléré l’enregistrement de Cantoral pour qu’il soit au compas de celui de D’Arienzo, on comprendra que la même partition peut donner lieu à des interprétations très différentes.
Vous pourrez entendre la version de Cantoral en entier dans la partie « Autres versions ».
Pour interpréter son tango qui n’est pas un boléro, mais qui est romantique comme un boléro, Juan D’Arienzo a fait appel à Jorge Valdez, son chanteur romantique et voici le résultat…

Extrait musical

El reloj Roberto Cantoral. Partition de boléro pour piano au centre et partition pour chanteur à droite. Cantoral et Valdez chantent sensiblement la même partition. La différence de rythme vient de l’orchestre.
El reloj 1957-08-02 – Orquesta con Jorge Valdez.

Comme vous pouvez l’entendre, cette version n’a rien de boléro dans le rythme. Les accents suaves du boléro d’origine sont découpés par des passages martelés au piano et au bandonéon. Un petit motif léger au piano évoque un carillon de salon et Jorge Valdez commence à chanter. Je ne suis en général pas fan de Valdez pour la danse, mais curieusement et malgré l’origine en boléro, le résultat reste acceptable pour la danse en tango et cela bien que Valdez chante la totalité des paroles et par conséquent plus de la moitié du tango. Peut-être que la beauté des paroles aide. Je vous laisse en juger.

Paroles

Reloj, no marques las horas
Porque voy a enloquecer
Ella se irá para siempre
Cuando amanezca otra vez
Nomás nos queda esta noche
Para vivir nuestro amor
Y tú tic-tac me recuerda
Mi irremediable dolor
Reloj, detén tu camino
Porque mi vida se apaga
Ella es la estrella que alumbra mi ser
Yo sin su amor no soy nada
Detén el tiempo en tus manos
Haz esta noche perpetua
Para que nunca se vaya de mí
Para que nunca amanezca
Reloj, detén tu camino
Porque mi vida se apaga
Ella es la estrella que alumbra mi ser
Yo sin su amor no soy nada
Detén el tiempo en tus manos
Haz esta noche perpetua
Para que nunca se vaya de mí
Para que nunca amanezca.

García Roberto Cantoral (MyL)

Traduction libre

Horloge, ne marque pas les heures parce que je vais devenir fou.
Elle disparaîtra pour toujours lorsque le soleil se lèvera à nouveau.
Nous n’avons que cette nuit pour vivre notre amour et ton tic-tac me rappelle ma douleur irrémédiable.
Horloge, arrête ton chemin parce que ma vie s’arrête.
Elle est l’étoile qui illumine mon être.
Sans son amour, je ne suis rien.
Arrête le temps entre tes mains.
Rends cette nuit perpétuelle pour qu’elle ne me quitte jamais, pour que l’aube n’arrive jamais.
Horloge, arrête ton chemin, car ma vie s’éteint.
Elle est l’étoile qui illumine mon être.
Sans son amour, je ne suis rien.
Arrête le temps entre tes mains.
Rends cette nuit perpétuelle, pour qu’elle ne me quitte jamais, pour que l’aube ne se lève jamais.

Une histoire romantique

Roberto Cantoral aurait composé ce titre alors qu’il était en tournée avec Los 3 caballeros, le trio de guitaristes chanteurs (les trios de guitaristes chanteurs sont une spécialité mexicaine) qu’il avait formé avec et Leonel Gálvez.

Los tres caballeros. De gauche à droite, Leonel Gálvez, Roberto Cantoral, et Chamin Correa.

Il aurait eu à cette occasion une histoire d’amour avec une des femmes de la tournée, une danseuse.
La chanson conterait donc cette dernière nuit où lui devait revenir au Mexique et elle à New York.
Cette histoire est tellement plausible, qu’elle est quasi officielle. On peut juste se demander pourquoi il écrivait un boléro au lieu de profiter de ses derniers moments et pourquoi imaginait-il que cette histoire était terminée ? Engagement de la belle dans une autre histoire ? Il était marié et il ne voulait pas quitter sa femme.

Une histoire encore plus romantique

S’il était marié, c’est le thème de la seconde histoire. La femme de Roberto était gravement malade et le boléro a été composé alors qu’il la veillait à l’hôpital Beneficencia Española de Tampico. Les médecins avaient livré un sombre pronostic et il n’était pas du tout certain que son épouse « passerait la nuit ». D’après un journaliste signant lctl dans El Heraldo de México du 10 février 2021, la femme aurait survécu.
Si cette histoire est véridique, alors, elle est bien romantique également. Mais j’ai un doute sur cette histoire dans la mesure où Roberto Cantoral a vécu une autre aventure romantique… et que s’il chérissait tellement sa femme, il est peu probable qu’il se lance dans l’aventure que je vais exposer, mais avant, un détail.
Je n’ai pas évoqué les débuts de Roberto avec son frère aîné Antonio en 1950-1955 (Los Hermanos Cantoral). Antonio a créé ensuite aussi son groupe, Los Plateados de México. Contrairement à son petit frère, il était marié à l’époque de l’écriture de El reloj, amoureux et sa femme mourut jeune, en 1960. Peut-être que le séjour à l’hôpital était celui de la femme d’Antonio et pas d’une hypothétique femme de Roberto.
Et voici la troisième histoire…

Une histoire encore plus et plus romantique

Dans le domaine du boléro, plus c’est romantique et mieux c’est. En 1962 à Viña del Mar (Chili), Roberto était en tournée. Il y rencontra une trapéziste argentine qui était également en tournée. Cette trapéziste s’appelait Itatí Zucchi Desiderio, elle était également championne de judo, actrice et danseuse contemporaine. La partie romantique de l’histoire est qu’il se marièrent 9 jours après leur rencontre et qu’ils restèrent unis jusqu’à leur mort, 2010 pour lui, 2020 pour elle qui déclarait :
« Je suis la femme d’un seul homme, car quand l’amour est pur et le couple a un bon cœur, il ne peut pas se changer comme des chaussures. Il se garde pour toujours dans l’âme »
Si cette histoire, qui contrairement aux deux autres, est sûre si j’en crois mes croisements de sources, il faudrait que d’époux inquiet en 1956-1957, il devienne divorcé ou veuf cinq ans plus tard, condition nécessaire pour contracter en neuf jours le mariage. Par ailleurs, je n’ai pas trouvé de trace d’un premier mariage.
En 1956-57, il était en tournée, il avait 21 ans et en plein essor artistique. Ce ne sont pas les données idéales pour confirmer un mariage.
Avec Itatí Zucchi, ils ont eu quatre enfants, trois garçons et une fille, qui a pris le prénom et le nom de sa mère et le nom de son père… . Elle est actrice et chanteuse.

Roberto Cantoral, Itatí Zucchi et Itatí Zucchi (fille)

Je vous laisse donc choisir l’histoire qui vous semble la plus crédible et vous propose de regarder maintenant les autres versions.

Autres versions

Comme le titre est avant tout un boléro, malgré l’usage qu’en a fait D’Arienzo, je vais vous proposer surtout des boléros.

El reloj 1957 – Los 3 caballeros.

C’est la première version proposée par Roberto Cantoral, Chamin Correa et Leonel Gálvez, Los 3 Caballeros. Le style est celui du boléro mexicain.

El reloj 1957-08-02 – Orquesta Juan D’Arienzo con Jorge Valdez.

C’est donc au début du succès du titre que D’Arienzo s’est lancé dans sa version.

El reloj 1958 – Trio Los Panchos.

El reloj 1958 – Trio Los Panchos. Un début avec des claquements évoquant l’horloge. Le boléro se déroule ensuite de belle façon, appuyé par une percussion légère de clave, très cubaine. Cependant, aucun des trois n’est cubain, Chucho Navarro et Alfredo Gil sont mexicains et Hernando Avilés est portoricain.

El reloj 1960 – Roberto Cantoral.

À partir de 1960, Roberto Cantoral entame sa carrière de soliste. Le style n’est plus mexicanisant.

El reloj 1960c Alberto Oscar Gentile con Alfredo Montalbán.

Ce tango est daté 1950 dans , ce qui semble impossible si le boléro a été écrit en 1956. Le début au vibraphone évoque le tintement de Big Ben, suivi d’un petit motif horaire rappelant le son d’un carillon de salon. Puis le titre continue, sous une forme qui pourrait s’apparenter au tango.

El reloj 1961 – Antonio Prieto.

Une version en boléro par le chanteur chilien, Antonio Prieto.

El reloj 1981 – José José.

Comme pour le tango, il y a des boléros de danse et d’autres plus pour écouter. C’est ce dernier usage qui est recommandé pour celui-ci, enfin pas tout à fait, il est utilisable en slow pour danser « bolero », mais pas le bolero.

El reloj 1997 – Luis Miguel.

Même motif, même punition pour cette version en boléro, très célèbre par Luis Miguel.

El reloj 2012 – Il Volo… Takes Flight – Detroit Opera House.
Ce trio de jeunes Italiens avait enregistré ce titre dès leur premier album sorti le 30 novembre 2010.

Ces jeunes chanteurs italiens peuvent rappeler Roberto Cantoral et son frère Antonio qui se lancèrent, mineurs, dans les tournées.

El reloj 2018-11-20 – con Marisol Martinez y Roberto Minondi.

Pour terminer, place au tango avec cette excellente version de la Romántica Milongera et ses deux chanteurs, Marisol Martinez et Roberto Minondi.

Finalement, ce boléro a donné vie à au moins deux belles exécutions en tango, celle de D’Arienzo et celle de la Romántica Milongera.

Roberto Cantoral, compositeur du boléro qui donna notre tango du jour.

À demain, les amis !