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Fantasma 1939-12-28 – Orquesta Roberto Firpo con Alberto Diale

Mario Maurano Letra: José Roberto De Prisco

En Italie, il y a une dizaine d’années, il y a eu un intérêt marqué pour notre tango du jour, Fantasma (fantôme) par Roberto Firpo. Comme vous allez l’entendre, cette œuvre mérite en effet l’écoute par son originalité. Mais attention, il y a fantôme et fantôme et un fantôme peut en cacher un autre.

Extrait musical

Fantasma 1939-12-28 – Orquesta Roberto Firpo con Alberto Diale.

Dès les premières notes, malgré le mode mineur employé, on note l’énergie dans la musique.
On peut donc s’imaginer que l’on parle d’un fantôme au sens de personne vaniteuse et présomptueuse, d’un fanfaron.
Écoutez donc le début avec cette idée. La partie A est tonique, en staccato. J’imagine tout à fait un fanfaron gambader dans les rues de Buenos Aires. À 28″ commence la partie B qui dévoile régulièrement un mode majeur, le fanfaron épanoui semble se réjouir, profiter de sa suffisance.
Lorsque la partie A revient, elle est jouée en legato mais toujours avec le rythme pressant et bien marqué qui pousse à danser de façon tonique. On notera la virtuosité de Juan Cambareri, le mage du bandonéon qui réalise un solo époustouflant.

Les musiciens du cuarteto « Los de Antes » de Roberto Firpo. De gauche à droite, Juan Cambareri (bandonéon), Fernando Porcelli (contrebasse), Roberto Firpo (piano) et José Fernández (violon).

Le ténor, Alberto Diale, intervient à 1:25 pour une intervention de moins de 30 secondes, ce qui n’est pas gênant, car il me semble qu’il n’apporte pas une plus-value extraordinaire à l’interprétation. Cependant, comme il énonce les paroles écrites par José Roberto De Prisco, on est bien obligé de comprendre que l’on ne parle plus d’un fanfaron, même si la dernière partie avec ses envolées venteuses peut faire penser à une baudruche qui se dégonfle.
Avec le sens des paroles, on peut imaginer que ce sont les fantômes que l’on chasse avec son allégresse, allégresse exprimée par les passages en mode majeur qui s’intercalent entre les passages en mode mineur.
Je suis sûr que vous imaginez les fantômes qui volètent dans tous les sens à l’écoute de la dernière partie. On se souvient que Firpo a écrit plusieurs titres avec des sons réalistes, comme El amanecer et ses oiseaux merveilleux, (le train rapide), (feu d’artifice) ou La carcajada (l’éclat de rire). Cette composition l’a donc certainement intéressé pour la possibilité d’imiter les fantômes volants. N’oublions pas que les musiciens avant les années 30 intervenaient beaucoup pour faire la musique dans les cinémas, les films étant muets, ils étaient virtuoses pour faire les bruitages.

Paroles de Fantasma de Mario Maurano et José Roberto De Prisco

Y si al verme, tú lo vieras,
Que te muerde la conciencia,
No los temas.
Los fantasmas de tu pena están en ti.

Yo soy vida, vida entera.
Que cantando su alegría,
Va siguiendo su camino,
De venturas. Que no dejan,
Que se acerquen los fantasmas terrorosos de otro ayer.
Mario Maurano Letra: José Roberto De Prisco

Traduction libre de Fantasma de Mario Maurano et José Roberto De Prisco

Et si, quand tu me vois, tu le voyais qui te mord la conscience, ne les crains pas, les fantômes de ton chagrin sont en toi.
Je suis une vie, une vie entière.
Que chantant sa joie, il poursuit son chemin d’aventures. Qu’ils ne laissent pas s’approcher les fantômes terrifiants d’un autre hier.

Mario Maurano et José Roberto De Prisco

Quelques mots sur les auteurs, qui sont peu, voire très peu connus.

Mario Maurano (1905 à Rio de Janeiro, Brésil -1974)

Mario Maurano était pianiste, arrangeur, directeur d’orchestre et compositeur.

Il semble abonné aux fantômes, car il a écrit la musique du film Fantasmas en Buenos Aires dirigé par Enrique Santos Discépolo et qui est sorti le 8 juillet 1942. Peut-être qu’on lui a confié la composition de la musique du film à cause de notre tango du jour.
Cependant, l’histoire n’a rien à voir avec le tango et la musique du film, non plus. La présence de Discépolo, n’implique pas forcément que ce soit un film de tango… Vous pouvez voir le film ici… https://youtu.be/xtFdlXh4Vpc

L’affiche du film Fantasmas en Buenos Aires, dirigé par Enrique Discepolo et qui est sorti en 1942. Zulli Moreno est l’héroïne et prétendue fantôme. Pepa Arias, la victime d’une arnaque.

Parmi ses compositions, en plus de la musique de ce film, on peut citer :

  • • Canción de navidad (Chanson) (Mario Maurano Letra: )
  • • Cuatro campanadas (Mario Maurano Letra: Lito Bayardo – Manuel Juan García Ferrari)
  • • El embrujo de tu violín (Mario Maurano Letra: Armando Tagini – Armando José María Tagini)
  • • Fantasma (Mario Maurano Letra: José Roberto De Prisco)
  • • Por la señal de la cruz (Mario Maurano; Pedro Vescina Letra:Antonio Pomponio)
  • • Riendo (Alfredo Malerba; Mario Maurano; Rodolfo Sciammarella, musique et paroles)
  • • Un amor (Mario Maurano; Alfredo Antonio Malerba Letra: Luis Rubistein)
  • • Una vez en la vida () (Ricardo Malerba; Mario Maurano Letra: Homero Manzi (Homero Nicolás Manzione Prestera)

José Roberto De Prisco

Je n’ai pas grand-chose à dire de l’auteur des paroles, si ce n’est qu’il a écrit les paroles ou composé la musique de quelques titres en plus de Fantasma.

  • • Che, no hay derecho (Arturo César Senez Letra: José de Prisco) – Enregistré par Firpo.
  • • Desamor (Alberto Gambino y Jose De Prisco)
  • • Fantasma (Mario Maurano Letra: José Roberto De Prisco)
  • • Negrito (Milonga) (Alberto Soifer Letra: José De Prisco)
  • • Vacilación (Antonio Molina, José Roberto De Prisco Letra: Rafael Iriarte)
Deux couvertures de partition d’œuvres de José De Prisco.

Autres versions

Notre tango du jour semble orphelin en ce qui concerne les enregistrements, mais il y a un autre fantôme qui rôde, composé par Enrique Delfino (Enrique Pedro Delfino – Delfy) avec des paroles de Cátulo Castillo (Ovidio Cátulo González Castillo).

Fantasma 1939-12-28 – Orquesta Roberto Firpo con Alberto Diale. C’est notre tango du jour.

Intéressons-nous maintenant au fantôme de Delfy et Cátulo Castillo.

Paroles de Fantasma de Cátulo Castillo

Regresa tu fantasma cada noche,
Tus ojos son los mismos y tu voz,
Tu voz que va rodando entre sus goznes
La vieja cantinela del adiós.
Qué pálida y qué triste resucita
Vestida de recuerdos, tu canción,
Se aferra a esta tristeza con que gritas
Llamando, en la distancia, al corazón.

Fantasma… de mi vida ya vacía
Por la gris melancolía…
Fantasma… de tu ausencia, sin remedio
En la copa de misterio…
Fantasma… de tu voz que es una sombra
Regresando sin cesar,
¡Cada noche, cada hora!
Tanta sed abrasadora…
A esta sed abrasadora… de olvidar.

Ya no tienes las pupilas bonitas
Se apagaron como una oración,
Tus manos, también ya marchitas
No guardaron mi canción.
Sombras que acompañan tu reproche
Me nublan, para siempre, el corazón…
Olvidos que se encienden en la noche
Agotan en alcohol, mi desesperación.

Enrique Delfino (Enrique Pedro Delfino – Delfy) avec des paroles de Cátulo Castillo – (Ovidio Cátulo González Castillo)

Traduction libre de la version de Cátulo Castillo

Ton fantôme revient chaque nuit, tes yeux sont les mêmes et ta voix, ta voix qui roule entre ses gonds (Les goznes sont les charnières, gonds… mais aussi des propositions énoncées sans justification, ce qui semble être l’acception à considérer ici), le vieux refrain d’au revoir.
Que de pâleur et tristesse ton chant ressuscite, vêtu de , s’accrochant à cette tristesse avec laquelle tu cries, appelant au loin, le cœur.
Fantôme… de ma vie déjà vide par une mélancolie grise…
Fantôme… de ton absence, désespéré dans la coupe du mystère…
Fantôme… de ta voix, qui est une ombre qui revient sans cesse,
chaque soir, chaque heure !
Tant de soif brûlante…
À cette soif brûlante… d’oublier.
Déjà, tu n’as plus les pupilles jolies, elles se sont éteintes comme une prière.
Tes mains, également déjà desséchées, n’ont pas gardé ma chanson.
Les ombres qui accompagnent ton reproche embrument pour toujours le cœur…
Les oublis qui s’allument dans la nuit s’épuisent dans l’alcool, mon désespoir.

Ce thème de Delfy et Cátulo Castillo a été enregistré plusieurs fois et notamment dans les versions suivantes.

Fantasma 1944-10-24 – Orquesta Miguel Caló con Raúl Iriarte.

L’interprétation semble en phase avec les paroles. Si c’est cohérent d’un point de vue stylistique, le résultat me semble moins adapté au bal que notre tango du jour.

Fantasma 1944-12-28 – Orquesta con .

Oscar Serpa n’est pas un chanteur pour la danse et il le confirme dans cet .

Fantasma 2013 – Orquesta con Walter Chino Laborde.

L’orchestre s’est donné comme mission de perpétuer le style de Miguel Calo. Ce n’est donc pas un hasard si vous trouvez un air de famille entre les deux enregistrements.

Arthur le fantôme par Cezard

Chaparrón 1946-08-26 (Milonga) Orquesta Juan D’Arienzo con Alberto Echagüe

Letra:

Un est une averse, une pluie soudaine, de forte intensité, mais de courte durée. Cette joue sur les mots, un chaparrón étant en même temps une dispute. Je vous invite donc aujourd’hui, pour la milonga du jour à découvrir ce thème magnifiquement interprété par Juan d’Arienzo et Alberto Echagüe.

La musique présente l’histoire que les paroles confirment ensuite.
On entend au départ les nuages noirs de l’averse qui se prépare.
L’atmosphère s’échauffe, comme les esprits. L’homme se compare à une mouche d’orage.
La marche devient en pointillé à cause de la discussion (dispute) du couple. On imagine qu’ils font trois pas, s’arrêtent et reprennent à tour de rôle. Cette « activité » est particulièrement bien adaptée à une milonga.
Puis vient l’averse, « con agua y explicaciones, era doble el chaparrón » (avec de l’eau et des explications, l’averse était double). C’est la partie centrale. La tension qui était montée dans la première partie est en train d’exploser.
Puis, à la toute fin, la réconciliation et l’envie de reprendre ensemble.
« ¡Qué rico el olor a trébol y la reconciliación… Da ganas de andar de nuevo, seria vos y serio yo! »
(Comme est bonne l’odeur du trèfle, et la réconciliation. Ça donne envie d’avancer de nouveau). Sérieuse toi et Sérieux moi. Cet élément rythme la milonga en étant mentionné trois fois. Quatre fois dans les paroles originales, mais Echagüe ne chante pas la totalité des paroles écrites par Francisco García Jiménez.

Pintín?

Pintín Castellanos (Horacio Antonio Castellanos Alves) est l’auteur de cette milonga. Les paroles sont de Francisco García Jiménez. Pintín Castellanos, un surnom qui me fait penser à Tintin, est né à Montevideo. C’est un compositeur majeur avec environ 200 de thèmes dont la moitié ont été enregistrés. Il a également écrit les paroles d’un bon nombre de ses compositions. Il était pianiste et fut également directeur d’orchestre.

1 Pitin à gauche et à droite, Tintin dansant (illustration tirée de l’ouvrage « Nous-Tintin » publié en 1987 et présentant 36 couvertures imaginaires de Tintin

Il a été décrit comme un homme élégant et d’allure virile, sportif et amoureux de la musique.
Voici comment il se raconte : «Crecí consustanciado con el ambiente orillero… cuando repiqueteaban las lonjas de los negros candomberos en los parches de sus tambores.
Las melodías populares nacieron conmigo y con ellas convivo hace muchos años… »

« J’ai grandi dans l’ambiance des rivages (du Rio de la Plata)… quand vibraient les lonjas (paume des mains) des candomberos noirs sur les parches (bandeau de cuir masquant les goujons et le cerclage supérieur) de leurs tambours. Les mélodies populaires sont nées avec moi et j’ai vécu avec elles pendant de nombreuses années… »

Pourquoi ce surnom, de Pintín Castellanos ? Je ne sais pas. El pinto peut être l’Espagnol, Castellanos, une inspiration de la Castille ? Ce serait donc une double évocation de l’ pour cet Urugayen. Pintín pourrait aussi se référer à son élégance. Bref, je ne sais pas, alors, aidez-moi si vous avez une piste.

Ses compositions

Avec une centaine de titres enregistrés, vous avez obligatoirement entendu plusieurs de ces compositions. Pour rester dans la milonga, j’évoquerai la puñalada. Un jour qu’il la jouait, il a été contraint d’accélérer, ce qui l’a transformé en milonga. C’est sous cette forme que D’Arienzo l’a enregistrée le 27 avril 1937 alors que le 12 juin de la même année, Canaro l’enregistrait encore comme un tango.

Il a écrit de nombreuses autres milongas, comme, A puño limpio, El potro, El temblor, La endiablada ou Meta fierro que l’on connait dans des versions géniales par D’Arienzo. Il faudrait rajouter aussi quelques milongas , comme Bronce, Candombe oriental ou Candombe rioplatense.
Je ne parle pas ici de d’Arienzo et Echagüe, j’aurais de nombreuses autres occasions de le faire…

Extrait musical

Chaparrón 1946-08-26 — Orquesta Juan D’Arienzo con Alberto Echagüe

Paroles

Las nubes eran de plomo
y era el aire de fogón.
Andábamos, no sé cómo…
¡seria vos y serio yo!
Venía un olor caliente
de la ruda y el cedrón.
Y estaba como la gente
de antipático un moscón.

La boca se resecaba,
estaqueada en mal humor.
Aquello no lo arreglaba
nada más que un chaparrón.
de trote y carga
jineteando un nubarrón.
Tormenta de caras largas:
seria vos y serio yo.

Verano de mosca y tierra;
seco el río y el porrón.
Verano de sol en guerra
¡filo de hacha sin perdón!
Amores que se empacaban
(seria vos y serio yo).

Asuntos que se empeoraban
por tardar el chaparrón…
Andábamos a tirones
cuando el cielo se abrió en dos…
Con agua y explicaciones
era doble el chaparrón.
¡Qué rico el olor a trébol
y la reconciliación…
Da ganas de andar de nuevo
seria vos y serio yo!

Pintín Castellanos (Horacio Antonio Castellanos Alves) Letra : Francisco García Jiménez

Echagüe ne chante que les parties en italique (début et fin).

libre

Les nuages étaient de plomb, et c’était l’air d’un four (poêle).
Nous marchions, je ne sais pas comment…
Sérieuse, toi et sérieux, moi !
Il y avait une odeur chaude de rue officinale (plante à odeur forte utilisée en médecine et ayant la réputation d’éloigner les indésirables) et de verveine citronnée.
Et il y avait comme les gens antipathiques une grosse mouche.
La bouche se desséchait, piquée de mauvaise humeur.
Rien de plus qu’une averse ne pourrait arranger cela.
Tempête de trot et charge chevauchant un nuage d’orage.
Tempête de visages longs :
Sérieuse, toi et sérieux, moi.
Été de mouche et de terre ; la rivière à sec ainsi que la bouteille (porrón, bouteille de terre cuite émaillée qui sert pour la boisson et accessoirement de bouillotte…).
Été de soleil en guerre, fil de hache sans pardon !
Des amours qui s’emballèrent (Sérieuse, toi et sérieux, moi).
Des problèmes qui ont été aggravés par le retard de l’averse…
Nous étions en train de nous tirer à hue et à dia quand le ciel s’est ouvert en deux…
Avec de l’eau et des explications, l’averse a été double.
Comme est délicieuse l’odeur du trèfle et de la réconciliation…
Ça donne envie de marcher à nouveau Sérieuse, toi et sérieux, moi !

Les enregistrements de chaparrón

Cet par d’Arienzo et Echagüe est le seul…
Il existe bien un tango du même nom, composé par Carlos Waiss, mais qui n’a rien à voir, si ce n’est le titre. Le voici :

Chaparrón 1957 – Nina Miranda con la Orquesta de Graciano Gomez

Autres titres enregistrés un 26 février

D’Arienzo a enregistré le même jour : Fuegos artificiales 1941-02-26. Un tango instrumental composé par Roberto Firpo et Eduardo Arolas. Comme beaucoup de compositions de fuergo, c’est une illustration sonore, ici de fuegos artificiales (feux d’artifice).
J’ai hésité pour le tango du jour. Ce sera peut-être pour l’an prochain à moins que je le mentionne à l’occasion d’une autre interprétation, car contrairement à Chaparrón, Fuegos artificiales a été enregistré à diverses reprises.

Fin de l’averse, después de la lluvia el buen tiempo (après la pluie, le beau temps). Le temps de la réconciliation.

1 ¡Qué rico el olor a trébol y la reconciliación… Da ganas de andar de nuevo seria vos y serio yo!…

Fuegos artificiales 1941-02-26 (Tango) – Orquesta Juan D’Arienzo

 ; Eduardo Arolas

d’aujourd’hui a été enregistré par Juan D’Arienzo, le 26 février 1941, il y a exactement 83 ans. Los fuegos artificiales sont les feux d’artifice. Nous verrons dans cet article qu’on peut les voir réellement dans la musique.

Ceux qui connaissent un peu l’Argentine savent qu’ils sont fans d’expériences pyrotechniques. Cependant, contrairement à la France, ce ne sont pas les communes qui les proposent, ce sont les Argentins eux-mêmes qui rivalisent avec leurs voisins pour proposer le plus beau spectacle. Roberto Firpo et Eduardo Arolas se sont donc inspirés de ces feux d’artifice pour proposer un tango descriptif où se voient et s’entendent les fusées.

Roberto Firpo

Roberto Firpo, un des auteurs de cette musique, a souvent composé des tangos imagés, c’est-à-dire où la musique cherche à imiter des sons de la vie réelle. On connaît, par exemple :
(l’aube) avec ses oiseaux qui accueillent le soleil ; El burrito (l’âne) un pasodoble où on entend quelques facéties d’un âne ; El rápido (tango) imitation du train avec dans certaines versions des annonces du type (second service du restaurant). Biagi et Piazzolla par exemple, reprend ce thème de façon plus musicale, pour la danse dans le cas de Biagi et pour l’écoute en ce qui concerne Piazzolla, mais dans tous les cas on reconnaît bien le train ; le rire.

Fuegos artificiales est donc dans cette lignée et il n’est pas difficile d’imaginer la trajectoire des cohetes (fusées) en écoutant les différentes versions de cette œuvre.

Roberto Firpo a composé énormément. Il n’est pas un chef d’orchestre de premier plan, mais tous les de tango ont dansé, parfois sans le savoir, bon nombre de ses créations interprétées par d’autres orchestres.
En plus d’El amanecer, on pourrait citer, dont il existe des dizaines de versions, dont celle très exceptionnelle de Pedro Laurenz chantée par Alberto Podestá qui tient la note pendant une durée incroyable, Argañaraz (Aquellas farras), Didi, El apronte ou Viviani.

Extrait musical

Fuegos artificiales 1941-02-26 – Orquesta Juan D’Arienzo.mp3. C’est le premier enregistrement de ce thème par D’Arienzo et celui qui fait l’objet de cet article.

Les paroles… la musique en images

Comme il s’agit d’un tango instrumental et que personne n’a eu l’idée d’y mettre des paroles. Je vous propose de voir les fusées du feu d’artifice dans la musique.
En effet, pour travailler la musique, les logiciels spécialisés proposent différents outils. Un que j’aime bien est la représentation de la fréquence spectrale.
Le principe est simple. Plus un son est grave et plus il est représenté en bas du . Mais ici, ce n’est pas la technique qui nous intéresse, mais ce qu’on peut voir avec cet outil. Nous allons voir trois versions. Celle de Firpo (le compositeur) en 1927, puis en 1928 et enfin celle qui fait l’objet de la composition du jour, celle de D’Arienzo de 1941.

Spectrogramme de la version de 1927 de Firpo. Observez les lignes obliques qui indiquent, de gauche à droite, une descente chromatique, une remontée chromatique (on dirait un V, visible dans la première moitié) puis une descente vers le spectre grave vibrée dans la seconde moitié. Ce sont les fusées du feu d’artifice qui montent et descendent.
Fuegos artificiales 1927-11-04 — Orquesta Roberto Firpo. La partie correspondant à l’image ci-dessus se trouve entre 1 h 28 et 1 h 36.
Version de 1928 de Firpo. Elle est sensiblement différente de celle de 1927. La montée chromatique est effectuée par tout l’orchestre et la descente par les seuls violons. Le motif en V de la version de 1927 a disparu, certains éléments de la descente chromatique qui précédait se retrouvent désormais dans la montée, beaucoup plus puissante et par conséquent presque invisibles.
Fuegos artificiales 1928-05-28 — Orquesta Roberto Firpo. La partie correspondant à l’image ci-dessus se trouve entre 1 h 25 et 1 h 35. C’est la même que dans la version 1927.
La même partie de la musique, mais d’un aspect totalement différent. Les montées et descentes se font en escalier. Les glissandos de violons ont disparu.
Fuegos artificiales 1941-02-26 — Orquesta Juan D’Arienzo. Dans le même passage (1 : 29, à 1 : 36) les glissandos des violons ont disparu. Les notes en marche d’escalier sont typiques de D’Arienzo.
Tout l’orchestre et notamment les bandonéons et le piano montent chromatiquement par saccades, puis le piano en solo entame une descente chromatique qu’il enchaîne avec une remontée, accompagné par l’orchestre.

Le motif est donc très différent de celui de Firpo et ne suggère que lointainement le feu d’artifice.

Pour le retrouver, il faut choisir un autre passage.

Ici, c’est le début de la version de D’Arienzo, dans une partie différente. À gauche, une montée chromatique saccadée au piano, suivi d’un silence (zone sombre au milieu). Ce silence accueille des coups fermes du bandonéon, puis enfin, une nouvelle montée chromatique, cette fois en glissando par les violons. C’est une évocation de la montée des fusées.

Mais là, on est loin de la description des versions de Firpo. Même la montée chromatique des cordes est courte et peu expressive, comme si D’Arienzo voulait faire oublier qu’il s’agissait d’un feu d’artifice. En effet, il en fait une pièce instrumentale, beaucoup moins imagée.
Cependant, D’Arienzo n’a pas hésité à faire quelques tangos imagés, comme El Hipo où Echagüe a le hoquet (hipo), accompagné par de courts glissandos de violon, mais ce n’est pas le meilleur de sa production…

En observant les spectrogrammes, on peut tirer des idées sur la façon dont le musicien organise sa musique et sa composition.

Les enregistrements de Fuegos artificiales

Par Juan D’Arienzo

D’Arienzo a enregistré à deux reprises ce titre. . C’est la version proposée d’aujourd’hui.

Fuegos artificiales 1941-02-26 — Orquesta Juan D’Arienzo.
Fuegos artificiales 1946 — Orquesta Juan D’Arienzo. Une version plus rare. La prise de son un peu brouillonne rend la danse moins intéressante. Cette version ne manquera donc pas en milonga.

On trouve deux ou trois autres enregistrements souvent attribués à d’Arienzo, mais ils ont été réalisés après la mort de celui-ci. Ce sont les mêmes musiciens qui ont repris les thèmes sous la direction du bandéoniste arrangeur de D’Arienzo, Carlos Lazzari. On peut donc presque considérer que c’est du D’Arienzo tardif. Le plus ancien est de 1977, un autre a été enregistré au , mais est quasiment identique à celui de 1987 que je propose ici :

Fuegos Artificiales 1987 — dir. Carlos Lazzari.

Par d’autres orchestres

Fuegos artificiales 1927-11-04 — Orquesta Roberto Firpo. C’est le plus ancien enregistrement, par l’auteur de la partition. Une version bien canyengue, mais très expressive et descriptive. On aimerait sans doute un peu plus de vitesse pour rendre le spectacle plus dynamique. Nous en avons parlé ci-dessus.
Fuegos artificiales 1928-05-28 — Orquesta Roberto Firpo. Firpo s’est rendu compte qu’il pouvait accélérer son titre. Elle a également été présentée visuellement ci-dessus.
Fuegos artificiales 1945-05-29 — Orquesta . Comme dans la version de 1941 de DArienzo, la partie descriptive est atténuée. Contrairement à D’Arienzo, la musique est plus coulée, sans les saccades et on a un peu l’impression de voir les explosions de lumière au loin, les instruments se mêlant comme se mêlent les étoiles d’un feu d’artifice. C’est une très belle version alternant les moments de tension et ceux de relâchement, mais avec un enchaînement, sans rupture. La musique est plus coulée. Pour la danse, cela peut manquer un peu de clarté pour des danseurs qui ne maîtrisent pas les subtilités de Troilo, mais ils pourront se raccrocher à la marcation la plupart du temps bien présente.

En 1952, Troilo enregistrera une autre version bien plus spectaculaire et évoquant les prémices du tango nuevo.

Fuegos artificiales 1952 — Orquesta Aníbal Troilo. Version plus spectaculaire que celle de 1945, annonçant les futurs succès de Troilo vers le tango dit nuevo.

On pourrait multiplier les exemples, mais maintenant vous saurez être attentifs aux éléments de feu d’artifice, par exemple chez Donato, Varela ou De Angelis qui en ont tiré également des versions intéressantes.

Feux d’artifice et pauvreté, misère et artifices.