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El espiante 1932-01-17 — Orquesta Osvaldo Fresedo

Osvaldo Fresedo

Le dix-neu­vième siè­cle a vu le développe­ment du fer­rovi­aire et du ciné­ma. On se sou­vent que l’un des pre­mier films, L’ar­rivée d’un train en gare de La Cio­tat (film n° 653 de ), a été tourné durant l’été 1895 et présen­té au pub­lic le 25 jan­vi­er 1896. Mon grand-père, né qua­tre ans après les faits, me con­tait que les spec­ta­teurs furent pris de panique. L’œu­vre d’au­jour­d’hui est à sa manière, une glo­ri­fi­ca­tion des deux nou­veautés. Le chemin de fer argentin, le plus dévelop­pé d’Amérique du Sud, et le ciné­ma où les orchestres pro­po­saient la musique man­quant aux films de l’époque…

L’ar­rivée d’un train en gare de La Cio­tat (film n° 653 de Louis Lumière) — Musique el Espi­ante 1932-01-17 Osval­do Frese­do.

L’e­spi­ante peut désign­er en une arnaque ou le départ, par exem­ple, pour met­tre fin à une rela­tion me tomo el espi­ante. Dans le cas présent, vous allez le com­pren­dre à l’é­coute, il s’ag­it d’un train, que nous allons pren­dre ensem­ble. En voiture !

Extrait musical

Par­ti­tions de El espi­ante. On notera que l’on ne voit pas de train. Peut-être que le cou­ple se fait l’e­spi­ante en sor­tant d’une milon­ga ennuyeuse…
El espi­ante 1932-01-17 — Orques­ta Osval­do Frese­do con can­to.

Tout com­mence par la cloche suiv­ie par le sif­flet du chef de gare. Le souf­fle bruyant des pis­tons aide au démar­rage du train. Le voy­age se déroule ensuite les sons d’im­i­ta­tion et ceux de l’orchestre se mélangeant. Le bruit de la vapeur suit le train sur une bonne par­tie du tra­jet.
À 1:00 et 2:00, en entend l’an­nonce de la voiture-restau­rant.
Le tra­jet se fait par des suc­ces­sions de mon­tées et descentes, et la musique pour­suit son par­cours, jusqu’au final où les pas­sagers s’in­ter­pel­lent et où le train s’ar­rête dans l’an­nonce de la gare, Rosario…
Ce titre est sans doute à class­er dans la rubrique des tan­gos ludiques et à réserv­er aux ama­teurs de canyengue, mais d’autres pas­sagers, par­don, danseurs peu­vent le danser avec entrain.

Autres versions

Même si c’est une com­po­si­tion de Frese­do, le plus ancien enreg­istrement disponible est par Rober­to Fir­po. Ce n’est pas très éton­nant, c’est le grand orchestre du moment et Fir­po aime bien les titres aux sons réal­istes.
On pensera par exem­ple à El amanecer où il intro­duit des chants d’oiseaux joués au vio­lon. Mais il a sans doute un attache­ment au train, égale­ment, puisqu’il écrira qui évoque égale­ment le même train, celui de Rosario…

El rápi­do 1931-08-27 — Orques­ta Rober­to Fir­po con core­a­do.

Ce titre est sig­nalé comme tan­go humoris­tique et est donc de la même veine que celui de Frese­do. Il est ponc­tué de voix de « pas­sagers ». Comme la ver­sion de Frese­do de 1932 (notre , l’an­nonce finale est égale­ment « Rosario ».

On peut imag­in­er que Fir­po répond à son com­père. L’e­spi­ante et El rápi­do désig­nent égale­ment les trains. On notera qu’à l’époque, il fal­lait seule­ment trois heures pour ral­li­er Retiro (gare de ) à Rosario, soit presque trois fois moins que main­tenant…
Fir­po avait déjà enreg­istré ce titre en 1927 et je rap­pelle que Bia­gi a aus­si enreg­istré, El rápi­do ain­si que Rodriguez, Piaz­zol­la, Vil­las­boas et Varel­la.
Revenons main­tenant aux espi­antes, on pren­dra le rapi­de une autre fois…

El espi­ante 1916 — Sex­te­to Rober­to Fir­po. Il s’ag­it d’un enreg­istrement acous­tique.

Pas de bruitage de train, ce que les musi­ciens de l’époque auraient pu pro­duire sans prob­lème, car ils le fai­saient pour le ciné­ma qui était muet à l’époque. J’imag­ine que cet ajout de bruitages s’est fait au fur et à mesure des con­certs. Fir­po n’est pas hos­tile à cela, bien au con­traire si on écoute ce qu’il a fait dans El rápi­do de 1931.

El espi­ante 1927-12-01 — Orques­ta Osval­do Frese­do.

Si le car­ac­tère du train qui alterne les mon­tées pous­sives et les descentes de pente pré­cip­itées est bien présent, les bruitages ne sont pas encore à l’or­dre du jour. Il fau­dra peut-être atten­dre le délire de Fir­po en 1931 avec El rápi­do, pour que cela devi­enne une habi­tude chez Frese­do égale­ment. Même si on n’est pas fan du canyengue, il faut recon­naître à cette œuvre, de belles trou­vailles musi­cales, que Frese­do exploit­era tout au long de sa car­rière comme ses fameuses descentes et chutes.

El espi­ante 1932-01-17 — Orques­ta Osval­do Frese­do con can­to (Rosario). C’est notre tan­go du jour.
El espi­ante 1933-03-16 — Orques­ta Osval­do Frese­do.

On pour­rait con­fon­dre cette ver­sion avec la précé­dente, mais elle se dis­tingue prin­ci­pale­ment de son aînée par l’ab­sence des paroles finales et une fin dif­férente. On notera aus­si une accen­tu­a­tion moin­dre du car­ac­tère fer­rovi­aire de cet enreg­istrement. Il y a tout de même le sif­flet et la cloche au début, des sons de pis­tons (souf­fles à la voix) et le sif­flet à env­i­ron 1:00, 2:10 et 2:30. Et un dernier souf­fle des pis­tons ter­mine l’œu­vre.

El espi­ante 1939-07-07 — Orques­ta Julio De Caro.

Julio De Caro n’al­lait pas laiss­er ses copains s’a­muser avec la musique du train sans par­ticiper. Lui aus­si aime pro­pos­er des musiques descrip­tives. On notera que son train est plus un rapi­de qu’un espi­ante. Cette ver­sion très joueuse est sans doute dans­able par les danseurs allergiques au canyengue, car elle est vrai­ment très sym­pa et le train qui n’a rien de pous­sif devrait les entraîn­er jusqu’à Rosario (ou ailleurs) sans prob­lème.

El espi­ante 1954-11-25 — Orques­ta .

À part un sem­blant de cloche, au début, les bruitages fer­rovi­aires sont absents de cette ver­sion. L’ar­rivée en gare se fait avec un ban­donéon nerveux, peut-être celui de Varela. En effet, en 1954, Varela est venu grossir les rangs de son orchestre comme ban­donéon­iste en plus de Anto­nio March­ese et Alber­to San Miguel. Trois autres ban­donéon­istes s’ad­join­dront à l’orchestre à cette époque : Luis Pinot­ti, Sal­vador Alon­so et Eduar­do Otero. Le freinage final se fait au vio­lon.

El espi­ante 1955-12-29 — Orques­ta Osval­do Frese­do.

En 1955, Frese­do remet sur les rails son espi­ante. On retrou­ve dans cette ver­sion la cloche, le sif­flet et la trompe du train. Cepen­dant la musique va vers plus de joliesse. Le train sem­ble tra­vers­er de beaux paysages, même si par moment, le rythme retrou­ve la res­pi­ra­tion des pis­tons.

El espi­ante 1974 — Orques­ta Héc­tor Varela.

Comme dans la ver­sion de 1954, le car­ac­tère fer­rovi­aire sous forme de bruitages est absent, mais on reste tout de même dans l’am­biance avec la musique qui évoque irré­sistible­ment le déplace­ment d’un train. L’ar­rivée est ici, entière­ment réal­isée par le ban­donéon nerveux qui ne laisse pas la place au vio­lon, comme en 1954. Varela priv­ilégie son instru­ment…

El espi­ante 1979-11-06 — Orques­ta Osval­do Frese­do.

En 1979, Frese­do fait par­tir son train avec un sif­flet ini­tial et lui fera émet­tre ses célèbres coups de trompes, mais on sent qu’il file comme le vent, au moins dans cer­tains pas­sages qui alter­nent avec des pas­sages plus pous­sifs, rap­pelant le train des débuts. Comme en 1955 et sans doute encore plus, le train sem­ble tra­vers­er d’élé­gants paysages. Le résul­tat décevra sans doute les ama­teurs du « vieux » Frese­do, mais ravi­ra ceux qui aiment Sas­sone ou Varela. Le titre se ter­mine par un jin­gle au .

Et pour ter­min­er notre voy­age, prenons deux trains tirés par des loco­mo­tives à vapeur « Pacif­ic 231 ». 231 pour 2 roues à l’a­vant (direc­tri­ces), Trois grandes roues motri­ces et 1 dernière roue à l’ar­rière pour l’équili­bre. 2–3‑1 (4–6‑2) si on envis­age les deux côtés de la loco­mo­tive. La musique est celle d’Arthur Honeg­ger, qui, comme Fir­po et Frese­do, était fan des trains.

Pacif­ic 231 1931- – Arthur Honeg­ger (film russe).

Ce court métrage mag­nifique fait le par­al­lèle entre les mécan­ismes de la loco­mo­tive et le jeu des instru­ments, l’u­til­i­sa­tion des surim­pres­sions et des fon­dus enchaînés fait que la bête humaine (nom d’un film de Jean Renoir en 1938 ayant pour thème le chemin de fer à vapeur) et l’orchestre se mélan­gent.

Pacif­ic 231 1949 — Jean Mit­ry — Arthur Honeg­ger (film français).

L’esthé­tique du film de Jean Mit­ry est bien dif­férente. De belles images de trains accom­pa­g­nent la musique. C’est cer­taine­ment beau­coup moins créatif que le film de Tsekhanovsky, mais intéres­sant tout de même, ne serait-ce que par l’aspect doc­u­men­taire qui fait revivre ses mon­stres se nour­ris­sant de char­bon.

Ter­mi­nus, tout le monde descend !
À bien­tôt, les amis !

Adiós, Coco 1972-12-14 — Orquesta Juan D’Arienzo

Adiós, Coco est un au revoir, ou plutôt un adieu à Rafael D’Agosti­no, le neveu de Ángel D’Agosti­no qui était pianiste, com­pos­i­teur, auteur et jour­nal­iste spé­cial­isé dans les spec­ta­cles (notam­ment au jour­nal La Razón à l’Ed­i­to­r­i­al Anahi et à Radio Colo­nia). Par son oncle et ses activ­ités, il était mem­bre de la grande famille du tan­go et sa mort trag­ique dans un acci­dent de la route a sec­oué la com­mu­nauté, comme en témoigne ce tan­go com­posé par Láz­zari, ban­donéon­iste et arrangeur de l’orchestre de D’Arien­zo et l’en­reg­istrement par l’orchestre de ce dernier, un mois seule­ment, après la mort de Coco. Main­tenant, il me reste à vous expli­quer pourquoi un dinosaure con­duit une voiture…

Extrait musical

Adiós, Coco 1972-12-14 — Orques­ta Juan D’Arien­zo.

Adiós, Coco s’in­scrit dans la lignée des tan­gos tardifs enreg­istrés par D’Arien­zo. La puis­sance est énorme. Les vio­lons vir­tu­os­es et les longs breaks ren­dent ce style recon­naiss­able immé­di­ate­ment. Le piano de Juan Poli­to est en ponc­tu­a­tion per­ma­nente et bien sûr, les ban­donéons (instru­ment du com­pos­i­teur, Car­los Ángel Láz­zari) et la con­tre­basse assurent la base ryth­mique que repren­nent les autres instru­ments.
Dans cette ver­sion, quelques solos de vio­lons font taire le martelle­ment du rythme, une pointe de roman­tisme en l’hon­neur de Coco.
Cet orchestre tardif de D’Arien­zo, le dernier de sa car­rière était com­posé de la façon suiv­ante :
Car­los Láz­zari (ban­donéon­iste et arrangeur de l’orchestre. C’est lui qui repren­dra la direc­tion à la mort de D’Arien­zo et qui enreg­istr­era des titres du même type de dynamisme avec las solis­tas de D’Arien­zo (les solistes de D’Arien­zo, orchestre créé en 1973 avec l’au­tori­sa­tion de D’Arien­zo). Voyons donc ces autres solistes :
Enrique Alessio, Felipe Ric­cia­r­di et Aldo Jun­nis­si (ban­donéon­istes de D’Arien­zo, comme Láz­zari de 1950 à 1975).

Juan D’Arien­zo dans une atti­tude typ­ique, ani­me ses ban­donénistes. De gauche à droite, Enrique Alessio, Car­los Láz­zari, celui de droite me sem­ble être Aldo Jun­nis­si plus que Felipe Ric­cia­r­di, mais je ne garan­tis rien… Les qua­tre ban­donéon­istes de D’Arien­zo sont restés les mêmes de 1950 à 1975. Cette pho­to sem­ble dater de la décen­nie précé­dente, prob­a­ble­ment les années 60.

Juan Poli­to (pianiste de l’orchestre de D’Arien­zo en 1929, 1938–1939, 1957–1975)
Cayetano Puglisi, Blas Pen­sato, Jaime Fer­rer et Clemente Arnaiz (vio­lonistes de D’Arien­zo depuis 1940. Cette longévité explique la mer­veille des vio­lons de D’Arien­zo qui était lui-même vio­loniste).
Vic­to­rio Vir­gili­to (con­tre-bassiste de D’Arien­zo depuis 1950).

Cette ver­sion est instru­men­tale, mais je pense intéres­sant de présen­ter les chanteurs de l’époque :
(ténor). C’est le père de Pablo Ramos qui dirige l’orchestre Los Herederos del Com­pás que vous pour­rez enten­dre et voir dans ce titre en fin d’ar­ti­cle.
et (bary­tons)
Mer­cedes Ser­ra­no (mez­zo-sopra­no).

Rafael D’Agostino (Coco)

Son oncle, Ángel D’Agosti­no, est bien plus con­nu et j’ai eu à divers­es repris­es l’hon­neur de présen­ter cer­taines de ses inter­pré­ta­tions. Je vous pro­pose un petit éclairage sur le neveu, Coco, objet de cet hom­mage.
L’his­toire com­mence entre Juan D’Arien­zo et Ángel D’Agosti­no, les D’ du tan­go. D’Arien­zo vio­loniste et D’Agosti­no pianiste sont amis depuis l’ado­les­cence.
Lorsqu’en 1928 naquit Rafael, ce dernier est entré dans le cer­cle d’ami­tié des deux hommes qui l’ont accom­pa­g­né dans son entrée dans la car­rière musi­cale.
Mal­gré ses capac­ités de pianiste, Rafael s’est dirigé vers le jour­nal­isme, notam­ment de spec­ta­cle. Il fut util­isa­teur dans ses chroniques de surnoms pour les artistes. Cette mode a été ini­tiée par , le sous-directeur du jour­nal La Razón. Coco s’est expliqué sur cette cou­tume, par exem­ple en par­lant de Tita Merel­lo :

“Nadie puede negar que Tita Merel­lo es las­timera; todos los días se que­ja de su mis­e­ria, sus años y su mala suerte, Estos apo­dos nacen de sus pro­pios defec­tos y vir­tudes.”

(Per­son­ne ne peut nier que Tita Merel­lo est pitoy­able ; chaque jour elle se plaint de sa mis­ère, de son âge et de sa malchance. Ces surnoms nais­sent de leurs pro­pres défauts et ver­tus.)

On attribue un cer­tain nom­bre d’œu­vres à Coco :
Pasión milonguera
Vida bohemia
(avec Ricar­do Gar­cía)
Paica ale­gre
Mis flo­res negras
(Pas le pas­sil­lo colom­biano arrangé en valse que chan­ta Gardel)
Noches de Cabaret
(pas celui d’ avec Rodol­fo Lesi­ca)
Mi cov­acha

On voit que ces œuvres sont peu con­nues et celles qui le sont por­tent le nom d’autres auteurs. Mais j’ai gardé le meilleur pour la fin. On lui attribue égale­ment El Ple­siosauro. Voyons un peu de ce côté…

El Plesiosauro

Ce sym­pa­thique ani­mal marin, un dinosaure, aime faire des farces. En Écosse, il s’ap­pelle Nes­si et hante le Loch Ness. En Argen­tine, on l’ap­pelle par son nom sci­en­tifique, El Ple­siosauro, mais il porte aus­si le nom de El Nahueli­to, car il serait apparu au Lac Nahuel Huapi (Bar­iloche) ou à un autre lac bien plus au sud, el lago Epuyén.
Con­traire­ment à son cousin d’É­cosse, ce dernier s’est offert le luxe d’écrire une let­tre que pub­lia le jour­nal La Nación, en mars 1922, dont voici les ter­mes :
“El obje­ti­vo de mi car­ta es per­suadir­los de que me dejen en paz, ya que soy un mon­struo dis­cre­to y desin­tere­sa­do”
“L’ob­jet de ma let­tre est de vous per­suad­er de me laiss­er en paix, car je suis un mon­stre dis­cret et dés­in­téressé.“
Je pense que vous com­mencez à penser à un can­u­lar, voici l’his­toire :
La pre­mière men­tion de cet ani­mal date de 1910 et c’est la pub­li­ca­tion en 1922 de cette « vision » par George Gar­ret qui don­na l’idée à un Nord Améri­cain nom­mé Martín Sheffield d’an­non­cer la présence de cet ani­mal.
Cela arri­va aux oreilles du Doc­teur Clemente Onel­li, directeur du Zoo de , qui aurait bien aimé le met­tre dans ses col­lec­tions. Il envoya des fonds à Martín Sheffield et organ­isa une expédi­tion.
À son arrivée, Martín Sheffield avait dis­paru avec l’ar­gent et vous vous en doutez, la quête de El Nahueli­to s’est avérée vaine, mal­gré les descrip­tions qu’en ont faites les pré­ten­dus témoins.
La bête aurait un long cou, la taille d’une vache et serait car­ni­vore. Cer­tains sci­en­tifiques y voy­aient la descrip­tion d’un plé­siosaure, d’où le nom le plus courant à l’époque et d’autres d’un ichtyosaure. Des pho­tos auraient été réal­isées, mais où sont-elles ?

L’af­faire du Plé­siosaure à Bar­iloche. De gauche à droite. Mar­tin Shi­ef­feld, l’aven­turi­er d’Amérique du Nord. Il a quit­té les lieux avec l’ar­gent et n’a pas fait par­tie de l’ex­pédi­tion. Doc­teur Clemente Onel­li, le directeur du Zoo et organ­isa­teur de l’ex­pédi­tion. Sur la pho­to cen­trale : Alber­to Merkle, un taxi­der­miste alle­mand qui aurait pu con­serv­er El Nahueli­to si ses col­lègues l’avaient abat­tu comme prévu. Emilio Frey, un ingénieur, ami de Clemente Onel­li qui est à droite de lui sur la pho­to cen­trale San­ti­a­go Andueza et José Cinaghi, les chas­seurs. La pho­to de droite représente une recon­sti­tu­tion du Plé­siosaure à Bar­iloche.

Le Plé­siosaure a sus­cité des pas­sions, des rires et plusieurs musiques ont exploité le filon.
Par­mi celles-ci, la par­ti­tion attribuée à Rafael D’Agosti­no.

La par­ti­tion attribuée à Rafael D’Agosti­no du Ple­siosauro. Elle serait de 1922. On remar­que la dédi­cace à Clemente Onel­li, le Directeur de l’ex­pédi­tion, et à un Manuel Gar­cia que je n’ai pas iden­ti­fié. Est-il de la famille de Ricar­do Gar­cía avec qui il a com­posé Vida Bohémia ?

Tous les auteurs qui par­lent de ce tan­go men­tion­nent sans hési­ta­tion Coco, Rafael D’Agosti­no comme le com­pos­i­teur du Ple­siosauro.
Le fait qui m’in­trigue est que la par­ti­tion serait datée de 1922, ce qui est logique vu que c’est l’époque des faits. Ce qui est moins logique, c’est que Rafael D’Agosti­no est né en 1928 (il avait 40 ans en 1968 selon une inter­view, et 44 à a sa mort en 1972). Un prodi­ge comme Mozart peut écrire une œuvre à six ans, mais pas six ans avant sa nais­sance…
Il faut donc soit con­sid­ér­er que la par­ti­tion n’est pas de 1922, soit que c’est d’un autre Rafael D’Agosti­no.
Le fait que Coco soit un plaisan­tin pour­rait laiss­er penser qu’il aurait réal­isé un faux. Dans le sens de cette hypothèse, je met­trai la réal­i­sa­tion assez som­maire de la cou­ver­ture de la par­ti­tion.
Ce qui ne fait pas de doute, c’est l’ex­pédi­tion à Bar­iloche de Onel­li, les doc­u­ments sont suff­isam­ment pré­cis sur la ques­tion et ce sci­en­tifique n’au­rait pas mis en jeu sa répu­ta­tion pour un can­u­lar.
Le fait qu’il soit cité sur la par­ti­tion est un peu plus éton­nant. En effet, comme il est ren­tré bre­douille, il est peu prob­a­ble qu’il ait appré­cié l’at­ten­tion. Avoir un tan­go dédi­cacé à son nom et qui rap­pelle un échec n’est sans doute pas des plus réjouis­sant. Cela me con­forte dans l’idée du faux que j’at­tribuerai à Rafael D’Agosti­no, un drôle de coco (« drôle de coco » en français peut sig­ni­fi­er un farceur, quelqu’un d’un peu orig­i­nal).
Son com­parse, l’au­teur des paroles, serait , un « poète » dont on n’a pas vrai­ment de traces. Est-ce aus­si un élé­ment de la blague ? Nous ver­rons que les paroles peu­vent ren­forcer cette impres­sion.
L’orchestre Sci­ammarel­la tan­go a pro­duit la seule ver­sion enreg­istrée de cette œuvre.

El Ple­siosauro 2023 — Sci­ammarel­la tan­go.

Sci­ammarel­la aurait retrou­vé la par­ti­tion et exé­cuté l’œu­vre. Est-ce une com­po­si­tion orig­i­nale de cet orchestre ou réelle­ment une œuvre écrite en 1922, ou un can­u­lar tardif de Coco ?
Le site très sérieux et extrême­ment bien doc­u­men­té Todo Tan­go cite l’œu­vre, donne Rafael D’Agosti­no comme com­pos­i­teur et Amíl­car Mor­bidel­li comme auteur des paroles.
https://www.todotango.com/musica/tema/6341/El-plesiosauro/
Cet élé­ment peut faire pencher la bal­ance du côté de l’œu­vre authen­tique, dont voici les paroles.

Paroles de El Plesiosauro

Yo soy un pobre ani­mal bus­ca­do
por los ingratos y sin con­cien­cia.
Porque soy raro y tam­bién lo soy curioso
(según dice la gente allí).

Deje­men solo aquí, gozan­do
en la soledad de este lago
¿Qué es lo que haréis con sacarme si es en vano
lle­varme vivo de este lugar ?

¿No saben los señores
que esto no es coger flo­res?
Pre­tenden aquí cazarme y lle­var
como si nada fuera.

¡Maldito! No me nom­bres.
Nada te debo Onel­li.
Deja que yo viva con igual pre­rrog­a­ti­vas
como tú vives allí.
Rafael D’Agosti­no Letra: Amíl­car Mor­bidel­li

Traduction libre et indications

Je suis un pau­vre ani­mal recher­ché par les ingrats et sans con­science.
Parce que je suis bizarre et que je suis aus­si curieux (selon ce que dis­ent les gens de là-bas).
Lais­sez-moi seul ici, prof­i­tant de la soli­tude de ce lac
Que fer­ez-vous de me sor­tir, si c’est en vain que vous voulez m’en­lever vivant d’i­ci ? (Les mem­bres de l’ex­pédi­tion sont armés et deux chas­seurs y par­ticipent. La présence d’une grande seringue dans l’équipement est par­fois men­tion­née, mais mise en doute. Ils pen­saient tuer le « mon­stre » et l’empailler « d’où la présence d’un empailleur dans l’ex­pédi­tion.
Ces messieurs ne savent-ils pas qu’il ne s’ag­it pas de cueil­lir des fleurs ?
Ils ont l’in­ten­tion de me tra­quer et de m’emmener comme si de rien n’é­tait.
Mau­dit ! Ne me nom­mez pas.
Je ne te dois rien, Onel­li.
Lais­sez-moi, que je vive avec les mêmes prérog­a­tives que vous là-bas.

On voit que l’au­teur a pris la parole pour el Nahueli­to. À moins que ce soit lui, puisqu’il avait déjà pub­lié une let­tre dans le jour­nal La Nación.
On remar­quera que, si la cou­ver­ture dédi­cace l’œu­vre à Onel­li, le texte n’est pas du tout à sa gloire. Cela me fait encore hésiter. Un auteur aurait-il dédi­cacé un tan­go où il traite de mau­dit son dédi­cataire ? Cela me sem­ble bien étrange.
Si on tient compte que le Plé­siosaure est un dinosaure qui vit dans l’eau, on pour­rait penser à un pois­son d’avril, cou­tume qui con­siste à racon­ter un truc incroy­able que l’on retrou­ve dans quelques pays d’Eu­rope et dans le Monde, mais pas en Argen­tine.
On pour­rait aus­si voir dans cette his­toire un rap­pel de la coloni­sa­tion… Ces Indi­ens et gau­chos que l’on a déplacés et mas­sacrés sans ménage­ment pour con­quérir leur ter­ri­toire.

Autres versions de Adiós, Coco

Adiós, Coco 1972-12-14 — Orques­ta Juan D’Arien­zo. C’est notre .

Du fait qu’il s’ag­it d’un tan­go tardif, il n’a pas eu le temps d’en­tr­er dans le réper­toire des orchestres. Une excep­tion toute­fois, Los Herederos del Com­pás, l’orchestre ani­mé par Pablo Ramos, le fils de l’an­cien chanteur de D’Arien­zo, Osval­do Ramos, et qui tra­vaille ardem­ment à entretenir le sou­venir de son père et de la Orques­ta Del Rey del Com­pás.
Cet orchestre joue régulière­ment le thème, et je l’ai donc écouté par eux à divers­es repris­es avec des évo­lu­tions intéres­santes.

2021 — Pablo Ramos & Los Herederos del Com­pás. C’est la ver­sion du disque “Que siga el encuen­tro de 2021”.

Mais je pense que vous serez con­tent de voir l’une de leurs presta­tions. C’é­tait l’an passé, le 8 avril 2023, à la huitième édi­tion du fes­ti­val de La Pla­ta.

Adiós Coco 2023-04-08 — Pablo Ramos & Los Herederos del Com­pás, en La Pla­ta Baila Tan­go (8va edi­ción).

Avec cette vidéo, je pense que l’on peut dire Adiós Coco, au revoir, les amis. Soyez pru­dent sur les routes, un dinosaure pour­rait tra­vers­er sans crier gare !

Comme il faut 1951-09-26 — Orquesta Carlos Di Sarli

Eduardo Arolas Letra: Gabriel Clausi

« Comme il faut » , le titre de ce tan­go est en français et il sig­ni­fie que l’on fait les choses bien, comme il faut qu’elles soient réal­isées. Nous allons toute­fois voir, que sous ce titre « anodin » se cache une tricherie, quelque chose qui n’est peut-être pas fait, « comme il faut ».

Je parle français comme il faut

Je pense que vous ne serez pas sur­pris de décou­vrir un titre en français, il y a en a plusieurs et les mots français sont couram­ment util­isés par les Argentins et fort fréquents dans le tan­go.

Deux raisons expliquent cette abon­dance.

La pre­mière, c’est le pres­tige de la France de l’époque.

La haute société argen­tine par­lait couram­ment le français qui était la langue « chic » de l’époque. À ce sujet, il y a une quin­zaine d’an­nées, une amie me fai­sait vis­iter son club nau­tique. C’est le genre d’en­droit dont on devient mem­bre par coop­ta­tion ou héritage famil­ial. J’ai été sur­pris d’y enten­dre par­ler français, sans accent, par une bonne par­tie et peut-être même la majorité des per­son­nes que l’on croi­sait. Je m’en suis ouvert et mon amie m’a infor­mé que les per­son­nes de cette société avaient cou­tume de par­ler entre eux en français, cette langue étant tou­jours celle de l’élite.

La sec­onde, vous la con­nais­sez.

Les orchestres de tan­go se sont don­né ren­dez-vous en France au début du vingtième siè­cle. Il était donc naturel que s’ex­pri­ment des nos­tal­gies, des références pour mon­tr­er que l’on avait fait le voy­age ou tout sim­ple­ment que s’af­fichent les expres­sions à la mode.

Je peux vous con­seiller un petit ouvrage sur la ques­tion, EL FRANCÉS EN EL TANGO: Recopi­lación de tér­mi­nos del idioma francés y de la cul­tura france­sa uti­liza­dos en las letras de tan­go. Il a été écrit par Víc­tor A. Benítez Boned qui cite et explicite 78 mots de français qui se retrou­vent dans le tan­go et 41 noms pro­pres désig­nant des Français ou des lieux de France. On peut con­sid­ér­er qu’en­v­i­ron 200 tan­gos font directe­ment référence à la France, aux Français (sou­vent aux Français­es) ou à la langue française. Víc­tor A. Benítez Boned en cite 177.

Lien vers le livre au for­mat Kin­dle.

Extrait musical

Comme il faut 1951-09-26 — Orques­ta Car­los Di Sar­li.
Comme il faut de Eduar­do Aro­las avec la dédi­cace “A mis esti­ma­dos y dis­tin­gui­dos ami­gos Fran­cis­co Wright Vic­tor­i­ca, Vladis­lao A. Frías, Juan Car­los Parpaglione y Manuel Miran­da Naón”.

Les dédi­cataires sont des étu­di­ants en droit qui ont prob­a­ble­ment cassé leur tire-lire pour être dédi­cataires :
Fran­cis­co Wright Vic­tor­i­ca, étu­di­ant de la Fac­ulté de droit et de sci­ences sociales de Buenos Aires en 1917
Vladis­lao A. Frías ; étu­di­ant de la Fac­ulté de droit et de sci­ences sociales de Buenos Aires en 1917, puis juge au civ­il et mem­bre de la cour d’ap­pel au tri­bunal de com­merce de Buenos Aires.
Juan Car­los Parpaglione, étu­di­ant de la Fac­ulté de droit et de sci­ences sociales de Buenos Aires en 1917.
Manuel Miran­da Naón, étu­di­ant de la Fac­ulté de droit et de sci­ences sociales de Buenos Aires. En 1918, il a par­ticipé au mou­ve­ment de réforme de cette uni­ver­sité.

Paroles

Luna, farol y can­ción,
dulce emo­ción del ayer
fue en París,
donde viví tu amor.
Tan­go, , corazón,
noche de amor
que no está,
en mi sueño vivirá…

Es como debe ser, con ilusión viví
las ale­grías y las tris­tezas;
en esa noche fue que yo sen­tí por vos
una esper­an­za en mi corazón.
Es como debe ser en la pasión de ley,
tus ojos negros y tu belleza.
Siem­pre serás mi amor en bel­lo amanecer
para mi vida, dulce ilusión.

En este tan­go
te cuen­to mi tris­teza,
dolor y llan­to
que dejo en esta pieza.
Quiero que oigas mi can­ción
hecha de luna y de farol
y que tu amor, mujer,
vuel­va hacia mí.

Eduar­do Aro­las Letra: Gabriel Clausi

Traduction libre et indications

Lune, réver­bère et chan­son, douce émo­tion d’hi­er c’é­tait à , où j’ai vécu ton amour.
Tan­go, Cham­pagne, cœur, nuit d’amour qui n’est pas là, dans mon rêve vivra…
C’est comme il faut (comme il se doit), avec ent­hou­si­asme j’ai vécu les joies et les peines ; C’est ce soir-là que j’ai sen­ti de l’e­spoir pour toi dans mon cœur.
C’est comme doit être la véri­ta­ble pas­sion (les Argentins dis­ent de ley, de la loi, par exem­ple un porteño de ley pour dire un véri­ta­ble portègne), de tes yeux noirs et de ta beauté.
Tu seras tou­jours mon amour dans la belle aurore pour ma vie, douce illu­sion (doux sen­ti­ment).
Dans ce tan­go, je te con­te ma tristesse, douleur et larmes que je laisse dans ce morceau.
Je veux que tu enten­des ma chan­son faite de lune et de réver­bère et que ton amour, femme, revi­enne jusqu’à moi.

Elle est où la tricherie promise ?

Comme je vois que vous sem­blez intéressés, voici la tricherie. Le tan­go « Comme il faut » a un frère jumeau « Com­parsa criol­la » signé .

Cou­ver­ture et par­ti­tion de Com­parsa Criol­la de Rafael Iri­arte. La men­tion du con­cours de 1930 est en haut de la cou­ver­ture.

La gémel­lité n’est pas une tricherie me direz-vous, mais alors com­ment nom­mer deux tan­gos iden­tiques attribués à des auteurs dif­férents ?
On dirait aujour­d’hui un pla­giat.
Nous avons déjà ren­con­tré plusieurs tan­gos dont les attri­bu­tions étaient floues, que ce soit pour la musique ou les paroles. Fir­po n’a-t-il pas cher­ché à met­tre sous son nom , alors pourquoi pas une com­parsa ?
Mais revenons à notre paire de tan­gos et intéres­sons-nous aux auteurs.
Eduar­do Aro­las (1892–1924), un génie, mort très jeune (32 ans). Non seule­ment il jouait du ban­donéon de façon remar­quable, ce qui lui a valu son surnom de « Tigre du ban­donéon », mais en plus, il a com­posé de très nom­breux titres. C’est assez remar­quable si on tient compte de sa très courte car­rière. Il s’est dit cepen­dant qu’il s’in­spi­rait de l’air du temps, util­isant ce que d’autres musi­ciens pou­vaient inter­préter à une époque où beau­coup n’écrivaient pas la musique.
Il me sem­ble que c’est plus com­plexe et qu’il est plutôt dif­fi­cile de dénouer les fils des inter­ac­tions entre les musi­ciens à cette époque où il y avait peu de par­ti­tions, peu d’en­reg­istrements et donc surtout une con­nais­sance par l’é­coute, ce qui favorise l’ap­pro­pri­a­tion d’airs que l’on peut de toute bonne foi croire orig­in­aux.
Pour revenir à notre tan­go du jour et faire les choses Comme il faut, voyons qui est le sec­ond auteur, celui de Com­parsa criol­la, Rafael Iri­arte. (1890–1961).
Lui aus­si a fait le voy­age à Paris et Nés­tor Pin­són évoque une col­lab­o­ra­tion dans la com­po­si­tion qui aurait eu lieu en 1915.
Si on s’in­téresse aux enreg­istrements, les plus anciens sem­blent dater de 1917 et sont de Aro­las lui-même et de la Orques­ta Típi­ca Pacho. Les deux dis­ques men­tion­nent seule­ment Aro­las comme seul com­pos­i­teur.

Eduar­do Aro­las et un disque par la Tipi­ca Pacho qui serait égale­ment de 1917 selon Enrique Bin­da, spé­cial­iste de la vieille garde).

Peut-être que le fait que Aro­las avait accès au disque à cette époque et pas Iri­arte a été un élé­ment. Peut-être aus­si que la part d’Aro­las était suff­isam­ment prépondérante pour jus­ti­fi­er qu’il soit le seul men­tion­né.
Je n’ai pas trou­vé de témoignage indi­quant une brouille entre les deux hommes, si ce n’est une hypothèse de Nés­tor Pin­són. Faut-il voir dans le fait que Iri­arte signe de son seul nom la ver­sion qu’il dépose en 1930 et qui obtien­dra un prix, au sep­tième con­cours organ­isé par la mai­son de disque « Nacional ».
Ce qui est curieux est que Fran­cis­co Canaro, qui était ami de Aro­las ait enreg­istré sa ver­sion avec la men­tion de Iri­arte et pas celle de son ami décédé six ans plus tôt. Faut-il voir dans cela une recon­nais­sance de Canaro pour la part de Iri­arte ?
Pour vous per­me­t­tre d’en­ten­dre les simil­i­tudes, je vous pro­pose d’é­couter le début de deux ver­sions. Celui de 1951 de Comme il faut, notre tan­go du jour par Di Sar­li et celui de Com­parsa criol­la de Tan­turi de 1941. J’ai mod­i­fié la vitesse de la ver­sion de Tan­turi pour que les tem­pos soient com­pa­ra­bles.

Débuts de : Comme il faut de Eduar­do Aro­las par Car­los Di Sar­li (1951) et Com­parsa criol­la de Rafael Iri­arte par Ricar­do Tan­turi (1941).

Autres versions

Comme il s’ag­it du « même » tan­go, je vais plac­er par ordre chronologique plusieurs ver­sions de Comme il faut et de Com­parsa criol­la.

Comme il faut 1917 — Eduar­do Aro­las
Les musi­ciens de l’orchestre de Aro­las en 1916. Aro­las est en bas, au cen­tre. Juan Mari­ni, pianiste, à gauche, puis et Atilio Lom­bar­do (vio­lonistes) et Pare­des (vio­lon­celiste). Ce sont eux qui ont enreg­istré la ver­sion de 1917 de Aro­las.
Comme il faut 1917 — Orques­ta Típi­ca Pacho
Com­parsa criol­la 1930-11-18 — Fran­cis­co Canaro
Comme il faut 1936-10-27 —
Comme il faut 1938-03-07 — Ani­bal Troi­lo
Com­parsa criol­la 1941-06-16 — Ricar­do Tan­turi
Comme il faut 1947-01-14 — Car­los Di Sar­li
Com­parsa criol­la 1950-12-12 — Orchestre
Comme il faut 1951-09-26 — Orques­ta Car­los Di Sar­li.
Comme il faut 1955-07-15 — Car­los Di Sar­li
Comme il faut 1966-09-30 — Hec­tor Varela
Comme il faut 1980 —
Comme il faut 1982 —

Mon cher Cor­recteur, Thier­ry, m’a fait remar­quer que je n’avais pas pro­posé de ver­sions chan­tées. N’en ayant pas sous la main, j’ai fait un appel à des col­lègues qui m’ont pro­posé deux ver­sions, Nel­ly Omar avec Bar­tolomé Paler­mo de 1997 et Scia­marel­la Tan­go con Denise Sci­ammarel­la de 2018 :

Comme il faut 1997 — Nel­ly Omar con Bar­tolomé Paler­mo y sus gui­tar­ras. Mer­ci à Howard Jones qui m’a sig­nalé cette ver­sion.
Comme il faut 2013 — Gente de tan­go
Comme il faut 2018 – Scia­marel­la Tan­go con Denise Sci­ammarel­la. Mer­ci à Yük­sel Şişe qui m’a indiqué cette ver­sion.
Comme il faut 2020-08 — El Cachivache

Je vous pro­pose d’ar­rêter là les exem­ples, il y en aurait bien sûr quelques autres et je vous dis, à bien­tôt les amis !

Y suma y sigue… 1952-08-13 — Orquesta Juan D’Arienzo con Alberto Echagüe

Juan D’Arienzo ; Fulvio Salamanca (Fulvio Werfil Salamanca); Carlos Bahr (Carlos Andrés Bahr)

Quand les auteurs de tan­go se lan­cent dans la philoso­phie de la vie, cela donne cela ; des con­seils pour nav­iguer entre les canailles et les giles. Juan D’Arien­zo et son pianiste de l’époque, Ful­vio Sala­man­ca se sont asso­ciés avec Car­los Bahr pour éla­bor­er la musique et les paroles. Pour les , la philoso­phie est sim­ple, sauter sur la piste aux pre­mières notes et s’é­clater à danser ce titre énergique servi par l’orchestre de D’Arien­zo et la voix prenante de Echagüe.

La bande des auteurs

Générale­ment, on attribue à D’Arien­zo et Sala­man­ca la musique et à Car­los Bahr les paroles, mais l’ à la (Société des auteurs argentins) donne la pater­nité aux trois pour les deux élé­ments.

Reg­istre de la SADAIC indi­quant l’en­reg­istrement de l’œu­vre le 20 avril 1953.

On notera que pour les trois, la men­tion est auteur et com­pos­i­teur. Les pour­cent­ages pour cha­cun des trois ne sont pas déter­minés. C’est qu’ils esti­maient avoir col­laboré de façon com­pa­ra­ble et qu’ils devraient donc recevoir à parts égales les droits afférents.
On notera au pas­sage les pseu­do­nymes de Sala­man­ca et Bahr. Tony Cayena pour le pre­mier et Alfas et Luke J Y C pour le sec­ond.

Car­los Bahr, et Ful­vio Sala­man­ca, les trois auteurs, com­pos­i­teurs du .

Ce tra­vail à trois n’est pas éton­nant dans la mesure où Sala­man­ca et Bahr étaient des amis proches et que D’Arien­zo aimait met­tre en musique les textes de Bahr. Ce trio a d’ailleurs réal­isé dans les mêmes con­di­tions d’autres titres joués par l’orchestre de D’Arien­zo, comme : Ganzúa, La son­risa de mamá, Sin balur­do, Tomá estas mon­edas!, Tram­pa et notre tan­go du jour, Y suma y sigue…
D’autres titres ont été com­posés par D’Arien­zo et Sala­man­ca avec un texte de Bahr comme : Hoy me vas a escuchar, Nece­si­to tu car­iño et Se-Pe-Ño-Po-Ri-Py-Ta-Pa et d’autres, enfin, ont été créé par Bahr (texte) et Sala­man­ca (musique) sans l’ap­port de D’Arien­zo, comme : Amar­ga sospecha, Aqui he venido a can­tar, Dale dale, cabal­li­to, Des­de aque­l­la noche et Eter­na.

De gauche à droite, debout : Héc­tor Varela, Juan D’Arien­zo, Arman­do Labor­de, Alber­to Echagüe et Ful­vio Sala­man­ca au piano.

Y suma y sigue

Le titre peut inter­roger. Ce terme venant des livres compt­a­bles invite à tourn­er la page pour con­sul­ter la suite d’un compte, mais il a plusieurs autres sig­ni­fi­ca­tions.

  • Expres­sion indi­quant en bas de page, que le cal­cul va se con­tin­uer sur la page suiv­ante.
  • Équiv­a­lent de etc. du latín et cetera, pour indi­quer que la liste pour­rait con­tin­uer (et le reste, et les autres choses).
  • Indique que ça va con­tin­uer à aug­menter.
  • Indique que quelque chose se répète.

Je vous laisse choisir votre inter­pré­ta­tion à la présen­ta­tion des paroles ci-dessous.

Extrait musical

Y suma y sigue… 1952-08-13 — Orques­ta Juan D’Arien­zo con Alber­to Echagüe.
Par­ti­tion de Suma y sigue…

Paroles

No me gus­ta andar con vivos y a los giles les doy pase
a los otros si es pre­ciso los atien­do y se acabó.
Si la mala se encabri­ta me la aguan­to has­ta que amanse
y aunque siem­pre hay un ami­go, curo a solas mi dolor.
Me enseñó la mala racha que la suerte es mina ilusa,
Que, al final, se que­da siem­pre con aquel que está gril­lao.
Y aprendí en los des­en­can­tos, que si aflo­ja el de la zur­da,
es mejor que te amasi­jes porque al fin irás pal­mao.

Aunque seas bien dere­cho si andas seco te dan pifia.
Tra­ba­jan­do sos cualquiera y afanan­do sos señor.
Porque, al fin, has­ta la grela que com­parte tu cobi­ja
cuan­do ve man­gos en fila solo pien­sa “¿cuán­tos son?”.
Además, nadie pre­gun­ta de que “lao” llegó la bue­na,
la impor­tan­cia está en los man­gos aunque sal­gan de lo peor.
Y apren­des al triste pre­cio de tu cre­do en esta feria
que ni tiñe la vergüen­za, ni la gui­ta tiene hon­or.

Me enseñaron los ami­gos que estas firme si hay rebusque,
aprendí de los extraños que hay que abrirse del favor.
Y la vez, que por humano le di cuar­ta a un gil “cualunque”,
me dejó en la puer­ca vía sin con­fi­an­za y sin colchón.
Los demás te ven sacan­do por la pin­ta, como al naipe,
y al mar­carte “gil en puer­ta”, preg­o­nan­do que hay amor,
te saque­an has­ta el alma y después te dan el raje…
¡Pero nadie mira nun­ca que tenés un !
Juan D’Arien­zo ; Ful­vio Sala­man­ca (Ful­vio Wer­fil Sala­man­ca); Car­los Bahr (Car­los Andrés Bahr)

libre

Je n’aime pas aller avec les canailles et aux giles (XXXX voir anec­dote sur le sujet) je donne un lais­sez-pass­er, quant aux autres si néces­saire, je m’oc­cupe d’eux et c’est tout.
Si le mau­vais se déchaîne, je le sup­porte jusqu’à ce qu’il se lève et bien qu’il y ait tou­jours un ami, je guéris ma douleur seul.
La mau­vaise série m’a appris que la chance est une gamine illu­soire, qu’à la fin, elle reste tou­jours avec celui qui est gril­lé.
Et j’ai appris dans les décep­tions, que si le sincère se détend, cela vaut mieux que de se pétrir (de coups), car à la fin vous finis­sez dans les pommes (pal­mao de pal­ma­do est endormir en lun­far­do).
Même si tu es très droit, si tu es sec, ils se moquent de toi.
En tra­vail­lant, tu es quel­conque et en trompant (arnaquant, volant), tu es un Mon­sieur.
Parce qu’en fin de compte, même la gonzesse (femme) qui partage votre cou­ver­ture (lit) quand elle voit des bif­fe­tons (bil­lets de 1 peso) alignés elle pense unique­ment à « com­bi­en il y en a ? ».
D’ailleurs, per­son­ne ne demande de quel côté vient le bon, l’im­por­tant ce sont les bil­lets même s’ils sor­tent du pire.
Et tu apprends au triste prix de ton cre­do dans cette foire qui ni la honte tache, ni le flouze (l’ar­gent) n’a d’hon­neur.
Les amis m’ont appris à être ferme s’il y a une petite occa­sion (rebusque est un petit tra­vail sup­plé­men­taire, voire un amour pas­sager), j’ai appris d’in­con­nus qu’il faut s’ou­vrir à la faveur (peut aus­si sig­ni­fi­er prof­iter sex­uelle­ment).
Et la fois, que pour être humain, j’ai porté assis­tance à un gil quel­conque, il m’a lais­sé des scro­fules, sans con­fi­ance et sans mate­las (je ne suis pas sûr du sens).
Les autres te voient venir pour l’al­lure, comme aux cartes, et dès qu’ils te mar­quent « gil à la porte », procla­mant qu’il y a de l’amour, ils te pil­lent jusqu’à l’âme et ensuite ils te jet­tent dehors…
Mais per­son­ne ne voit jamais que tu as un cœur !
Ces con­seils de vie, se ter­mi­nent par Mais per­son­ne ne voit jamais que tu as un cœur ! Les con­seils cachent en fait un regard cri­tique et dés­abusé sur le monde con­tem­po­rain, sur les rela­tions humaines. En cela, ce tan­go rejoint d’autres tan­gos comme cam­bal­ache, et tant d’autres qui dénon­cent les injus­tices et les abus.

Autres versions

Il n’y a pas d’autre enreg­istrement de ce titre, mais D’Arien­zo et Echagüe ont enreg­istré plusieurs tan­gos faisant appel au lun­far­do. En 1964, RCA a édité une sélec­tion de 12 de ces tan­gos dans un disque 33 tours.

Acad­e­mia del lun­far­do (1964). 12 tan­gos avec des paroles en lun­far­do par D’Arien­zo et Echagüe. Notre tan­go du jour est le pre­mier titre de la face 2.
Joyas del Lun­far­do (1996) reprend les 12 titres de 1964 et en rajoute 8.

Voici la liste des 20 titres du CD. Ceux qui sont en gras étaient dans le CD de 1964

1 Cartón junao (Juan D‘Arienzo/Héctor Varela/Carlos Waiss)
2 Chichipía(Juan (D‘Arienzo / Héc­tor Varela / Car­los Waiss)
3 Bien pulen­ta (Car­los Waiss)
4 El nene del Abas­to (Ela­dio Blanco/Raúl Hor­maza)
5 Sarampión (Ela­dio Blanco/Raúl Hor­maza)
6 Cam­bal­ache (Enrique San­tos Dis­cépo­lo)
7 Pitu­ca (Enrique Cadícamo/José Fer­reyra)

8 El raje (Juan D‘Arienzo/Héctor Varela)
9 Amar­ro­to (Miguel Buci­no / Juan Cao)
10 Bara­jan­do (Eduar­do Escaris Mendez)
11 Don Juan Mon­di­o­la ()
12 Farabute (Joaquín Bar­reiro / Anto­nio Cas­ciani)
13 Cor­ri­entes y Esmer­al­da (Cele­do­nio Flo­res / Fran­cis­co Pracáni­co)
14 Y suma y sigue (Car­los Bahr / Juan D‘Arienzo / Ful­vio Sala­man­ca)
15 Che exis­ten­cial­ista (Mario Lan­di / Rodol­fo Mar­t­in­cho)
16 Pan comi­do ()
17 Las cuarenta (Froilán Gor­rindo)
18 Que mufa che (Jorge Sturla (Tito Pueblo) / Luis Zam­bal­di)
19 Mi queri­da Sisebu­ta (Arman­do Gat­ti / Car­los Láz­zari / Anto­nio Poli­to)
20 Peringundín (Pin­tín Castel­lanos)

Voilà, les amis, c’est tout pour aujour­d’hui.

Je ne vous dis pas à demain, car je vais faire une pause dans les anec­dotes, notam­ment pour essay­er de résoudre les prob­lèmes avec Face­book que cela énerve, mais aus­si, car le site sat­ure et que mon hébergeur me fait aus­si les gros yeux.

Un abra­zo énorme, des­de Buenos Aires où il fait encore bien froid…

La tablada 1942-07-23 — Orquesta Aníbal Troilo

Quand on pense à l’Argen­tine, on pense à sa viande et ce n’est pas un cliché sans rai­son. Les Argentins sont de très grands ama­teurs et con­som­ma­teurs de viande. Chaque mai­son a sa par­il­la (bar­be­cue) et en ville, cer­tains vont jusqu’à impro­vis­er leurs par­il­las dans la rue avec un demi-bidon d’huile. Dans les espaces verts, il y a égale­ment des par­il­las amé­nagées et si vous préférez aller au restau­rant, vous n’au­rez pas beau­coup à marcher pour obtenir un bon asa­do. Le , la tabla­da a à voir avec cette tra­di­tion. En effet, la tabla­da est le lieu où est regroupé le bétail avant d’aller au matadero

, matadero, la tabla­da…

Extrait musical

La tabla­da 1942-07-23 — Orques­ta Aníbal Troi­lo
La tabla­da. La cou­ver­ture de gauche est plus proche du sujet de ce tan­go que celle de droite…
La par­ti­tion est dédi­cacée par Canaro à des amis d’U­ruguay (auteurs, musi­ciens…).

Autres versions

La tabla­da 1927-06-09 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro.

Une ver­sion presque gaie. Les vach­es « gam­badent », du pas lourd du canyengue.

La tabla­da 1929-08-02 — Orques­ta Cayetano Puglisi.

Une ver­sion pesante comme les coups coups don­nés par les mataderos pour sac­ri­fi­er les ani­maux.

La tabla­da 1929-12-23 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro.

Cette ver­sion est assez orig­i­nale, on dirait par moment, une musique de dessin ani­mé. Cette ver­sion s’est dégagée de la lour­deur des ver­sions précé­dentes et c’est suff­isam­ment joueur pour amuser les danseurs les plus créat­ifs.

La tabla­da 1936-08-06 — Orques­ta Edgar­do Dona­to.

Une des ver­sions le plus con­nues de cette œuvre.

La tabla­da 1938-07-11 — Orques­ta Típi­ca Bernar­do Ale­many.

Cette ver­sion française fait preuve d’une belle imag­i­na­tion musi­cale. Ale­many est prob­a­ble­ment Argentin de nais­sance avec des par­ents Polon­ais. Son nom était-il vrai­ment Ale­many, ou est-ce un , car il a tra­vail­lé en Alle­magne avant la sec­onde guerre mon­di­ale avant d’aller en France où il a fait quelques enreg­istrements comme cette belle ver­sion de la tabla­da avant d’émi­gr­er aux USA. Ses musi­ciens étaient majori­taire­ment argentins, car il avait fait le voy­age en Argen­tine en 1936 pour les recruter. Cette ver­sion est donc fran­co-argen­tine pour être pré­cis…

La tabla­da 1942-07-23 — Orques­ta Aníbal Troi­lo. C’est notre tan­go du jour.
La tabla­da 1946-09-10 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro.

L’in­tro­duc­tion en appels sif­flés se répon­dant est par­ti­c­ulière­ment longue dans cette ver­sion. Il s’ag­it de la référence au train qui trans­portait la viande depuis La Tabla­da jusqu’à . Les employés devaient sif­fler pour sig­naler le départ, comme cela se fait encore dans quelques gares de cam­pagne.

La tabla­da 1950-11-03 — y su Cuar­te­to Típi­co.

Encore une ver­sion bien guillerette et plutôt sym­pa­thique, non ?

La tabla­da 1951 — Orques­ta Rober­to Caló.

C’est le frère qui était aus­si chanteur, mais aus­si pianiste (comme on peut l’en­ten­dre dans cet enreg­istrement), de .

La tabla­da 1951-12-07 — Hora­cio Sal­gán y su Orques­ta Típi­ca.

Une ver­sion qui se veut résol­u­ment mod­erne, et qui explore plein de direc­tions. À écouter atten­tive­ment.

La tabla­da 1955-04-19 — Orques­ta José Bas­so.

Dans cette ver­sion, très intéres­sante et éton­nante, Bas­so s’é­clate au piano, mais les autres instru­ments ne sont pas en reste et si les danseurs peu­vent être éton­nés, je suis sûr que cer­tains apprécieront et que d’autres me maudiront.

La tabla­da 1957 — Mar­i­ano Mores y su Gran Orques­ta Pop­u­lar.

L’hu­mour de Mar­i­ano Mores explose tout au long de cette ver­sion. Là encore, c’est encore un coup à se faire maudire par les danseurs, mais si vous avez envie de rigol­er, c’est à pré­conis­er.

La tabla­da 1957-03-29 — Orques­ta Héc­tor Varela. Varela est plus sérieux, mais sa ver­sion est égale­ment assez foi­son­nante. Décidé­ment, la tabla­da a don­né lieu à beau­coup de créa­tiv­ité.
La tabla­da 1962 — Orques­ta Rodol­fo Bia­gi.

On revient à des choses plus clas­siques avec Rodol­fo Bia­gi qui n’ou­blie pas de fleurir le tout de ses orne­ments au piano. À not­er le jeu des ban­donéons avec le piano et les vio­lons qui domi­nent le tout, insen­si­bles au stac­ca­to des col­lègues.

La tabla­da 1962-08-21 — Cuar­te­to Troi­lo-Grela.

Le duo Grela, Troi­lo est un plaisir raf­finé pour les oreilles. À écouter bien au chaud pour se laiss­er emporter par le dia­logue savoureux entre ces deux génies.

La tabla­da 1965-08-11 — Orques­ta Juan D’Arien­zo.

La spa­tial­i­sa­tion stéréo­phonique est sans doute un peu exagérée, avec le ban­donéon à droite et les vio­lons à gauche. Beau­coup de DJ passent les titres en mono. C’est logique, car tout l’âge d’or et ce qui le précède est mono. Cepen­dant, pour les corti­nas et les enreg­istrements plus récents, le pas­sage en mono peut être une lim­i­ta­tion. Vous ne pour­rez pas vous en ren­dre compte ici, car pour pou­voir met­tre en ligne les extraits sonores, je dois les pass­er en mono (deux fois moins gros) en plus de les com­press­er au max­i­mum afin qu’ils ren­trent dans la lim­ite autorisée de taille. Mes morceaux orig­in­aux font autour de 50 Mo cha­cun. Pour revenir à la dif­fu­sion en , le DJ doit penser que les danseurs tour­nent autour de la piste et qu’un titre comme celui leur don­nera à enten­dre le ban­donéon dans une zone de la salle et les vio­lons dans une autre. Dans ce cas, il fau­dra lim­iter le panoramique en rap­prochant du cen­tre les deux canaux. Encore un truc que ne peu­vent pas faire les DJ qui se branchent sur l’en­trée ligne où les deux canaux sont déjà regroupés et ne peu­vent donc pas être placés spa­tiale­ment de façon indi­vidu­elle (sans par­ler du fait que l’en­trée ligne com­porte générale­ment moins de réglage de tonal­ité que les entrées prin­ci­pales).

La tabla­da 1966-03-10 — Orques­ta .

Une meilleure util­i­sa­tion de la spa­tial­i­sa­tion stéréo­phonique, mais ça reste du Sas­sone qui n’est donc pas très pas­sion­nant à écouter et encore moins à danser.

La tabla­da 1968 — Orques­ta Típi­ca Atilio Stam­pone.

Stam­pone a explosé la fron­tière entre la musique clas­sique et le tan­go avec cette ver­sion très, très orig­i­nale. J’adore et je la passe par­fois avant la milon­ga en musique d’am­biance, ça intrigue les pre­miers danseurs en attente du début de la milon­ga.

La tabla­da 1968-06-05 — Cuar­te­to Aníbal Troi­lo.

On ter­mine, car il faut bien une fin, avec et son cuar­te­to afin d’avoir une autre ver­sion de notre musi­cien du jour qui nous pro­pose la tabla­da.

Après ce menu musi­cal assez riche, je vous pro­pose un petit asa­do

L’asado

Je suis resté dis­cret sur le thème matadero évo­qué dans l’in­tro­duc­tion. Matar en espag­nol est tuer (à ne pas con­fon­dre avec mate) qui est la bois­son nationale. Si vous écrivez « maté », vous voulez dire « tué ». Il ne faut donc surtout pas met­tre d’ac­cent, même si ça prononce maté, ça s’écrit mate. L’ac­cent tonique est sur le ma et pas sur le te. J’ar­rête de tourn­er autour du pot, le matadero, c’est l’a­bat­toir.

À la fin du 16e siè­cle, Jean de Garay appor­ta 500 vach­es d’Eu­rope (et bien sûr quelques tau­reaux). Ces ani­maux se plurent, l’herbe de la pam­pa était abon­dante et nour­ris­sante aus­si les bovins prospérèrent au point que deux siè­cles plus tard, Félix de Azara, un nat­u­ral­iste espag­nol con­statait que les criol­los ne con­som­maient que de la viande, sans pain.
Plus éton­nant, ils pou­vaient tuer une vache pour ne manger que la langue ou la par­tie qui les intéres­sait.
Puis, la coloni­sa­tion s’in­ten­si­fi­ant, la viande est dev­enue la nour­ri­t­ure de tous, y com­pris des nou­veaux arrivants. Cer­taines par­ties délais­sées par la « cui­sine » tra­di­tion­nelle furent l’aubaine des plus pau­vres, mais cer­taines par­ties qui étaient très appré­ciées par les per­son­nes raf­finées et nég­ligées par les con­som­ma­teurs tra­di­tion­nels con­tin­u­ent à faire le bon­heur des com­merçants avisés qui répar­tis­sent les par­ties de l’an­i­mal selon les quartiers.
Le tra­vail du cuir est aus­si une ressource impor­tante de l’Ar­gen­tine, mais dans cer­taines provinces, l’asa­do (la gril­lade) se fait avec la peau et dans ce cas, le cuir est per­du. C’est un reste de l’habi­tude de tuer une vache pour n’u­tilis­er que la por­tion néces­saire à un moment don­né.
Les Argentins con­som­ment un kilo de viande et par per­son­ne chaque semaine. Je devrais écrire qui con­som­maient, car depuis l’ar­rivée du nou­veau gou­verne­ment en Argen­tine, le prix de la viande a triplé et la con­som­ma­tion a forte­ment bais­sée en quan­tité (de l’or­dre de 700 grammes par semaine et surtout en qual­ité, les vian­des les moins nobles étant désor­mais plus recher­chées, car moins chères).

Asa­do a la esta­ca (sur des pieux) — Asa­do con cuero (avec la peau de l’an­i­mal) Asa­do dans un restau­rant, les chaînes per­me­t­tent de régler la hau­teur des dif­férentes grilles — asa­do famil­iar.

Tira de asa­do
La viande est attachée à l’os. C’est assez spec­tac­u­laire et plein d’os que cer­tains enlèvent avec leur couteau ou en cro­quant entre les restes de côtes.

Vacio (Vide)
Un morceau de choix, sans os, ten­dre et à odeur forte. IL se cuit lente­ment à feu indi­rect.

Matam­bre
Entre la peau et les os, le matam­bre est recher­ché. Il est égale­ment util­isé roulé, avec un rem­plis­sage entre chaque couche. Une fois découpé en ron­delle, comme une bûche de Noël, c’est très joli. Le rem­plis­sage peut être des œufs durs, des légumes ou autres.

Col­i­ta de cuadril
Par­tie de l’aloy­au (croupe) proche de la queue, d’où le nom.

Entraña
Par­tie intérieure des côtes de veaux.

Bife de chori­zo
Bifteck de chori­zo, un steack à ne pas con­fon­dre avec la saucisse espag­nole de ce nom.

Bife Ancho
Un steack large, épais avec graisse.

Bife angos­to
Le con­traire du précé­dent, plus fin.

Lomo
La longe, une pièce de viande peu grasse.

Palomi­ta
Une coupe par­mi tant d’autres. J’imag­ine que cer­tains y voient une colombe, mais c’est bien du bœuf.

Picaña
Arrière de la longe de bœuf de forme tri­an­gu­laire.

Achuras
Ce sont les abats.
Ils sont présen­tés en tripes, chori­zos, boudins, ris de veau, rognons et autres.
Ils ne font pas l’u­na­nim­ité chez les Argentins, mais un asa­do sans achuras, ce n’est pas un asa­do pour beau­coup.

Bon­di­o­la
Le porc passe aus­si un sale moment sur la par­il­la.
Beau­coup la man­gent en sand­wich dans du pain français (rien à voir avec le pain de France). Le pain peut être chauf­fé sur la par­il­la.

Pechi­to de cer­do
La poitrine de porc fait aus­si par­tie des morceaux de choix de l’asa­do. Elle est con­sid­érée ici comme une viande plus saine (comme quoi tout est relatif).

Des légumes, poivrons, aubergines peu­vent rejoin­dre l’asa­do, mais ce ne sera pas le met préféré des Argentins, même si on y fait cuire un œuf afin de ne pas man­quer de pro­téines…

Le tra­vail de l’asador

C’est la per­son­ne qui pré­pare l’asa­do. Son tra­vail peut paraître sim­ple, mais ce n’est pas le cas.
Il faut pré­par­er les morceaux, par­fois les condi­menter (mod­éré­ment) et la cuis­son est tout un art. Une fois que le bois ou le char­bon de bois sont prêts, il faut régler la hau­teur de la grille afin que la viande cuise douce­ment et longue­ment et de façon adap­tée selon les pièces qui se trou­vent aux dif­férents endroits de la grille.
Beau­coup d’Ar­gentins aiment la viande bien cuite, les steaks tartares sont une idée qui n’est pas dans le vent ici. D’autres l’ai­ment à point et la bonne viande se coupe à la cuil­lère, voire avec le manche de la cuil­lère.
Hors de l’Ar­gen­tine, il est assez dif­fi­cile de con­va­in­cre un bouch­er de découper la viande à l’Ar­gen­tine, à moins de bien lui expli­quer et d’a­cheter 40 kilos d’un coup. Il vous fau­dra donc aller en Argen­tine ou dans un restau­rant argentin qui s’ap­pro­vi­sionne bien sou­vent en bœuf de l’Aubrac (France).
La cou­tume veut qu’on applaud­isse l’asador qui a passé des heures à faire cuire amoureuse­ment les ani­maux.
L’Ar­gen­tine n’est pas le par­adis des végé­tariens, d’au­tant plus que les légumes sont sou­vent plus chers que la viande (même si en ce moment, c’est moins le cas). Il faut compter entre 4 et 10 $ le kilo, voire moins si vous achetez de gross­es quan­tités, si vous payez en liq­uide, si vous avez la carte de telle ou telle banque… L’Ar­gen­tine four­mille d’as­tuces pour pay­er un peu moins cher.
Ne sortez pas l’Amer­i­can Express ici son slo­gan est plutôt « ne sortez pas avec elle » si vous ne voulez pas pay­er plus cher.
En ce qui con­cerne les autres pro­duits d’o­rig­ine ani­male, le lait et les pro­duits laitiers ne sont pas les grands favoris et le pois­son coûte le même prix qu’en Europe et par con­séquent est hors de prix pour la majorité des Argentins, sauf peut-être le mer­lu que l’on peut trou­ver à moins de 10 $ con­tre 30 ou 40 $ le saumon (d’él­e­vage, con­gelé et à la chair très pâle et grasse).
Bon, je me suis un peu échap­pé du domaine du tan­go, mais n’é­tant pas ama­teur de viande, il me fal­lait faire une forme de cathar­sis…

À demain, les amis !

Fumando espero 1927-07-21 — Orquesta Típica Victor

Juan Viladomat Masanas Letra: Félix Garzo (Antonio José Gaya Gardus)

On sait main­tenant que fumer n’est pas bon pour la san­té, mais dans la mytholo­gie du tan­go, la cig­a­rette, cig­a­r­il­lo, pucho, faso et sa fumée ont inspiré les créa­teurs quand eux-mêmes inspi­raient les volutes de fumée. Notre tan­go du jour est à la gloire de la fumée, au point qu’il est devenu objet de pro­pa­gande pub­lic­i­taire. Mais nous ver­rons que le tan­go a aus­si servi à lut­ter con­tre le tabac qui t’a­bat. Je pense que vous décou­vrirez quelques scoops dans cette anec­dote fumante.

Extrait musical

1927-07-21 — Orques­ta Típi­ca Vic­tor — Dir. .

Cette très belle ver­sion souf­fre bien sûr de son anci­en­neté et du style de l’époque, mais les con­tre­points sont superbes et la ryth­mique lourde est com­pen­sée par de jolis traits. J’aime beau­coup les pas­sages lega­to des vio­lons.

Main­tenant que vous l’avez écouté, nous allons entr­er dans le vif d’un sujet un peu fumeux, tout d’abord avec des cou­ver­tures de par­ti­tions.

Fuman­do espero. Divers­es par­ti­tions.

On notera que trois des par­ti­tions annon­cent la créa­tion, mais par des artistes dif­férents…
Créa­tion de (Par­ti­tion éditée par Ilde­fon­so Alier) à Madrid en 1925.
Créa­tion de Pilar Berti pour la pub­li­ca­tion de Barcelone, DO-RE-MI qui pub­li­ait chaque semaine une par­ti­tion. Mais c’est une autre Pilar (Arcos) qui l’en­reg­istr­era à divers­es repris­es.
Tania Mex­i­can, créa­trice de ce mag­nifique tan­go, annonce cette par­ti­tion. Tania aurait été la pre­mière à le chanter à Buenos Aires. Ce n’est pas impos­si­ble dans la mesure où cette Espag­nole de Tolède est arrivée en Argen­tine en 1924. Elle fut la com­pagne de Enrique San­tos Dis­cépo­lo.
Si on peut voir la men­tion « « « Mex­i­can » à côté de son nom, c’est qu’elle est arrivée à Buenos Aires avec le Con­jun­to The Mex­i­cans

Après les édi­tions espag­noles, voici celles d’Amérique latine, plus tar­dives, elles ont suivi le tra­jet de la musique.
Felix Car­so au lieu de Car­zo pour l’édi­tion brésili­enne de 1927. L’édi­teur, vendait aus­si des pianos.
Tan­go de Velado­ma­to (au lieu de Velado­mat (non cata­lan) pour l’édi­tion chili­enne.
Ces cinq par­ti­tions sont de la pre­mière vague (années 20–30)

La par­ti­tion éditée par las Edi­ciones Inter­na­cionales Fer­ma­ta avec la pho­to de Héc­tor Varela en cou­ver­ture date des années 50. Prob­a­ble­ment de 1955, date de l’en­reg­istrement par Varela de ce titre.

Paroles

Fumar es un plac­er
genial, sen­su­al.
Fuman­do espero
al hom­bre a quien yo quiero,
tras los cristales
de ale­gres ven­tanales.
Mien­tras fumo,
mi vida no con­sumo
porque flotan­do el humo
me sue­lo adorme­cer…
Ten­di­da en la chaise longue
soñar y amar…
Ver a mi amante
solíc­i­to y galante,
sen­tir sus labios
besar con besos sabios,
y el deva­neo
sen­tir con más deseos
cuan­do sus ojos veo,
sedi­en­tos de pasión.
Por eso estando mi bien
es mi fumar un edén.

Dame el humo de tu boca.
Anda, que así me vuel­vo loca.
Corre que quiero enlo­que­cer
de plac­er,
sin­tien­do ese calor
del humo embria­gador
que aca­ba por pren­der
la lla­ma ardi­ente del amor.

Mi egip­cio es espe­cial,
qué olor, señor.
Tras la batal­la
en que el amor estal­la,
un
es siem­pre un des­can­sil­lo
y aunque parece
que el cuer­po lan­guidece,
tras el cig­a­r­ro crece
su fuerza, su vig­or.
La hora de inqui­etud
con él, no es cru­el,
sus espi­rales son sueños celes­tiales,
y for­man nubes
que así a la glo­ria suben
y envuelta en ella,
su chis­pa es una estrel­la
que luce, clara y bel­la
con rápi­do ful­gor.
Por eso estando mi bien
es mi fumar un edén.

Juan Vilado­mat Masanas Letra: Félix Gar­zo (Anto­nio José Gaya Gar­dus)

Traduction libre et indications

Fumer est un plaisir génial, sen­suel.
En fumant, j’at­tends l’homme que j’aime, der­rière les vit­res de fenêtres gaies.
Pen­dant que je fume, ma vie, je ne la con­somme pas parce que la fumée qui flotte me rend générale­ment som­no­lente…
Allongée sur la chaise longue, rêver et aimer… (On notera que la chaise longue est indiquée en français dans le texte).
Voir mon amant plein de sol­lic­i­tude et galant, de sen­tir ses lèvres embrass­er de bais­ers sages, et d’éprou­ver plus de désir quand je vois ses yeux assoif­fés de pas­sion.
C’est pourquoi mon bien est de fumer une Edén (mar­que de cig­a­rettes, voir ci-dessous les détails).
Donne-moi la fumée de ta bouche.
Allez, qu’ain­si je devi­enne folle.
Cours, que j’ai envie de devenir folle de plaisir, en sen­tant cette chaleur de la fumée enivrante qui finit par allumer la flamme brûlante de l’amour.
Mon égyp­tien (tabac égyp­tien) est spé­cial, quelle odeur, mon­sieur.
Après la bataille dans laque­lle l’amour explose, une cig­a­rette est tou­jours un repos et bien qu’il sem­ble que le corps lan­guisse, après le cig­a­re (en lun­far­do, el cig­a­r­ro est le mem­bre vir­il…), sa force, sa vigueur, gran­dis­sent.
L’heure de l’ag­i­ta­tion avec lui n’est pas cru­elle, ses spi­rales sont des rêves célestes, et for­ment des nuages qui s’élèvent ain­si vers la gloire et envelop­pés d’elle, son étin­celle est une étoile qui brille, claire et belle d’un éblouisse­ment rapi­de.
C’est pourquoi mon bien est de fumer une Edén.

La cigarette et le tango

Ce tan­go serait une bonne occa­sion pour par­ler du thème de la cig­a­rette et du tan­go. Étant non-fumeur, je béni la loi 1799 (Buenos Aires) qui fait que depuis octo­bre 2006, il est inter­dit de fumer dans les lieux publics. Cela a large­ment amélioré la qual­ité de l’air dans les milon­gas.
La loi 3718 (décem­bre 2010) ren­force encore ces inter­dic­tions et donc depuis 5 jan­vi­er 2012, il est totale­ment inter­dit de fumer dans les lieux publics et les espaces fumeurs intérieurs sont inter­dits. Cepen­dant, imag­inez l’at­mo­sphère au cours du vingtième siè­cle, époque où le tabac fai­sait des rav­ages.
Le tan­go du jour peut être con­sid­éré comme une pub­lic­ité pour le tabac et même une pub­lic­ité pour le tabac égyp­tien d’une part et la mar­que Edén qui était une mar­que rel­a­tive­ment lux­ueuse.

Avec Edén, allez plus vite au paradis

Dans ce tan­go, sont cités deux types de tabac, l’é­gyp­tien et les cig­a­rettes à base de tabac de la Havane. Je pour­rais rajouter le cig­a­re de la Havane, mais je pense que la référence au cig­a­re est plus coquine que rel­a­tive à la fumée…
Les cig­a­rettes Edén étaient com­mer­cial­isées en deux var­iétés, la n° 1, fab­riqué avec du tabac de la Havane, coû­tait 30 cents et la n° 2, avec un mélange de tabac de la Havane et de Bahia, 20 cents le paquet.

À gauche, paquet de tabac égyp­tien. À droite, pub­lic­ité pour les cig­a­rettes Edén (1899). Clodimiro Urtubey est le créa­teur de la mar­que

Les tangos faisant la propagande du tabac

On peut bien sûr inclure notre tan­go du jour (Fuman­do espero (1922), puisqu’il cite des mar­ques et l’acte de fumer. Cepen­dant, rien ne prou­ve que ce soient des pub­lic­ités, même déguisées. La référence au tabac égyp­tien peut être une sim­ple évo­ca­tion du luxe, tout comme la mar­que Edén qui en out­re rime avec bien.
Par ailleurs, l’au­teur de la musique, Juan Vilado­mat sem­ble être un adepte des drogues dans la mesure où il a égale­ment écrit un tan­go qui se nomme La cocaí­na avec des paroles de Ger­ar­do Alcázar.

Par­ti­tion de La cocaina de Juan Vilado­mat avec des paroles de Ger­ar­do Alcázar.
La cocaí­na 1926 — Ramonci­ta Rovi­ra.

La cocaí­na 1926 — Ramonci­ta Rovi­ra. Cette pièce fai­sait par­tie du Guig­nol lyrique en un acte « El tan­go de la cocaí­na » com­posé par Juan Vilado­mat avec un livret de Amichatis et Ger­ar­do Alcázar.

J’imag­ine donc qu’il a choisi le thème sans besoin d’avoir une moti­va­tion finan­cière…
D’autres tan­gos sont dans le même cas, comme : Larga el pucho (1914), Sobre el pucho (1922), Fume Com­padre (ou Nubes de humo, 1923), Como el humo (1928), Cig­a­r­il­lo (1930), Pucho 1932, Taba­co (1944), (1951), Un cig­a­r­il­lo y yo (1966) et bien d’autres qui par­lent à un moment ou un autre, de fumée, de cig­a­rette (cigarillo/pucho/faso) ou de tabac.

Cig­a­r­ril­lo 1930-07-17 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Luis Díaz (Adol­fo Rafael Avilés Letra: Ernesto E. de la Fuente).

Atten­tion, ne pas con­fon­dre avec le tan­go du même nom qui milite con­tre le tabac et que je présente ci-dessous…
Sur le fait que Canaro n’a pas fait cela pour de l’ar­gent, j’ai tout de même un petit doute, il avait le sens du com­merce…

En revanche, d’autres tan­gos ont été com­man­dités par des mar­ques de cig­a­rettes. Par­mi ceux-ci, citons :

Améri­ca (qui est une mar­que de cig­a­rettes)
Fuman­do Sudan, espero (Sudan est une mar­que de cig­a­rette et Pilar Arcos a enreg­istré cette ver­sion pub­lic­i­taire en 1928).

Paquet en dis­tri­b­u­tion gra­tu­ite et vignettes de col­lec­tion (1920) des cig­a­rettes Soudan, une mar­que brésili­enne créée par Sab­ba­do D’An­ge­lo en 1913.
Fuman­do Sudan espero 1928-06-15 — Pilar Arcos Acc. Orques­ta Tipi­ca Dir. .

Le nom des cig­a­rettes ne vient pas du pays, le Soudan, mais de l’u­til­i­sa­tion des pre­mières let­tres du nom du fon­da­teur de la mar­que, S de Saba­do, Um(N) de Umberto et DAN de D’Angelo…
Quoi qu’il en soit, cette mar­que ne rec­u­lait devant aucun moyen mar­ket­ing, dis­tri­b­u­tion gra­tu­ite, images de col­lec­tion, ver­sion chan­tée…
Cela me fait penser à cette pub­lic­ité argen­tine pour la pre­mière cig­a­rette…

Pub­lic­ité argen­tine pour la pre­mière cig­a­rette met­tant en scène un enfant… La cig­a­rette est au pre­mier plan à gauche. On imag­ine la suite.

Sel­lo azul (qui est une mar­que de cig­a­rettes).

Sel­lo Azul de Sci­ammarel­la et Rubis­tein, et à droite, un paquet de ces cig­a­rettes…

Aprovechá la bola­da, Fumá Caran­chos dont je vous pro­pose ici les paroles qui sont un petit chef-d’œu­vre de mar­ket­ing de bas étage :

Cou­ver­ture de la par­ti­tion de Aprovechá la bola­da — Fumá Caran­chos de Fran­cis­co Bohi­gas

Paroles de Aprovechá la bolada, Fumá Caranchos

Che Pan­chi­to, no seas longhi, calmá un poco tu arreba­to que el que tiene una papusa cual la novia que tenés, no es de ley que se sui­cide por el hecho de andar pato; a la suerte hay que afrontar­la con bravu­ra y altivez.
Donde hay vida hay esper­an­za, no pifiés como un incau­to.
Y a tu piba no le arru­ines su pala­cio de ilusión vos querés dártela seca porque sueña con un auto, una casa y otras yer­bas; yo te doy la solu­ción.
Refrán:
Fumá Caran­chos no seas chan­cle­ta, que en cada eti­que­ta se encuen­tra un cupón.
Seguí mi con­se­jo, pren­dete, che Pan­cho que está en Los Caran­chos tu gran sal­vación.
Fumá Caran­chos, que al fin del jaleo en el gran sor­teo te vas a lig­ar una casa pos­ta, un buick de paseo y el sueño de tu piba se va a realizar.
Ya se me hace, che Pan­chi­to, que te veo muy tri­un­fante, dan­do dique a todo el mun­do con un buick deslum­brador, por Flori­da, por Cor­ri­entes, con tu novia en el volante propi­etario de una casa que será nido de amor.
Sin embar­go, caro mio, si no entrás en la fuma­da, serás siem­pre un pobre loco que de seco no sal­drá.
Vos bus­cate tu aco­mo­do, aprovechá la bola­da, fumá Caran­chos queri­do, que tu suerte cam­biará.
Fumá Caran­chos, no seas chan­cle­ta que en cada eti­que­ta se encuen­tra el cupón.

Fran­cis­co Bohi­gas

Traduction libre de Aprovechá la bolada, Fumá Caranchos (Saute sur ta chance, fume Caranchos)

Che Pan­chi­to, ne sois pas un manche, calme un peu ton emporte­ment, car celui qui a une poupée comme la petite amie que tu as, il n’est pas juste pour lui de se sui­cider, car il a fait le canard (« cada paso una caga­da », le canard a la répu­ta­tion de faire une crotte à chaque pas, une gaffe à chaque pas) ; la chance doit être affron­tée avec bravoure et arro­gance.
Là où il y a de la vie, il y a de l’e­spoir, ne faites pas de gaffes comme un impru­dent.
Et ne ruine pas le palais d’il­lu­sion de ta poupée, tu te vois fauché parce qu’elle rêve d’une voiture, d’une mai­son et d’autres trucs ; Je vais te don­ner la solu­tion.
Fume Caran­chos ne sois pas une mau­vi­ette, car sur chaque éti­quette, se trou­ve un coupon.
Suis mon con­seil, allume, che Pan­cho, ton grand salut est dans les Caran­chos.
Fume des Caran­chos, parce qu’à la fin du tirage de la grande tombo­la, tu vas recevoir une mai­son excel­lente, une Buick pour la balade et le rêve de ta chérie va se réalis­er.
Il me sem­ble, che Pan­chi­to, que je te vois très tri­om­phant, te pavanant devant tout le monde avec une Buick éblouis­sante, dans Flori­da, dans Cor­ri­entes, avec ta copine au volant et pro­prié­taire d’une mai­son qui sera un nid d’amour.
Cepen­dant, mon cher, si tu ne te lances pas dans la fumée, tu seras tou­jours un pau­vre fou qui ne sor­ti­ra pas de la dèche.
Tu trou­veras ton loge­ment, prof­ite de la chance, fume, mon cher, Caran­chos, ta chance va tourn­er.
Fume des Caran­chos, ne sois pas une mau­vi­ette, car sur chaque éti­quette se trou­ve le coupon.
On notera qu’il a fait un tan­go du même type Tirate un lance (tente ta chance), qui fai­sait la pro­pa­gande d’un tirage au sort d’un vin pro­duit par les caves Giol7. Ne pas con­fon­dre avec le tan­go du même titre écrit par Héc­tor Mar­có et chan­té notam­ment par Edmun­do Rivero.

Le tango contre le tabac

Même si l’im­mense des tan­gos fait l’apolo­gie de la cig­a­rette, cer­tains dénon­cent ses méfaits en voici un exem­ple :

Paroles de Cigarrillo de Pipo Cipolatti (musique et paroles)

Tan­to daño,
tan­to daño provo­caste
a toda la humanidad.
Tan­tas vidas,
tan­tas vidas de mucha­cho
te fumaste… yo no sé.
Apa­gan­do mi amar­gu­ra
en la bor­ra del café
hoy te can­to, cig­a­r­ril­lo, mi ver­dad…

Cig­a­r­ril­lo…
com­pañero de esas noches,
de mujeres y cham­pagne.
Muerte lenta…
cada faso de taba­co
es un año que se va…
Che, purrete,
escuchá lo que te digo,
no hagas caso a los demás.
El taba­co es traicionero
te destruye el cuer­po entero
y te agre­ga más edad…
El taba­co es traicionero,
te destruye el cuer­po entero… ¡y qué!
y esa tos te va a matar…

¡Ay, que lin­do !…
Ay, que lin­do que la gente
com­prendiera de una vez
lo difí­cil,
lo difí­cil que se hace,
hoy en día, el res­pi­rar.
Es el humo del cilin­dro
maquiavéli­co y rufián
que destruye tu teji­do pul­monar

Pipo Cipo­lat­ti

Traduction libre des paroles de Cigarrillo

Tant de dégâts, tant de dégâts tu as causé à toute l’hu­man­ité.
Tant de vies, tant de vies d’en­fants tu as fumé… Je ne sais pas.
Éteignant mon amer­tume dans le marc de café, aujour­d’hui je te chante, cig­a­rette, ma vérité…
Cig­a­rette… Com­pagne de ces nuits, des femmes et de cham­pagne.
Mort lente… Chaque cig­a­rette (faso, cig­a­rette en lun­far­do) est une année qui s’en va…
Che, gamin, écoute ce que je te dis, ne fais pas atten­tion aux autres.
Le tabac est traître, il détru­it le corps en entier et t’a­joute plus d’âge…
Le tabac est traître, il détru­it le corps entière­ment… et puis !
Et cette toux va te tuer…
Oh, comme ce serait bien !…
Oh, comme ce serait bien que les gens com­pren­nent une fois pour toutes com­bi­en le dif­fi­cile, com­bi­en il est dif­fi­cile de respir­er aujour­d’hui.
C’est la fumée du cylin­dre machi­avélique et voy­ou qui détru­it ton tis­su pul­monaire

Si on rajoute un autre de ses tan­gos Piso de soltero qui par­le des rela­tions d’un homme avec d’autres hommes et des femmes et des alcools, vous aurez un panora­ma des vices qu’il dénonce.

Autres versions

Il y a des dizaines de ver­sions, alors je vais essay­er d’être bref et de n’ap­porter au dossier que des ver­sions intéres­santes, ou qui appor­tent un autre éclairage.
Ce que l’on sait peu, est que ce tan­go est espag­nol, voire cata­lan et pas argentin…
Juan Vilado­mat est de Barcelone et Félix Gar­zo de San­ta Colo­ma de Gramenet (sur la rive opposée du río Besós de Barcelone).
Le tan­go (en fait un cuplé, c’est-à-dire une chan­son courte et légère des­tinée au théâtre) a été écrit pour la revue La nue­va España, lancée en 1923 au teatro Vic­to­ria de Barcelona.
La pre­mière chanteuse du titre en a été Ramonci­ta Rovi­ra née à Fuli­o­la (Cat­a­logne). Je rap­pelle que Ramonci­ta a aus­si lancé le tan­go La cocaí­na que l’on a écouté ci-dessus. Ramonci­ta, l’au­rait enreg­istré en 1924, mais je n’ai pas ce disque. D’autres chanteuses espag­noles pren­dront la relève comme Pilar Arcos, puis Sara Mon­tiel et ensuite Mary Sant­pere bien plus tard.

Fuman­do-Espero 1926-08 – Orques­ta Del Mae­stro Lacalle.

Ce disque Colum­bia No.2461‑X tiré de la matrice 95227 a été enreg­istré en août 1926 à où le Mae­stro Lacalle (la rue), d’o­rig­ine espag­nole, a fini sa vie (11 ans plus tard). C’est une ver­sion instru­men­tale, un peu répéti­tive. L’a­van­tage d’avoir enreg­istré à New-York est d’avoir béné­fi­cié d’une meilleure qual­ité sonore, grâce à l’en­reg­istrement élec­trique. Le même jour, il a enreg­istré Lan­gos­ta de Juan de Dios Fil­ib­er­to, mais il en a fait une marche joyeuse qui a peu à voir avec le tan­go orig­i­nal.

Disque enreg­istré à New York en 1926 par El Mae­stro Lacalle de Fuman­do Espero et Lan­gos­ta.

On est donc en présence d’un tan­go 100 % espag­nol et même 100 % cata­lan, qui est arrivé à New York en 1926, mais ce n’est que le début des sur­pris­es.

Fuman­do Espero 1926-10-18 — Mar­gari­ta Cue­to acc. Orques­ta Inter­na­cional — Dir.Eduardo Vig­il Y Rob­les. Un autre enreg­istrement new-yorkais et ce ne sera pas le dernier…

Fuman­do espero 1926-10-29 — Orques­ta Inter­na­cional — Dir. Eduar­do Vig­il Y Rob­les. Quelques jours après l’en­reg­istrement avec Mar­gari­ta Cue­to, une ver­sion instru­men­tale.

On quitte New York pour Buenos Aires…

Fuman­do espero 1927-07-11 — Rosi­ta Quiroga con orques­ta.

Rosi­ta Quiroga, la Édith Piaf de Buenos Aires, à la dic­tion et aux manières très faubouri­ennes était sans doute dans son élé­ment pour par­ler de la cig­a­rette. On est toute­fois loin de la ver­sion raf­finée qui était celle du cuplé espag­nol d’o­rig­ine.

Fuman­do espero 1927-07-21 — Orques­ta Típi­ca Vic­tor — Dir. Adol­fo Cara­bel­li.

C’est notre superbe ver­sion instru­men­tale du jour, magis­trale­ment exé­cutée par l’orchestre de la Vic­tor sous la baguette de Cara­bel­li.

Fuman­do espero 1927 — Sex­te­to Fran­cis­co Pracáni­co.

Une autre ver­sion instru­men­tale argen­tine. Le titre a donc été adop­té à Buenos Aires, comme en témoigne la suc­ces­sion des ver­sions.

Fuman­do espero 1927-08-20 – Orques­ta Fran­cis­co Lomu­to.

Une ver­sion un peu frus­tre à mon goût.

Fuman­do espero 1927-08-23 – Orques­ta Rober­to Fir­po.

Fir­po nous pro­pose une superbe intro­duc­tion et une orches­tra­tion très élaborée, assez rare pour l’époque. Même si c’est des­tiné à un tan­go un peu lourd, canyengue, cette ver­sion devrait plaire aux danseurs qui peu­vent sor­tir du strict âge d’or.

Fuman­do espero 1927-09-30 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Rober­to Fuga­zot.

Canaro ne pou­vait pas rester en dehors du mou­ve­ment, d’au­tant plus qu’il enreg­istr­era Cig­a­r­ril­lo avec Luis Díaz en 1930 (comme nous l’avons vu et écouté ci-dessus).

Fuman­do espero 1927-11-08 — Orques­ta Osval­do Frese­do.
Fuman­do espero 1927-11-17 — Igna­cio Corsi­ni con gui­tar­ras de Aguilar-Pesoa-Maciel.

Une belle inter­pré­ta­tion par ce chanteur qui aurait mérité, à mon avis, une gloire égale à celle de Gardel.

Fuman­do espero 1927 — Pilar Arcos Acc. The Castil­ians.
Fuman­do Sudan espero 1928-06-15 — Pilar Arcos Acc. Orques­ta Tipi­ca Dir. Louis Katz­man.

C’est la ver­sion pub­lic­i­taire que nous avons évo­quée dans le chapitre sur tabac et tan­go.

La source sem­ble s’être tarie et l’on ne trou­ve plus de ver­sions de Fuman­do espero intéres­sante avant les années 1950.

Fuman­do espero 1955-05-20 — Enrique Mora — Elsa Moreno.
Fuman­do espero 1955-06-01 — Orques­ta Héc­tor Varela con Argenti­no Ledes­ma.

Oui, je sais, cette ver­sion, vous la con­nais­sez et elle a cer­taine­ment aidé au renou­veau du titre. C’est superbe et bien que ce type d’in­ter­pré­ta­tion mar­que la fin du tan­go de danse, 97,38 % (env­i­ron), des danseurs se ruent sur la piste aux pre­mières notes.

Fuman­do espero 1955-12-01 — Orques­ta Dona­to Rac­ciat­ti con Olga Del­grossi.

L’U­ruguay se toque aus­si pour la reprise de Fuman­do espero. Après Dona­to Rac­ciat­ti et Olga Del­grossi, Nina Miran­da.

Fuman­do espero 1956 — Orques­ta Gra­ciano Gómez con Nina Miran­da.

Nina Miran­da a été engagée en 1955 par Odeón. C’est Gra­ciano Gómez qui a été chargé de l’ac­com­pa­g­n­er. C’est une col­lab­o­ra­tion entre les deux rives du Rio de la Pla­ta.

Fuman­do espero 1956 — Jorge Vidal con gui­tar­ras.

Une ver­sion tran­quille, à la gui­tare.

Fuman­do espero 1956-02-03 — Orques­ta Car­los Di Sar­li con Argenti­no Ledes­ma.

Après la ver­sion à 97,38 % avec Varela, Argenti­no Ledes­ma, avec Di Sar­li réalise la ver­sion pour 100 % des danseurs.
Ledes­ma venait de quit­ter l’orchestre de Varela pour inté­gr­er celui de Di Sar­li. Il devient le spé­cial­iste du titre… Ce fut un immense suc­cès com­mer­cial au point que la Víc­tor décala sa fer­me­ture pour vacances pour rééditer d’autres dis­ques en urgence. L’en­reg­istrement avec Varela n’avait pas obtenu le même accueil, c’est donc plutôt 1956 qui mar­que le renou­veau explosif du titre.

Fuman­do espero 1956-04-03 — Orques­ta Alfre­do De Ange­lis con Car­los Dante.

J’au­rais plus imag­iné Lar­ro­ca pour ce titre. De Ange­lis a choisi Dante. C’est toute­fois joli, mais je trou­ve qu’il manque un petit quelque chose…

Pop­urri 1956-04-20 Fuman­do espero, His­to­ria de un amor y Baile­mos — José Bas­so C Flo­re­al Ruiz.

Il s’ag­it d’un pop­urrí, c’est à dire du mélange dans un seul tan­go de plusieurs titres. Comme ce pot-pour­ri com­mence par Fuman­do espero, j’ai choisi de l’in­sér­er pour que vous puissiez prof­iter de la superbe voix de Flo­re­al Ruiz. À 58 sec­on­des com­mence His­to­ria de un amor et à deux min­utes, vous avez pour le même prix un troisième titre, Baile­mos. Les tran­si­tions sont réussies et l’ensem­ble est cohérent. On pour­rait presque pro­pos­er cela pour la danse (avec pré­cau­tion et pour un moment spé­cial).

Fuman­do espero 1956-04-26 — Orques­ta Car­los Di Sar­li con Rober­to Flo­rio.

On peut se deman­der pourquoi Di Sar­li enreg­istre une nou­velle ver­sion, moins de trois mois après celle de Ledes­ma. L’in­tro­duc­tion est dif­férente et l’orches­tra­tion présente quelques vari­antes. La plus grosse dif­férence est la voix du chanteur. Si on décide de faire une tan­da avec Flo­rio, cet enreg­istrement me sem­ble un excel­lent élé­ment. Je pense que la prin­ci­pale rai­son est que Ledes­ma n’a enreg­istré que trois tan­gos avec Di Sar­li et que donc c’est trop peu, ne serait que pour nous, DJ, pour avoir un peu de choix. Si je veux pass­er la ver­sion avec Ledes­ma, je suis obligé de faire une tan­da mixte, autre chanteur et/ou titre instru­men­tal pour obtenir les qua­tre titres de rigueur. Puis, entre nous, ce n’est pas indis­pens­able d’in­clure une de ces ver­sions dans une milon­ga…
Il y a peut-être aus­si un peu de colère de la part de Di Sar­li. En effet, si l’en­reg­istrement de Ledes­ma avec Varela n’avait pas bien fonc­tion­né, à la suite du suc­cès de la ver­sion avec Di Sar­li, la (la mai­son de dis­ques de Varela) décide de relancer l’en­reg­istrement de 1955. Ce fut alors un immense suc­cès qui a décidé la Colum­bia a réin­té­gr­er Ledes­ma dans l’orchestre de Varela. Voy­ant que son nou­veau poulain, par­tait en fumée, Di Sar­li (ou la Víc­tor) a donc décidé de graver d’ur­gence une autre ver­sion avec un nou­veau chanteur afin de ne pas laiss­er au cat­a­logue un titre avec un chanteur passé à la con­cur­rence…

Fuman­do espero 1956 — C Mario Pomar.

Un bon orchestre avec la belle voix de Mario Pomar. Agréable à écouter.

Fuman­do espero 1956 — Lib­er­tad Lamar­que Orques­ta — Dir.Victor-Buchino.

Fuman­do espero 1956 — Lib­er­tad Lamar­que Orques­ta —  Dir.Victor-Buchino. L’ac­com­pa­g­ne­ment dis­cret de Vic­tor Buchi­no et la presta­tion sou­vent a capel­la de Lib­er­tad Lamar­que per­met de bien saisir le grain de voix mag­nifique de Lib­er­tad.

Fuman­do espero 1957 — Chola Luna y Orques­ta Luis Caru­so.
Fuman­do espero 1957 — Impe­rio Argenti­na.

Si Impe­rio Argenti­na est née en Argen­tine, elle a fait une grande par­tie de sa car­rière en Europe, en Espagne (où elle est arrivée, ado­les­cente) et bien sûr en France, mais aus­si en Alle­magne. Elle nous per­met de faire la liai­son avec l’Es­pagne ou nous revenons pour ter­min­er cette anec­dote.

C’est le film, El Últi­mo Cuplé qui va nous per­me­t­tre de fer­mer la boucle. Le thème rede­vient un cuplé et même si le théâtre a été rem­placé par le ciné­ma, nous achèverons notre par­cours avec cette scène du film ou Sara Mon­tiel chante le cuplé.

Sara Mon­tiel chante Fuman­do espero dans le film El Últi­mo Cuplé de 1957. Met­teur en scène : Juan de Orduña

Vous aurez recon­nu l’il­lus­tra­tion de cou­ver­ture. J’ai mod­i­fié l’am­biance pour la ren­dre plus noire et ajouté de la fumée, beau­coup de fumée…

À demain, les amis, et à ceux qui sont fumeurs, suiv­ez les con­seils de Pipo Cipo­lat­ti que je vous con­serve longtemps. Je rédi­ge cette anec­dote le 20 juil­let, Dia del ami­go (jour de l’a­mi).

9 de Julio (Nueve de Julio) 2009 — La Tuba Tango

1908 ou 1916 José Luis Padula Letra : 1916 ou 1919 Ricardo M. Llanes 1930 — 1931 Eugenio Cárdenas 1931 Lito Bayardo (Manuel Juan García Ferrari)

Le 9 juil­let pour les Argentins, c’est le 4 juil­let des Éta­suniens d’Amérique, le 14 juil­let des Français, c’est la fête nationale de l’Ar­gen­tine. Elle com­mé­more l’indépen­dance vis-à-vis de l’Es­pagne. José Luis Padu­la était assez bien placé pour écrire ce titre, puisque la sig­na­ture de la Déc­la­ra­tion d’indépen­dance a été effec­tuée à San Miguel de Tucumán, son lieu natal, le 9 juil­let 1816.

Padu­la pré­tend avoir écrit ce tan­go en 1908, à l’âge de 15 ans, sans titre par­ti­c­uli­er et qu’il a décidé de le dédi­er au 9 juil­let dont on allait fêter le cen­te­naire en 1916.
Dif­fi­cile de véri­fi­er ses dires. Ce qu’on peut en revanche affirmer c’est que Rober­to Fir­po l’a enreg­istrée en 1916 et qu’on y entend les cris de joie (étranges) des sig­nataires (argentins) du traité.

Sig­na­ture de la déc­la­ra­tion d’indépen­dance au Con­gre­so de Tucumán (San Miguel de Tucumán) le 9 juil­let 1816. Aquarelle de Anto­nio Gonzáles Moreno (1941).
José Luis Padu­la 1893 – 1945. Il a débuté en jouant de l’ et de la gui­tare dès son plus jeune âge (son père était mort quand il avait 12 ans et a donc trou­vé cette activ­ité pour gag­n­er sa vie). L’im­age de gauche est une illus­tra­tion, ce n’est pas Padu­la. Au cen­tre, Padu­la vers 1931 sur une par­ti­tion de 9 de Julio avec les paroles de Lito Bayardo et à droite une pho­to peu avant sa mort, vers 1940.

Extrait musical

Par­ti­tion pour piano de 9 de Julio. L’évo­ca­tion de l’indépen­dance est man­i­feste sur les deux cou­ver­tures. On notera sur celle de droite la men­tion de Car­de­nas pour les paroles.
Autre exem­ple de par­ti­tion avec un agran­disse­ment de la dédi­cace au procu­rador tit­u­lar Señor Ger­va­sio Rodriguez. Il n’y a pas de men­tion de paroli­er sur ces paroles.
9 de Julio (Nueve de Julio) 2009 — La Tuba Tan­go.

Dès les pre­mières notes, on note la tru­cu­lence du tuba et l’am­biance fes­tive que crée cet instru­ment. J’ai choisi cette ver­sion pour fêter le 9 juil­let, car il n’ex­is­tait pas d’en­reg­istrement intéres­sant du 9 juil­let. C’est que c’est un jour férié et les orchestres devaient plutôt ani­mer la fête plutôt que d’en­reg­istr­er. L’autre rai­son est que le tuba est asso­cié à la fan­fare, au défilé et que donc, il me sem­blait adap­té à l’oc­ca­sion. Et la dernière rai­son et d’en­cour­ager cet orchestre créé en 1967 et qui s’est don­né pour mis­sion de retrou­ver la joie des ver­sions du début du vingtième siè­cle. Je trou­ve qu’il y répond par­faite­ment et vous pou­vez lui don­ner un coup de pouce en achetant pour un prix mod­ique ses albums sur Band­camp.

Paroles

Vous avez sans doute remar­qué que j’avais indiqué plusieurs paroliers. C’est qu’il y a en fait qua­tre ver­sions. C’est beau­coup pour un titre qui a surtout été enreg­istré de façon instru­men­tale… C’est en fait un phénomène assez courant pour les titres les plus célèbres, dif­férents auteurs ajoutent des paroles pour être inscrits et touch­er les droits afférents. Dans le cas présent, les héri­tiers de Padu­la ont fait un procès, preuve que les his­toires de sous exis­tent aus­si dans le monde du tan­go. En effet, avec trois auteurs de paroles au lieu d’un, la part de la redis­tri­b­u­tion aux héri­tiers de Padu­la était d’au­tant dimin­uée.
Je vous pro­pose de retrou­ver les paroles en fin d’ar­ti­cle pour abor­der main­tenant les 29 ver­sions. La musique avant tout… Ceux qui sont intéressés pour­ront suiv­re les paroles des rares ver­sions chan­tées avec la tran­scrip­tion cor­re­spon­dante en la trou­vant à la fin.

Autres versions

9 de Julio (Nueve de Julio) 1916 — Orques­ta Rober­to Fir­po.

On y entend les cris de joie des sig­nataires, des espèces de roucoule­ments que je trou­ve étranges, mais bon, c’é­tait peut-être la façon de man­i­fester sa joie à l’époque. L’in­ter­pré­ta­tion de la musique, mal­gré son antiq­ui­té, est par­ti­c­ulière­ment réussie et on ne ressent pas vrai­ment l’im­pres­sion de monot­o­nie des très vieux enreg­istrements. On entend un peu de cuiv­res, cuiv­res qui sont totale­ment à l’hon­neur dans notre tan­go du jour avec La Tuba Tan­go.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1927-06-03 — Orques­ta Rober­to Fir­po.

Encore Fir­po qui nous livre une autre belle ver­sion anci­enne une décen­nie après la précé­dente. L’en­reg­istrement élec­trique améliore sen­si­ble­ment le con­fort d’é­coute.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1928-10-11 — Guiller­mo Bar­bi­eri, José María Aguilar, José Ricar­do (gui­tar­ras).

Vous aurez recon­nu les gui­taristes de Gardel. Cet enreg­istrement a été réal­isé à en 1928. C’est un plaisir d’en­ten­dre les gui­taristes sans la voix de leur « maître ». Cela per­met de con­stater la qual­ité de leur jeu.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1929-12-04 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro.

Je trou­ve cette ver­sion un peu pesante mal­gré les beaux accents du piano de Luis Ric­cardi. C’est un titre à réserv­er aux ama­teurs de canyengue, tout au moins les deux tiers, la dernière vari­a­tion plus allè­gre voit les ban­donéons s’il­lu­min­er. J’au­rais préféré que tout le titre soit à l’aune de sa fin. Mais bon, Canaro a décidé de le jouer ain­si…

9 de Julio (Nueve de Julio) 1930-04-04 — Orques­ta Luis Petru­cel­li.

Le décès à seule­ment 38 ans de Luis Petru­cel­li l’a cer­taine­ment privé de la renom­mée qu’il méri­tait. Il était un excel­lent ban­donéon­iste, mais aus­si, comme en témoigne cet enreg­istrement, un excel­lent chef d’orchestre. Je pré­cise toute­fois qu’il n’a pas enreg­istré après 1931 et qu’il est décédé en 1941. Ces dernières 10 années furent con­sacrées à sa car­rière de ban­donéon­iste, notam­ment pour Frese­do.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1931 — Agustín Mag­a­l­di con orques­ta.

Mag­a­l­di n’ap­pré­ciant pas les paroles de Euge­nio Cár­de­nas fit réalis­er une ver­sion par Lito Bayardo.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1931-08-15 — Orques­ta Típi­ca Colum­bia con Ernesto Famá.

Famá chante le pre­mier cou­plet de Bayardo.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1935-12-31 — Orques­ta Juan D’Arien­zo.

C’est une des ver­sions les plus con­nues, véri­ta­ble star des milon­gas. L’im­pres­sion d’ac­céléra­tion con­tin­ue est sans doute une des clefs de son .

9 de Julio (Nueve de Julio) 1939-07-04 – Char­lo (accordéon et gui­tare).

Je ne sais pas d’où vient cet ovni. Je l’avais dans ma musique, extrait d’un CD Colec­ción para enten­di­dos – Época de oro vol. 6 (1926–1939). Char­lo était pianiste en plus d’être chanteur (et acteur). Tout comme les gui­taristes de Gardel qui ont enreg­istré 9 de Julio sous le nom de Gardel (voir ci-dessus l’en­reg­istrement du 11 octo­bre 1928), il se peut qu’il s’agisse de la même chose. Le même jour, Char­lo enreg­is­trait comme chanteur avec ses gui­taristes Diva­gan­do, No hay tier­ra como la mía, Sola­mente tú et un autre titre accordéon et gui­tare sans chant, la valse Año­ran­do mi tier­ra.
On trou­ve d’autres titres sous la men­tion Char­lo avec accordéon et gui­tare. La cumpar­si­ta et Recuer­dos de mi infan­cia le 12 sep­tem­bre 1939, Pin­ta bra­va, Don Juan, Ausen­cia et La pol­ca del ren­gui­to le 8 novem­bre 1940. Il faut donc cer­taine­ment en con­clure que Char­lo jouait aus­si de l’ac­cordéon. Pour le prou­ver, je verserai au dossier, une ver­sion éton­nante de La cumpar­si­ta qu’il a enreg­istrée en duo avec Sabi­na Olmos avec un accordéon soliste, prob­a­ble­ment lui…

9 de Julio (Nueve de Julio) 1948 — Orques­ta Héc­tor Stam­poni.

Une jolie ver­sion avec une mag­nifique vari­a­tion finale. On notera l’an­nonce, une pra­tique courante à l’époque où un locu­teur annonçait les titres.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1950-05-15 — Orques­ta Juan D’Arien­zo.

D’Arien­zo nous donne une autre ver­sion. Il y a de jolis pas­sages, mais je trou­ve que c’est un peu plus con­fus que la ver­sion de 1935 qui devrait être plus sat­is­faisante pour les . Ful­vio Sala­man­ca relève l’ensem­ble avec son piano, piano qui est générale­ment l’épine dor­sale de D’Arien­zo.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1950-07-20 — Orques­ta Alfre­do De Ange­lis.

Chez De Ange­lis, le piano est aus­si essen­tiel, mais c’est lui qui en joue, il est donc libre de don­ner son inter­pré­ta­tion mag­nifique, sec­ondé par ses excel­lents vio­lonistes. Pour ceux qui n’ai­ment pas De Ange­lis, ce titre pour­rait les faire chang­er d’avis.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1957-04-08 — Orques­ta .

Varela nous pro­pose une intro­duc­tion orig­i­nale.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1953 — Hora­cio Sal­gán y su Orques­ta Típi­ca.

Une ver­sion sans doute pas évi­dente à danser.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1953-03-03 — Ariel Ped­ern­era y su Quin­te­to Típi­co.

Une belle ver­sion, mal­heureuse­ment cette copie a été mas­sacrée par le « col­lec­tion­neur ». J’e­spère trou­ver un disque pour vous pro­pos­er une ver­sion cor­recte en milon­ga, car ce thème le mérite large­ment.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1953-09-10 — Orques­ta José Sala.

Pour l’é­coute, bien sûr, mais des pas­sages très sym­pas

9 de Julio (Nueve de Julio) 1954-05-13 — Orques­ta Osval­do Pugliese.

Pugliese a mis un peu de temps à enreg­istr­er sa ver­sion du thème. C’est une superbe réal­i­sa­tion, mais qui alterne des pas­sages sans doute trop var­iés pour les danseurs, mais je suis sûr que cer­tains seront ten­tés par l’ex­péri­ence.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1959 — Luis Macha­co.

Une ver­sion tran­quille et plutôt jolie par un orchestre oublié. Le con­tre­point entre le ban­donéon en stac­ca­to et les vio­lons en lega­to est par­ti­c­ulière­ment réus­si.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1964 — Mari­no con la orques­ta de Osval­do Taran­ti­no.

Alber­to Mari­no chante les paroles de Euge­nio Cár­de­nas. Ce n’est bien sûr pas une ver­sion pour la danse.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1966-06-21 — Orques­ta Florindo Sas­sone.
9 de Julio (Nueve de Julio) 1966-08-03 — Orques­ta Juan D’Arien­zo.

Une ver­sion bien con­nue par D’Arien­zo, dans le style sou­vent pro­posé par les orchestres con­tem­po­rains. Spec­tac­u­laire, mais, y‑a-t-il un mais ?

9 de Julio (Nueve de Julio) 1967-08-10 (-Per­icón) — Orques­ta Enrique Rodríguez.

Sec­ond OVNI du jour, cette ranchera-Per­icón nacional avec ses flon­flons, bien prop­ice à faire la fête. Peut-être une corti­na pour demain (aujour­d’hui pour vous qui lisez, demain pour moi qui écrit).

9 de Julio (Nueve de Julio) 1968 — Cuar­te­to Juan Cam­bareri.

Une ver­sion vir­tu­ose et ent­hou­si­as­mante. Pensez à prévoir des danseurs de rechange après une tan­da de Cam­bareri… Si cela sem­ble lent pour du Cam­bareri, atten­dez la vari­a­tion finale et vous com­pren­drez pourquoi Cam­bareri était nom­mé le mage du ban­donéon.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1970 — Orques­ta Arman­do Pon­tier.

Une ver­sion orig­i­nale, mais pas for­cé­ment indis­pens­able, mal­gré le beau ban­donéon d’Arman­do Pon­tier.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1971 — Orques­ta Dona­to Rac­ciat­ti.

Même si la Provin­cia Ori­en­tale tombait en 1916 sous la coupe du Por­tu­gal / Brésil, les Uruguayens sont sen­si­bles à l’é­man­ci­pa­tion d’avec le vieux monde et donc, les orchestres uruguayens ont aus­si pro­posé leurs ver­sions du 9 juil­let.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1971 — Trío.

Avec un trio, for­cé­ment, c’est plus léger. Ici, la danse n’est pas au pro­gramme.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1971-08-04 — Miguel Vil­las­boas y su Sex­te­to Típi­co.

Dans le style hési­tant de Vil­las­boas entre tan­go et milon­ga qu’af­fec­tion­nent les Uruguayens. Le type de musique qui a fait dire que le tan­go avait été inven­té par un indé­cis…

9 de Julio (Nueve de Julio) 1973-11-29 — Miguel Vil­las­boas y Wásh­ing­ton Quin­tas Moreno (dúo de pianos).

L’autre jour, au sujet de La rosa­ri­na 1975-01-06, un lecteur a dit qu’il avait appré­cié la ver­sion en duo de piano de Vil­las­boas et Wásh­ing­ton. Pour ce lecteur, voici 9 de Julio par les mêmes.

Et il est temps de clore cette longue liste avec notre orchestre du jour et dans deux ver­sions :

9 de Julio (Nueve de Julio) 1991 — Los Tubatan­go.

Cet orchestre orig­i­nal par la présence du tuba et sa volon­té de retrou­ver l’am­biance du tan­go des années 1900 a été créé par Guiller­mo Inchausty. C’est le même orchestre que celui de notre tan­go du jour qui est désor­mais dirigé par sous l’ap­pel­la­tion La Tuba Tan­go au lieu du nom orig­i­nal de Los Tubatan­go.

9 de Julio (Nueve de Julio) 2009 — La Tuba Tan­go.

C’est notre tan­go du jour. Les musi­ciens en sont : Igna­cio Ris­so (tuba), Matias Rul­lo (ban­donéon), Gon­za­lo Braz (clar­inette) et Lucas Kohan (Direc­tion et gui­tare).

Cette longue liste de 29 titres, mais qui aurait pu être facile­ment deux fois plus longue mon­tre la diver­sité de la pro­duc­tion du tan­go.
En ce qui con­cerne la danse, nous nous sommes habitués à danser sur un ou deux de ces titres, mais je pense que vous aurez remar­qué que d’autres étaient aus­si intéres­sants pour le bal. La ques­tion est surtout de savoir les pro­pos­er au bon moment et aux bons danseurs. C’est toute la richesse et l’in­térêt du méti­er de DJ.
Pour moi, un bon DJ n’est pas celui qui met des titres incon­nus et étranges afin de recueil­lir les applaud­isse­ments des néo­phytes, mais celui qui met la bonne musique au bon moment en sachant pren­dre des risques mesurés afin d’aider les danseurs à mag­ni­fi­er leur impro­vi­sa­tion et leur plaisir de danser.

Je reviens main­tenant, comme promis aux qua­tre ver­sions des paroles…

Paroles de Lito Bayardo (1931)

Sin un solo adiós
dejé mi hog­ar cuan­do partí
porque jamás quise sen­tir
un sol­lozar por mí.
Triste amanecer
que nun­ca más he de olvi­dar
hoy para qué remem­o­rar
todo lo que sufrí.

Lejano Nueve de Julio
de una mañana div­ina
mi siem­pre fiel quiso can­tar
y por el mun­do poder pere­gri­nar,
infati­ga­ble vagar de soñador
marchan­do en pos del ide­al con todo amor
has­ta que al fin dejé
mi madre y el quer­er
de la mujer que adoré.

Yo me prometi
lleno de glo­ria regre­sar
para podérsela brindar
a quien yo más amé
y al retornar
triste, ven­ci­do y sin fe
no hal­lé mi amor ni hal­lé mi hog­ar
y con dolor lloré.

Cual vagabun­do car­ga­do de pena
yo lle­vo en el alma la desilusión
y des­de entonces así me con­de­na
la angus­tia infini­ta de mi corazón
¡Qué puedo hac­er si ya mis horas de ale­gría
tam­bién se fueron des­de aquel día
que con las glo­rias de mis tri­un­fos yo soñara,
sueños lejanos de mi loca juven­tud!

José Luis Padu­la Letra: Lito Bayardo (Manuel Juan Gar­cía Fer­rari)

C’est la ver­sion que chante Mag­a­l­di, vu qu’il l’a demandé à Bayardo
Famá, chante égale­ment cette ver­sion, mais seule­ment le pre­mier cou­plet.

Traduction libre des paroles de Lito Bayardo

Sans un seul au revoir, j’ai quit­té ma mai­son quand je suis par­ti parce que je ne voulais jamais ressen­tir un san­glot pour moi.
Une triste aube que je n’ou­blierai jamais aujour­d’hui, pour qu’elle se sou­vi­enne de tout ce que j’ai souf­fert.
Loin­tain 9 juil­let, d’un matin divin, mon cœur tou­jours fidèle a voulu chanter et à tra­vers le monde faire le pèleri­nage,
infati­ga­ble errance d’un rêveur marchant à la pour­suite de l’idéal avec tout l’amour jusqu’à ce qu’en­fin je quitte ma mère et l’amour de la femme que j’ado­rais.
Je me suis promis une fois plein de gloire de revenir pour pou­voir l’of­frir à celle que j’aimais le plus et quand je suis revenu triste, vain­cu et sans foi je n’ai pas trou­vé mon amour ni ma mai­son et avec douleur j’ai pleuré.
Comme un vagabond acca­blé de cha­grin, je porte la décep­tion dans mon âme, et depuis lors, l’an­goisse infinie de mon cœur me con­damne.
Que pour­rais-je faire si mes heures de joie sont déjà par­ties depuis ce jour où j’ai rêvé des gloires de mes tri­om­phes, rêves loin­tains de ma folle jeunesse ?

Paroles de Ricardo M. Llanes (1916 ou 1919)

De un con­ven­til­lo mugri­en­to y fulero,
con un can­flinfero
te espi­antaste vos ;
aban­donaste a tus pobres viejos
que siem­pre te daban
con­se­jos de Dios;
aban­donaste a tus pobres her­manos,
¡tus her­man­i­tos,
que te querían!
Aban­donastes el negro laburo
donde gan­abas el pan con hon­or.

Y te espi­antaste una noche
escab­ul­l­i­da en el coche
donde esper­a­ba el bacán;
todo, todo el con­ven­til­lo
por tu espi­ante ha sol­loza­do,
mien­tras que vos te has mez­cla­do
a las far­ras del gotán;
¡a dónde has ido a parar!
pobrecita milonguera
que soñaste con la glo­ria
de ten­er un buen bulín;
pobre pebe­ta inocente
que engrup­i­da por la far­ra,
te metiste con la bar­ra
que vive en el cafetín.

Tal vez mañana, pia­doso,
un hos­pi­tal te dé cama,
cuan­do no brille tu fama
en el salón;
cuan­do en el “yiro” no hagas
más “sport”;
cuan­do se canse el cafi­sio
de tu amor ;
y te espi­ante rechi­fla­do
del bulín;
cuan­do te den el “oli­vo“
los que hoy tan­to te aplau­den
en el gran cafetín.

Entonces, triste con tu deca­den­cia,
per­di­da tu esen­cia,
tu amor, tu cham­pagne ;
sólo el recuer­do quedará en tu vida
de aque­l­la per­di­da
glo­ria del gotán;
y entonces, ¡pobre!, con lágri­mas puras,
tus amar­guras
der­ra­marás;
y sen­tirás en tu noche enfer­miza,
la ingra­ta risa
del primer bacán.

José Luis Padu­la Letra: Ricar­do M. Llanes

Traduction libre des paroles de Ricardo M. Llanes

D’un immeu­ble (le con­ven­til­lo est un sys­tème d’habi­ta­tion pour les pau­vres où les familles s’en­tassent dans une pièce desservie par un cor­ri­dor qui a les seules fenêtres sur l’ex­térieur) sale et vilain, avec un prox­énète, tu t’es enfuie ;
tu as aban­don­né tes pau­vres par­ents qui t’ont tou­jours prodigué des con­seils de Dieu ;
Tu as aban­don­né tes pau­vres frères, tes petits frères, qui t’aimaient !
Tu as aban­don­né le tra­vail noir où tu gag­nais ton pain avec hon­neur.
Et tu t’es enfuie une nuit en te fau­fi­lant dans la voiture où le bacán (homme qui entre­tient une femme) attendait ;
Tout, tout l’im­meu­ble à cause de ta fuite a san­gloté, tan­dis que toi tu t’es mêlée aux fêtes du Gotan (Tan­go) ;
Mais où vas-tu t’ar­rêter ?
Pau­vre milonguera qui rêvait de la gloire et d’avoir un bon logis ;
Pau­vre fille inno­cente qui, enflée par la fête, s’est aco­quinée avec la bande qui vit dans le café.
Peut-être que demain, pieuse­ment, un hôpi­tal te don­nera un lit, quand ta renom­mée ne brillera pas dans ce salon ;
quand dans le « yiro » (pros­ti­tu­tion) vous ne faites plus de « sport » ;
quand le voy­ou de ton amour se fatigue ;
et tu t’é­vades folle du logis ;
Quand ils te ren­voient (dar el oli­vo = ren­voy­er en lun­far­do), ceux qui vous applaud­is­sent tant aujour­d’hui dans le Grand Cafetín.
Puis, triste avec ta déca­dence, perte de ton essence, de ton amour, de ton cham­pagne ;
Seul le sou­venir de cette perte restera dans ta vie
Gloire du Gotan ;
et alors, pau­vre créa­ture, avec des larmes pures, ton amer­tume tu déverseras ;
Et tu sen­ti­ras dans ta nuit mal­adive, le rire ingrat du pre­mier Bacán.

Paroles de Eugenio Cárdenas (version 1 de 1930)

Mien­tras los clar­ines tocan diana
y el vibrar de las cam­panas
reper­cute en los con­fines,
mil recuer­dos a los pechos
los infla­ma la ale­gría
por la glo­ria de este día
que nun­ca se ha de olvi­dar.
Deja, con su músi­ca, el pam­pero
sobre los patrios aleros
una belleza que encan­ta.
Y al con­juro de sus notas
las campiñas se lev­an­tan
salu­dan­do, rev­er­entes,
al sol de la Lib­er­tad.

Bro­ta, majes­tu­oso, el Him­no
de todo labio argenti­no.
Y las almas trem­u­lantes de emo­ción,
a la Patria sólo saben ben­de­cir
mien­tras los ecos repiten la can­ción
que dos genios han lega­do al por­venir.
Que la her­mosa can­ción
por siem­pre vivirá
al calor del corazón.

Los cam­pos están de fies­ta
y por la flo­res­ta
el sol se der­ra­ma,
y a sus destel­los de mág­i­cas lum­bres,
el llano y la cum­bre
se envuel­ven de lla­mas.
Mien­tras que un criol­lo patri­ar­cal
nar­ra las horas
de las cam­pañas
lib­er­ta­do­ras,
cuan­do los hijos de este sue­lo
amer­i­cano
por jus­ta causa
demostraron
su val­or.

José Luis Padu­la Letra: Euge­nio Cár­de­nas

C’est la ver­sion chan­tée par Alber­to Mari­no en 1964.

Traduction libre des paroles de Eugenio Cárdenas (version 1 de 1930)

Tan­dis que les clairons son­nent le réveil et que la vibra­tion des cloches résonne aux con­fins,
mille sou­venirs enflam­ment de joie les poitrines pour la gloire de ce jour qui ne sera jamais oublié.
Avec sa musique, le pam­pero laisse sur les patri­otes alliés une beauté qui enchante.
Et sous le charme de ses notes, la cam­pagne se lève avec révérence, au soleil de la Lib­erté.
L’hymne de chaque lèvre argen­tine germe, majestueux.
Et les âmes, trem­blantes d’é­mo­tion, ne savent que bénir la Patrie tan­dis que les échos répè­tent le chant que deux génies ont légué à l’avenir.
Que la belle chan­son vivra à jamais dans la chaleur du cœur.
Les cam­pagnes sont en fête et le soleil se déverse à tra­vers la forêt, et avec ses éclairs de feux mag­iques, la plaine et le som­met sont envelop­pés de flammes.
Tan­dis qu’un criol­lo patri­ar­cal racon­te les heures des cam­pagnes de libéra­tion, lorsque les enfants de ce sol améri­cain pour une cause juste ont démon­tré leur courage.

Paroles de Eugenio Cárdenas (version 2 de 1931)

Hoy sien­to en mí
el des­per­tar de algo feliz.
Quiero evo­car aquel ayer
que me brindó plac­er,
pues no he de olvi­dar
cuan­do tem­bló mi corazón
al escuchar, con emo­ción,
esta feliz can­ción:

Bro­ta, majes­tu­oso, el Him­no
de todo labio argenti­no.
Y las almas trem­u­lantes de emo­ción,
a la Patria sólo saben ben­de­cir
mien­tras los ecos repiten la can­ción
que dos genios han lega­do al por­venir.
Que la her­mosa can­ción
por siem­pre vivirá
al calor del corazón.

En los ran­chos hay
un revivir de mocedad;
los criol­los ven en su
pasión
todo el amor lle­gar.
Por las huel­las van
llenos de fe y de ilusión,
los gau­chos que oí can­tar
al res­p­lan­dor lunar.

Los cam­pos están de fies­ta
y por la flo­res­ta
el sol se der­ra­ma,
y a sus destel­los de mág­i­cas lum­bres,
el llano y la cum­bre
se envuel­ven de lla­mas.
Mien­tras que un criol­lo patri­ar­cal
nar­ra las horas
de las cam­pañas
lib­er­ta­do­ras,
cuan­do los hijos de este sue­lo
amer­i­cano
por jus­ta causa
demostraron
su val­or.

José Luis Padu­la Letra: Euge­nio Cár­de­nas

Traduction libre des paroles de Eugenio Cárdenas (version 2 de 1931)

Aujour­d’hui je sens en moi l’éveil de quelque chose d’heureux.
Je veux évo­quer cet hier qui m’a offert du plaisir, car je ne dois pas oubli­er quand mon cœur a trem­blé quand j’ai enten­du, avec émo­tion, cette chan­son joyeuse :
L’hymne de chaque lèvre argen­tine germe, majestueux.
Et les âmes, trem­blantes d’é­mo­tion, ne savent que bénir la Patrie tan­dis que les échos répè­tent le chant que deux génies ont légué à l’avenir.
Que la belle chan­son vivra à jamais dans la chaleur du cœur.
Dans les baraques (mai­son som­maire, pas un ranch…), il y a un regain de jeunesse ;
Les Criol­los voient dans leur pas­sion tout l’amour arriv­er.
Sur les traces (empreintes de pas ou de roues), ils sont pleins de foi et d’il­lu­sion, les gau­chos que j’ai enten­dus chanter au clair de lune.
Les cam­pagnes sont en fête et le soleil se déverse à tra­vers la forêt, et avec ses éclairs de feux mag­iques, la plaine et le som­met sont envelop­pés de flammes.
Tan­dis qu’un criol­lo patri­ar­cal racon­te les heures des cam­pagnes de libéra­tion, quand les enfants de ce sol améri­cain pour une juste cause ont démon­tré leur courage.

Vous êtes encore là ? Alors, à demain, les amis !

El bulín de la calle Ayacucho 1941-06-17 — Orquesta Aníbal Troilo con Francisco Fiorentino

José Servidio ; Luis Servidio Letra: Celedonio Esteban Flores

a été écrit en 1923 par deux amis d’en­fance pour décrire leur vie de bohème, un style de vie courant chez les artistes et musi­ciens. En France, on a eu Chien-Cail­lou, sobri­quet don­né à Rodolphe Bres­din par ses amis et dont Champfleury s’in­spi­ra pour sa nou­velle, « Chien-cail­lou ». Nous avons vu hier le triste des­tin de Alfre­do Gob­bi, les his­toires de bulines, sont légion dans l’imag­i­naire tanguero. Intéres­sons-nous donc à celui de la rue Ayacu­cho…

Extrait musical

Par­ti­tion de El bulín de la calle Ayacu­cho.
El bulín de la calle Ayacu­cho 1941-06-17 — Orques­ta Aníbal Troi­lo con .

Même si on ne com­prend rien aux paroles, ce qui ne sera pas votre cas après avoir lu cette anec­dote, on ne peut qu’ad­mir­er ce chef-d’œu­vre dont la qual­ité tient avant tout à la sim­plic­ité, la flu­id­ité, l’har­monie entre la voix et la musique.
Le rythme est soutenu, la musique avance avec déci­sion, aucun danseur ne peut résis­ter à envahir la piste. Quand après une minute, Fiorenti­no com­mence à chanter, la magie aug­mente encore, les cordes et ban­donéons con­tin­u­ent de mar­quer la cadence, sans flanch­er et la voix de Fiore lie le tout avant de laiss­er la parole au piano et on se sur­prend à être sur­pris par l’ar­rivée de la fin, tant on aimerait que cela dure un peu plus longtemps.

Paroles

El bulín de la calle ayacu­cho,
Que en mis tiem­pos de rana alquil­a­ba,
El bulín que la bar­ra bus­ca­ba
Pa caer por la noche a tim­bear,
El bulín donde tan­tos mucha­chos,
En su racha de vida fulera,
Encon­traron mar­ro­co y catr­era
Rechi­fla­do, parece llo­rar.

El primus no me fal­la­ba
Con su car­ga de aguar­di­ente
Y habi­en­do agua caliente
El mate era allí señor.
No falta­ba la gui­tar­ra
Bien encor­da­da y lus­trosa
Ni el bacán de voz gan­gosa
Con berretín de can­tor.

El bulín de la calle Ayacu­cho
Ha queda­do mis­ton­go y fulero:
Ya no se oye el can­tor milonguero,
Engrupi­do, su musa entonar.
Y en el primus no bulle la pava
Que a la bar­ra con­tenta reunía
Y el bacán de la rante ale­gría
Está seco de tan­to llo­rar.

Cada cosa era un recuer­do
Que la vida me amar­ga­ba :
Por eso me la pasa­ba
Fulero, rante y tristón.

Los mucha­chos se cor­taron
Al verme tan afligi­do
Y yo me quedé en el nido
Empol­lan­do mi aflic­ción.

Cotor­ri­to mis­ton­go, tira­do
En el fon­do de aquel con­ven­til­lo,
Sin alfom­bras, sin lujo y sin bril­lo,
¡Cuán­tos días felices pasé,
Al calor del quer­er de una piba
Que fue mía, mimosa y sin­cer­al…
¡Y una noche de invier­no, fulera,
Has­ta el cielo de un vue­lo se fue!

José Ser­vidio ; Luis Ser­vidio Letra : Cele­do­nio Este­ban Flo­res

Fiorenti­no avec Troi­lo chante ce qui est en gras.
Fiorenti­no avec Bas­so chante ce qui est en bleu.
Rodol­fo Lesi­ca chante ce qui est en gras, plus le dernier cou­plet sur lequel il ter­mine.

Traduction libre et indications

Huile sur toile non signée. Une pava (sorte de bouil­loire) sur un réchauf­feur à alcool, Primus. Sur le plateau un mate (en cale­basse) et une bom­bil­la (paille ser­vant à aspir­er la bois­son). Dans l’assi­ette, la (les feuilles broyées ser­vant à pré­par­er le mate). Tout le néces­saire pour le mate, en somme. En Argen­tine et pays voisins, le mate est aus­si une céré­monie ami­cale. Le mate passe de main en main, un seul pour toute l’assem­blée.

La piaule (dans un con­ven­til­lo, habi­tat pop­u­laire, c’est une pièce où vivait, s’en­tas­sait, une famille. Cette pièce don­nait directe­ment sur un couloir qui lui don­nait du jour, le bulín n’ayant en général pas d’autre ouver­ture que la porte don­nant sur le couloir) de la rue Ayacu­cho, que je louais à l’époque (pour être pré­cis, son loge­ment était prêté par l’édi­teur Jules Korn, pas loué…) où j’é­tais dans la dèche (rana, a plusieurs sens, astu­cieux, je pense que là il faut com­pren­dre les temps heureux de la démerde, pau­vre mais heureux), le bulín dans lequel la bande cher­chait à se réfugi­er (tomber, au sens de point de chute, abri) la nuit pour jouer (tim­bear, c’est jouer de l’ar­gent en principe), le bulín où tant de mecs, dans leur ligne de vie (racha = suc­ces­sions de faits, bons ou mau­vais) quel­conque, trou­vaient mar­ro­co (pain) et litière. (chi­fla­do = cinglé, rechi­fla­do, plus que cinglé. Il faut com­pren­dre que le bulín était un lieu de folie), sem­ble pleur­er.
Le primus (réchauf­feur à alcool, voir illus­tra­tion ci-dessus) ne me fai­sait pas défaut avec sa pro­vi­sion d’al­cool (aguar­di­ente est plutôt une eau-de-vie, mais je pense qu’i­ci on par­le du com­bustible du petit réchaud) fai­sait de l’eau chaude, le mate était roi là-bas (on dirait plutôt, ici, mais là-bas souligne que c’est loin dans le passé. J’ai traduit señor par roi, pour les Argentins pau­vres, le maté est par­fois la seule nour­ri­t­ure d’un repas. D’ailleurs, aujour­d’hui avec la crise, beau­coup d’Ar­gentins revi­en­nent à ce régime, encour­agé par le gou­verne­ment qui dit qu’un seul repars par jour suf­fit. Les plus pau­vres se fond du mate coci­do, le mate des enfants, car en infu­sion, cela demande moins de yer­ba, d’herbe à mate).
La gui­tare ne fai­sait pas défaut, bien accordée et lus­trée, ni l’im­por­tant (bacán, il s’ag­it de l’au­teur des paroles, Cele qui se tourne en déri­sion) à la voix à la voix nasil­larde avec la voca­tion de chanteur. (Berretín, nous l’avons vu est le loisir).
Le bulín de la rue Ayacu­cho est resté mis­érable et quel­conque :
Le chanteur milonguero pré­ten­tieux ne s’en­tend plus taquin­er sa muse en chan­tant.
Et sur le primus, la pava ne chauffe plus, elle qui réu­nis­sait la bande joyeuse et le bacán à la bohème (rante de ator­rante, clochard) allè­gre est sec de tant pleur­er.
Chaque chose était un sou­venir que la vie me rendait amer :
C’est pourquoi j’ai passé un bon moment, errant (quel­conque, clochard…) et triste.
Les copains se tirèrent quand ils me virent si affligé et je suis resté dans le nid à rumin­er mon afflic­tion.
Petite piaule mis­érable (cotor­ri­to est un syn­onyme de bulín), retirée au fond de ce con­ven­til­lo, sans tapis, sans luxe et sans éclat.
Com­bi­en de jours heureux j’ai passés, dans la chaleur de l’amour d’une fille qui était mienne, câline et sincère…
Et une nuit d’hiv­er, quel­conque, jusqu’au ciel d’un vol, s’en fut !

La censure

Cette his­toire de jeunes fauchés qui fai­saient de la musique dans une cham­bre en buvant du mate n’eut pas l’heur de plaire aux mil­i­taires qui avaient pris le pou­voir en 1943. De nom­breux tan­gos, comme nous l’avons déjà vu (ple­garia) ont été inter­dits, ou mod­i­fiés pour avoir des paroles plus respecta­bles. Ce fut le cas de celui-ci. Voici les paroles mod­i­fiées :

La version des paroles après censure

Mi cuar­ti­to feliz y coque­to
Que en la calle Ayacu­cho alquil­a­ba
mi cuar­ti­to feliz que alber­ga­ba
un romance sin­cero de amor
Mi cuar­ti­to feliz donde siem­pre
una mano cor­dial me tendía
y una lin­da cari­ta ponía
con bon­dad su son­risa mejor…

Ver­sion accep­tée par la cen­sure de la dic­tature mil­i­taire de 1943

Traduction de la version après censure

Ma petite cham­bre joyeuse et coquette que je louais dans la rue Ayacu­cho.
Ma petite cham­bre heureuse qui hébergeait une romance amoureuse sincère.
Ma petite cham­bre heureuse où tou­jours une main cor­diale se tendait.
Et un joli petit vis­age posait avec gen­til­lesse son meilleur sourire…
Il doit être dif­fi­cile de faire plus cucu. Les mil­i­taires sont de grands roman­tiques…

Les admin­is­tra­teurs de la SADAIC ont demandé une entre­vue au général Perón, nou­veau prési­dent pour faire tomber cette ridicule cen­sure sur les paroles de tan­go. Le 25 mars 1949, ce dernier qui dis­ait ne pas être au courant de cette cen­sure a don­né droit à leur requête. Les tan­gos pou­vaient désor­mais retrou­ver les paroles qu’ils souhaitaient.

El bulín de la calle Ayacu­cho 1925-12-27 — Car­los Gardel con acomp. de José Ricar­do. Cette pre­mière ver­sion a été enreg­istrée à Barcelone (Espagne).
El bulín de la calle Ayacu­cho 1926 — Car­los Gardel con acomp. de , José Ricar­do. Cette ver­sion a été enreg­istrée à Buenos Aires.
El bulín de la calle Ayacu­cho 1941-06-17 — Orques­ta Aníbal Troi­lo con Fran­cis­co Fiorenti­no. C’est notre tan­go du jour.
El bulín de la calle Ayacu­cho 1949-04-07 — Orques­ta José Bas­so con Fran­cis­co Fiorenti­no.

La presta­tion de l’orchestre est très dif­férente de celle de Troi­lo, sans doute un peu grandil­o­quente. On sent que Bas­so a voulu se mesur­er à Troi­lo, mais je trou­ve que ce qu’il a ajouté n’ap­porte rien au thème. Fiorenti­no chante tou­jours superbe­ment, cepen­dant l’orchestre se marie moins bien avec le chant. Il se met en retrait, ce qui met en avant la voix, il n’y a pas la même har­monie. FIorenti­no chante plus dans cette ver­sion.

El bulín de la calle Ayacu­cho 1951-07-17 — Orques­ta con Rodol­fo Lesi­ca.

Un grand chanteur, peut-être un peu trop roman­tique et lisse pour ce titre. Je pense qu’on a du mal à accrocher.

El bulín de la calle Ayacu­cho 1956 — Arman­do Pon­tier con Julio Sosa.

Une superbe ver­sion en vivo. Dom­mage que ce soit un enreg­istrement de piètre qual­ité, réal­isé lors des Car­navales de Huracán de 1956. Julio Sosa chante toutes les paroles (un peu en désor­dre).

El bulín de la calle Ayacu­cho 1961-09-08 — Jorge Vidal con acomp. de gui­tar­ras, cel­lo y con­tra­ba­jo.

Le vio­lon­celle qui débute et accom­pa­gne Vidal tout au long est l’autre vedette de ce titre. On souhait­erait presque avoir une ver­sion pure­ment instru­men­tale pour mieux l’é­couter. On retrou­ve la tra­di­tion de Gardel, pour un tan­go à écouter, mais pas à danser.

Edmun­do Rivero l’a égale­ment inter­prété. En voici une ver­sion avec vidéo. La ver­sion disque est de 1967.

Edmun­do Rivero chante El bulín de la calle Ayacu­cho
El bulín de la calle Ayacu­cho 2018-02 — Tan­go Bar­do con Osval­do Pere­do.

Cette ver­sion a sans doute peu de chance de con­va­in­cre les . Il con­vient toute­fois d’en­cour­ager les orchestres con­tem­po­rains à faire revivre les grands titres.

El bulín de la calle Ayacucho

Ce con­ven­til­lo et la cham­bre étaient situés au 1443 de la rue Ayacu­cho.

Calle Ayacu­cho 1443. L’im­meu­ble n’ex­iste plus. On notera tout de même sur l’im­meu­ble de droite, le beau bas-relief et à gauche, une autre mai­son anci­enne.

Comment José Servidio décrit la chambre de Cele, celle qui lui a inspiré, ce titre

En 1923 com­puse « El bulín de la calle Ayacu­cho ». Gardel lo grabó en ese mis­mo año. Yo vivía entonces en Aguirre 1061, donde aún vive mi famil­ia. Cele­do­nio me tra­jo al café A.B.C. la letra ya hecha. Era para la pri­mav­era de 1923.
Nosotros éramos ami­gos des­de la infan­cia, él vivía en la calle Velaz­co entre Mal­abia y Can­ning. Com­puse el tan­go en un par de días, en el ban­doneón. La primera frase me sal­ió ensegui­da. El bulín de la calle Ayacu­cho exis­tió real­mente. Qued­a­ba en Ayacu­cho 1443. El dueño del bulín era , que se lo prestó a Cele­do­nio Flo­res. 
Era una piecita en la que ni los ratones falta­ban. Con­cur­rentes infalta­bles a las reuniones de todos los viernes, eran Juan Fulgini­ti, el can­tor Mar­ti­no, el can­tor Pagani­ni (del dúo Pagani­ni-); , tam­bién can­tor, del dúo Cicarel­li-Nun­zi­at­ta; el fla­co Sola, can­tor, gui­tar­rista y gar­gan­ta priv­i­le­gia­da para la caña; yo, en fin…
Cia­cia, que forma­ba dúo con Pagani­ni, era el que cocin­a­ba siem­pre un buen puchero. En el bulín, del bar­rio de Reco­le­ta, había una sartén y una moro­chi­ta.
Se toma­ba mate, se char­la­ba. Como le decía, has­ta algún ratón merode­a­ba por allí. Las reuniones en el bulín de la calle Ayacu­cho duraron más o menos has­ta fines de 1921. Cuan­do Cele se puso de novio ter­mi­naron. Ya han muer­to casi todos los que nos reuníamos allí.
El tan­go lo editó un mae­stro de escuela, de apel­li­do Lami, que puso edi­to­r­i­al en Paraguay al 4200. Después se fal­si­ficó la edi­ción. El bulín de la calle Ayacu­cho lo estrenó el dúo Torel­li-Man­dari­no, en el teatro Soleil. Canataro acom­paña­ba con su gui­tar­ra al dúo.

José Gob­el­lo et Jorge Bossio. Tan­gos, letras y letris­tas tomo 1. Pages 82 à 89.

Traduction libre du témoignage de José Servidio et indications.

En 1923, j’ai com­posé « El bulín de la calle Ayacu­cho ». Gardel l’a enreg­istré la même année. Je vivais à l’époque au 1061 de la rue Aguirre, où ma famille vit tou­jours. Cele­do­nio m’a apporté les paroles déjà écrites au café ABC. C’é­tait pour le print­emps 1923.
Nous nous étions amis depuis l’en­fance. Lui vivait rue Velaz­co entre Mal­abia et Can­ning (aujour­d’hui Scal­ib­ri­ni Ortiz).
J’ai com­posé la musique en une paire de jours. Le bulín exis­tait réelle­ment dans la rue Ayacu­cho au 1443. Le pro­prié­taire en était Julio Korn (édi­teur de musique dont nous avons déjà par­lé au sujet des suc­cès de la radio en 1937), qui le prê­tait à Cele­do­nio Flo­res.
C’é­tait une petite pièce dans laque­lle même les souris ne man­quaient pas.
Les par­tic­i­pants inévita­bles aux réu­nions tous les ven­dredis étaient Juan Fulgini­ti, le chanteur Mar­ti­no, le chanteur Pagani­ni (du duo Pagani­ni-Cia­cia) ; Nun­zi­at­ta, égale­ment chanteur (du duo Cicarel­li-Nun­zi­at­ta) ; le Fla­co Sola (fla­co = mai­gre), chanteur, gui­tariste et gosier priv­ilégié pour la cuite (caña, ivresse) ; Moi, enfin…
Cia­cia pré­parait tou­jours un ragoût. Dans le bulín, il y avait une poêle et une moro­chi­ta (mar­mite pat­inée).
On pre­nait le mate et on bavar­dait.
Comme je le dis­ais, même une souris rôdait dans les par­ages.
Les réu­nions dans le bulín de la rue Ayacu­cho ont duré plus ou moins jusqu’à la fin de 1921. Quand Cele (Cele­do­nio Este­ban Flo­res) s’est fiancé, ça s’est arrêté.
Presque tous ceux d’en­tre nous qui se sont ren­con­trés là-bas sont déjà morts.
Le tan­go a été édité par un maître d’é­cole, nom­mé Lami, qui a créé une mai­son d’édi­tion rue Paraguay au 4200. Plus tard, l’édi­tion a été fal­si­fiée. Le bulín de la calle Ayacu­cho a été créé par le duo Torel­li-Man­dari­no, au Teatro Soleil. Canataro a accom­pa­g­né le duo avec sa gui­tare.
On notera que le nar­ra­teur est le com­pos­i­teur. Son frère, Luis, sem­ble avoir eu un rôle mineur dans cette com­po­si­tion. Ils avaient l’habi­tude de cosign­er, mais les par­tic­i­pa­tions étaient vari­ables selon les œuvres.

El bulín de la calle Ayacu­cho. J’avoue m’être inspiré de Van Gogh, mais il y a plusieurs dif­férences. Il n’y a pas de fenêtre, c’est un bulín, pas une cham­bre à Arles. Il y a une gui­tare et un pava sur le primus, prête pour le mate. Un petit change­ment dans les cadres pour per­son­nalis­er l’in­térieur de la cham­brette de Cele dont on peut voir le por­trait dans le cadre en haut à droite.
Les calques util­isés pour créer cette image.

La payanca 1936-06-09 — Orquesta Juan D’Arienzo

Augusto Pedro Berto Letra: (V1) — Jesús Fernández Blanco (V2)

La payan­ca par D’Arien­zo dans la ver­sion de 1936 est un des très gros suc­cès des milon­gas. Peut-être vous-êtes-vous demandé d’où venait le nom de ce tan­go ? Si ce n’est pas le cas, lais­sez-moi vous l’indi­quer t vous faire décou­vrir une ving­taine de ver­sions et vous présen­ter quelques détails sur ce titre.

Extrait musical

Par­ti­tion pour piano de la Payan­ca. Cou­ver­ture orig­i­nale à gauche et Par­ti­tion de piano à droite avec les paroles de Jesús Fer­nán­dez Blan­co (les plus récentes).
La payan­ca 1936-06-09 — Orques­ta Juan D’Arien­zo.

C’est un des pre­miers enreg­istrements où Bia­gi se lâche. Le con­tre­bassiste, Rodol­fo Duclós mar­que un rythme à la « Yum­ba » qui devien­dra une car­ac­téris­tique de Pugliese. Les vio­lons de Alfre­do Mazzeo, León Zibaico, Domin­go Man­cu­so et Fran­cis­co Manci­ni font des mer­veilles. Une ver­sion énergique, eupho­risante, sans doute la toute pre­mière à utilis­er pour faire plaisir aux danseurs.
On remar­que qu’il est indiqué « Sobre motivos pop­u­lares ». En effet, on recon­naî­tra des thèmes tra­di­tion­nels, notam­ment de gato (une sorte de chacar­era), mais mod­i­fié en tan­go.
On remar­quera égale­ment qu’il est indiqué « Tan­go  », ce qui sig­ni­fie que c’est un tan­go pour danser. Cepen­dant, nous ver­rons que ce thème a égale­ment été bas­culé franche­ment du côté de la milon­ga pure et dure dans d’autres enreg­istrements.

Trois ver­sions de cou­ver­ture de la par­ti­tion. À gauche, la plus anci­enne, sans auteur de paroles. Au cen­tre, avec les paroles de Caru­so et à droite, avec les paroles de Blan­co.

Origine du titre

Dans son livre, , Fran­cis­co Gar­cía Jiménez, racon­te que le tan­go est né lors d’une fête à la cam­pagne en l’hon­neur d’une per­son­nal­ité locale qui venait d’être élue tri­om­phale­ment, des musi­ciens avaient joué des airs de l’in­térieur, dont un gato (sorte de charar­era) duquel il restait : “Laraira lar­alaila; laira laraira…”. Il est impos­si­ble de retrou­ver le gato à par­tir de cette sim­ple indi­ca­tion, car laraira… c’est comme tralala. C’est ce que chantent les payadors quand ils cherchent leurs mots (ils chan­taient en inven­tant les paroles à la volée). Cer­tains de ces musiques ont été fixés et écrits par la suite et nom­bre d’en­tre eux com­por­tent Laraira lar­alaila; laira laraira ou équiv­a­lent :

  • La,lara,laira,laira,la dans Pago viejo (chacar­era, mais le rythme est proche du gato),
  • Lara lara laira larai ñarai lá dans Corazón ale­gre (bailecito)
  • Trala lará lar­ala lará lar­ala lará lará dans El pala pala (danse, dan­za)
  • Lará, larará, laraira, Lará, larará, laraira, dans Cabeza col­ora­da
  • La ra lara la ra la la ra la ra la ra la dans La San­lorenci­na (Cuen­ca)
  • La lalara la la la la la la La la lara la la la la la la La la lara la la lara la la dans Dios a la una (chan­son).
  • Tra lara lara lara tra lara lero dans Que se ven­gan los chicos (Bailecito)
  • La lara la la la la La lara la la la la dans La charar­era del adios (chacar­era)
  • Lar­ala lar­ala lara lara lara lara lara dans Amiga­zo pa’ sufrir (huel­la)
  • La lara lara larará… lara lara larará… lara lara larará… dans Can­tar de coya ()
  • Lara lara lara lara dans Muchacha de mayo (Chan­son).

Je n’ai pas trou­vé de gato avec l’indi­ca­tion, mais il est fort prob­a­ble que Berto ait enten­du une impro­vi­sa­tion, le lara lara étant une façon de meubler quand les paroles ne vien­nent pas.
Donc Berto a enten­du ce gato ou gato polquea­do et il eut l’idée de l’adapter en tan­go. Lui à la gui­tare et Durand à la flûte l’ont adap­té et joué. Ce titre a tout de suite été un suc­cès et comme sou­vent à l’époque, il est resté sans être édité pen­dant onze années. Comme la plu­part des orchestres jouaient le titre, il était très con­nu et les danseurs et divers paroliers lui ont don­né des paroles, plus ou moins recom­mand­ables. N’ou­blions pas où évolu­ait le tan­go à cette époque.
Deux de ces paroles nous sont par­v­enues, celles de Caru­so et celles de Blan­co. Les sec­on­des sont plus osées et cor­re­spon­dent assez bien à cet univers.
Il reste à pré­cis­er pourquoi il s’ap­pelle payan­ca. Selon Jiménez, Berto aurait dit tout de go que ce tan­go s’ap­pelait ain­si quand il fut som­mé de don­ner un titre. Il sem­blerait que Berto ait don­né sa pro­pre ver­sion de l’his­toire, en affir­mant que le titre serait venu en voy­ant des gamins jouer avec un las­so à attrap­er des poules. Un adulte leur aurait crié “¡Pialala de payan­ca!”, c’est-à-dire tire la avec un mou­ve­ment de payan­ca. Il indi­quait ain­si la meilleure façon d’at­trap­er la poule avec le las­so.
L’idée du las­so me sem­ble assez bonne dans la mesure où les trois par­ti­tions qui nous sont par­v­enues illus­trent ce thème.
Voici une vidéo qui mon­tre la tech­nique de la Payan­ca qui est une forme par­ti­c­ulière de lancer du las­so pour attrap­er un ani­mal qui court en le faisant choir.

Dans cette vidéo, on voit un pial (lance­ment du las­so) pour attrap­er un bovidé à l’aide de la tech­nique « Payan­ca ». Elle con­siste à lancer le las­so (sans le faire tourn­er) de façon à entraver les antérieurs de l’an­i­mal pour le déséquili­br­er et le faire tomber. Âmes sen­si­bles s’ab­stenir, mais c’est la vie du gau­cho. Ici, un joli coup par le gau­cho Mil­ton Mar­i­ano Pino.

Pour être moins incom­plet, je pour­rai pré­cis­er que la payan­ca ou payana ou payan­ga ou payaya est un jeu qui se joue avec cinq pier­res et qui est très proches au jeu des osse­lets. L’idée de ramass­er les pier­res en quechua se dit pal­lay, ce qui sig­ni­fie col­lec­tion­ner, ramass­er du sol. Que ce soit attrap­er au las­so ou ramass­er, le titre joue sur l’analo­gie et dans les deux cas, le principe est de cap­tur­er la belle, comme en témoignent les paroles.

Paroles de Juan Andrés Caruso

¡Ay!, una payan­ca io
quiero arro­jar
para enlazar
tu corazón
¡Qué va cha che!
¡Qué va cha che !
Esa payan­ca será
cert­era
y ha de apris­onar
todo tu amor
¡Qué va cha che !
¡Qué va cha che !
Por que yo quiero ten­er
todo entero tu quer­er.

Mira que mi car­iño es un tesoro.
Mira que mi car­iño es un tesoro.
Y que pior que un niño po’ ella « yoro »…
Y que pior que un niño po’ ella « yoro »…

Payan­ca de mi vida, ay, io te imploro.
Payan­ca de mi vida, ay, io te imploro,
que enlaces para siem­pre a la que adoro…
que enlaces para siem­pre a la que adoro…
Augus­to Pedro Berto Letra: Juan Andrés Caru­so

Augus­to Pedro Berto Letra: Juan Andrés Caru­so

Traduction libre des paroles de Juan Andrés Caruso

Yeh ! une payan­ca (payan­ca attrap­er au las­so). Moi, (Io pour yo = je), je veux lancer pour enlac­er (enlac­er du las­so…) ton cœur.
Que vas-tu faire ! (¿Qué va cha ché ? ou Qué vachaché Est aus­si un tan­go écrit par Enrique San­tos Dis­cépo­lo)
Que vas-tu faire !
Cette payan­ca sera par­faite et empris­on­nera tout ton amour.
Que vas-tu faire ?
Que vas-tu faire ?
Parce que je veux avoir tout ton amour.

Regarde, mon affec­tion est un tré­sor.
Regarde, mon affec­tion est un tré­sor.
Et quoi de pire qu’un enfant qui pleure pour elle…
Et quoi de pire qu’un enfant qui pleure pour elle…

Payan­ca de ma vie, oui, je t’en sup­plie (il par­le à son coup de las­so pour attrap­er le cœur de sa belle).
Payan­ca de ma vie, oui, je t’en sup­plie,
que tu enlaces pour tou­jours celle que j’adore…
que tu enlaces pour tou­jours celle que j’adore…
La métaphore rurale et gauch­esque est poussée à son extrémité. Il com­pare la cap­ture du cœur de sa belle à une passe de las­so. Dans le genre galant, c’est moyen, mais cela rap­pelle que la vie du gau­cho est une source d’in­spi­ra­tion pour le tan­go et en cela, je ne partage pas l’avis de Jorges Luis Borges pour quoi le tan­go est unique­ment urbain et vio­lent.

Paroles de Jesús Fernández Blanco

Con mi payan­ca de amor,
siem­pre mimao por la mujer,
pude enlazar su corazón…
¡Su corazón !
Mil bocas como una flor
de juven­tud, supe besar,
has­ta saciar mi sed de amor…
¡Mi sed de amor !

Ningu­na pudo escuchar
los tri­nos de mi can­ción,
sin ofre­cerse a brindar
sus besos por mi pasión…
¡Ay, quién pudiera volver
a ser moc­i­to y can­tar,
y en bra­zos de la mujer
la vida feliz pasar !

Payan­ca, payan­qui­ta
de mis amores,
mi vida la llenaste
de res­p­lan­dores…
¡Payan­ca, payan­qui­ta
ya te he per­di­do
y sólo tu recuer­do
fiel me ha segui­do!

Con mi payan­ca logré
a la mujer que me gustó,
y del rival siem­pre tri­un­fé.
¡Siem­pre tri­un­fé!
El fuego del corazón
en mi can­tar supe pon­er,
por eso fui rey del amor…
¡Rey del amor!

Jesús Fer­nán­dez Blan­co

Traduction, libre des paroles de Jesús Fernández Blanco

Avec ma payan­ca d’amour (je ne sais pas quoi en penser, admet­tons que c’est son coup de las­so, mais il peut s’a­gir d’un autre attrib­ut du galant), tou­jours choyée par les femmes, j’ai pu enlac­er ton cœur…
Ton cœur !
Mille bouch­es comme une fleur de jou­vence, j’ai su embrass­er, jusqu’à étanch­er ma soif d’amour…
Ma soif d’amour !

Aucune ne pou­vait enten­dre les trilles de ma chan­son, sans offrir ses bais­ers à ma pas­sion…
Yeh, qui pour­rait rede­venir un petit garçon et chanter, et pass­er dans les bras de la femme, la vie heureuse !

Payan­ca, payan­qui­ta de mes amours (Payan­ca, petite payan­ca, on ne sait tou­jours pas ce que c’est…), tu as rem­pli ma vie de bril­lances…
Payan­ca, payan­qui­ta Je t’ai déjà per­due et seul ton sou­venir fidèle m’a suivi !

Avec ma payan­ca, j’ai eu la femme que j’aimais, et du rival, j’ai tou­jours tri­om­phé.
J’ai tou­jours tri­om­phé !
J’ai su met­tre le feu du cœur dans ma chan­son (la payan­ca pour­rait être sa chan­son, sa façon de chanter), c’est pourquoi j’é­tais le roi de l’amour…
Le roi de l’amour !

Autres versions

La payan­ca 1917-05-15 — Orq. Eduar­do Aro­las con Pan­cho Cuevas (Fran­cis­co Nicolás Bian­co).

Prob­a­ble­ment la plus anci­enne ver­sion enreg­istrée qui nous soit par­v­enue. Il y a un petit doute avec la ver­sion de Celesti­no Fer­rer, mais cela ne change pas grand-chose. Pan­cho Cue­va à la gui­tare et au chant et le tigre du Ban­donéon (Eduar­do Aro­las) avec son instru­ment favori. On notera que si le tan­go fut com­posé vers 1906, sans paroles, il en avait en 1917, celles de Juan Andrés Caru­so.

La payan­ca 1918-03-25 (ou 1917-03-12) — Orques­ta Típi­ca Fer­rer (Orques­ta Típi­ca Argenti­na Celesti­no).

Le plus ancien enreg­istrement ou le sec­ond, car il y a en fait deux dates, 1917-03-12 et 1918-03-25. Je pense cepen­dant que cette sec­onde date cor­re­spond à l’édi­tion réal­isée à New York ou Cam­dem, New Jer­sey. On remar­quera que l’orchestre com­porte une gui­tare, celle de Celesti­no Fer­rer qui est aus­si le chef d’orchestre, une flûte, jouée par E. San­ter­amo et un accordéon par Car­los Güeri­no Fil­ipot­to. Deux vio­lons com­plè­tent l’orchestre, Gary Bus­to et . Le piano est tenu par une femme, . C’est une ver­sion pure­ment instru­men­tale. Après avoir été un des pio­nniers du tan­go en France, Celesti­no Fer­rer s’est ren­du aux USA où il a enreg­istré de nom­breux titres, dont celui-ci.

La payan­ca 1926-12-13 — Orques­ta Típi­ca Vic­tor, direc­tion Adol­fo Cara­bel­li.

Une ver­sion un peu plus mod­erne qui béné­fi­cie de l’en­reg­istrement élec­trique. Mais on peut mieux faire, comme on va le voir bien­tôt.

La payan­ca 1936-06-09 — Orques­ta Juan D’Arien­zo. C’est notre tan­go du jour.

J’ai déjà dit tout le bien que je pen­sais de cette ver­sion, à mon avis, insur­passée, y com­pris par D’Arien­zo lui-même…

Trío de Gui­tar­ras (Iri­arte-Pagés-Pesoa).

Le trio de gui­tares de Iri­arte, Pagés et Pesoa ne joue pas dans la même caté­gorie que D’Arien­zo. C’est joli, pas pour la danse, un petit moment de sus­pen­sion.

La payan­ca 1946-10-21 — Rober­to Fir­po y su Nue­vo Cuar­te­to.

Pour revenir au tan­go de danse, après la ver­sion de D’Arien­zo, cette ver­sion paraît frag­ile, notam­ment, car c’est un quar­tet­to et que donc il ne fait pas le poids face à la machine de D’Arien­zo. On notera tout de même une très belle par­tie de ban­donéon. La tran­si­tion avec le trio de gui­tares a per­mis de lim­iter le choc entre les ver­sions.

La payan­ca 1949-04-06 — Orques­ta Juan D’Arien­zo.

On retrou­ve la grosse machine D’Arien­zo, mais cette ver­sion est plus anec­do­tique. Cela peut pass­er en milon­ga, mais si je dois choisir entre la ver­sion de 1936 et 1949, je n’hésite pas une sec­onde.

La payan­ca 1952-10-01 — y su Cuar­te­to Típi­co.

Encore un quar­tet­to qui passe après D’Arien­zo. Si cette ver­sion n’est pas pour la danse, elle n’est pas désagréable à écouter, sans toute­fois provo­quer d’en­t­hou­si­asme déli­rant… Le final est assez sym­pa.

La payan­ca 1954-11-10 — Orques­ta Juan D’Arien­zo.

Eh oui, encore D’Arien­zo qui décidé­ment a appré­cié ce titre. Ce n’est assuré­ment pas un grand D’Arien­zo. Je ne sais pas si c’est meilleur que la ver­sion de 49. Par cer­tains côtés, oui, mais par d’autres, non. Dans le doute, je m’ab­stiendrai de pro­pos­er l’une comme l’autre.

La payan­ca 1957-04-12 — Orques­ta Héc­tor Varela.

On est dans tout autre chose. Mais cela change sans être un titre de danse à ne pas oubli­er. On perd la dimen­sion énergique du gau­cho qui con­quiert sa belle avec son las­so pour plonger dans un roman­tisme plus appuyé. Cepen­dant, cette ver­sion n’est pas niaise, le ban­donéon dans la dernière vari­a­tion vaut à lui seul que l’on s’in­téresse à ce titre.

La payan­ca 1958 — Los Mucha­chos de antes.

Avec la gui­tare et la flûte, cette petite com­po­si­tion peut don­ner une idée de ce qu’au­rait pu être les ver­sions du début du vingtième siè­cle, si elles n’avaient pas été bridées par les capac­ités de l’en­reg­istrement. On notera que cette ver­sion est la plus proche d’un rythme de milon­ga et qu’elle pour­rait rem­plir son office dans une milon­ga avec des danseurs intimidés par ce rythme.

La payan­ca 1959 — Miguel Vil­las­boas y su Quin­te­to Típi­co.

Les Uruguayens sont restés très fana­tiques du tan­go milon­ga. En voici une jolie preuve avec Miguel Vil­las­boas.

La payan­ca 1959-03-23 — y sus Tangueros del 900.

Oui, ce tan­go inspire les Uruguayens. Rac­ciat­ti en donne égale­ment sa ver­sion la même année.

La payan­ga 1964 — Orques­ta Osval­do Pugliese.

Pas évi­dent de recon­naître notre thème du jour dans la ver­sion de Pugliese. C’est une ver­sion per­due pour les danseurs, mais qu’il con­vient d’ap­préci­er sur un bon sys­tème sonore.

La payan­ca 1964-07-29 — Quin­te­to dir. Fran­cis­co Canaro.

De la même année que l’en­reg­istrement de Pugliese, on mesure la diver­gence d’évo­lu­tion entre Pugliese et Canaro. Cepen­dant, pour les danseurs, la ver­sion du Quin­te­to pir­in­cho, dirigé pour une des toutes dernières fois par Canaro sera la préférée des deux…

La payan­ca 1966-07-25 — Orques­ta Juan D’Arien­zo.

D’Arien­zo se situe entre Pugliese et Canaro pour cet enreg­istrement qua­si­ment con­tem­po­rain, mais bien sûr bien plus proche de Canaro. Ce n’est pas vrai­ment un titre de danse, mais il y a des élé­ments intéres­sants. Défini­tive­ment, je l’avoue, je reste avec la ver­sion de 1936.

La payan­ga 1984 — Orques­ta Alber­to Nery con Quique Oje­da y Víc­tor Ren­da.

Alber­to Nery fut pianiste d’Edith Piaf en 1953. Ici, il nous pro­pose une des rares ver­sions chan­tées, avec les paroles de Jesús Fer­nán­dez Blan­co. Vous aurez donc les deux ver­sions à écouter. Hon­nête­ment, ce n’est pas beau­coup plus intéres­sant que l’en­reg­istrement de Eduar­do Aro­las et Pan­cho Cuevas antérieur de près de 70 ans. On notera toute­fois le duo final qui relève un peu l’ensem­ble.

La payan­ca 2005 — Cuar­te­to Guardia Vie­ja.

Pour ter­min­er en fer­mant la boucle avec une ver­sion à la saveur début du vingtième siè­cle, je vous pro­pose une ver­sion par le Cuar­te­to Guardia Vie­ja.

À demain, les amis !

Fueron tres años 1956-05-18 — Orquesta Héctor Varela con Argentino Ledesma

Juan Pablo Marín (musique et paroles)

Lorsque Varela lance les qua­tre notes ini­tiales, tous les danseurs réagis­sent. Elles raison­nent comme le pom pom pom pom de la 5e sym­phonie de Beethoven. Le des­tin des danseurs est fixé, ils doivent danser ce titre. Cette fas­ci­na­tion date des pre­miers temps de ce titre qui a été enreg­istré, il n’y a pas trois ans, mais 68 ans et il nous par­le tou­jours.

Le pom pom pom pom de Varela dans la ver­sion avec Ledes­ma.

Même si la par­ti­tion ne com­porte que les notes en rouge pour les trois pre­mières notes, Varela fait jouer une dou­ble croche à la place de la croche du début de la sec­onde mesure à ses vio­lons. C’est rel­a­tive­ment dis­cret. Je l’ai indiqué en plaçant deux points rouges avec un petit point bleu au cen­tre. Varela fait jouer les deux petits points à la place de la croche qu’ils enca­drent. Cela cor­re­spond aux paroles (me/ha), Ledes­ma chan­tant deux syl­labes sur une seule note ; Varela demande à ses vio­lons de faire pareil, par un très léger accent. On se retrou­ve donc avec env­i­ron trois dou­ble croches (No-me-ha), puis la croche pointée (las). On notera que les vio­lons, comme Ledes­ma, chantent le (las) sur la note supérieure de l’ac­cord (dernière note en rouge).
Cela atténue la syn­cope ini­tiale que devrait provo­quer l’anacrouse avec la dou­ble croche ini­tiale suiv­ie d’une croche. L’in­ter­pré­ta­tion est plus proche de trois dou­bles croches, ce qui est sem­blable aux coups du des­tin dans la cinquième sym­phonie de Beethoven. Trois coups brefs suivi d’un plus long. Varela utilise une mon­tée à la quinte, alors que Beethoven utilise une descente à la tierce. Ce démar­rage est dif­férent suiv­ant les orchestres et si Varela l’u­tilise pour la ver­sion de 1973, il ne le fait pas pour la ver­sion chan­tée par Mau­ré enreg­istrée la même année (1956).
À la fin de la croche pointée rouge, on trou­ve (te-so-ro-mi) sur trois dou­ble croches et une croche qui fait dur­er le dou­ble de temps le (mi), puis le (o) qui dis­pose de toute une noire et qui dure donc qua­tre fois plus longtemps que les trois pre­mières notes bleues.

Juan Pablo Marín

Juan Pablo Marín était gui­tariste et a écrit trois titres un peu con­nus. Fueron tres años, notre tan­go du jour en 1956, et l’an­née suiv­ante, Reflex­ionemos qui a été enreg­istré trois fois en 1957, par Mau­ré, Gob­bi et Nina Miran­da et Ser­e­na­ta mía enreg­istré par Car­los Di Sar­li avec le duo de et Jorge Durán. Ces deux titres de 1957 ne sont pas com­pa­ra­bles avec Fueron tres años ce qui explique un peu leur oubli. Je les laisse donc tran­quille­ment dormir pour vous offrir notre tan­go du jour.

Extrait musical

Fueron tres años 1956-05-18 — Orques­ta Héc­tor Varela con Argenti­no Ledes­ma.
Par­ti­tion de Fueron tres años

Paroles

No me hablas, tesoro mío,
no me hablas ni me has mira­do.
Fueron tres años, mi vida,
tres años muy lejos de tu corazón.
¡Háblame, rompe el silen­cio!
¿No ves que me estoy murien­do?
Y quí­tame este tor­men­to,
porque tu silen­cio ya me dice adiós.

¡Qué cosas que tiene la vida!
¡Qué cosas ten­er que llo­rar!
¡Qué cosas que tiene el des­ti­no!
Será mi camino sufrir y penar.
Pero deja que bese tus labios,
un solo momen­to, y después me voy;
y quí­tame este tor­men­to,
porque tu silen­cio ya me dice adiós.

Aún ten­go fuego en los labios,
del beso de des­pe­di­da.
¿Cómo pen­sar que men­tías,
sí tus negros ojos llora­ban por mí?
¡Háblame, rompe el silen­cio!
¿No ves que me estoy murien­do?
Y quí­tame este tor­men­to,
porque tu silen­cio ya me dice adiós.

Juan Pablo Marín (musique et paroles)

Traduction libre

Tu ne me par­les pas, mon tré­sor,
Tu ne me par­les pas ni ne m’as regardé.
Ce furent trois ans, ma vie,
trois ans très loin de ton cœur.
Par­le-moi, rompt le silence !
Ne vois-tu pas que je suis en train de mourir ?
Et ôte-moi ce tour­ment,
car ton silence, déjà, me dit adieu.

Que de choses tient la vie !
Que de choses à tenir pour pleur­er !
Que de choses tient le des­tin !
Ce sera mon chemin, souf­frir et être peiné.
Mais laisse-moi bais­er tes lèvres,
un seul instant, et ensuite je m’en vais ;
Et enlève-moi ce tour­ment,
car ton silence, déjà, me dit adieu.

J’ai encore du feu sur les lèvres,
du bais­er d’adieu.
Com­ment penser que tu men­tais,
quand tes yeux noirs pleu­raient pour moi ?
Par­le-moi, rompt le silence !
Ne vois-tu pas que je suis en train de mourir ?
Et ôte-moi ce tour­ment,
car ton silence, déjà, me dit adieu.

Autres versions

Seules les deux ver­sions de Varela avec Ledes­ma et Fal­cón sont courantes, pour­tant d’autres méri­tent d’être écoutées, voire dan­sées.

Fueron tres años 1956 — con acomp. de Orques­ta Héc­tor Varela.

Cette ver­sion n’est pas pré­cisé­ment datée. Elle est peut-être postérieure à celle avec Ledes­ma, mais j’ai souhaité la met­tre en pre­mier pour la met­tre en valeur. Même si ce n’est pas une ver­sion de danse, elle est mag­nifique et je pense que vous aurez plaisir à l’é­couter. On notera que le début est dif­férent. On peut l’at­tribuer au fait que Ledes­ma chante durant tout le titre et que par con­séquent, faire un pre­mier pas­sage instru­men­tal aurait été trop long. Varela l’a donc rac­cour­ci et il n’y a pas le pom pom pom pom ini­tial.

Fueron tres años 1956-05-18 — Orques­ta Héc­tor Varela con Argenti­no Ledes­ma. C’est notre tan­go du jour.
Fueron tres años 1956-06-18 — Orques­ta Gra­ciano Gómez con Nina Miran­da.

Le pom pom pom pom est rem­placée une mon­tée des cordes et ban­donéons. Cela donne un départ assez spec­tac­u­laire et très dif­férent. On con­nait Nina Miran­da, une des grandes chanteuses uruguayennes. C’est vif et enlevé, mais ça manque sans doute de l’é­mo­tion que l’on trou­ve dans les ver­sions de Varela.

Fueron tres años 1956-06-25 — Jorge Vidal con gui­tar­ras.

Un mois après la ver­sion enreg­istrée par Varela avec Ledes­ma, Jorge Vidal pro­pose une ver­sion en chan­son accom­pa­g­née par des gui­tares. On est dans un tout autre reg­istre. Je trou­ve que l’on perd, là aus­si un peu d’é­mo­tion.

Fueron tres años 1956-07-18 — Orques­ta Sím­bo­lo ‘Osmar Mader­na’ dir. Aquiles Rog­gero con .

Rog­gero choisit la même option que Gómez, un debut lié, mais plus doux.

Fueron tres años 1956-07-27 — Orques­ta Enrique Mario Franci­ni con Alber­to Podestá.

Des sans doute un peu exagérées démar­rent le thème, avec des vio­lons énervés. Podestá qui fait un peu de même ne me sem­ble pas totale­ment con­va­in­cant. C’est de toute façon une ver­sion d’é­coute et j’ai donc une excuse pour ne pas la pass­er en

Fueron tres años 1956-08-06 — Orques­ta Dona­to Rac­ciat­ti con Olga Del­grossi

On trou­ve pour la même année, 1956, une ver­sion de Rodriguez avec Moreno, mais j’ai un gros doute, car je n’y recon­nais ni l’un ni l’autre dans cette inter­pré­ta­tion qui de toute façon n’a rien de génial. Je préfère m’ab­stenir… Il y a donc au moins huit ver­sions et peut-être plus enreg­istrées sur la seule année 1956.
Il fau­dra atten­dre 1973, pour que Varela relance la machine à tubes (pour les non-fran­coph­o­nes, machine à suc­cès). Cette fois avec Jorge Fal­cón.

Fueron tres años 1973 — Orques­ta Héc­tor Varela con Jorge Fal­cón.

C’est une autre sub­lime ver­sion, bra­vo, Mon­sieur Varela, trois ver­sions mer­veilleuses du même thème, cha­peau bas !

Fueron tres años 1974 — Orques­ta Con Diego Solis.

Ce n’est pas inin­téres­sant. Nous n’au­ri­ons pas les ver­sions de Varela, on s’en con­tenterait peut-être. Ces artistes méri­tent cepen­dant une écoute et comme ils ont enreg­istré dans un réper­toire proche, on peut même faire une tan­da pour accom­pa­g­n­er ce titre.

Fueron tres años 2014 — Sex­te­to Milonguero con .

C’est dom­mage que cet orchestre ne soit plus. Il avait une sym­pa­thique dynamique impul­sée par son chanteur et directeur. On en a peut-être abusé, mais c’é­tait un des orchestres qui avait un style qui n’é­tait pas qu’une copie de ceux du passé. Je les avais fait venir au fes­ti­val Tan­go­postale de Toulouse lorsque j’é­tais en charge des orchestres de bals et ils furent épous­tou­flants et en plus, ils fai­saient du trop­i­cal génial qu’il est dom­mage de ne pas plus avoir dans leurs dis­ques, tournés sur le tan­go.

Fueron tres años 2016-12 — Orques­ta Román­ti­ca Milonguera con Rober­to Minon­di.

Un autre orchestre qui a cher­ché un style pro­pre et qui l’a trou­vé. La très belle voix de Rober­to Minon­di et la sonorité par­ti­c­ulière de l’orchestre donne une autre teinte au titre.

Fueron tres años 2018 — con Max­i­m­il­iano Agüero.

L’orchestre mar­que son orig­i­nal­ité en déplaçant la syn­cope ini­tiale du désor­mais fameux pom pom pom pom…

Fueron tres años 2023 — Con­junc­to Berretin con .

La ver­sion la plus récente en ma pos­ses­sion de ce titre. Si vous aimez, vous pou­vez acquérir une ver­sion en haute qual­ité sur Band­Camp https://tangoberretin.bandcamp.com/album/tangos-del-berretin.

Même si j’ai un faible pour les ver­sions de Varela, je pense que vous avez écouté des choses qui vous plaisent dans ce tan­go tardif, puisque né après l’âge d’or du tan­go de danse. Si vous n’aimez rien de tous ces titres, je vous pro­pose quelque chose de très dif­férent qui prou­ve le suc­cès majeur de ce thème écrit il y a 68 ans…

Fueron tres años — .

Aïe, ne me tapez pas sur la tête ! Vous avez la preuve que ce n’est pas néces­saire… C’est la corti­na…
Je vous pro­pose de retrou­ver tout de suite votre titre préféré dans la liste qui précède.

À demain les amis !

Hablame, rompe silen­cio.

Ana María y Lilián 1944-05-17 — Orquesta Juan D’Arienzo con Héctor Mauré

 – Nolo López y  – 

Cer­tains ont dû faire des bonds en voy­ant le titre de l’anec­dote du jour. Quoi, un tan­go que je ne con­nais pas ? J’e­spère qu’ils ne se sont pas cognés au pla­fond. En effet, aujour­d’hui, je vais vous par­ler de deux titres enreg­istrés le même jour et par les mêmes artistes. J’ai donc créé cette ami­tié entre Ana María, la noire et Lil­ián la blonde qui dure depuis 80 ans.
Le 17 mai 1944, Juan D’Arien­zo enreg­istre qua­tre thèmes très dif­férents, dont trois avec . J’ai choisi deux d’en­tre eux, car ce sont des por­traits de femmes, des femmes très dif­férentes, mais aux des­tins par­al­lèles.
Vous aurez tout de même droit aux deux autres titres, dont l’un qui va vous faire dress­er les cheveux sur la tête.

Extraits musicaux

Lil­ián 1944-05-17 – Orques­ta Juan D’Arien­zo con Héc­tor Mau­ré (Musique Héc­tor Varela, paroles de Luis Rafael Caru­so).

Lil­ián est un titre sou­vent passé. C’est un D’Arien­zo plutôt calme, mais très expres­sif. On notera l’u­til­i­sa­tion de Lil­ián en leit­mo­tiv, en évo­ca­tion et son rem­place­ment finale­ment par amor. Comme on le ver­ra avec les paroles, il s’ag­it ici, espoir de reprise d’une rela­tion d’une nuit.

Ana María 1944-05-17 – Orques­ta Juan D’Arien­zo con Héc­tor Mau­ré (Musique de Ful­vio Sala­man­ca, paroles de Nolo López [Manuel Nor­ber­to López]).

Il s’ag­it, ici, d’une milon­ga can­dom­bé. Comme nous le ver­rons, les paroles vont égale­ment dans ce sens. C’est presque un pon­cif, lorsque l’on par­le de per­son­nes noires, c’est sou­vent à tra­vers une milon­ga can­dom­bé. C’est une des raisons pour lesquels cer­tains revendiquent une orig­ine noire pour le tan­go, par exem­ple Juan Car­los Cac­eres qui fait des milon­gas , même s’il les nomme « tan­go », comme Tan­go negro, Tocá Tangó, Tan­go retan­go, ou Cum­tan­go

Paroles de Ana María

Ana María, la rosa mula­ta
Bajo su bata esconde un dolor,
Nació con luna de pla­ta
Por los Cuar­te­les del sol.

Novia queri­da de aquel tam­borero
Un entr­erri­ano de corazón,
Los dos col­maron sus sueños
Con un romance de amor.

Cuán­tos par­dos se sin­tieron
Pri­sioneros por su amor,
Dos mulatos la quisieron
Pero ella dijo: No.
A sus ojos, un poeta
Le can­tó su madri­gal,
Flo­recía la more­na
Entre rosas de un ros­al.

Ful­vio Sala­man­ca –  Nolo López (Manuel Nor­ber­to López)

libre de Ana María

Ana Maria, la rose noire (mula­ta désigne des femmes d’o­rig­ine noire, ou métisse de noirs, con­traire­ment à Negra, qui sig­ni­fie sim­ple­ment à la peau plus som­bre et qui peut témoign­er d’o­rig­ines des peu­ples pre­miers d’Ar­gen­tine), cache une douleur sous son peignoir.
Elle est née avec une lune d’ar­gent près de la caserne du Soleil.

Petite amie bien-aimée de ce tam­borero (joueur de tam­bour. On con­naît l’af­fec­tion des Uruguayens pour les per­cus­sions), un entr­erri­ano (de la province d’En­tre Rios) de cœur.
Les deux ont réal­isé leurs rêves avec une romance amoureuse.

Com­bi­en de noirs se sen­taient, pris­on­niers de son amour.
Deux mulâtres l’aimaient, mais elle a dit : « Non ».
Dans ses yeux, un poète lui chan­tait son madri­gal.
La noire fleuris­sait par­mi les ros­es d’un rosier.

Paroles de Lilián

Lil­ián,
rubia y dulce, Lil­ián.
Pasión,
de un romance casu­al…
Esa noche yo esta­ba tan solo
y tú llenaste mi soledad.
Lil­ián,
rubia y dulce, Lil­ián.
No estás.
Esta noche no estás.
Y me sien­to más solo que nun­ca
sin el azul de tus ojos, Lil­ián.

Que tris­teza hay en mi cuar­to.
Que amar­gu­ra en mi inte­ri­or.
He lle­ga­do a amarte tan­to,
que no vivo sin tu amor.
Con siem­pre joven,
mi quer­er te esper­ará
y a la luz de tus can­ciones,
mis ilu­siones revivirán.
Porque hay algo que me dice,
que no olvi­daste, mi amor, Lil­ián…

Lil­ián,
rubia y dulce, Lil­ián.
Amor.
Que hizo triste un adiós,
cuan­do todo era un can­to a la vida,
la mis­ma vida nos sep­a­ró.

Lil­ián,
rubia y dulce, Lil­ián.
Mi amor,
esperán­dote está,
y esperan­do me ven las auro­ras,
sin el azul de tus ojos, Lil­ián.

Héc­tor Varela — Luis Rafael Caru­so

Mau­ré ne chante pas ce qui est en orange.

Traduction libre de Lilián

Lil­ián, blonde et douce, Lil­ián.
Pas­sion, d’une romance occa­sion­nelle…
Cette nuit-là, j’é­tais si seul et tu as comblé ma soli­tude.
Lil­ián, blonde et douce, Lil­ián.
Tu n’es pas là.
Ce soir, tu n’es pas ici.
Et je me sens plus seul que jamais sans le bleu de tes yeux, Lil­ián.

Quelle tristesse il y a dans ma cham­bre !
Quelle amer­tume en moi !
J’en suis venu à t’aimer telle­ment que je ne peux pas vivre sans ton amour.
Avec le bais­er tou­jours jeune, mon amour t’at­ten­dra et à la lumière de tes chants, mes illu­sions seront ravivées.
Parce qu’il y a quelque chose qui me dit que tu n’as pas oublié mon amour, Lil­ián…

Lil­ián, blonde et douce, Lil­ián.
Amour.
Comme fut triste un adieu, alors que tout était un hymne à la vie, la même vie nous sépara.
Lil­ián, blonde et douce, Lil­ián.
Mon amour t’at­tend, et les aurores me voient atten­dre, sans le bleu de tes yeux, Lil­ián.

Les enregistrements de D’Arienzo du 17 mai 1944

El apache argenti­no 1944-05-17 – Orques­ta Juan D’Arien­zo (Musique Manuel Gre­go­rio Aróztegui).

C’est un tan­go instru­men­tal. Les Apach­es, sont, en Argen­tine, aus­si, des déli­quants, mem­bres de ban­des sou­vent vio­lentes. Ils n’ont rien de com­mun avec les Indi­ens des USA. D’Arien­zo avait étren­né ce tan­go en 1930, lors du car­naval. On repar­lera un jour des car­navals, car ce sont des événe­ments très impor­tants pour les orchestres de tan­go…

Las doce 1944-05-17 – Orques­ta Juan D’Arien­zo con Héc­tor Mau­ré (Musique Juan D’Arien­zo, paroles de Nolo López [Manuel Nor­ber­to López]).

Cette musique com­mence par une cita­tion du célèbre chant de Noël . On imag­ine quelques flo­cons de neige, un hiv­er qui débute. Bien sûr, Buenos Aires étant dans l’hémis­phère sud, les Noëls sont chauds. Je pense que c’est surtout pour apporter une note « enfan­tine » au thème qui com­mence donc très légère­ment. Nous allons avoir avec les paroles que cela se gâte rapi­de­ment :

Paroles de Las doce

Llueve y hace frío
Crudo es el invier­no
Cru­jen los por­tales
Sil­ba el ven­daval

Pasa preg­o­nan­do
El viejo diarero
Car­reras y fobal
La

Tiem­blan los cristales
De un café noc­turno
Sue­na la
Un boni­to vals

Mien­tras en mí cuar­to
Mi lecho sin man­tas
Me acosa el invier­no
Aumen­ta mi mal

Las doce, medi­anoche
Don Mateo con su coche
Va camino al cor­ralón
Las doce
Y la llu­via
Arrimán­dose a su paso
El per­fume del malvón
Las doce se agi­gan­ta
Y va exten­di­en­do su man­to
En los vidrios de un farol

Juan D’Arien­zo Letra : Nolo López (Manuel Nor­ber­to López)

Traduction libre de Las doce (âmes sensibles s’abstenir)

Minu­it (12 heures)

Il pleut et il fait froid. L’hiv­er est rude. Les por­tails grin­cent. La bise sif­fle. (Rien d’é­ton­nant jusque-là, on s’imag­ine avec Jin­gle bells que l’on est en hiv­er de l’hémis­phère nord).

Passe en annonçant, le vieux vendeur de jour­naux, cours­es et foot­ball (fobal est la forme de Fút­bol en lun­far­do), la guerre mon­di­ale (Là, l’évo­ca­tion du con­flit mon­di­al jette un autre froid, la fable du tan­go de Noël com­mence à se fendiller. On pense par­fois que l’Ar­gen­tine était loin de la guerre, en fait, même si elle est restée neu­tre, le sort des familles qui n’avaient pas émi­gré fai­sait que les Argentins se sen­taient con­cernés).

Les fenêtres d’un café de nuit trem­blent, le pianola joue une belle valse (le pianola est un piano qui peut jouer seul des airs à l’aide d’un mécan­isme lisant des cartes per­forées. Nous l’avons déjà évo­qué à pro­pos de Loren­zo. Là, si l’his­toire de la guerre nous a échap­pé, on se ras­sure, on s’imag­ine danser la valse dans le bistro­quet).

Dans ma cham­bre, ma litière sans cou­ver­tures, l’hiv­er m’as­saille, il aug­mente mon mal. (Là, nou­veau coup de froid, le tan­go n’a plus l’air d’un con­te de Noël, tout au plus on pour­rait penser à la petite marchande d’al­lumettes d’An­der­sen).

12 heures, minu­it. (12 heures, en fait, 24 h ou 0 h, minu­it, l’heure du crime selon le dic­ton).

Don Mateo (Il existe au moins deux tan­gos nom­més Don Mateo, dont un avec des paroles de José Ponzio, dénonçant un crim­inel ayant tué 6 per­son­nes de sa famille et 2 employés de ferme. Il s’ag­it en fait d’un notable, pro­prié­taire ter­rien, Mateo Banks. C’é­tait un fils d’émi­grés irlandais, qui ayant per­du aux jeux, arnaque sa famille et les tue pour obtenir leur argent. La scène décrite dans ce tan­go doit donc se dérouler le 18 avril 1822, date des faits) avec sa voiture va au cor­ralón (ce terme est poly­sémique, ici, cela peut être un endroit où on entre­pose des matéri­aux de con­struc­tion, un des lieux de ses crimes).

Minu­it et la pluie. S’ac­croche à ses pas, le par­fum de l’homme mau­vais. (Non seule­ment il tue huit per­son­nes et devient donc le pre­mier ser­i­al killer argentin, mais il essaye de faire accuser un de ses péones, employés de ferme. Il est con­damné à per­pé­tu­ité, mais sort finale­ment de prison. L’ironie de cette his­toire est qu’il se tue en glis­sant sur une savon­nette en se cog­nant la tête sur sa baig­noire. Je vous avais prévenu, l’his­toire est ter­ri­ble).
Minu­it s’a­grandit et étend son man­teau sur les vit­res d’un lam­padaire. (On a fait mieux en matière de con­te de Noël).


Avec Ironie, D’Arien­zo qui a fait chanter l’in­té­gral­ité de l’his­toire à Mau­ré reprend avec le motif de Jin­gle bells, comme s’il ne s’é­tait rien passé qu’une petite chan­son de Noël.
Je crois que ce tan­go est assez rare, sans doute à cause de l’évo­ca­tion de Mateo Banks. Cepen­dant, si les danseurs n’é­coutent pas avec atten­tion les paroles, il doit être util­is­able. C’est un titre qui peut faire un milieu de tan­da sat­is­faisant.
Si vous voulez en savoir plus sur cette his­toire, je vous pro­pose deux sites :
La macabra his­to­ria del estanciero argenti­no que mató a san­gre fría a toda su famil­ia para quedarse con su for­tu­na — Infobae qui vous don­nera des détails sur les faits.
https://web.archive.org/web/20200813025004/https://ana-turon.blogspot.com/2016/05/el-tango-en-la-provincia-de-buenos-aires.html Je vous pro­pose la ver­sion archivée en 2020, car le site a depuis été cor­rompu. Vous y trou­verez notam­ment des textes de tan­go ou chan­sons par­lant du crime.

Et nos deux titres du jour

Pour revenir à des sujets plus sym­pa­thiques, je vous pro­pose de ter­min­er par nos deux titres du jour. D’abord Lil­ián, puis Ana María pour finir dans un rythme plus joueur et nous laver la tête de l’hor­reur des crimes de Don Mateo.

Lil­ián 1944-05-17 – Orques­ta Juan D’Arien­zo con Héc­tor Mau­ré (Musique Héc­tor Varela, paroles de Luis Rafael Caru­so). Un de nos titres du jour.
Ana María 1944-05-17 – Orques­ta Juan D’Arien­zo con Héc­tor Mau­ré (Musique de Ful­vio Sala­man­ca, paroles de Nolo López [Manuel Nor­ber­to López]). Un de nos titres du jour.

Ces qua­tre œuvres, fort dif­férentes mon­tr­er la diver­sité dont peu­vent être capa­bles les grands orchestres de l’âge d’or.

À demain les amis !

Ana María y Lil­ián. Deux des­tins de femmes.

Champagne tango 1938-05-09 — Quinteto Don Pancho dir. Francisco Canaro

Manuel Gregorio Aróztegui Letra : Pascual Contursi

S’il fal­lait prou­ver un lien entre la France et le tan­go, il suf­fi­rait de men­tion­ner le cham­pagne, breuvage typ­ique­ment français qui fut inven­té par le moine béné­dictin, DOM Pierre Pérignon et imité par tous les vitic­ul­teurs du Monde et notam­ment d’Ar­gen­tine qui pro­duisent le « cham­pagne » des milon­gas portègnes.

Le suc­cès du cham­pagne vient du fait que les musi­ciens argentins, dès 1906, sont venus à Paris pour enreg­istr­er leurs dis­ques. À par­tir de 1910, cela devient une véri­ta­ble ruée, ren­for­cée par la folie des Parisiens pour cette musique et la danse asso­ciée.
Même si le syn­di­cat des musi­ciens français impo­sait aux Argentins de jouer en cos­tume tra­di­tion­nel de leur pays, les musi­ciens argentins ont fait recette. Canaro qui a enreg­istré en 1938 notre tan­go du jour ne nous con­tredi­ra pas, lui qui ain­si que ses frères fut un habitué des cabarets parisiens.
Ces cabarets se sont exportés à , y com­pris dans les noms. Les paroles de Con­tur­si men­tion­nent le Pigall, l’un des plus réputés. Cabaret et cham­pagne, Chapô au lieu de som­brero. Le ton est don­né, les Portègnes s’a­musent à être à Paris.
Je vous invite à con­som­mer sans mod­éra­tion, .

Extrait musical

Cham­pagne tan­go 1938-05-09 — Quin­te­to dir. Fran­cis­co Canaro

Fidèle à son style « marchant » Canaro à la tête de son nous pro­pose une ver­sion qui se déroule sans encom­bre. Ceux qui sont habitués aux ver­sions de Di Sar­li seront sans doute très dépaysés, mais cette ver­sion avec ses petites fior­i­t­ures au vio­lon est bien sym­pa­thique. Une ver­sion assez légère qui s’en­v­ole comme les bulles du cham­pagne.

Paroles

Il faut se lever de bonne heure pour trou­ver une ver­sion chan­tée de Cham­pagne tan­go… Vrai­ment de très bonne heure, car je n’en ai pas trou­vé.

Esas minas vet­er­anas
que siem­pre se con­forma­ban,
que nun­ca la protesta­ban
aunque picara el buyón,
vivien­do así en su cotor­ro
pasan­do vida pib­era
en una pobre catr­era
que le falta­ba el colchón.

¡Cuán­tas veces a mate amar­go
el estó­ma­go engrupía
y pasa­ban muchos días
sin ten­er para mor­far!
La catr­era era el con­sue­lo
de esos ratos de amar­gu­ra
que, cul­pa « e la mishiadu­ra
no tenía pa » mor­far.

Se acabaron esas minas
que siem­pre se con­forma­ban
con lo que el bacán les daba
sí era bacán de ver­dad.
Hoy sólo quieren vesti­dos
y riquísi­mas alha­jas,
coches de capota baja
pa’ pasear por la ciu­dad.

Nadie quiere con­ven­til­lo
ni ser pobre cos­tur­era,
ni tam­poco andar fulera…
Sólo quieren aparentar
ser ami­go de fulano
y que ten­ga mucho ven­to
que alquile depar­ta­men­to
y que la lleve al Pigall.

Ten­er un coche,
ten­er muca­ma
y gran “chapó“
y pa’ las far­ras
un gigoló;
pieza alfom­bra­da
de gran para­da,
ten­er sirvien­ta
y… ¡qué se yo !
Y así…
de esta man­era
en donde quiera
“cham­pán tangó”.

Manuel Gre­go­rio Aróztegui Letra : Pas­cual Con­tur­si

Traduction libre et indications

Ces filles vétéranes qui s’adap­taient tou­jours, qui ne protes­taient jamais même si elles tiraient le dia­ble par la queue, vivant ain­si dans son gour­bi (cotor­ro, garçon­nière, cham­bre de soli­taire, cham­bre de pros­ti­tuée) une vie de pau­vre fille dans un pau­vre lit auquel il man­quait le mate­las.
Com­bi­en de fois l’estom­ac s’est-il con­tenté de mate amar­go (Mate, la bois­son d’U­ruguay, Paraguay et Argen­tine qui se boit sans sucre, amère) et beau­coup de jours se sont écoulés sans rien avoir à manger !
Le lit était la con­so­la­tion de ces moments d’amer­tumes où, par la faute de la mis­ère, il n’y avait rien à manger.
C’est fini, les filles qui se con­tentaient tou­jours de ce que le mec leur don­nait s’il était un vrai bacán (qui entre­tient une fille).
Aujour­d’hui, elles ne veu­lent que des robes et des bijoux somptueux, des voitures décapota­bles pour se promen­er dans la ville.
Per­son­ne n’a envie de con­ven­til­lo (habi­ta­tion col­lec­tive des pau­vres de Buenos Aires) ou d’être une pau­vre cou­turière, ni d’aller incon­nue (fulera est une per­son­ne quel­conque, sans pres­tige. La Fulera est aus­si la mort, mais pas dans ce con­texte)
Elles veu­lent juste paraître être amis avec untel ayant beau­coup d’ar­gent, qu’il loue un apparte­ment et qu’il l’emmène au Pigall (le cabaret/Casino Pigall appar­tient à ce phénomène de mode où se copi­ent les mœurs parisi­ennes, Pigalle étant un quarti­er ani­mé de Paris).
Avoir une voiture, avoir une femme de ménage et un grand « chapó » (cha­peau, autre mode, par­ler avec des mots de français, voire en français) et d’avoir un gigo­lo pour les fêtes, une pièce recou­verte de tapis lux­ueux (gran para­da est à pren­dre dans le sens français de parade), d’avoir une ser­vante et… que sais-je !
Et ain­si… de cette façon, elle veut « Cham­pagne et Tan­go ».

Autres versions

Cham­pagne tan­go 1914 Orques­ta Rober­to Fir­po.

Cette ver­sion acous­tique, desservie par la tech­nique d’, per­met tout de même de pren­dre con­nais­sance de l’in­ter­pré­ta­tion de Fir­po qui nous pro­posera 32 ans plus tard, un autre enreg­istrement que nous pour­rons com­par­er. La flûte (jouée par Ale­jan­dro Michet­ti) qui vit ses dernières années dans les orchestres de tan­go est ici bien présente.

Cham­pagne tan­go 1929 — Orques­ta Vic­tor Pop­u­lar.

Une ver­sion un peu vieil­lotte. La clar­inette joue avec les vio­lons. Ce n’est pas vilain, mais un peu monot­o­ne et ce disque est en mau­vais état.

Cham­pagne tan­go 1938-05-09 — Quin­te­to Don Pan­cho dir. Fran­cis­co Canaro. C’est notre tan­go du jour.
Cham­pagne tan­go 1938-06-22 — Orques­ta Juan D’Arien­zo.

C’est le tout dernier enreg­istrement avec Bia­gi au piano, avant qu’il se fasse vir­er pour avoir pris la vedette à D’Arien­zo. L’orchestre est dans un intense dia­logue avec le piano qui est effec­tive­ment la vedette, le soliste.
Quand on voit l’évo­lu­tion du piano pen­dant les trois années où Bia­gi a offi­cié dans l’orchestre de D’Arien­zo, on peut se deman­der ce qu’au­rait don­né l’évo­lu­tion de l’orchestre de D’Arien­zo avec Bia­gi si avait été un peu moins sus­cep­ti­ble…

Cham­pagne tan­go 1944-07-28 — Orques­ta Car­los Di Sar­li.

Qui n’a jamais enten­du Cham­pagne tan­go par Di Sar­li n’a jamais pris de cours de tan­go. Même si Di Sar­li en pro­pose trois enreg­istrements, cette ver­sion bien ryth­mée est la préférée des pro­fesseurs qui pensent que leurs élèves doivent avoir un tem­po bien mar­qué et suff­isam­ment lent pour que leurs élèves puis­sent met­tre en pra­tique les fig­ures com­pliquées qu’ils vien­nent de leur appren­dre.
Rel­a­tive­ment peu de sur­prise dans cette ver­sion. Les danseurs peu­vent être en con­fi­ance.

Cham­pagne Tan­go 1946-09-25 — Rober­to Fir­po y su Nue­vo Cuar­te­to.

32 ans plus tard, Fir­po qui essaye de se refaire une san­té finan­cière s’est remis au tan­go. Son inter­pré­ta­tion est très orig­i­nale et inspir­era des orchestres uruguayens, comme nous le ver­rons ci-dessous.
L’at­taque des cordes des vio­lons par des coups d’ar­chet brefs ou des pizzi­cati donne une ver­sion pétil­lante comme des bulles de cham­pagne.

Cham­pagne tan­go 1952-09-19 — Orques­ta .

Je sais que cer­tains essayeront de ne pas écouter cette ver­sion à cause du nom de Varela. Cepen­dant cette ver­sion est plutôt sym­pa­thique. Elle est énergique et sen­si­ble. Elle con­vient à la danse et est dépourvue des pon­cifs fati­gants de Varela. Alors, allez‑y en con­fi­ance et lais­sez-vous enivr­er par Varela.

Cham­pagne tan­go 1952-10-27 — Orques­ta Car­los Di Sar­li.

Encore Di Sar­li. La musique est beau­coup plus glis­sée. Les vio­lons ondoy­ants alter­nent avec des pas­sages plus martelés. Cette ver­sion est plus con­trastée que celle de 1944. C’est un Di Sar­li typ­ique, un incon­tourn­able des milon­gas.

Cham­pagne tan­go 1958-11 — Orques­ta Car­los Di Sar­li.

Encore, encore Di Sar­li qui a enreg­istré de nom­breux titres à deux repris­es durant la décen­nie des années 50. C’est un développe­ment de la ver­sion précé­dente. Elle est bien flu­ide. On sent le disque qui tourne, imper­turbable. On peut préfér­er les autres ver­sions, mais celle-ci a aus­si ses fana­tiques. Sur l’île déserte, il faut emporter tout le cham­pagne de Di Sar­li

Cham­pagne Tan­go 1959-03-23 — Dona­to Rac­ciat­ti y sus Tangueros del 900.

Le retour de la flûte (et pas seule­ment de cham­pagne) et d’un style de jeu qui plaît à Borges qui n’a jamais digéré que le tan­go sorte des bor­dels et de sa fange pour se « déna­tur­er » avec la guimauve sen­ti­men­tale. Rac­ciat­ti nous pro­pose une ver­sion légère et qui pour­rait être une réminis­cence des années 1910, époque où la gui­tare et la flûte le dis­putaient encore au piano et au ban­donéon.

Cham­pagne tan­go 1959-12-07 — Miguel Vil­las­boas y Su Quin­te­to Bra­vo del 900.

On reste sur la rive uruguayenne. Le style entraî­nant de Vil­las­boas et sa sonorité par­ti­c­ulière sont en général bien appré­ciés. On retrou­vera des sim­i­lar­ités avec Fir­po. Une ver­sion joueuse. Vil­las­boas n’a pas le cham­pagne triste.

Cham­pagne tan­go 1970 — .

Le Quin­te­to Año­ran­zas nous pro­pose une autre ver­sion avec un ensem­ble réduit. Il sem­blerait que le cham­pagne se prête bien aux petites . Là encore _une flûte présente, mais qui partage la vedette avec le ban­donéon et le vio­lon. Cette ver­sion est cepen­dant un peu terne. On désir­erait un peu plus de mou­ve­ment (Año­ramos a más movimien­to 😉

Cham­pagne tan­go 1979-09 — Miguel Vil­las­boas y su Sex­te­to.

Vingt ans après, Vil­las­boas nous livre une autre ver­sion. Pour ma part, je trou­ve la réver­béra­tion exagérée. Cela rend con­fuse l’é­coute et per­turbe la sérénité des danseurs. J’évit­erais donc de vous pass­er cette version.Miguel Vil­las­boas y su Sex­te­to. Vingt ans après, Vil­las­boas nous livre une autre ver­sion.
Notons que trois ver­sions par des orchestres uruguayens, c’est peut-être un signe de chau­vin­isme, Aróztegui étant lui aus­si Uruguayen…

Cham­pagne tan­go 1996 — Quin­te­to Fran­cis­co Canaro dir. .

Peut-être que les musi­ciens ont un peu abusé de la divine bois­son. La pièce est un peu assoupie. C’est peut-être pour exprimer la nos­tal­gie des paroles, mais en tous cas, cela ne donne pas envie de la danser.

Le coup de l’étrier (La copa de la despedida)

Je ne pou­vais pas vous laiss­er sur la ver­sion du Quin­te­to Canaro. Je vous pro­pose donc un autre titre, venu d’un autre univers, mais qui par­le aus­si de cham­pagne. Il s’ag­it de Cham­pagne bub­bles par Jose‑M.Lucchesi. Ce musi­cien pas­sion­né de tan­go argentin n’a pas tou­jours été recon­nu à sa juste valeur, notam­ment à cause d’une cer­taine jalousie des musi­ciens argentins qui voy­aient en lui un tal­entueux con­cur­rent. D’o­rig­ine corse (France), mais né au Brésil, il fait l’essen­tiel de sa car­rière en France, comme com­pos­i­teur et chef d’orchestre. Il se fera d’ailleurs nat­u­ralis­er Français.

Cham­pagne-bub­bles 1935 Jose-Maria Luc­ch­esi.
Cham­pagne Bub­bles (com­posé par Jose-Maria Luc­ch­esi, un titre en anglais et des indi­ca­tions en alle­mand pour cette pro­duc­tion réal­isée par Elec­tro­la à Berlin (Alle­magne). Ceci mon­tre la dif­fu­sion du tan­go… et du cham­pagne. 1935, on est dans la péri­ode où les nazis encour­ageaient le tan­go plutôt que le jazz, musiques de noirs qu’ils mépri­saient.

Pour en savoir plus sur Luc­ch­esi, vous pou­vez reporter à l’ex­cel­lent site Milon­ga Ophe­lia.

El entrerriano 1944-04-26 — Orquesta Osvaldo Fresedo

Anselmo Rosendo Mendizábal Letra : Ernesto Temes (), Homero Expósito, H. Semino, , Vicente Planells del Campo y , Ángel Villoldo.

Voici une chose bien curieuse que ce tan­go qui ne dis­pose pas d’en­reg­istrement de ver­sion chan­tée intéres­sante dis­pose de tant de paroles. Pas moins de cinq ver­sions… Quoi qu’il en soit, ce tan­go écrit en 1897 par Rosendo Men­dizábal est fameux, et il fut le pre­mier à avoir une par­ti­tion…

Un tango célèbre

Ce tan­go est fameux. C’est pour cela, prob­a­ble­ment qu’il dis­pose de plusieurs paroles, ces dernières étant util­isées pour flat­ter un com­man­di­taire poten­tiel.
J’ai racon­té dans Sacale pun­ta com­ment Rosendo l’a dédi­cacé à Ricar­do Segovia et a gag­né ain­si 100 pesos… Il venait de le jouer à de mul­ti­ples repris­es à la demande du pub­lic en Lo de María la Vas­ca, dont il était le pianiste attitré.
Comme preuve de notoriété, out­re l’abon­dance de paroliers, je pour­rais men­tion­ner qu’il est chan­té par Gardel dans Tan­go argenti­no 1929-12-11.

«De tus buenos tiem­pos aún hay pal­pi­tan
El choclo, Pelele’, El tai­ta, El cabu­re
La morocha, El catre y La cumpar­si­ta
Aquel Entr­erri­ano y el Saba­do ingles»

La dernière preuve est le nom­bre incroy­able de ver­sions de ce titre. Les 100 pesos de Ricar­do Segovia furent un bon investisse­ment.

Extrait musical

El entr­erri­ano 1944-04-26 — Orques­ta Osval­do Frese­do.

On com­prend l’en­t­hou­si­asme des pre­miers audi­teurs de El entr­erri­ano qui ne s’ap­pelait pas ain­si quand il fut joué pour la pre­mière fois en Lo de María la Vas­ca. À l’époque Rosendo l’avait joué au piano et sans doute émulé par la bonne récep­tion par les par­tic­i­pants s’é­tait peut-être lancé dans quelque chose un peu plus jouer et spon­tané que les ver­sions de l’époque. Ce qui est sûr, c’est que Frese­do a su sor­tir de sa zone de con­fort pour nous éblouir avec cette ver­sion joyeuse.

Les paroles

J’ai men­tion­né cinq ver­sions. Je n’en ai retrou­vé que qua­tre, celle de Ángel Vil­lol­do sem­ble per­due.
Les qua­tre restantes sont du même type, elle racon­te la gloire, la glo­ri­ole d’un type. Rien de bien intéres­sant et orig­i­nal. Je vous les cite donc par ordre chronologique et ne traduirai que la plus récente, celle de Home­ro Expósi­to.

Letra de Ángel Villoldo

Ángel Vil­lol­do a dédié une ver­sion à Pepi­ta Avel­lane­da. Pour cela il a écrit des paroles qui sem­blent per­dues pour le moment.
Atten­tion à ne pas con­fon­dre la chanteuse Pepi­ta Avel­lane­da et Pepi­to Avel­lane­da, pseu­do­nyme du danseur José Domin­go Mon­teleone. Ce dernier a pris ce surnom, car il était né à Avel­lane­da. Pepi­to, je ne sais pas pourquoi il l’a choisi quand il fut obligé de pren­dre un pseu­do­nyme pour atténuer son orig­ine ital­i­enne afin de faciliter ses tournées européennes et le fait qu’il était d’une famille de piz­zaio­los de province (Avel­lane­da).
D’ailleurs Pepi­ta Avel­lane­da était égale­ment un pseu­do­nyme, la chanteuse, qui était aus­si danseuse s’ap­pelait en fait … C’est elle qui avait étren­né El esquina­zo de Vil­lol­do, avec des paroles égale­ment dis­parues…
Vil­lol­do a cepen­dant écrit les paroles d’un autre tan­go qu’il a égale­ment com­posé : Desafío de un entr­erri­ano (défi d’un entr­erri­ano).
Il se peut qu’une par­tie des paroles soit proche de celles de la ver­sion per­due, à la dif­férence qu’il s’agis­sait d’une femme, prob­a­ble­ment uruguayenne dans le pre­mier cas, mais à l’époque, l’U­ruguay et Entre Rios sont très proche et la fron­tière de la Province de l’Est per­méable.
On remar­quera qu’elles sont de la même eau que celles des­tinées à El enter­ri­ano, ce qui con­firme la des­ti­na­tion de ces paroles, la flat­terie, voire la flagorner­ie…
On ne con­naît pas la data­tion pré­cise de l’écri­t­ure de ce tan­go, mais comme il a été pub­lié en 1907 dans Caras y Careteras, il est au plus tard de cette époque, soit tout au plus, cinq ans après la ver­sion per­due. Il ne sem­ble pas exis­ter d’en­reg­istrement de ce tan­go. Voici donc les paroles de Desafío de un entr­erri­ano :

Ángel Vil­lol­doDesafío de un entr­erri­ano 
Aquí viene el entr­erri­ano
El criol­lo más respeta­do,
Por una milon­ga, un esti­lo,
O un tan­gui­to reque­bra­do.
En cuan­to yo me pre­sen­to
No hay quién se atre­va a ron­car,
Al cohete son los can­di­ales…
Me tienen que respetar.

¿Vamos a ver quién se atreve?
¿No hay ninguno que ya ladré?
¿Dónde está ese mozo pier­na
que la ech­a­ba de com­padre?
Vayan salien­do al momen­to
Ya que lle­ga la ocasión,
Que eso es lo que a mí me gus­ta
Pa´ dar­les un revol­cón.

¿Quién le ron­ca al entr­erri­ano?
¿No hay quién cope la para­da?,
Vamos a ver, pues, los taitas
Aprovechen la bola­da.
Miren que ocasión como esta
No se les va a pre­sen­tar…
¿De ande ?… Tienen miedo
Que los vaya a abatatar.

Ya veo que no hay ninguno
Que resuelle por la heri­da,
Y me gano la car­rera
Mucho antes de la par­ti­da.
Aquí con­cluyo y salu­do
Con car­iño fra­ter­nal,
A todos los con­cur­rentes
Y al pabel­lón nacional…


Letra de A. Semi­no y S. Reton­daro
Tú el entr­erri­ano un criol­la­zo
De nobleza e hidal­guía
Que cap­tó la sim­patía
De todo el que lo trató.
Porque siem­pre demostró
Ser hom­bre sin­cero y fiel
Y como macho de Ley
La muchacha­da lo apre­ció.

Como varón se com­portó
Su pecho noble supo expon­er
Para el débil defend­er
Y así librar­lo del mal
Pero una noche som­bría.
Que fue, ¡ay !, su desven­tu­ra
En su alma la amar­gu­ra
Echó su man­to fatal
Por haber sido tan leal
Hal­ló su cru­el perdi­ción …!
El entr­erri­ano lloró
Su triste desilusión.

Una noche en un calle­jón
Al ami­go más fiel vio caer,
Bajo el puñal de un matón
Que de traición lo hir­ió cru­el
Y vibran­do de indi­gnación
El criol­la­zo atro­pel­ló
Y en la faz del matón
Un bar­bi­jo mar­có.

Y al cor­rer de los años
Lib­er­tao ‘e las cade­nas
Con el peso de su pena,
Pa’l viejo bar­rio volvió
Y amar­ga­do lagrimeó
Al hal­larse sin abri­go
Y has­ta aquél… el más ami­go,
El amparo le negó.


Letra de Vicente Planells del Cam­po y Oscar Amor
Mi apo­do es
El Entr­erri­ano y soy
de aque­l­los tiem­pos hero­icos de ayer,
el de los patios del farol y el par­ral,
con per­fume a madre­sel­va y clav­el.
Soy aquel tan­go que no tuvo rival
en las bron­cas y entreveros.
Pero fui sen­ti­men­tal
jun­to al calor
del vesti­do de per­cal.

Soy aquel que no aflo­jó jamás,
el que luchó con su val­or
por man­ten­er este com­pás
y con él
me sen­tí muy feliz
al poder tri­un­far con mi val­or
lejos de aquí, allá en París.
Y después
de recor­rer tri­un­fal,
la vuelta pegué para volver
jun­to al calor de mi arra­bal
y hoy al ver
que soy retru­co y flor
quiero agrade­cer este favor
al bailarín como al can­tor.

Entr­erri­ano soy
de pura cepa y no hay
a pesar de ser tan viejo, varón
ni quien me pise los talones pues soy
el com­pás de meta y pon­ga y fui
de la que­bra­da y el corte el rey
en lo de Hansen y el Tam­bito.
Y en las tren­zadas de amor
primero yo
por bohemio y picaflor.


Letra de Julián Porteño
En el bar­rio de San Tel­mo
yo soy
picaflor afor­tu­nao en amor
un pun­to bra­vo pa’l chamuyo flo­re­ao
buen ami­go en cualquier ocasión
caudil­lo firme de juga­do val­or
pa’ copar una para­da
y afir­mar mi bien proba­da
leal­tad con el doc­tor.

Calá este varón
cuan­do con un gesto
man­do en el resto
pa’ ganar una elec­ción.
Calá este varón
en bai­lon­gos bien mis­ton­gos
con­qui­s­tan­do un fiel corazón.
Calá este varón
en salones dis­tin­gui­dos
todo pre­sum­i­do
de “doc­tor”.
Calá este varón
mozo atre­v­i­do
siem­pre can­to flor, envi­do
en el amor.

Naipe y mujeres
son mi úni­ca pasión,
sí señor,
éstas me dicen que sí
aquél me dice que no.
Pero no le hace
mel­la a mi condi­ción
de varón,
soy entr­erri­ano, señor
y ten­go firme el corazón.


Letra de Home­ro Expósi­to
Sabrán que soy el Entr­erri­ano,
que soy
milonguero y provin­ciano,
que soy tam­bién
un poquito
y aguan­to el tren
de los gua­pos con taji­tos.
Y en el vaivén
de algún tan­go de fan­dan­go,
como el quer­er
voy metién­dome has­ta el man­go,
que pa’l baile y pa’l amor
sabrán que soy
siem­pre el mejor.

¿Ven, no ven lo que es bailar así,
lleván­dola jun­ti­to a mí
como apre­tan­do el corazón?…
¿Ven, no ven lo que es lle­varse bien
en las cor­tadas del quer­er
y en la milon­ga del amor?…

Todo corazón para el amor
me dio la vida
y algu­na heri­da
de vez en vez,
para saber lo peor.
Todo corazón para bailar
hacien­do cortes
y al Sur y al Norte
sulen gri­tar
que el Entr­erri­ano es el gotán.

Traduction libre de la version de Homero Expósito

Ils sauront que je suis l’En­tr­erri­ano, (celui de la Povince d’En­tre Rios) que je suis un milonguero et un provin­cial, que je suis aus­si un peu com­padri­to et je tiens la dégaine du guapo (beau) avec des cica­tri­ces (taji­to, petites entailles).
Et dans le bal­ance­ment d’un tan­go fan­dan­go, (Un siè­cle avant le tan­go, le fan­dan­go a fait scan­dale, car jugé las­cif. Avec le tan­go, l’his­toire se répète… N’ou­blions pas que ce tan­go s’est inau­guré dans une mai­son de plaisir…)

avec volon­té je me lance à fond, afin qu’ils sachent que pour la danse et pour l’amour je suis tou­jours le meilleur.
Vois-tu, ne vois-tu pas ce que c’est que de danser comme cela, de l’amen­er à moi comme pour écras­er le cœur ?…
Voyez, ne voyez pas ce qu’est de s’en­ten­dre bien dans les cor­tadas du désir et dans la milon­ga de l’amour ?…
Tout cœur pour l’amour m’a don­né la vie et une blessure de temps en temps, pour con­naître le pire.
Tout le cœur pour danser en faisant des cortes (fig­ure de tan­go) et au Sud et au Nord, ils vont crier que l’En­tr­erri­ano est le gotan (tan­go en ver­lan, mais vous le saviez…).

Les versions

El entr­erri­ano 1910-03-05 Estu­di­anti­na Cen­te­nario dir. Vicente Abad
El entr­erri­ano 1913 — Eduar­do Aro­las y su Orques­ta Típi­ca.

Une ver­sion par le tigre du ban­donéon. Il existe peu d’en­reg­istrements de Aro­las, sans doute, moins de 20 et tous de la péri­ode de l’en­reg­istrement acous­tique. Ils ne ren­dent sans doute pas jus­tice aux presta­tions réelles de cet artiste du ban­donéon et de son orchestre.

El entr­erri­ano 1914 — Quin­te­to Criol­lo Tano Genaro.
El entr­erri­ano 1917 Orques­ta . Avec les moyens et le style de l’époque.
El entr­erri­ano 1927-02-24 — Orques­ta .

Une ver­sion calme et tran­quille à la Canaro des années 20, mais avec de beaux pas­sages guidés par le piano comme après 50 s.

El entr­erri­ano 1927-03-20 — Orques­ta Osval­do Frese­do.

Une ver­sion avec des bruits étranges, on entend les ani­maux de la ferme (notam­ment à par­tir de 30 s). Le dédi­cataire est en effet un riche pro­prié­taire ter­rien et j’imag­ine que Frese­do s’est amusé à ce petit jeu de recréer une basse-cour avec son orchestre.

El entr­erri­ano 1937-03-29 ou 1940-08-29 — Rober­to Fir­po y su Cuar­te­to Típi­co.

Une ver­sion à toute vitesse. Avec man­do­line. Je ne sais pas si elle était des­tinée à la danse. J’ai plutôt l’im­pres­sion que c’é­tait une démon­stra­tion de vir­tu­osité.

El entr­erri­ano 1940-11-06 — Orques­ta Radio Vic­tor Argenti­na.

On dirait que Fir­po a passé le virus à Scor­ti­cati qui dirigeait la Vic­tor à cette époque. On peut imag­in­er sa joie de faire raison­ner le « Pin-Pon-Pin » du ban­donéon comme une ponc­tu­a­tion tout au long de l’in­ter­pré­ta­tion. On sent que l’orchestre, y com­pris la trompette, s’a­muse et nous, DJ ou danseurs, avec.

El entr­erri­ano 1944-04-26 — Orques­ta Osval­do Frese­do. C’est notre tan­go du jour.

On dirait que Fir­po et Scor­ti­cati ont passé le virus à Frese­do qui pro­duit à son tour une ver­sion très rapi­de. Il fal­lait sans doute ces deux con­t­a­m­i­na­tions pour l’inciter à pro­duire cette ver­sion tonique et rapi­de. Le ban­donéon fait encore un « Pin-Pon-Pin » encore plus con­va­in­cant. Cepen­dant, adieu veaux, vach­es, cou­vées par rap­port à la ver­sion précé­dente de 1927. Chaque instru­ment a son tour de gloire et le résul­tat est prenant, jusqu’au clas­sique dou­ble accord final de Frese­do. C’est notre tan­go du jour.

J’ai passé sous silence les ver­sions de 1941 de Troi­lo (c’é­tait l’époque où il avait des enreg­istrements pour­ris, car les maisons de dis­ques ne voulaient pas con­cur­rencer leurs poulains) et celle de Bia­gi, qui est du Bia­gi comme il y en a tant. Du bon Bia­gi, mais que du Bia­gi, sans valeur ajoutée au titre lui-même.

El entr­erri­ano 1944-06-27 — Orques­ta Aníbal Troi­lo.

Pas la ver­sion de 1941 qui était une ver­sion plutôt rapi­de, mais celle de 1944, bien mieux enreg­istrée. On voit que l’am­biance est bien dif­férente de tout ce qui s’est fait avant, plus grave, calme, musi­cale, moins dans la sur­prise. On remar­quera les pleurs du ban­donéon à 2 : 46, le mer­veilleux jeu de Troi­lo. Une ver­sion pour une danse bien dif­férente, Troi­lo com­mence à mon­tr­er le bout de son nez nova­teur.

El entr­erri­ano 1954-04-29 — Orques­ta Juan D’Arien­zo.

Du bon D’Arien­zo qui cogne, tout en restant joueur. De quoi réveiller l’am­biance d’une milon­ga qui som­nole (il paraît que ça existe), mais cer­tains des titres précé­dents sont égale­ment effi­caces pour cet usage…

El entr­erri­ano 1979-10-31 — Orques­ta Osval­do Frese­do.

Frese­do a encore enreg­istré le titre en 1979. Hon­nête­ment, cet enreg­istrement n’a rien d’ex­cep­tion­nel et je vous pro­pose de boule­vers­er la chronolo­gie pour ter­min­er cette anec­dote avec une ver­sion éton­nante, par Varela…

El entr­erri­ano 1957-03-29 — Orques­ta Héc­tor Varela.

C’est le dernier titre que je vous pro­pose aujour­d’hui. Il débute avec le « Pin-Pon-Pin », mais très solen­nel, suivi d’une cita­tion des paroles de (Fran­cis­co Canaro Letra: Manuel Romero) « ¿Te acordás, her­mano, qué tiem­pos aque­l­los? » puis « Oí si » et une phrase de (Samuel Cas­tri­o­ta Letra: Pas­cual Con­tur­si) « me dan ganas de llo­rar ».

Voilà, je ter­mine avec cela. Quel par­cours effec­tué depuis 1897 par ce tan­go excep­tion­nel !

À demain les amis !

La viruta 1970-04-09 — Orquesta Florindo Sassone

Vicente Greco Letra : Ernesto Temes (Julián Porteño)

On reste avec Vicente Gre­co comme com­pos­i­teur et pour les paroles. Ce sont eux qui nous avaient don­né Rodríguez Peña hier. La Viru­ta avec une majus­cule c’est une célèbre milon­ga de Buenos Aires. Mais le terme de viru­ta est déli­cieuse­ment poly­sémique. Nous allons voir cela à par­tir de cette ver­sion fort sur­prenante délivrée par Sas­sone, il y a seule­ment 54 ans et 58 ans après l’écri­t­ure du titre.

Viruta, tu es qui, tu es quoi ?

En bon espag­nol, une viru­ta, c’est un copeau de bois ou de métal. Faire un tan­go sur ce sujet, cela sem­ble un peu léger.
On se sou­vient cepen­dant que dans Arra­balera 1950-10-03 par le , Canaro inter­vient à deux repris­es. La pre­mière fois, il lance : « Sácale viru­ta al piso, has­ta romper los zap­atos ». Enlève le copeau au planch­er, jusqu’à bris­er les chaus­sures. Il est à not­er que les paroles sont nor­male­ment « has­ta romper los taman­gos », taman­gos est un syn­onyme de zap­atos (avec par­fois une accep­tion de vieilles chaus­sures, mais pas for­cé­ment et cer­taine­ment pas dans ce cas). Enlever le copeau du bois, c’est danser avec énergie, éventuelle­ment bien. C’é­tait par­ti­c­ulière­ment adap­té au style canyengue.
D’autres textes font référence à la viru­ta dans ce sens, comme un texte de Cadicamo, Vil­la Urquiza, chan­té par Adri­ana Varela accom­pa­g­née par Nés­tor Mar­coni « Se va por un com­pro­miso, Don Ben­i­to Avel­lane­da, pero “Fini­to” se que­da pa’ sacar viru­ta al piso… » (dernier cou­plet).
Mais revenons à Arra­balera de Canaro (atten­tion, pas la ver­sion de Tita Merel­lo qui a été com­posée par Sebastián Piana et Cátu­lo Castil­lo, dont le seul point com­mun est d’avoir été joué par Canaro qui accom­pa­gne Tita Merel­lo. Vous suiv­ez tou­jours ? Bra­vo ! On par­le beau­coup moins de cette sec­onde phrase dite par Canaro dans cette milon­ga.

Détail de la par­ti­tion de Arra­balera de Fran­cis­co Canaro et Rosendo Men­dizá­ba. Le pas­sage « chan­té » par Canaro. La pre­mière ligne est dite vers le milieu de la milon­ga et la sec­onde, lors de la reprise, vers la fin de la milon­ga.

Cette fin est un peu coquine, ou pas : « Sácale, el hilo a esa chaucha, si es que tienes bue­nas uñas ». En effet, si les paroles peu­vent paraître bénignes, puisqu’il s’a­gi­rait de retir­er le fil des hari­cots à con­di­tion d’avoir de bons ongles. Mais ce serait oubli­er les dou­bles sens chers au lun­far­do. La chaucha est aus­si le pénis et Canaro prononce hilo (le fil) un peu comme virú, sans doute pour rap­pel­er viru­ta.

Arra­balera 1950-10-03 — Quin­te­to dir. Fran­cis­co Canaro con refrán por Fran­cis­co Canaro

Une viru­ta, cela peut aus­si être un petit truc sans impor­tance, un homme insignifi­ant, voire un rouleau de bil­lets que l’on peut sor­tir de sa chaucha (hari­cot, mais ici le porte­feuille). Je vous avais annon­cé plein de sens pos­si­ble. Le compte est bon.
Alors, voici la musique annon­cée :

Extrait musical

La viru­ta 1970-04-09 — Orques­ta Florindo Sas­sone

Le moins que l’on puisse dire que la musique est un peu grandil­o­quente, ou plutôt, qu’elle est un mélange de pas­sages épiques et d’autres, plus anec­do­tiques.

Cela pour­rait don­ner de la var­iété et donc être intéres­sant pour la danse, mais il y a de petits prob­lèmes. Le pre­mier est que les change­ments d’am­biance sont un peu dif­fi­ciles à devin­er si on ne con­naît pas déjà le titre et l’autre est que mal­gré cette var­iété, on a une impres­sion de monot­o­nie.

Les paroles

Même s’il n’ex­iste a pri­ori pas de ver­sion avec les paroles chan­tées, il y a bien des paroles écrites en 1912 par Julian Porteño.

Con la pun­ta del zap­a­to,
bai­lan­do así,
tu nom­bre, pren­da,
quiero escribir
sobre el encer­a­do
de este salón,
al com­pás del tan­go.
Ni el tiem­po lo va a bor­rar,
pues ha de quedar graba­do
fiel en mi corazón,
porque la pasión
que se ani­da en el
es noble como tu varón.

Seguime en el vaivén
del tan­go embria­gador,
viru­ta de plac­er,
can­ción de nue­stro amor.
Seguime en el tanguear,
vibran­do de ilusión,
tu cuer­po unido al mío,
corazón a corazón.

Vicente Gre­co Letra: Julian Porteño

Traduction libre et indications

Avec la pointe de ma chaus­sure, dansant ain­si, ton nom, femme (pren­da, c’est le vête­ment, mais en lun­far­do, c’est aus­si la femme), j’ai envie d’écrire sur l’en­fer­me­ment de ce salon, au rythme du tan­go.
Même le temps ne l’ef­fac­era pas, car il faut qu’il reste fidèle­ment gravé dans mon cœur, parce que la pas­sion, celle qui se niche en lui est noble, comme ton homme.
Suis-moi dans le bal­ance­ment du tan­go enivrant,
Un éclat de plaisir, chan­son de notre amour.
Suis-moi dans le tan­go, vibrant d’il­lu­sion.
Ton corps uni au mien, cœur à cœur.

Grâce à ce texte « oublié », on a la sig­ni­fi­ca­tion du nom du tan­go. Il s’ag­it d’un éclat de plaisir, mais rien n’in­ter­di­s­ait aux audi­teurs de l’époque de penser à la viru­ta à enlever du planch­er en dansant comme un Dieu… ou à la viru­ta (rouleau de bil­lets) qu’il fau­dra sor­tir de la chaucha pour pay­er ses petits plaisirs.

La milonga, la Viruta

Il y a à Buenos Aires, une milon­ga assez dif­férente, La Viru­ta. Elle a plusieurs par­tic­u­lar­ités par rap­port aux autres milon­gas de Buenos Aires.

  • On y danse dans la pénom­bre. Cela ne dépay­sera pas cer­tains européens qui pensent que le tan­go se danse dans l’ob­scu­rité, ce qui est tout le con­traire pour la majorité des portègnes qui souhait­ent voir les danseurs et surtout pou­voir faire la mira­da dans de bonnes con­di­tions, la mira­da est presque impos­si­ble à faire à la Viru­ta.
  • Elle est gra­tu­ite après deux heures du matin, ce qui per­met à de nom­breux jeunes de venir occu­per la piste sans se ruin­er. Il est toute­fois à not­er que ces jeunes dansent sur la même musique que leurs grands-par­ents et que s’ils dansent de façon vir­tu­ose, ils respectent les lignes de danse et l’e­space des voisins, notam­ment en effec­tu­ant leurs fig­ures dans un cylin­dre qui se déplace autour de la piste avec régu­lar­ité et pas dans des mou­ve­ments brown­iens.
  • Il y a des médi­alu­nas (vien­nois­eries en forme de crois­sant) à la fin de la nuit.

C’est un des hauts lieux du folklore. Cela peut paraître surprenant vu le public plus jeune, mais toutes les milongas, ou presque proposent des intermèdes de folklore.

On la trou­ve à Arme­nia 1366, au siège de l’as­so­ci­a­tion cul­turelle arméni­enne.

Un OVNI pour par­ler de la milon­ga La Viru­ta de Buenos Aires.

Otra noche en la Viru­ta 2007 — Otros Aires (Miguel Di Géno­va, Omar Mas­sa ; Diego Ramos Letra : Miguel Di Géno­va).

Comme quoi, il n’y a pas que Sas­sone qui sait faire des musiques ennuyeuses, mais là vous avez en prime une vidéo kitch. La milon­ga « la Viru­ta » de Buenos Aires mérit­erait un hom­mage plus sym­pa­thique…

Autres versions

Ce titre a don­né lieu à d’in­nom­brables ver­sions. Je vous en pro­pose quelques-unes par ordre antéchronologique de la ver­sion de Sas­sone à la plus anci­enne en stock.

La viru­ta 1970-04-09 — Orques­ta Florindo Sas­sone. C’est le .
La viru­ta 1967-07-04 — Orques­ta Héc­tor Varela. Une ver­sion énergique et boum boum, qui rap­pelle la ver­sion con­tem­po­raine de l’an­née d’a­vant par D’Arien­zo.
La viru­ta 1966-07-25 — Orques­ta Juan D’Arien­zo. Énergique, mais D’Arien­zo ne fai­sait pas grand-chose d’autres dans les années 60…
La viru­ta 1957-09-27 — Orques­ta Osval­do Frese­do. Je vous vois venir, vous allez penser que Frese­do a copié sur Sas­sone et Varela. Eh bien, non, regardez la date, c’est enreg­istré dix ans plus tôt. Ceux qui pensent que Frese­do, c’est unique­ment la vieille garde se trompent.
La viru­ta 1952-12-12 — Orques­ta . Même Di Sar­li met beau­coup d’én­ergie dans cette ver­sion. Une assez jolie ver­sion, même si les enreg­istrements de 18 952 ne sont pas les meilleurs sur le plan tech­nique.
La viru­ta 1948-07-22 — Orques­ta . Une superbe ver­sion avec un Bia­gi qui fait des vagues au piano. Sans doute une des plus belles ver­sions. À com­par­er à celle qu’il a enreg­istrée douze ans plus tôt avec D’Arien­zo.
La viru­ta 1947-05-16 — Orques­ta Alfre­do Gob­bi. L’orchestre d’Al­fre­do Gob­bi n’est pas très appré­cié des danseurs, mais cette ver­sion de La viru­ta ne démérite pas.
La viru­ta 1943-08-05 — Orques­ta Car­los Di Sar­li, tou­jours en remon­tant le temps, on retrou­ve un Di Sar­li au com­pas mar­qué de façon plus sèche. Il n’a pas encore le « zoom » qui fait entr­er de façon pro­gres­sive les attaques de ses vio­lons.
La viru­ta 1938-12-13 — Quin­te­to dir. Fran­cis­co Canaro. Une ver­sion plus calme, plutôt joli. Légère par la taille de l’orchestre (quin­tette). En plus cette ver­sion est très joueuse. Elle devrait donc plaire à beau­coup de danseurs, mal­gré son air un peu ancien, mais plutôt reposant après les gros pavés que nous venons d’en­ten­dre.
La viru­ta 1936-12-30 — Orques­ta Juan D’Arien­zo. On retrou­ve Bia­gi, cette fois sous la coupe de D’Arien­zo. Le piano est bien plus timide que dans l’ de 1948, mais il y a quelques petites fior­i­t­ures « à la Bia­gi » qui per­me­t­tront aux danseurs qui con­nais­sent bien le titre, de les mar­quer.
La viru­ta 1933-11-09 — Miguel et son Orchestre du Bag­dad. Une ver­sion avec des « fusées de feu d’ar­ti­fice » (comme dans fue­gos arti­fi­ciales). Le com­pas est tou­jours présent, mais sait se faire dis­cret pour laiss­er la parole aux instru­ments solistes. Les attaques des vio­lons évo­quent celles de D’Arien­zo. Le résul­tat est un peu répéti­tif, mais ce titre pour­ra plaire aux ama­teurs de ver­sions peu con­nues et lim­ite canyengue.
En France, il a notam­ment joué à Paris, juste­ment au Bag­dad (168, rue du Faubourg Saint-Hon­oré, Paris 8°). Son petit neveu, Mario Orlan­do est DJ de tan­go à Buenos Aires.
La viru­ta 1928-07-02 — Orques­ta . Une ver­sion qui devient tout de même un peu anci­enne, mais il y a des sons des vio­lons qui méri­tent d’être enten­dus.
La viru­ta 1913 — Cuar­te­to Juan Maglio « Pacho ». Et on ter­mine par l’ar­rière-grand-mère de toutes ces ver­sions. Un rythme soutenu et de jolies notes de flûtes. Peut-être un peu monot­o­ne, les dif­férentes repris­es sont com­pa­ra­bles, même si un petit change­ment appa­raît sur les dernières mesures.

Voilà, nous sommes arrivés au terme du voy­age.

Rien ne vous empêche main­tenant de faire des sauts dans le temps pour retrou­ver votre ver­sion préférée.

La viru­ta.

Silueta porteña 1967-03-17 — Los Siete Del Tango (de Luis Stazo et Orlando Trípodi) con Gloria Velez y Lalo Martel

Nicolas Luis Cuccaro; Letra Orlando D’Aniello ; Ernesto Noli
Direction et arrangements Luis Stazo et Orlando Trípodi

Silue­ta porteña est une superbe qui fait le bon­heur des danseurs. Aujour­d’hui, je vais vous la pro­pos­er dans une ver­sion dif­férente, moins dansante, mais le tan­go ne s’ar­rête pas à la porte de la milon­ga et le duo est superbe. Un sondage en fin d’ar­ti­cle vous per­me­t­tra de don­ner votre avis sur la dans­abil­ité.

Luis Sta­zo (1930–2016) est un très grand mon­sieur du tan­go, tout d’abord comme ban­donéon­iste., mais aus­si comme chef d’orchestre, arrangeur et com­pos­i­teur.
Il est aus­si con­nu pour être le fon­da­teur du Sex­te­to May­or avec , égale­ment ban­donéon­iste. Cet orchestre a tourné dans le monde entier et con­tin­ue de le faire avec les suc­cesseurs des créa­teurs.

Évo­lu­tion de la com­po­si­tion du Sex­te­to May­or. Source https://es.wikipedia.org/wiki/Sexteto_Mayor

Los siete del tan­go est un autre orchestre créé égale­ment par Luis Sta­zo, mais avec Orlan­do Trípo­di. Ils sont les arrangeurs et les chefs de cet orchestre qui a eu une car­rière plutôt réduite, entre 1965 et 1969. Cepen­dant, on con­serve des enreg­istrements, à la fois de com­po­si­tions « clas­siques », comme Silue­ta porteña, notre et des com­po­si­tions de Sta­zo et Trípo­di, comme , qu’ils ont enreg­istré le même jour, le 17 mars 1967.
La com­po­si­tion de l’orchestre est la suiv­ante :

  • Luis Sta­zo au ban­donéon (plus arrange­ments et direc­tion)
  • Orlan­do Trípo­di au piano (plus arrange­ments et direc­tion)
  • Suarez Paz au vio­lon
  • Hec­tor Orte­ga à la gui­tare élec­trique
  • à la basse
  • Les chanteurs sont et pour cet enreg­istrement, mais Rober­to Ech­ague et Olga de Grossi ont enreg­istré d’autres titres.
Silue­ta porteña n’a pas été inté­grée aux qua­tre dis­ques 33 tours réal­isés par l’orchestre (cinq si on compte une dou­ble édi­tion avec les mêmes titres) ni éditée en 45 tours (ce qui fut réservé à seule­ment deux titres, dont celui qui a été enreg­istrée le même jour que Silue­ta porteña, Entre dos. Elle a été pub­lié sur la com­pi­la­tion “Al rit­mo de la milon­gas inovid­ables” par Pam­pa — EMI — Odeon en 1968. C’est le sec­ond titre de la face B. On y trou­ve la date d’en­reg­istrement, 17–3‑67).

Extrait musical

Silue­ta porteña 1967-03-17 — Los Siete Del Tan­go con Glo­ria Velez y Lalo Mar­tel

Les paroles

J’indique égale­ment les paroles de cette ver­sion qui sont un peu dif­férentes, car Glo­ria Velez chante sa par­tie en jouant le rôle de la Silue­ta porteña, con­traire­ment à la ver­sion habituelle ou tout le texte est dit du point de vue de l’homme.

Cuando tú pasas caminando por las tardes, (Cuando yo paso caminando por las calles)
repiqueteando tu taquito en la vereda, (repiqueteando mi taquito en la vereda)  
marcas compases de cadencias melodiosas
de una milonga juguetona y callejera.
Y en tus vaivenes pareciera la bailaras, (Y en los vaivenes pareciera lo bailara)
así te miren y te dicen lo que quieran, (así me miran y me dicen lo que quiera)
porque tú llevas en tu cuerpo la arrogancia  
y el majestuoso ondular de las porteñas.

Tardecita criolla, de límpido cielo
bordado de nubes, llevas en tu pelo.
Vinchita argentina que es todo tu orgullo...
¡Y cuánto sol tienen esos ojos tuyos!

Y los piropos que te dicen los muchachos,
como florcitas que a tu paso te ofrecieran
que las recoges y que enredas en tu pelo,
junto a la vincha con que adornas tu cabeza.
Dice tu cuerpo tu arrogancia y tu cadencia
y tus taquitos provocando en la vereda:
Soy el espíritu criollo hecho silueta
y te coronan la más guapa y más porteña.

Nico­las Luis Cuc­caro ; Juan Ven­tu­ra Cuc­caro Letra Orlan­do D’Aniel­lo ; Ernesto Noli

En rouge ce qui est chan­tée par Glo­ria Velez (Quand c’est un homme qui chante, c’est la par­tie gauche des lignes qui est chan­tée).
En bleu, ce qui est chan­té par Lalo Mar­tel.
En gras, ce qui est chan­té par les deux en duo.
En gras et vert, la reprise finale du refrain par les deux chanteurs, Glo­ria et Lalo.
Le dernier cou­plet n’est pas chan­té dans cette ver­sion
.

Une autre sil­hou­ette portègne jusqu’au bout des ongles

Traduction libre

Quand tu pass­es dans l’après-midi, en faisant cla­quer tes talons sur le trot­toir, tu mar­ques la cadence mélodieuse d’une milon­ga joyeuse et de la rue (il n’y a pas d’équiv­a­lent en français).
Et dans tes allers et retours, tu sem­bles danser, ain­si ils te regar­dent, te par­lent ceux qui aiment, car tu portes dans ton corps, l’ar­ro­gance et la majestueuse ondu­la­tion des Portègnes.
L’après-midi criol­lo, au ciel limpi­de et brodé de nuages, tu le portes dans tes cheveux. Le ruban (ban­nière) argentin(e) qui est toute ta fierté… Et que de soleil con­ti­en­nent tes yeux ! (Elle porte les couleurs de l’Ar­gen­tine sur la tête. Le céleste et le blanc, ain­si que le soleil dans ses yeux).
Et les flat­ter­ies (piro­pos) que te lan­cent les gars, comme des petites fleurs qu’ils offrent à ton pas­sage pour que tu les ramass­es et les laces dans tes cheveux, au côté du ban­deau dont tu ornes ta tête. Ton corps dit ton arro­gance et ta cadence et tes talons pro­fessent sur le trot­toir : je suis l’e­sprit criol­lo fait sil­hou­ette et ils te couron­nent comme la plus belle et la plus portègne.

Sondage

Autres versions

Lors de la pub­li­ca­tion le 17 mars 2024, il n’y avait que la ver­sion de Los Siete Del Tan­go. Un an jour pour jour, plus tard, je vous pro­pose d’autres ver­sions :

Silue­ta porteña 1936-01-14 — Orques­ta Juan D’Arien­zo con Wal­ter Cabral.

Plus ancien enreg­istrement en stock. La voix un peu acide de Cabral n’est pas for­cé­ment la plus agréable, mais c’est tout à fait dans­able.

Silue­ta porteña 1936-07-17 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Rober­to Mai­da.

Cette ver­sion est sans doute celle qui passe le plus sou­vent et c’est jus­ti­fié.

Silue­ta porteña 1956-05-18 — Orques­ta Héc­tor Varela con Argenti­no Ledes­ma.

Vingt ans après la pre­mière vague, Varela donne sa ver­sion. J’aime beau­coup l’in­tro­duc­tion qui bat comme un cœur (je ne suis pas médecin, mais j’e­spère que votre cœur ne bat pas ain­si). Même si l’orchestre de Varela n’est pas le plus appré­cié en milon­ga, je trou­ve cette ver­sion assez sym­pa­thique et il m’ar­rive de la pass­er.

Silue­ta porteña 1956-08-02 — Orques­ta Osval­do Pugliese con Jorge Maciel y Miguel Mon­tero.

Cette ver­sion en duo est jolie, mais sans doute un peu trop liée pour en faire une milon­ga intéres­sante à danser. On se con­tentera donc de l’é­couter avec ravisse­ment.

Silue­ta porteña 1958 — .

Une ver­sion tonique et courte à la flûte et gui­tare. C’est agréable à écouter, mais pas for­cé­ment à danser pour les véri­ta­bles danseurs de milon­ga. Mais cela peut faire plaisir aux timides de la milon­ga.

Silue­ta porteña 1967-03-17 — Los Siete Del Tan­go con Glo­ria Velez y Lalo Mar­tel. C’est notre milon­ga du jour.
Silue­ta porteña 1970 — Orques­ta Dona­to Rac­ciat­ti.

On retrou­ve la tonic­ité et la joie de Rac­ciat­ti dans cet enreg­istrement. Il est sans doute d’un tem­po un peu rapi­de pour la plu­part de danseurs et finale­ment un peu trop réguli­er pour amuser les bons danseurs de milon­ga.

Silue­ta porteña 1971-08-04 — Miguel Vil­las­boas y su Sex­te­to Típi­co.

On reste en Uruguay. Vil­las­boas adopte un tem­po un peu plus mod­éré que son com­pa­tri­ote.

Silue­ta porteña 2003 — . Une autre ver­sion rapi­de, peut-être trop rapi­de, mais avec des danseurs bien échauf­fés et prêts à tout, c’est peut-être à ten­ter. Reste à trou­ver ces danseurs. On retrou­ve un duo.
Silue­ta Porteña 2011 — Luces de Buenos Aires.

On change d’u­nivers et là, on arrive au sum­mum du plat. Ce n’est pas très intéres­sant, à mon avis.

La plu­part des orchestres con­tem­po­rains jouent cette milon­ga et vous pour­rez don­ner en com­men­taire des sou­venirs de vos pas avec un de ces orchestres.

L’après-midi criol­lo, au ciel limpi­de et brodé de nuages, tu le portes dans tes cheveux. La ban­nière argen­tine est toute ta fierté… Et que de soleil con­ti­en­nent tes yeux !

Pimienta 1939-03-10 — Orquesta Osvaldo Fresedo

Osvaldo Fresedo (compositeur)

Frese­do est un vieux de la vieille, mais dont le style a beau­coup évolué au cours de sa longue car­rière de chef d’orchestre. Pimien­ta, est un des fleu­rons de la par­tie la plus intéres­sante de ses 70 ans de tan­go. Il en est le com­pos­i­teur et ici l’in­ter­prète.

Frese­do a com­mencé à jouer en pub­lic à 16 ans, en 1913. À par­tir de 1920, il a com­mencé à enreg­istr­er, jusque dans les années 1980, env­i­ron 1200 titres.

À plus de 90 %, ce sont des tan­gos. Moins de deux pour cent sont des valses ou des milon­gas. Le reste sont dif­férents rythmes, pasodobles, scot­tishs, con­gas, fox-trots, chan­sons, rancheras, rum­bas, shim­mys et autres. En effet, comme beau­coup d’orchestres de tan­go, il jouait d’autres styles, car dans les bals de l’époque se dan­saient de nom­breux styles et pas seule­ment ceux issus du tan­go. Dans les pro­grammes des événe­ments un peu plus con­séquents, il y avait en général deux orchestres annon­cés. Un de tan­go et un de « Jazz » (le reste). N’ou­blions pas qu’il a joué avec Dizzy Gillep­sie.

S’il a enreg­istré avec dif­férents chanteurs, dont et réal­isé de mer­veilleux enreg­istrements avec Rober­to Ray et , la majorité de sa pro­duc­tion de tan­go sont instru­men­taux.

C’est le cas de notre tan­go du jour, Pimien­ta, enreg­istrée le 10 mars 1939 auprès de la RCA Vic­tor. Le numéro de matrice est 12706–1 et le disque est la référence 38682B.

Le même jour, il a enreg­istré avec Ricar­do Ruiz, un tan­go mag­nifique, mais que peu de DJ passent en milon­ga, bien qu’il soit par­faite­ment dans­able. Je vous le pro­pose aus­si à l’é­coute

Extrait musical

Pimien­ta 1939-03-10 Osval­do Frese­do. L’im­pres­sion­nant glis­san­do qui est une car­ac­téris­tique de plusieurs titres de Frese­do donne l’im­pres­sion que quelque chose chute. Comme danseur, il est dif­fi­cile de résis­ter à l’en­vie de faire quelque chose pour mar­quer « l’at­ter­ris­sage ».
Mi gitana 1939-03-10 — Orques­ta Osval­do Frese­do con Ricar­do Ruiz — Juan José Guichan­dut Letra : Enrique Cadí­camo.

Autre versions de Pimienta par Osvaldo Fresedo

De 1939 à 1962, Frese­do a enreg­istré qua­tre fois Pimien­ta. Cela nous donne une idée de la pro­gres­sion de son style sur cette péri­ode.
Voici les qua­tre enreg­istrements par ordre chronologique :

Pimien­ta 1939-03-10 Osval­do Frese­do. C’est l’en­reg­istrement du jour. Un des grands titres pour les .
Pimien­ta 1945 Osval­do Frese­do.

C’est un enreg­istrement pub­lic, à la radio, dans le cadre de la Ron­da Musi­cal de las Améri­c­as. Osval­do Frese­do dirige son Gran Orques­ta Argenti­na avec le mer­veilleux comme pre­mier vio­lon et Emilio Bar­ba­to au piano. J’ai coupé le blabla au début pour ne garder que la musique. La musique est rel­a­tive­ment courte, seule­ment 1,45 minute, sans doute à cause du for­mat imposé par la radio et du bavardage ini­tial (50 sec­on­des). La qual­ité sonore est médiocre comme la plu­part des « graba­ciones radi­ales » (enreg­istrement à la radio), mais on peut remar­quer un cer­tain nom­bre de dif­férences dans l’orches­tra­tion par rap­port à la ver­sion orig­i­nale de 1939.

Pimien­ta 1959-01-23 — Osval­do Frese­do.

Vingt ans après la pre­mière ver­sion, celle-ci est d’un style très dif­férent. Plus « sym­phonique », plus enrichi, avec une orches­tra­tion com­plète­ment renou­velée. On retrou­ve tout de même les chutes, mais il me sem­ble que la danse n’y trou­ve pas son compte. C’est joli, mais je ne le pro­pose pas en milon­ga, mal­gré quelques trou­vailles intéres­santes d’une meilleure super­po­si­tion des plans et des chutes assez impres­sion­nantes.

Pimien­ta 1962-10-04 — Osval­do Frese­do.

Encore dif­férent de la ver­sion de 1959, on trou­ve ici le « Frese­do-Sas­sone ». En effet, on trou­ve dans cette ver­sion les « glings » chers à Sas­sone qui fait que l’on ne retrou­ve pas du tout l’e­sprit de Frese­do tel que le conçoivent les danseurs habitués à ces titres des années 30–40. Mal­gré des impacts intéres­sants, cette ver­sion est sans doute un peu monot­o­ne pour la danse.
En résumé, hormis pour l’, je reste avec la mer­veilleuse ver­sion de 1939.

Qui est pimienta ?

La pimien­ta est le poivre. Je ne pense pas que Frese­do pen­sa à faire l’apolo­gie de cette épice quand il a écrit le titre. N’ayant pas trou­vé d’in­for­ma­tion sur le sujet, j’ai cher­ché d’autres tan­gos par­lant de pimien­ta. Il n’y en a pas dans ma dis­cothèque, pour­tant assez vaste. Il y a bien une milon­ga Azú­car, pimien­ta y sal d’ (Salus­tiano Paco Varela) ; Tití Rossi (Ernesto Ovidio Rossi) et avec des paroles d’ (Abel Mar­i­ano Aznar).

Azú­car, pimien­ta y sal 1973 — Orques­ta Héc­tor Varela con y Jorge Fal­cón

Le sujet est une femme, au car­ac­tère vari­able. Voici ce qu’en dit un des cou­plets, le dernier :

La quiero difí­cil como es,
con su mun­do difer­ente.
Qué impor­ta su mun­do al revés,
sin que cam­bie fácil­mente.
Tam­poco lo que hablen de mi,
porque yo la quiero así.
Así, como es
y angel­i­cal.
¡Así, como es,
azú­car, pimien­ta y sal!

Héc­tor Varela (Salus­tiano Paco Varela) ; Tití Rossi (Ernesto Ovidio Rossi) avec des paroles d’A­bel Aznar (Abel Mar­i­ano Aznar)

Tra­duc­tion :

Je l’aime dif­fi­cile comme elle est, avec son monde dif­férent.
Qu’im­porte son monde à l’en­vers, sans qu’il change facile­ment.
Ni ce qu’ils dis­ent de moi, parce que je l’aime ain­si. Rebelle et angélique. Ain­si, comme elle est le sucre, le poivre et le sel
!

J’ai donc imag­iné que Pimien­ta par­lait d’une femme au car­ac­tère bien mar­qué. C’est ain­si que j’ai pro­posé l’im­age de cou­ver­ture, avec une femme, dis­ons, presque en colère…

Pour ter­min­er, je pro­pose cette beauté « angélique », mais avec une pointe de rébel­lion dans les yeux.

¿Pimien­ta?

Paciencia 1938-03-03 — Orquesta Francisco Canaro con Roberto Maida

Juan D’Arienzo Letra : Francisco Gorrindo

Qui s’in­téresse un peu, même de loin, au tan­go con­naît Pacien­cia, (Patience), de D’Arien­zo et Gor­rindo. Je vous pro­pose de le décou­vrir plus pré­cisé­ment, à par­tir de la ver­sion de Canaro et Mai­da enreg­istrée il y a exacte­ment 86 ans.

Le pré­texte étant le jour d’en­reg­istrement, cela tombe sur cette ver­sion Canaro Mai­da, mais l’au­teur en est D’Arien­zo qui restera fidèle à sa com­po­si­tion toute sa vie.
Je ferai donc la part belle à ses enreg­istrements en fin d’ar­ti­cle.
La beauté et l’o­rig­i­nal­ité des paroles de Fran­cis­co Gor­rindo avec son « Pacien­cia », ont fait beau­coup pour le de ce thème qui a don­né lieu à des ver­sions chan­tées, des chan­sons et même instru­men­tales, ce qui est toute­fois un peu dom­mage 😉

Extrait musical

Pacien­cia 1938-03-03 — Orques­ta con Rober­to Mai­da

Il s’ag­it d’une ver­sion instru­men­tale avec estri­bil­lo réduit au min­i­mum. Rober­to Mai­da chante vrai­ment très peu. La clar­inette de est ici plus présente que lui. On con­state dans cette inter­pré­ta­tion le goût de Canaro pour les instru­ments à vent.

Les paroles

Dans cette ver­sion, les paroles sont réduites au min­i­mum, je vous invite donc à les savour­er avec les autres enreg­istrements de ce titre, sous le chapitre « autres ver­sions ».

Anoche, de nue­vo te vieron mis ojos ;
anoche, de nue­vo te tuve a mi lado.
¡Pa qué te habré vis­to si, después de todo,
fuimos dos extraños miran­do el pasa­do!
Ni vos sos la mis­ma, ni yo soy el mis­mo…
¡Los años! … ¡La vida!… ¡Quién sabe lo qué!…
De una vez por todas mejor la fran­queza:
yo y vos no podemos volver al ayer.

Pacien­cia…
La vida es así.
Quisi­mos jun­tarnos por puro egoís­mo
y el mis­mo egoís­mo nos mues­tra dis­tin­tos.
¿Para qué fin­gir?
Pacien­cia…
La vida es así.
Ninguno es cul­pa­ble, si es que hay una cul­pa.
Por eso, la mano que te di en silen­cio
no tem­bló al par­tir.

Hare­mos de cuen­ta que todo fue un sueño,
que fue una men­ti­ra haber­nos bus­ca­do;
así, bue­na­mente, nos que­da el con­sue­lo
de seguir creyen­do que no hemos cam­bi­a­do.
Yo ten­go un retra­to de aque­l­los veinte años
cuan­do eras del bar­rio el sol famil­iar.
Quiero verte siem­pre lin­da como entonces:
lo que pasó anoche fue un sueño no más.

Juan D’Arien­zo Letra : Fran­cis­co Gor­rindo

Hier soir, à nou­veau mes yeux t’ont vue,
hier soir, à nou­veau, je t’avais de nou­veau à mes côtés.
Pourquoi t’ai-je revue, si au final,
nous fûmes deux étrangers regar­dant le passé !
Ni toi es la même, ni moi suis le même,
Les années, la vie, qui sait ce que c’est ?
Une fois pour toutes, la fran­chise vaut mieux ;
toi et moi ne pou­vons pas revenir en arrière (à hier).

Patience…
la vie est ain­si.

Nous voulions nous rejoin­dre par pur égoïsme
et le même égoïsme nous révèle, dif­férents.
Pourquoi faire sem­blant ?

Patience…
la vie est ain­si.
Per­son­ne n’est coupable, si tant est qu’il y ait une faute.
C’est pourquoi la main que je t’ai ten­due en silence n’a pas trem­blé à la sépa­ra­tion.

Nous fer­ons comme si tout ne fut qu’un rêve,
que c’é­tait un men­songe de nous être cher­ché ;
ain­si, heureuse­ment, nous reste la con­so­la­tion
de con­tin­uer de croire que nous n’avons pas changé.
J’ai un por­trait de ces vingt années-là,
quand du quarti­er, tu étais le soleil fam­i­li­er,
je veux tou­jours te voir jolie comme alors.
Ce qui s’est passé la nuit dernière ne fut qu’un rêve, rien de plus.

Mai­da ne chante que le refrain. Voir ci-dessous, d’autres ver­sions où les paroles sont plus com­plètes.
Le même jour, Canaro enreg­is­trait avec Mai­da, la Milon­ga del corazón.

Milon­ga del corazón 1938-03-03 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Rober­to Mai­da. Une milon­ga qui est tou­jours un suc­cès, 86 ans après son enreg­istrement.

Autres versions

Pacien­cia 1937-10-29 — Orques­ta Juan D’Arien­zo con Enrique Car­bel. C’est le plus ancien enreg­istrement. On pour­rait le pren­dre comme référence. Enrique Car­bel chante le pre­mier cou­plet et le refrain.
Pacien­cia 1938-01-14 — Héc­tor Pala­cios accom­pa­g­né d’une gui­tare et d’une man­do­line. Dans cet enreg­istrement, Héc­tor Pala­cios chante toutes les paroles. Enreg­istré en Uruguay.

Héc­tor Pala­cios est accom­pa­g­né par une gui­tare et une man­do­line. Le choix de la man­do­line est par­ti­c­ulière­ment intéres­sant, car cet instru­ment bien adap­té à la mélodie, con­traire­ment à la gui­tare qui est plus à l’aide dans les accords est le sec­ond « chant » de ce thème, comme une réponse à Mag­a­l­di. On se sou­vient que Gardel men­tionne la man­do­line pour indi­quer la fin des illu­sions « , ya no estás pa’ser­e­natas » ; Range (remet­tre au four­reau, comme une arme) la man­do­line, ce n’est plus le temps des séré­nades. Musique de Fran­cis­co Pracáni­co et paroles d’Ho­ra­cio J. M. Zubiría Man­sill. J’imag­ine que Pala­cios a choisi cet instru­ment pour son aspect nos­tal­gique et pour ren­forcer l’idée de l’il­lu­sion per­due de la recon­struc­tion du cou­ple.

Pacien­cia 1938-01-26 — Agustín Mag­a­l­di con orques­ta.

Comme l’indique l’é­ti­quette du disque, il s’ag­it égale­ment d’une chan­son. L’in­tro­duc­tion très courte (10 sec­on­des) elle présente directe­ment la par­tie chan­tée, sans le début habituel. Mag­a­l­di chante l’in­té­gral­ité des paroles. Le rythme est très lent, Mag­a­l­di assume le fait que c’est une chan­son absol­u­ment pas adap­tée à la danse. On notera sa pronon­ci­a­tion qui « mange le « d » dans cer­tains mots comme la(d)o, pasa(d)o (Pala­cios et d’autres de l’époque, égale­ment).

Pacien­cia 1938-03-03 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Rober­to Mai­da. C’est la ver­sion du jour. On est un peu en manque de paroles avec cette ver­sion, car Mai­da ne chante que le refrain, aucun des cou­plets.
Pacien­cia 1938 — Orques­ta con Luis Scalón.

Cette ver­sion est con­tem­po­raine de celle enreg­istrée par son frère. Elle a été enreg­istrée en France. Son style bien que proche de celui de son frère dif­fère par des sonorités dif­férentes, l’ab­sence de la clar­inette et par le fait que Scalón chante en plus du refrain le pre­mier cou­plet (comme l’en­reg­is­tra Car­bel avec D’Arien­zo, l’an­née précé­dente.

Pacien­cia 1948 — Orques­ta Típi­ca Bachicha con Ler­e­na.

Encore une ver­sion enreg­istrée en France. Ler­e­na chante deux fois le refrain avec un très joli trait de vio­lon entre les deux. Le dernier cou­plet est passé sous silence.

Pacien­cia 1951-09-14 — Orques­ta Juan D’Arien­zo con Alber­to Echagüe.

14 ans plus tard, D’Arien­zo réen­reg­istre ce titre avec Echagüe. Dans cette ver­sion, Echagüe chante presque tout, sauf la pre­mière moitié du dernier cou­plet dont il n’u­tilise que « Yo ten­go un retra­to de aque­l­los veinte años […] lo que pasó anoche fue un sueño no más. Le rythme mar­qué de D’Arien­zo est typ­ique de cette péri­ode et c’est égale­ment une très belle ver­sion de danse, même si j’ai per­son­nelle­ment un faible pour la ver­sion de 1937.

Pacien­cia 1951-10-26 — Orques­ta Héc­tor Varela con Rodol­fo Lesi­ca. Dans un style tout dif­férent de l’en­reg­istrement légère­ment antérieur de D’Arien­zo, la ver­sion de Varela et Des­i­ca est plus « déco­ra­tive ». On notera toute­fois que Lesi­ca chante exacte­ment la même par­tie du texte qu’Echagüe.
Pacien­cia 1959-03-02 — accom­pa­g­né par . Dans cet enreg­istrement, Rufi­no nous livre une chan­son, jolie, mais pas des­tinée à la danse. Toutes les paroles sont chan­tées et le refrain, l’est, deux fois.
Pacien­cia 1961-08-10 — Orques­ta Juan D’Arien­zo con Hora­cio Pal­ma.

Comme dans la ver­sion enreg­istrée avec Echagüe, dix ans aupar­a­vant, les paroles sont presque com­plètes, il ne manque que la pre­mière par­tie du dernier cou­plet. Une ver­sion énergique, typ­ique d’El Rey del com­pas et Pal­ma se plie à cette cadence, ce qui en fait une ver­sion dans­able, ce qui n’est pas tou­jours le cas avec ce chanteur qui pousse plutôt du côté de la chan­son.

Pacien­cia 1964 — Luis Tue­bols et son Orchestre typ­ique argentin. Encore une ver­sion enreg­istrée en France, mais cette fois, instru­men­tale, ce qui est dom­mage, mais qui me per­met de mon­tr­er une autre facette de ce titre.
Pacien­cia 1970-12-16 — Orques­ta Juan D’Arien­zo con Alber­to Echagüe.

D’Arien­zo et Echagüe ont beau­coup inter­prété à la fin des années 60 et jusqu’à la mort de D’Arien­zo Pacien­cia dans leurs con­certs. Cette ver­sion de stu­dio est de meilleure qual­ité pour l’é­coute, mais il est tou­jours sym­pa­thique de voir D’Arien­zo se démen­er.

Vidéo enreg­istrée en Uruguay (Canal 4) en décem­bre 1969 (et pas févri­er 1964 comme indiqué dans cette vidéo).

Après la mort de D’Arien­zo, les solis­tas de D’Arien­zo l’en­reg­istrèrent à divers­es repris­es, ain­si que des dizaines d’autres orchestres, Pacien­cia étant un des mon­u­ments du tan­go.

J’ai ici une pen­sée pour mon ami Ruben Guer­ra, qui chan­tait Pacien­cia et qui nous a quit­tés trop tôt. Ici, à la milon­ga d’El Puchu à Obelis­co Tan­go à , milon­ga que j’ai eu l’hon­neur de musi­calis­er en dou­blette avec mon ami Quique Camar­go.

Ruben Guer­ra, Pacien­cia, milon­ga d’El Puchu à Obelis­co Tan­go à Buenos Aires.18 août 2017.