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Otra vez carnaval (Noche de carnaval) 1942-01-03 – Orquesta Carlos Di Sarli con Roberto Rufino

Letra: Francisco García Jiménez

Le Carnaval était, , , des orchestres se regroupaient pour proposer des orchestres immenses et des milliers de danseurs « tanguaient » sur les pistes plus ou moins improvisées, dans les rues, , comme le Luna Park. Mais Carnaval, c’était bien plus que le seul tango. C’était un moment de libération dans une vie souvent difficile et parfois, l’occasion de rencontres, comme celle que nous narre ce tango de Di Sarli.

Extrait musical

Otra vez carnaval (Noche de carnaval) 1942-01-03 – Orquesta Carlos Di Sarli con .
Partition de piano de Otra vez carnaval de Di Sarli et Jiménez.

Paroles

En los ojos llevaba la noche
y el amor en la boca…
Carnaval en su coche
la paseaba triunfal.
Serpentina de mágico vuelo
fue su amor de una noche;
serpentina que luego arrastró mi dolor
enredada en las ruedas de un coche
cuando el corso en la sombra quedó…

Otra vez, Carnaval,
en tu noche me cita
la misma bonita
y audaz mascarita…
Otra vez, Carnaval,
otra vez, como ayer,
sus locos amores
le vuelvo a creer.
Y acaso la llore
mañana otra vez…

Fugitivas se irán en la aurora
la ventura y la risa…
¡Tendrán todas mis horas
una gris soledad!
En mis labios habrá la ceniza
de su nuevo desaire;
y despojos del sueño tan sólo serán,
un perfume rondando en el aire
y en el suelo un pequeño antifaz…
Carlos Di Sarli Letra: Francisco García Jiménez

libre

Dans ses yeux, elle portait la nuit et l’amour à la bouche…
Carnaval dans son char la faisait défiler triomphalement.
Un serpentin de vol magique fut son amour d’une nuit ;
serpentin qui ensuite traîna ma douleur empêtrée dans les roues d’une voiture lorsque le char dans l’ombre s’immobilisa…

Encore une fois, Carnaval, dans ta nuit, me donna rendez-vous, la même belle et audacieuse, masquée…
Encore une fois, Carnaval, encore une fois, comme hier, ses amours folles, je reviens à les croire.
Et peut-être que je la pleurerai demain, encore une fois…

Les fugitives s’en iront dans l’aurore, la fortune et les rires…
Toutes mes heures auront une solitude grise !
Sur mes lèvres resteront les cendres de son nouveau camouflet ;
et les restes du rêve ne seront plus qu’un parfum planant dans l’air et sur le sol un petit masque…

Autres versions

Otra vez carnaval (Noche de carnaval) 1942-01-03 – Orquesta Carlos Di Sarli con Roberto Rufino. C’est notre tango du jour.
Otra vez carnaval (Noche de carnaval) 1947-01-14 – Orquesta Carlos Di Sarli con Jorge Durán. Cinq ans plus tard, nouveau chanteur. Di Sarli réenregistre sa composition.
Otra vez carnaval 1981-08-12 – con . Une version à écouter.

Carnaval

Les festivités de Carnaval se sont vues à plusieurs reprises interdites en Argentine. Il faut dire qu’au XIXe siècle, cela donnait souvent lieu à des débordements.
Il s’agissait de manifestations plutôt spontanées jusqu’au dix-neuvième siècle, elles furent interdites ou limitées à certains lieux, notamment dans le cadre de la limitation des populations d’origine africaines.

1869, l’état autorise le carnaval et l’organise

C’est Sarmiento, de retour d’un voyage en Italie où il avait assisté aux festivités de Carnaval, qui les a rétablies officiellement en 1869 sous la forme du défilé.

Défilé en 1931, 1940 et de nos jours (Gualeguaychú, province de Entre Ríos).

Tango et carnaval

Les orchestres étaient mis à contribution et, durant les décennies tango, les orchestres de tango faisaient danser plusieurs milliers de couples. Pas seulement à Buenos Aires, mais aussi à Montevideo et Rosario, notamment.

Affiches de carnavals. 1917 Firpo et Canaro – 1940 (Jazz), Canaro, Fresedo et D’Arienzo (voir le petit jeu en fin d’article). Ensuite, Di Sarli et enfin une affiche de 1950 avec Troilo et De Angelis.

Exemple de règlement mis en place durant la dictature militaire (Cordoba, 1976/02/23)

La plus récente prohibition fut partielle. C’était pendant la dernière dictature du vingtième siècle. Le Carnaval n’avait pas été aboli, mais deux conditions avaient été posées :
“Se prohíbe el uso de disfraces que atenten contra la moral y la decencia públicas: militares, policiales, vestiduras sacerdotales y los que ridiculicen a las autoridades del Estado u otras naciones.
-Está permitido de 9 a 19, jugar con agua en buenas condiciones de higiene, globitos y pomos.”
« L’utilisation de costumes qui violent la moralité publique et la décence est interdite : uniformes militaires, uniformes de police, vêtements sacerdotaux et ceux qui ridiculisent les autorités de l’État ou d’autres nations. (On notera que la lecture peut être à double niveau et que l’on pourrait y considérer les vêtements militaires et sacerdotaux comme indécents…)
-Il est permis de 9 h à 19 h de jouer avec l’eau dans de bonnes conditions d’hygiène, les ballons et les pommeaux. » (Les jeux d’eau sont en effet courants, il faut dire que l’époque du carnaval correspond au plein été en Argentine).

Les jeux avec l’eau sont restés permis pendant la dictature.

Cependant, durant la Dictature, il n’y a pas eu de Carnaval proprement dit, pas de défilés et de grandes fêtes populaires.

La fin de la dictature et le retour du Carnaval

Lorsque Alfonsin fut élu en 1983, il mit en œuvre son programme « Avec la démocratie on mange, on se soigne et on s’éduque ». L’année suivante, le carnaval de nouveau libéré a pris une saveur particulière et, peu à peu, les tentatives de coup d’État se sont espacées et la démocratie s’est implantée pour une quarantaine d’années.

Le carnaval de 1984 est important, car il fête le retour de la démocratie et, par la même, le retour du Carnaval sous sa forme habituelle.

En 2023, le congrès portait des banderoles 40 ans de démocratie, en souvenir de cette époque.

Le gouvernement précédent avait fait placer deux banderoles, de part et d’autre de l’entrée des députés au Congrès (Congreso). J’ai pris cette photo, peu de temps après le changement de gouvernement. Une des banderoles avait disparu. On remarquera une scène étonnante, ce livreur qui dort sur la chaussée (emplacement réservé aux voitures officielles). Il ne reste bien sûr plus de banderole aujourd’hui et les indigents sont priés de dormir hors de la ville. Les matelas de fortune et les maigres possessions de ces personnes sont brûlés. Cela semble fonctionner, on rencontre beaucoup moins de personnes dormant dehors maintenant. Mais il suffit de franchir les limites de la ville pour constater que ce n’est pas une amélioration de la situation des plus pauvres, mais un simple « nettoyage ».

Petit jeu (très facile)

Observez cette affiche et attribuez à chaque chef d’orchestre son ou ses chanteurs…

Affiche de la Radio El Mundo de Buenos Aires pour le Carnaval de 1940.
À gauche les orchestres et à droite les chanteurs…

Réponse au petit jeu

J’imagine que vous n’avez pas trop eu de difficulté pour ce qui est de raccorder les orchestres avec leurs chanteurs de tango.
Il restait ensuite deux noms, Eddie Kay et Rudy Green, qu’il semble donc logique d’associer, car ils sont moins connus.
Eddie Kay, pianiste né en Italie et qui est passé auparavant par les États-Unis pour sa formation musicale avant de retourner en Italie, puis de s’installer en Argentine.
Étant donné son passé en Amérique du Nord, il est tentant d’en faire un musicien de jazz. On n’aurait pas tort, mais sa rencontre avec Gardel, qui se transforma en amitié, a fait qu’il a élargi ses horizons et a également composé des tangos. Cependant, en ce qui concerne l’affiche de notre jeu, il intervenait bien comme orchestre de jazz (Foxtrots, valses et danses importées d’Amérique du Nord). Son groupe Alabama Jazz, a un nom qui marque bien les ambitions de cet orchestre, tout comme le pseudonyme Eddie Kay car son nom véritable était Edmundo Tulli, ce qui fait nettement moins, jazzman.
Il reste Rudy Green. Là, je n’ai pas trouvé trace du bonhomme. Il y a bien un Rudy Green, mais celui-ci était noir et avait commencé sa carrière en 1946 à Nashville alors qu’il avait 14 ans. Il s’agit donc forcément d’un autre Rudy Green, le type sur l’affiche n’a pas une tête de gamin noir de 8 ans…
Je ne sais donc pas si ce chanteur était associé à Eddie Kay, mais, par son nom ou pseudonyme, on peut penser qu’il gravitait également autour du Jazz. Peut-être qu’un jour la lumière se fera sur ce point et alors, je vous en aviserai.

Les réponses. Le lien entre Eddie Kay et Rudy Green est une hypothèse, fort probable, mais sans garantie…

Un petit cadeau

J’ai monté quelques images fixes et animées de Carnaval. Cela vous permettra de vous faire une idée du phénomène.

Quelques images de Carnaval de 1889 à nos jours.

À bientôt, les amis !

Un tango y nada más 1945-07-05 — Orquesta Carlos Di Sarli con Jorge Durán

 ; Juan Pomati Letra:

Deux Bahienses sont à l’origine de notre tango du jour. Un pour la composition et l’autre pour l’interprétation. Pour être précis, un seul des compositeurs, Armando Lacava est de . Juan Pomati est né pour sa part en Italie, à Milan. Quoi qu’il en soit, Di Sarli a enregistré ce tango, tout juste composé.

Les pianistes bahienses et les autres…

et Armando Lacava, les deux pianistes de Bahía Blanca.

La mise en avant des pianistes de Bahía Blanca ne devrait pas faire passer à l’arrière-plan la contribution de Juan Pomati, le bandonéoniste qui a co-composé avec Lacava. Il était en effet un copiste très recherché à une époque où il n’existait pas de photocopieuses et a de son côté composé un certain nombre de titres dont une bonne part co-signée avec Tití Rossi dont il était un des bandonéonistes de l’orchestre. Impossible d’avoir une photo de lui, ce récent arrivée d’Italie est resté trop discret.

En revanche, j’ai une photo de l’auteur des paroles, Carlos Waiss.

Carlos Waiss

Extrait musical

Un tango y nada más 1945-07-05 – Orquesta Carlos Di Sarli con .

Dès les premières notes, le piano de Di Sarli fait merveille. Il marque le tempo et donne un parfait contrepoint aux violons qui se balancent au-dessus. Tout s’enchaîne, s’harmonise. La voix de Durán lance les paroles avec un rubato qui donnera de l’élan au danseur, un balancement qui dynamisera la créativité de l’improvisation.
Le tango se termine avec un tutti incluant la voix de Durán et qui se perd dans .

Paroles

Un tango más, un gorrión de barrio viejo
llega moliendo su cruel desilusión.
Rodando van los recuerdos de mi vida,
mi vida gris que no tiene ya canción.
Dónde estarán los que fueron compañeros,
mi amor primero de un claro anochecer,
y ese silbido llamando de la esquina
hacia el calor de aquel viejo café.

Quién sabe dónde está
lo que perdí, loco de afán.
Del tiempo que pasó
sólo quedó un tango más.

Tan sólo un tango más que trae
fracaso de no ser,
cansancio de mi andar.
La vida que al rodar, sólo dejó,
un tango y nada más
.

Un tango más, un gorrión de barrio viejo
tiembla en la sombra doliente del ayer.
Un tango más, y el juguete de la luna
vuelve a mentir en el triste anochecer.
Mi juventud la quemé en la cruz viajera
en la quimera de andar, siempre de andar.
Buscan mis ansias calor de primavera
y sólo hay un tango y nada más.

Armando Lacava ; Juan Pomati Letra: Carlos Waiss

Durán chante ce qui est en gras et termine en chantant de nouveau ce qui est en bleu.

Julio Martel chante également ce qui est en gras, mais il reprend ce qui est en rouge, puis ce qui est en bleu pour terminer. Aucun des deux ne chante le dernier couplet.

chante en plus de Julio Martel, la fin du dernier couplet (ce qui est en vert).

Traduction libre et indications

Un tango de plus, un moineau du vieux quartier arrive, ruminant sa cruelle désillusion (un gorrión en plus d’être un moineau est un profiteur, un pique-assiette).
Les de ma vie, ma vie grise qui n’a plus de chanson.
Où seront ceux qui étaient des compagnons, mon premier amour d’une soirée claire, et ce sifflement invitant depuis l’angle de la rue à la chaleur de ce vieux café.
Qui sait où est ce que j’ai perdu, fou d’impatience.
Du temps qui s’est écoulé, il ne restait plus qu’un tango.
Juste un tango de plus qui apporte l’échec de ne pas être, la fatigue de ma marche.
La vie qui en roulant n’a laissé qu’un tango et rien de plus.
Un tango de plus, un moineau du vieux quartier tremble dans l’ombre souffrante d’hier.
Un tango de plus, et le jouet de la lune recommence à mentir dans le triste crépuscule.
J’ai brûlé ma jeunesse sur la croix de voyage dans la chimère de la marche, toujours de la marche.
Ils cherchent mon désir de chaleur printanière et il n’y a qu’un tango et rien de plus.

Autres versions

Pas beaucoup d’enregistrement pour ce thème, mais il faut dire que la merveille de Di Sarli et Durán ne laissait pas beaucoup d’autres options aux autres orchestres.

Un tango y nada más 1945-07-05 – Orquesta Carlos Di Sarli con Jorge Durán. C’est notre tango du jour.
Un tango y nada más 1945-07-17 — Orquesta con Julio Martel.

De Angelis enregistre le titre 12 jours après Di Sarli. Ce n’est pas vilain et relativement dansant, mais sans doute pas aussi satisfaisant que la version de Di Sarli avec Durán.

Un tango y nada más 1986 – Orquesta con Eduardo Borda.

Cette version tardive date d’une époque où le tango de danse n’avait pas encore complètement retrouvé sa place. La jolie voix chaude de Borda donne plaisir à écouter ce titre, mais les danseurs n’y trouveront pas leur compte.

Un tango y nada más 2013-11-01 — Ariel Ardit. Ariel Ardit donne sa vision de l’œuvre.

Comme pour Borda, je n’irai pas proposer cela à des danseurs.

On pourrait continuer avec des tangos avec « nada más » dans le titre, il y en a près d’une vingtaine avec au moins un enregistrement… Mais ce sera pour une autre fois.

À demain les amis !

Para qué te quiero tanto 1946-05-03 – Orquesta Carlos Di Sarli con Jorge Durán

Letra : Cátulo Castillo

Para qué te quiero tanto. Ce joli thème a été enregistré quatre fois en moins d’un an. Les quatre versions sont différentes, émouvantes et dansantes. Quatre belles réussites dont la quatrième fête ses 78 ans aujourd’hui.

Cátulo Castillo (Ovidio Cátulo González Castillo) et Juan Larenza

On doit à Catulo Castillo des centaines de tangos (paroles, musiques ou les deux). Citons simplement :

  • Organito de la tarde (musique)
  • Silbando (musique avec Sebastián Piana)
  • El último café (paroles)
  • Caserón de tejas (paroles)
  • Una vez (paroles)

On doit aussi la musique de quelques titres à Juan Larenza, dont Guapeando, Flores del alma et querida. On pourrait aussi citer la zamba Mamá vieja que De Angelis a adapté en valse…
Le moins que l’on puisse dire est que cette combinaison est particulièrement réussie, comme en témoigne la qualité des quatre enregistrements réalisés.
Cette association a donné lieu à d’autres œuvres, comme :
Están sonando las ocho, mais qui n’a été enregistré que par avec Horacio Quintana.
Más allá todavía, enregistré par Orquesta avec Orlando Verri.
No vuelvas María, une valse géniale et entraînante enregistrée par Alfredo De Angelis avec Carlos Dante y . C’est la seule composition commune qui sort du lot en dehors, bien sûr de Para qué te quiero tanto.
Patrona, une milonga un peu bavarde, enregistrée par Alfredo De Angelis avec Carlos Dante.
Somos los dos, une bluette enregistrée par Alfredo De Angelis avec .

Extrait musical

Para qué te quiero tanto 1946-05-03 — Orquesta Carlos Di Sarli con Jorge Durán.

Paroles

Fue tu sombra oscura…
Fue el castigo de tu adiós…
Fue esta ausencia de ternura
que me amarra a la tortura
de tu voz…
Qué fatal encanto
me encadena a tu desdén,
cuando grito hasta el quebranto…
¿Para qué te quiero tanto,
para qué?

Para qué te quiero tanto
si no puedo ser feliz,
si vivir es un espanto…
si al morir te llevo en mí.
¡Tu amor !… ¡Tu amor !…
traidor que una vez
dejó entre mis cenizas
sus brasas y se fue…
¡Tu amor !… ¡Tu amor !…
Que clamo desde aquí,
cuando oigo que tus risas
se burlan de mí…

¡Cuánto mal me hiciste !…
Llueve siempre en el ayer,
con la lluvia mansa y triste
de la tarde en que te fuiste
sin volver…
Fue tu sombra oscura…
Fue el castigo de tu adiós…
Y es la hiel de esta amargura
que me amarra a la tortura
de tu voz.

Juan Larenza Letra: Cátulo Castillo

Traduction libre

C’est ton ombre noire…
C’est la punition de ton adieu…
C’est cette absence de tendresse qui me lie à la torture de ta voix…
Quel charme fatal m’enchaîne à ton dédain, quand je crie jusqu’à la rupture (des cordes vocales)…
Pourquoi je t’aime tant, pourquoi ?

Pourquoi est-ce que je t’aime tant si je ne peux pas être heureux, si vivre est terrifiant…
si jusqu’à la mort, je te porte en moi.
Ton amour !… Ton amour !… Ce traître qui a laissé ses braises dans mes cendres et s’est enfui…
Ton amour !… Ton amour !…
Que je crie d’ici, quand j’entends tes rires se moquer de moi…

Que de mal tu m’as fait !…
Il pleut toujours sur le passé, avec la pluie douce et triste de l’après-midi où tu es partie sans retour…
C’est ton ombre noire…
C’est la punition de ton adieu…
Et c’est le fiel de cette amertume qui me lie à la torture de ta voix.

Autres versions

En moins d’un an, quatre versions ont été enregistrées et les quatre sont superbes et différentes.

Sonogrammes des quatre versions de Por qué te quiero tanto.
Para qué te quiero tanto 1945-07-19 — Orquesta con Carlos Vidal.

On voit nettement des alternances de fortes et de pianos. Le compas est bien marqué avec des alternances plus lisses et des assez fortes. Cela rend la musique très expressive.

Para qué te quiero tanto 1945-11-13 — Orquesta Alfredo De Angelis con Carlos Dante.

Dans la première partie, on retrouve les variations de nuances de Federico, puis la partie chantée par Dante est plus régulière. Le style est assez différent, mais le résultat est très agréable, même si l’expression est moins accentuée.

Para qué te quiero tanto 1946 — Orquesta con Raúl Garces.

Les transitions de nuances sont plus estompées. Mais contrairement à De Angelis, on les retrouve dans la partie chantée. Cet orchestre moins connu réalise une version tout à fait satisfaisante pour l’écoute et la danse. Reste au DJ de trouver trois autres titres pour en faire une tanda.

Para qué te quiero tanto 1946-05-03 — Orquesta Carlos Di Sarli con Jorge Durán. C’est notre tango du jour.

Les nuances sont surtout marquées par les moments de pauses. La sonorité typique de l’orchestre permet de le distinguer des autres. Le piano de Di Sarli est plus présent que dans les autres versions. L’orchestre pousse derrière le chanteur. Il lui laisse moins de place, l’orchestre et Durán sont entrelacés. Le résultat est très différent des autres.

Para qué te quiero tanto. Disque 45 tours – Federico – 78 tours De Angelis et Di Sarli.

Une valse du même nom

Augusto Rojas Llerena a composé une valse du même nom.
Elle a été interprétée par l’orquesta avec Roberto Tello (1951) et plus récemment par Lucha Reyes, la Morena de Oro del Perú, dans un rythme un peu différent. Je vous propose cette version pour nous quitter. À demain les amis !

Para Qué Te Quiero Tanto 1997 – Lucha Reyes

El Ingeniero 1945-02-20 – Carlos di Sarli (Tango)

Orquesta Carlos Di Sarli

(1930) Letra: Juan Manuel Guerrera (2020)

du jour, El Ingeniero, est indubitablement associé à Carlos Di Sarli. C’est assez logique, car il est le seul à l’avoir enregistré à la belle époque du tango. Il a enregistré le titre à trois reprises. En 1945, le 20 février, le 22 juillet 1952 et le 31 janvier 1955.
Le titre est assez clair et pour une fois, il ne s’agit pas d’un surnom, d’un mot d’argot (lunfardo), mais bien de la fonction, du métier d’ingénieur.
L’auteur de la musique, Alejandro Junnissi, dédicace sa composition « a todos los ingenieros egresados de las universidades argentinas » (À tous les ingénieurs diplômés des universités argentines). On retrouve dans cette dédicace, la fierté d’un âge d’or de l’Argentine, le début du vingtième siècle.
Cet âge d’or se dévoile dans l’architecture, mais aussi par les créations industrielles. À la fin des années 20, l’Argentine était considérée comme un important pays industriel.

L’ingénieur

Un des héros discrets de ce est l’ingénieur que l’Argentine célèbre deux fois en juin, le 6 juin avec el Día del Ingeniero et indirectement le 16 juin avec el Día de la Ingeniería Argentina.
La première date est en souvenir du premier ingénieur civil d’Argentine, Luis Augusto Huergo, diplômé le 6 juin 1870.
Rien ne prouve que celui qui a inspiré Junnissi soit Huergo. Disons que c’est le métier qui est illustré ici.

Un pays à bonne école

Les efforts consentis en matière d’éducation par l’Argentine qui devait accueillir et « argentiniser » des millions de migrants donnaient leurs fruits et bientôt l’Argentine disposait de nombreuses universités, qui aujourd’hui encore restent prestigieuses.

Citons les Ingenierías de Córdoba y de La Plata ou l’Escuela de Ingenieros de Minas de San Juan.

Les pays étrangers, notamment européens, ont également investi en Argentine. Par exemple, lÉcole Centrale des Arts et Manufactures de Paris qui a ouvert une école d’ingénieurs à .

Ces nouveaux ingénieurs ont permis le développement du pays, des ponts, du chemin de fer, de l’architecture et la découverte de pétrole a accentué le développement industriel du pays.

Les montagnes russes

L’essor industriel a été soutenu par une immigration extrêmement forte. La main-d’œuvre était abondante et déjà concentrée dans les villes, car les campagnes appartenaient à quelques propriétaires terriens et n’offraient que peu de débouchés aux nouveaux arrivants.
Cette concentration explique aussi les problèmes politiques récurrents de l’Argentine, problèmes donnant lieu à des crises graves et des émeutes.
À peine écrit ce tango, en 1930 que, la même année, en septembre, les militaires prenaient le pouvoir en destituant . Ce président au double visage a assumé deux fois la présidence. Double visage, car il prône une Argentine aux mains des ouvriers, mais commandite une répression sanglante contre des grévistes, réalisant par la même le premier pogrom d’Amérique du Sud (Semaine tragique, du 7 au 14 janvier 1919).
Ceux qui suivent l’actualité de l’Argentine constateront que les événements actuels rappellent ceux des années passées, 2001, 1976, 1930, et autres.
Bon, j’ai un peu oublié mon ingénieur dans tout cela. Revenons donc à la musique.
Lorsqu’Alejandro Junnissi écrit sa musique, l’Argentine est encore dans une période relativement optimiste, malgré les contrecoups de la crise de 1929.

L’ingénieur mérite son tango ; le voici.

Extrait musical

El Ingeniero 1945-02-20 – Carlos di Sarli

La version est plus sèche, les violons moins lyriques que dans les versions des années 50. Même si Di Sarli a continué dans les années 50 à proposer du tango de danse, on sent dans cette évolution la transition que d’autres orchestres ont opéré de façon plus drastique.
Le Di Sarli des années 50 est souvent le plus utilisé dans les milongas, car il tranche plus avec les autres orchestres de référence, les quatre piliers par son aspect plus romantique. Cela permet de donner du contraste à la milonga.
Vous pourrez les entendre en fin d’article.

Les paroles

Vous m’attendiez au tournant. Toutes les versions enregistrées par de grands orchestres de tango sont instrumentales. Cependant, il existe au moins une version des paroles que je reproduis ici. Je n’imagine pas très bien le résultat, tant on est habitué à l’entendre avec les violons de Di Sarli.
D’une façon plus générale, de nombreux tangos sont sans paroles, d’autres ont changé de paroles au du temps et certains textes de tango n’ont pas encore trouvé leurs musiques. Il reste du pain sur la planche pour les auteurs et compositeurs…
Celui qui a écrit les paroles est Juan Manuel Guerrera. Sa création est récente, 2020, soit 90 ans après la musique. Si vous enregistrez une version d’El Ingeniero avec les paroles, je vous promets de la placer ici et si elle est dansable, je la diffuserai en milonga…

Y allá va el ingeniero
Por las calles del dolor
Camina solo
Llorando
Se va derrumbando
Es pura desolación
Tanto quiere
Olvidar
Que ha vivido sin quererlo para los demás
Que ha dejado sus pasiones demasiado atrás
Que ha olvidado entre sus cuentas animarse a más
Tanto quiere
Abandonar
Un destino que sabe a nada
El que eligió
Y no cambió
Y allá va el ingeniero
Hundido en la frustración
Su penar suena a nostalgia
Con dejos de bandoneón
Y allá va el ingeniero
Con su arte en un cajón
Ahora no juega, no apuesta
Sus miedos no enfrenta
Y gana su perdición
“Soy un cobarde”
Se dice tarde
Y vuelve a reflexionar:
“No es buena elección, la resignación
Renunciar a un sueño, es como morir
Sin resolución, no hay realización,
Sin un ideal, tan triste es vivir”
Y encuentra en lo que siente
Respuestas que su mente
Buscaba desde siempre
Con científica obsesión
Y allá va el ingeniero
Se le muere el corazón
Acompañan los violines
Su dramática canción
Y allá va el ingeniero
Se desangra en su razón
Pierde su tiempo, pensando
En vez de arriesgando
Y entierra su vocación
Tanto quiere
Regresar
A un pasado irremediable que ha quedado atrás
A un presente esperanzado que no volverá
A un futuro imaginado que ya no será
Tanto quiere
Escapar
De su vida equivocada
La que él mismo eligió
Y, sin valor, jamás cambió

Alejandro Junnissi (1930) Letra: Juan Manuel Guerrera (2020)

Autres enregistrements

Signalons que le même jour, le 20 février 1945, Di Sarli enregistrera avec , Porteño y bailarín, un tango composé par Carlos Di Sarli avec des paroles d’. Ce titre enregistré sur la matrice 80553-1 sera publié sur le même disque 60-0639, sur la face A et el Ingeniero, sur la face B. Ce dernier a été enregistré sur la matrice 80554-1.

Porteño y bailarín 1945-02-20 Carlos Di Sarli con Jorge Durán (Carlos Di Sarli Letra: Héctor Marcó)

Les principaux enregistrements d’El Ingeniero sont ceux de Di Sarli. Il faut dire qu’il a mis la barre très haute et qu’il était difficile de proposer des versions surpassant les trois enregistrements du maître de Bahia Blanca.

El Ingeniero, 1945-02-20 – Carlos Di Sarli
El Ingeniero 1952-07-22 – Carlos Di Sarli
El Ingeniero 1955-01-31 – Carlos Di Sarli

Pour terminer, un enregistrement du 21e siècle. J’aime bien. Cependant, il est peu probable que je le propose en milonga, car le manque de franchise dans la marcacion fait que les versions originales sont à mon avis préférables pour danser.

El Ingenierro – Orquesta Típica de la Guardia Vieja 2002

Sources

; Alejandro Junnissi ; Tangos al bardo
https://tangosalbardo.blogspot.com/2016/08/alejandro-junnissi.html

Juan Manuel Guerrera ; Letra para el tango ‘El ingeniero’
https://jmguerrera.medium.com/letra-para-el-tango-el-ingeniero-b8beb02152b8

Les autres sources consultées concernent surtout le développement industriel de l’Argentine et son .

D’après les documents de Christian de Pescara ; Pionnier de l’aviation > Les Hélicoptères du marquis Pateras-Pescara (1890-1966) ; latitud-argentina
https://www.latitud-argentina.com/blog/pionnier-aviation-helicopteres-marquis-pateras-pescara

Bernardo Kosacoff y Daniel Azpiazu; La industria argentina, desarrollo y cambios estructurales
https://repositorio.cepal.org/server/api/core/bitstreams/fc7cb237-a9cd-4627-8634-b1e2d8d5502c/content#:~:text=La%20industrialización%20de%20la%20Argentina,industrial%20en%20ei%20escenario%20latinoamericano.

Peyrú Pablo y Verna Etcheber Roberto;  La industria y la Argentina; Monografias
https://www.monografias.com/trabajos14/industarg/industarg

Juan Pablo Pekarek ; Engineers, between being architects and entrepreneurs Constructeurs from the École Centrale de Paris in Buenos Aires, 1890–1920
http://portal.amelica.org/ameli/journal/219/2193563002/

Sylvie Sureda-Cagliani ; Chapitre II. Panorama de l’histoire de l’Argentine de 1930 à 1974 in Victimes et bourreaux dans le théâtre de Griselda Gambaro ; Presses universitaires de Perpignan
http://books.openedition.org/pupvd/32217

Felipe Pigna ; Argentine — La Semaine tragique (7-14 janvier 1919) ; Alterinfos
https://www.alterinfos.org/spip.php?article6016

Décennie infâme ; Wikipedia
https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9cennie_inf%C3%A2me

Andrés H. Reggiani, Hernán González Bollo ; Dénatalité, «crise de la race» et politiques démographiques en Argentine (1920-1940) ; Vingtième Siècle. Revue d’histoire 2007/3 (n° 95), pages 29 à 44

El Ingienero

Alma mía 1940-02-15 (Valse) – Orquesta Carlos Di Sarli con Roberto Rufino

Diego J. Centeno Letra:

Alma mía, ¿con quién soñás?
He venido a turbar tu paz. […]
Abre niña tu ventanal
que con rayos de luna risueña
la noche porteña te quiere besar.

Clin d’oeil, j’ai utilisé la silhouette de Gardel pour le chanteur derrière les volets.

Le est une superbe , Alma mía qui témoigne des premiers enregistrements de l’orchestre de Carlos Di Sarli qui auparavant avait seulement gravé des titres avec son Sexteto.
On retrouve dès les premiers enregistrements la subtilité harmonique au service d’une cadence rigoureuse qui fera sa gloire. Pour être juste, on trouvait déjà dans les derniers enregistrements du sexteto, quelques éléments de cette harmonie, mais qui étaient étouffés par une rythmique un peu pesante, héritière du canyengue.
Pour se rendre compte de la qualité de la musique de Di Sarli sur des tangos, on pourra écouter La trilla, enregistrée le même jour qu’Alma mía, ou son premier avec Rufino, le 11 décembre 1939, Corazón.
Ceux qui me connaissent, savent que j’adore les valses, mais si je l’ai préférée à La trilla, enregistrée le même jour et qui aurait donc parfaitement convenu comme tango du jour, c’est que je suis retourné et j’ai toujours envie de chanter à tue-tête en même temps que Rufino « Aaaalmaaaaa míííííííaaaaaa, ¿ con quién soñás ? » (Mon âme, à qui rêves-tu ?).
C’est également une superbe déclaration d’amour, à la Cyrano de Bergerac, il y a même le balcon.
J’arrête de me justifier, cette valse est une merveille absolue et si Rufino est moins souvent choisi par certains collègues DJ que Jorge Durán ou , voire Carlos Acuña ou Oscar Serpa, c’est à mon sens très dommage. Il y a quelques jours, une organisatrice de Buenos Aires m’a remercié d’avoir passé une tanda avec Roberto Rufino.

Extrait musical

Alma mía 1940-02-15 (Valse) – con Roberto Rufino

L’archive sonore présentée ici, l’est à titre d’exemple didactique. La qualité sonore est réduite à cause de la plateforme de diffusion qui n’accepte pas les fichiers que j’utilise en milonga et qui sont environ 50 fois plus gros et de bien meilleure qualité. Je pense toutefois que cet extrait vous permettra de découvrir le titre en attendant que vous le trouviez dans une qualité audiophile.

Paroles

Alma mía, ¿con quién soñás?
He venido a turbar tu paz.
No me culpes, soy un cantor
que ha querido mezclar a tu sueño
un verso porteño borracho de amor.

Si despiertas, no maldigas
llego aquí porque te adoro,
porque sufro, porque imploro,
porque quiero que me digas,
si es verdad que cuando sueñas
me acarician tus amores.
Mariposa, tus colores
me han robado el corazón.

Deja el lecho cándida flor
que en tu reja ronda el amor.
Abre niña tu ventanal
que con rayos de luna risueña
la noche porteña te quiere besar.

Duerme el ave, allá en su nido,
solo rondo yo en la calma
por saber si tienes alma,
oh mujer, que me has vencido.
Despierta si estás dormida
que por ti, mi dulce dueña,
mientras Buenos Aires sueña,
yo agonizo en tu balcón.

Diego J. Centeno Letra: Héctor Marcó

des paroles

Mon âme, à qui rêves-tu ?
Je suis venu troubler ta tranquillité.
Ne m’accuse pas, je suis un chanteur qui a voulu mélanger à ton rêve un vers porteño, ivre d’amour.
Si tu te réveilles, ne me maudis pas, je viens ici parce que je t’adore, parce que je souffre, parce que j’implore, parce que je veux que tu me le dises, si c’est vrai que, quand tu rêves, tes amours me caressent.
Papillon, tes couleurs m’ont volé le cœur.
Sors du lit, fleur candide, car l’amour hante ta clôture.
Ouvre ta fenêtre, jeune femme, qu’avec les rayons d’une lune rieuse, la nuit portègne veut t’embrasser.
L’oiseau dort, là, dans son nid.
Seul, je me promène dans le calme pour savoir si tu as une âme,
ô femme, qui m’a vaincu.
Réveille-toi si tu dors, car, pour toi, ma douce maîtresse, pendant que Buenos Aires rêve, j’agonise à ton balcon.

Autres enregistrements

Curieusement, cette magnifique valse a été peu enregistrée. Il faut dire qu’il est difficile de surpasser la version de Di Sarli et Rufino. Les quelques exemples que je cite ici le prouvent.

  • 1936-07-15 accompagné de guitares. Honnêtement, cette version est un peu criée et pas très intéressante. Ce qu’en a fait 4 ans plus tard Di Sarli est heureux pour cette valse.
  • 1969-10-21 Le Sexteto Tango avec . Absolument pas pour la danse et pour ceux qui supportent Maciel dans ses moins bons moments.
  • 1996 Enzo Valentino propose une version maniérée guère plus intéressante que la version de Maciel. Pas de risque que je propose cela en milonga.

Sous le même titre, on trouve un tango composé par Sando Panizzi. Il est interprété par Marek Weber et son orchestre. Cet orchestre allemand est attachant, il témoigne de la folie du tango dans les années 20 et 30 en Europe. Son interprétation n’est pas si vilaine malgré ses airs militaires et ses flonflons de tromblons.
J’ai mentionné ci-dessus La trilla, un tango écrit par Eduardo Arolas avec des paroles d’. Rien à voir avec Alma mía, si ce n’est que ce tango a été enregistré par les mêmes, le même jour, le 15 février 1940.

Le chanteur s’interroge sur le rêve de sa bien-aimée. Peut-être que cette image représente le rêve des deux, quand elle aura ouvert ses volets pour accueillir la lune et l’amour. C’est mon interprétation…