Archives par étiquette : Joaquín Gómez Bas

Cornetín 1943-03-05 Orquesta Carlos Di Sarli con Roberto Rufino

Pedro Maffia Letra : Homero Manzi ;

Le tan­go du jour, Cor­netín, évoque le cor­net autre­fois util­isé par les « con­duc­tors» del tran­vía a motor de san­gre (les chargés de clien­tèle des tramways à moteur de sang, c’est-à-dire à trac­tion ani­male). Il a été enreg­istré il y a exacte­ment 81 ans.

Éléments d’histoire du tranvía, le tramway de Buenos Aires)

Les pre­miers tramways étaient donc à trac­tion ani­male. Vous aurez noté que les Argentins dis­ent à moteur de sang pour ce qui est trac­tion humaine et ani­male. Cela peut paraître étrange, mais quand on pense au prix que payaient les chevaux qui tiraient les tran­vías de Buenos Aires, l’ex­pres­sion est assez par­lante.

Tran­vías a motor de san­gre en la Boca (Puente Puyrre­don)

En effet, à Buenos Aires, les chevaux étaient dure­ment exploités et avaient une durée d’u­til­i­sa­tion d’en­v­i­ron deux ans avant d’être hors d’usage con­tre une dizaine d’an­nées en Europe, région où le cheval coû­tait cher et était donc un peu plus préservé.
Nous avons déjà vu les cale­si­tas qui étaient ani­mées par un cheval, jusqu’à ce que ce soit inter­dit, tout comme, il n’y a que très peu d’an­nées, les car­toneros de Buenos Aires n’aient plus le droit d’u­tilis­er des chevaux. L’ironie de l’his­toire est que l’ar­rêt de l’u­til­i­sa­tion des chevaux a été édic­té pour éviter la cru­auté envers les ani­maux, mais main­tenant, ce sont des hommes qui tirent les char­rettes de ce qu’ils ont récupéré dans les poubelles.
Dans la Province de Buenos Aires, le pas­sage de la trac­tion ani­male à la trac­tion élec­trique s’est fait autour de 1915, sauf pour quelques com­pag­nies résis­tantes à ce change­ment et qui ont con­tin­ué jusqu’à la fin des années 20.
Il faut aus­si not­er que la réti­cence des pas­sagers à la trac­tion élec­trique, avec la peur d’être élec­tro­cuté, est aus­si allée dans ce sens. Il faut dire que les étin­celles et le tin­te­ment des roues de métal sur les rails pou­vaient paraître inquié­tants. Je me sou­viens que quand j’é­tais gamin, j’aimais regarder le con­duc­teur du métro, fasciné par les nuées d’ét­in­celles qui explo­saient dans son habita­cle. Je me sou­viens égale­ment d’un con­duc­teur qui don­nait des coups avec une bat­te en bois sur je ne sais quel équipement élec­trique, situé à la gauche de la cab­ine. C’é­tait le temps des voitures de métro en bois, elles avaient leur charme.

Retour au cornetín

Celui qui tenait le cor­netín, c’est le con­duc­tor. Atten­tion, il n’est pas celui qui mène l’at­te­lage ou qui con­duit les tramways élec­triques, c’est celui qui s’oc­cupe des pas­sagers. Le nom peut effec­tive­ment porter à con­fu­sion. Le con­duc­teur, c’est le may­oral que l’on retrou­ve égale­ment, héros de dif­férents tan­gos que je présen­terai en fin d’ar­ti­cle.
Le cor­netín ser­vait à la com­mu­ni­ca­tion entre le may­oral (à l’a­vant) et le con­duc­tor à l’ar­rière). Le pre­mier avait une cloche pour indi­quer qu’il allait don­ner le départ et le sec­ond un cor­net qui ser­vait à aver­tir le con­duc­teur qu’il devait s’ar­rêter à la suite d’un prob­lème de pas­sager. Le con­duc­teur abu­sait par­fois de son instru­ment pour présen­ter ses hom­mages à de jolies pas­santes.
C’est l’his­toire de ce tan­go.

Extrait musical

Cor­netín 1943-03-05 — Orques­ta Car­los Di Sar­li con Rober­to Rufi­no

Les paroles

Tarí, Tarí.
Lo apelan Roque Barul­lo
con­duc­tor del Nacional.

Con su tramway, sin cuar­ta ni cinchón,
sabe cruzar el bar­rancón de Cuyo (al sur).
El cor­netín, col­ga­do de un piolín,
y en el ojal un medal­lón de yuyo.

Tarí, tarí.
y el cuer­no lis­to al arrul­lo
si hay en un zaguán.

Calá, que lin­da está la moza,
calá, bar­rien­do la vere­da,
Mirá, mirá que bien le que­da,
mirá, la pol­leri­ta rosa.
Frená, que va a subir la vie­ja,
frená porque se que­ja,
si está en movimien­to.
Calá, calá que sopla el vien­to,
calá, calá calami­dad.

Tarí, tarí,
tro­ta la yun­ta,
palo­mas cha­pale­an­do en el bar­ri­al.

Talán, tilín,
resue­na el cam­panín
del may­oral
pican­do en son de bro­ma
y el con­duc­tor
cas­ti­ga sin parar
para pasar
sin papelón la loma
Tarí, tarí,
que a lo mejor se le aso­ma,
cualquier moza de un por­tal

Qué lin­da esta la moza,
bar­rien­do la vere­da,
mirá que bien le que­da,
la pol­leri­ta rosa.
Frená, que va a subir la vie­ja,
Frená porque se que­ja
si está en movimien­to,
calá, calá que sopla el vien­to,
calá, calá calami­dad.

Tarí, Tarí.
Con­duce Roque Barul­lo
de la línea Nacional.

Pedro Maf­fia Letra : Home­ro Manzi ; Cátu­lo Castil­lo

Par­mi les détails amu­sants :

On notera le nom du con­duc­teur du tran­vía, Barul­lo, qui en lun­far­do veut dire bagar­reur. Encore un tan­go qui fait le por­trait d’un com­padri­to d’opérette. Celui-ci fait ralen­tir le tran­vía pour faciliter la mon­tée d’une anci­enne ou d’une belle ou tout sim­ple­ment admir­er une serveuse sur le trot­toir.

Le Tarí, Tarí, ou Tará, Tarí est bien sûr le son du cor­netín.

“sabe cruzar el bar­rancón de Cuyo” – El bar­rancón de Cuyo est un ravin, comme si le tran­vía allait s’y ris­quer. Cela a dû paraître extrav­a­gant, car dans cer­taines ver­sions, c’est tout sim­ple­ment rem­placé par el sur (dans le même sens que le Sur de la chan­son de ce nom qui est d’ailleurs écrite par le même Home­ro Manzi. D’ailleurs la ligne “nacionale” pou­vait s’adress­er à celle de Lacroze qui allait effec­tive­ment dans le sud.

Tangos sur le tranvía

Cornetín (le thème du jour de Pedro Maffia Letra : Homero Manzi; Cátulo Castillo)

El cor­netín (Cor­netín) 1942-12-29 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Car­los Roldán.

C’est le pre­mier de la série à être enreg­istré.

Cor­netín 1943-03-05 — Orques­ta Car­los Di Sar­li con Rober­to Rufi­no. C’est le tan­go du jour.

Cor­netín 1943-04-05 — Lib­er­tad Lamar­que con orques­ta dirigi­da por Mario Mau­ra­no.

Cor­netín 1943-04-05 — Lib­er­tad Lamar­que con orques­ta dirigi­da por Mario Mau­ra­no.

Cette chan­son a été enreg­istrée un mois, jour pour jour, après la ver­sion de Di Sar­li. Cette ver­sion, plutôt chan­son est tout de même dan­sée dans le film Eclipse de sol de Luis Saslavsky d’après un scé­nario d’Home­ro Manzi tiré de l’œu­vre d’En­rique Gar­cía Vel­loso. Le film est sor­ti le 1er juil­let 1943.
Cet extrait nous per­met de voir com­ment était organ­isé un tran­vía a motor de san­gre, avec son may­oral à l’a­vant, con­duisant les chevaux et son con­duc­tor, à l’ar­rière, armé de son cor­netín.

Cor­netín 1950-07-28 con el con­jun­to de gui­tar­ras de Rober­to Grela.

Après une courte intro sur un rythme à trois temps, Nel­ly Omar chante sur un rythme d’ha­banera. Le résul­tat est très sym­pa, l’équili­bre entre la voix de Nel­ly et la gui­tare de Rober­to Grela et ses fior­i­t­ures est agréable.

  • Je vous dis­pense de la ver­sion de De Ange­lis de 1976…

Autres titres parlant du tranvía

1908 Los Gob­bi (Alfre­do Gob­bi y Flo­ra Gob­bi) — Ángel Gre­go­rio Vil­lol­do (MyL).

Le son est pénible à écouter, c’est un des tout pre­miers enreg­istrements et c’est plus un dia­logue qu’une chan­son. C’est pour l’in­térêt his­torique, je ne vous en voudrai pas si vous ne l’é­coutez pas en entier.

El cor­netín del tran­vía 1938-06-09 – Orques­ta con / Anto­nio Oscar Arona Letra : Arman­do Tagi­ni. Une belle ver­sion de ce titre.
El may­oral 1946-04-24 (milon­ga can­dombe) — Orques­ta Domin­go Fed­eri­co con Oscar Larroca.mp 3/José Vázquez Vigo Letra: Joaquín Gómez Bas.

Au début, les annonces du départ et le adios final, vrai­ment théâ­tral. Sans doute pas le meilleur de Laroc­ca.

El may­oral del tran­vía (milon­ga) 1946-04-26 Orques­ta Alfre­do De Ange­lis con Julio Mar­tel / Fran­cis­co Laino; Car­los Mayel (MyL)
Milon­ga del may­oral 1953 — Orques­ta con Jorge Casal y arrange­ments d’/Aníbal Troi­lo Letra: Cátu­lo Castil­lo

Un tango qui est plus une nostalgie de l’époque des tranvías

En effet, les tran­vías ont ter­miné leur car­rière à Buenos Aires en 1962, soit env­i­ron un siè­cle après le début de l’aven­ture.

Tiem­po de tran­vías 1981-07-01 Orques­ta Osval­do Pugliese con Abel Cór­do­ba / Raúl Miguel Garel­lo Letra : Héc­tor Negro.

Un truc qui peut plaire à cer­tains, mais qui n’a aucune chance de pass­er dans une de mes milon­gas. L’in­tro de 20 sec­on­des, sif­flée, est assez orig­i­nale. On croirait du Mor­ri­cone, mais dans le cas présent, c’est un tran­vía, pas un train qui passe.

Tiem­po de tran­vías 2012 — Nel­son Pino accom­pa­g­ne­ment musi­cal Quin­te­to Nés­tor Vaz / Raúl Miguel Garel­lo Letra : Héc­tor Negro.

Petits plus

« Los cocheros y may­orales ebrios, en ser­vi­cio, serán cas­ti­ga­dos con una mul­ta de cin­co pesos mon­e­da nacional, que se hará efec­ti­va por medio de la empre­sa ». Les cochers et con­duc­teurs (plus tard, on dira les

On appelle sou­vent les colec­tivos de Buenos Aires « Bondis ». Ce nom vient du nom brésilien des tramways, « Bonde ». Sans doute une autre preuve de la nos­tal­gie du tran­vía per­du.

Quelques sources

Tran­vías a motor de san­gre en la Boca (Puente Puyrre­don)
Un des pre­miers tramways élec­triques à avoir une grille pour sauver les pié­tons qui seraient per­cutés par le tramway. Cette grille pou­vait se relever à l’aide d’une chaîne dont l’ex­trémité est dans la cab­ine de con­duite.
Motor­man lev­ant la rejil­la 1948 (Doc­u­ment générales de la nation Argen­tine)

5 Coches del Tran­vía eléc­tri­co de la calle Las Heras, doble pisos.

Coches del Tran­vía eléc­tri­co de la calle Las Heras, doble pisos.
Recon­sti­tu­tion du tran­vía du film “Eclipse de sol”, car il n’ap­pa­rait pas en entier dans le film, car la scène est trop petite.
À l’époque de notre tan­go (ici en 1938, donc 3 ans avant), c’est ce type de tramway qui cir­cule. on com­prend la nos­tal­gie des temps anciens.
Traf­ic com­pliqué sur la Plaza de Mayo en 1934. À l’ar­rière-plan, les colonnes de la cathé­drale. Trois tran­vías élec­triques essayent de se fray­er un pas­sage. On remar­que la grille des­tinée à éviter aux pié­tons de pass­er sous le tramway en cas de col­li­sion.