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Un placer 1936-04-03 — Orquesta Juan D’Arienzo con Walter Cabral

Vicente Romeo Letra : Juan Andrés Caruso

Aujourd’hui, une valse pour déclarer son amour à une jolie femme. Pour cela, quatre hommes se sont attelés à la tâche, Vicente Romeo, Juan Andrés Caruso, Juan d’Arienzo et Walter Cabral. Nous appellerons également à la rescousse, d’autres grands du tango pour vous donner les arguments nécessaires pour séduire une femme papillon.

Avec D’Arienzo à la baguette et Biagi, on a l’assurance d’avoir une valse dansable.
En, ce qui concerne le chanteur, Walter Obdulio Cabral (27/10/1917 – 1993), celui collaborera un peu plus d’un an avec D’Arienzo, le temps d’enregistrer trois valses : Un Placer, Tu Olvido et Irene et une milonga orpheline Silueta Porteña.

Extrait musical

Un placer 1936-04-03 — Orquesta Juan D’Arienzo con Walter Cabral.

Je vous laisse l’écouter. On en reparlera en comparaison avec les autres versions de ce titre.

Les paroles

Linda mariposa
tú eres mi alegría
y tus colores de rosa
te hacen tan hermosa
que en el alma mía
tu imagen quedó.

Por eso a tu reja
hoy vengo a cantarte,
para decirte, mi diosa,
que eres muy hermosa
y no puedo olvidarte
que antes de dejarte
prefiero la muerte
que sólo con verte
es para mí un placer.

Sin tu amor ya no puedo vivir.
¡Oh! ven pronto no me hagas penar.
De tus labios yo quiero sentir
el placer que se siente al besar.
Y por eso en mi canto te ruego
que apagues el fuego
que hay dentro de mí.

Oye amada mía
tuyo es mi querer,
que tuya es el alma mía
toda mi poesía
mis alegres días,
hermosa mujer.

Sale a tu ventana
que quiero admirarte.
Sale mi rosa temprana,
hermosa galana,
que yo quiero hablarte
y quiero robarte
tu querer que es santo
porque te amo tanto
que no puedo más.

Y si el destino
de ti me separa
nunca podre ser feliz
y antes prefiero morir.
Porque tu cariño
es mi vida entera.
Tú has de ser la postrera,
la dulce compañera que ayer soñé.

Vicente Romeo Letra : Juan Andrés Caruso

Traduction libre

Joli papillon, tu es ma joie et tes couleurs de rose te rendent si belle que dans mon âme ton image est restée.


C’est pourquoi à ta grille, aujourd’hui je viens chanter, pour te dire, ma déesse, que tu es très belle, que je ne peux pas t’oublier et que plutôt que de te quitter je préfère la mort. Que rien que te voir est un plaisir pour moi.

Sans ton amour, je ne peux pas vivre. Oh ! Viens vite, ne me fais pas de peine. De tes lèvres, je veux sentir le plaisir que l’on ressent en embrassant et c’est pourquoi dans ma chanson je te supplie que tu éteignes le feu qu’il y a en moi.

Entend ma bien-aimée, que tu es mon désir, mon âme est tienne, toute ma poésie, mes jours heureux ; merveilleuse femme.

Sort à ta fenêtre que je veux t’admirer. Sors ma rose précoce, belle galante, car je veux te parler et te voler ton amour qui est saint parce que je t’aime tant que je n’en peux plus.

Et si le destin me séparait de toi, je ne pourrais jamais être heureux et préférerais mourir. Parce que ta tendresse est toute ma vie. Tu seras la dernière, la douce compagne dont j’ai rêvé hier.

Autres versions

Un placer 1931-04-23 — Orquesta Juan Maglio Pacho.

Un tempo très lent, qui peut déstabiliser certains danseurs. C’est une version instrumentale, avec sans doute un peu de monotonie malgré des variations de rythme. Pour ma part, j’éviterai de la proposer à mes danseurs.

Un placer 1933-04-11 — Orquesta Típica Los Provincianos (dir. Ciriaco Ortiz) con Carlos Lafuente.

Avec la voix un peu aigre de Carlos Lafuente, mais un joli orchestre pour une valse entraînante. La fin donne l’impression d’accélération, ce qui ravit en général les danseurs, surtout en fin de tanda. On est clairement monté d’un cran dans le plaisir de la danse avec cette version. L’orchestre est Los provincianos, mais il s’agit d’un orchestre Victor dirigé par Ciriaco Ortiz. Ce qui fait que vous pouvez trouver le même enregistrement sous les trois formes : Los Provincianos, Típica Victor ou Ciriaco Ortiz, voire un mixage des trois, mais tout cela se réfère à cet enregistrement du 11 avril 1933.

Un placer 1936-04-03 — Orquesta Juan D’Arienzo con Walter Cabral. C’est le tango du jour.

La voix de Walter Cabral rappelle celle de Carlos Lafuente, une voix de ténor un peu nasillarde, mais comme dans le cas de Lafuente, ce n’est pas si gênant, car ce n’est que pour une petite partie de la valse. L’impression d’accélération ressentie avec la version de Ciriaco Ortiz est présente, mais c’est une constante chez d’Arienzo. BIagi qui a intégré l’orchestre il y a cinq mois est relativement discret. Il se détache sur quelques ponctuations lâchées sur les temps de respiration de l’orchestre. Il n’a pas encore complètement trouvé sa place, place qui lui coûtera la sienne deux ans plus tard…

Un placer 1942-06-12 — Orquesta Aníbal Troilo.

Ici pas de voix aigre ou nasillarde, les parties sont chantées par les violons, ou par le chœur des instruments, avec bien sûr le dernier mot au bandonéon de Troilo qui termine divinement cette version élégante et dansante.

Un placer 1949-02 — Francisco Lauro con su Sexteto Los Mendocinos y Argentino Olivier.

Une version un peu faible à mon goût. Le sexteto manque de présence et Argentino Olivier, déroule les paroles, sans provoquer une émotion irrépressible. Une version que je ne recommanderai pas, mais qui a son intérêt historique et qui après tout peut avoir ses fanatiques.

Un placer 1949-08-04 — Orquesta José Basso con Francisco Fiorentino y Ricardo Ruiz.

Une version très jolie, avec piano, violons et bandonéons expressifs. L’originalité est la prestation en Duo, de deux magnifiques chanteurs, Francisco Fiorentino y Ricardo Ruiz. On peut ressentir un léger étonnement en écoutant les paroles, les deux semblent se répondre. C’est une jolie version, mais peut-être pas la première à proposer en milonga.

Un placer 1954 — Cuarteto Troilo-Grela.

Une magnifique version dans le dialogue entre le bandonéon et la guitare. La musique est riche en nuances. Le bandonéon démarre tristement, puis la guitare donne le rythme de la valse et le bandonéon alternent des moments où les notes sont piquées à la main droite, et d’autres où le plein jeu de la main gauche donne du corps à sa musique. À 1 : 30 et 1 : 50, à 2 : 02, le bandonéon s’estompe, comme s’il s’éloignait. À 2 : 10, la réverbération du bandonéon peut être causée par un éloignement physique important du bandonéon par rapport au microphone, ou bien à un ajout ponctuel de réverbération sur ce passage. Je ne suis pas sûr que cet artifice provoqué par l’enregistrement apporte beaucoup au jeu de Troilo. Il faut toutefois pardonner à l’ingénieur du son de l’époque. C’est le début d’une nouvelle ère technique et il a sans doute eu envie de jouer avec les boutons…

Un placer 1958-10-07 — Orquesta José Basso con Alfredo Belusi y Floreal Ruiz.

José Basso refait le coup du duo, mais cette fois avec Alfredo Belusi et Ricardo Ruiz. À mon avis, cela fonctionne moins bien que la version de 1949.

Un placer 1979 — Sexteto Mayor.

Pour terminer, une version assez originale, dès l’introduction. Je vous laisse la découvrir. Étant limité à 1 Mo par morceau sur le site, vous ne pouvez pas entendre la stéréo vraiment exagérée de ce morceau, car tous les titres sont passés en basse qualité et en mono pour tenir dans la limite de 1 Mo. C’est une peine pour moi, car la musique que j’utilise en milonga demande entre 30 et 60 Mo par morceau… Sur la stéréo en milonga, c’est à limiter, surtout avec des titres comme celui-ci, car les danseurs auraient d’un côté de la salle un instrument et de l’autre un autre. Donc, si j’ai un titre de ce type à passer (c’est fréquent dans les démos), je limite l’effet stéréo en réglant le panoramique proche du centre. Une salle de bal n’est pas un auditorium…

Mini tanda en cadeau

Cabral n’a enregistré que trois valses avec D’Arienzo. Je vous propose d’écouter et surtout danser cette mini tanda de seulement trois titres. Peut-être apprécierez-vous à la fin de la tanda la voix un peu surprenante de Cabral.

Cerise sur la tanda. Pardon, le gâteau, les trois titres forment une histoire. Il découvre son amour, elle s’appelle Irene et… Ça se termine mal…

Un placer 1936-04-03 — Orquesta Juan D’Arienzo con Walter Cabral. C’est le tango du jour.
Irene 1936-06-09 – Orquesta Juan D’Arienzo con Walter Cabral
Tu olvido 1936-05-08 — Orquesta Juan D’Arienzo con Walter Cabral

Vida y obra de Walter Cabral

Vous pourrez trouver sur ce site, une biographie complète de ce chanteur.

Tormenta 1939-03-28 — Orquesta Francisco Canaro con Ernesto Famá

Enrique Santos Discépolo (musique et paroles)

Le 28 mars est un bon jour pour les enregistrements de tango et le choix a été difficile. Je vous propose Tormenta interprété par Canaro et Famá, car son texte est d’une grande actualité avec ce qui se passe actuellement en Argentine, les riches toujours plus riches et les pauvres mourant de faim. En prime, une version de Tormenta que vous n’avez jamais entendue tellement elle est inattendue…

Francisco Canaro et Ernesto Famá

Francisco Canaro a enregistré plus de 235 titres avec Ernesto Famá entre 1930 et 1941:
125 tangos, 37 valses, 13 milongas, et 60 rythmes jazz ou folkloriques (Corrido porteño, Fox-Trot, Marches, Pasodobles, Polcas, Rancheras et même des airs militaires).
Ce mardi 28 mars 1939, Canaro et Famá ont enregistré beaucoup de titres :

  • Qué importa ! de Ricardo Tanturi (Ricardo Luis Tanturi) Letra : Juan Carlos Thorry (José Antonio Torrontegui)
  • Tormenta de Enrique Santos Discépolo (musique et paroles)
  • Vanidad de Gerardo Hernán Matos Rodríguez Letra: Washington Montreal
  • Noche de estrellas (Vals) de José Luis Padula Letre : Enrique Cadícamo
  • Tra-la-la (Vals) de Luis Teisseire ; Germán Rogelio Teisseire Letra : Jesús Fernández Blanco

C’est une époque chargée pour ces deux artistes. Famá est clairement le chanteur vedette de Canaro à cette époque, loin devant Francisco Amor, puis Roldán et Adrián.

Extrait musical

Tormenta 1939-03-28 — Orquesta Francisco Canaro con Ernesto Famá.

Discépolo a fait la musique et écrit les paroles, l’œuvre est donc d’une grande cohérence.
Discépolo l’a écrit pour le film Cuatro corazones (Quatre cœurs), film dont il assure le scénario, la musique et le rôle principal…
Canaro enregistre quelques jours après la sortie du film, dans une version pour la danse, donc réarrangée.

Les paroles

¡Aullando entre relámpagos,
perdido en la tormenta
de mi noche interminable,
¡Dios ! busco tu nombre…
No quiero que tu rayo
me enceguezca entre el horror,
porque preciso luz
para seguir…
¿Lo que aprendí de tu mano
no sirve para vivir ?
Yo siento que mi fe se tambalea,
que la gente mala, vive
¡Dios! mejor que yo…

Si la vida es el infierno
y el honrado vive entre lágrimas,
¿cuál es el bien…
del que lucha en nombre tuyo,
limpio, puro?… ¿para qué?…
Si hoy la infamia da el sendero
y el amor mata en tu nombre,
¡Dios!, lo que has besado…
El seguirte es dar ventaja
y el amarte sucumbir al mal.

No quiero abandonarte, yo,
demuestra una vez sola
que el traidor no vive impune,
¡Dios! para besarte…
Enséñame una flor
que haya nacido
del esfuerzo de seguirte,
¡Dios! Para no odiar:
al mundo que me desprecia,
porque no aprendo a robar…
Y entonces de rodillas,
hecho sangre en los guijarros
moriré con vos, ¡feliz, Señor!

Enrique Santos Discépolo (musique et paroles)

Tania chante l’intégralité des paroles dans le disque, seulement une partie dans le film. En gras, la partie chantée par Ernesto Famá.

Traduction libre et indications

Hurlant au milieu des éclairs, perdu dans la tempête de ma nuit interminable,
Dieu ! Je cherche ton nom…
Je ne veux pas que tes éclairs m’aveuglent dans l’horreur, car j’ai besoin de lumière (Ici, « luz » est au masculin et il y a donc un jeu de mots, « luz » en lunfardo, c’est l’argent. Il faudrait donc plutôt traduire, j’ai besoin d’argent) pour continuer…
Ce que j’ai appris de ta main ne sert-il pas pour vivre ?
Je sens que ma foi chancelle, car les gens mauvais vivent,
Dieu ! Bien mieux que moi…

Si la vie est un enfer et que l’honneur est de vivre dans les larmes, quel est le bénéfice…
de celui qui combat en ton nom, être propre, pur ?… À quoi bon ?…
Si aujourd’hui l’infamie ouvre le chemin et que l’amour tue en ton nom,
Dieu, qu’as-tu embrassé…
Te suivre, c’est laisser l’avantage (aux autres) et t’aimer c’est succomber au malheur.

Je ne veux pas t’abandonner, prouvez une seule fois que le traître ne vit pas impuni,
Dieu ! Pour t’embrasser…
Montrez-moi une fleur qui soit née de l’effort de te suivre,
Dieu ! Pour ne pas haïr :
Le monde qui me méprise, parce que je n’apprends pas à voler…
Et ensuite à genoux, saignant dans les cailloux, je mourrai avec toi ; heureux ; Seigneur !

Autres versions

Pour commencer, une petite surprise à voir jusqu’au bout pour découvrir une version incroyable de Tormenta, à la toute fin de cet extrait…

Tormenta 1939-01-11 — Tania con acomp. de Orquesta. Dans le film « Cuatro corazones » réalisé par Carlos Schlieper et Enrique Santos Discépolo selon le scénario de ce dernier et écrit en collaboration avec Miguel Gómez Bao.
Le film est sorti le 1er mars 1939.
Acteurs : Enrique Santos Discépolo, Gloria Guzmán, Irma Córdoba, Alberto Vila, Eduardo Sandrini et Herminia Franco.
Tormenta 1939-01-11 — Tania con acomp. de Orquesta.

C’est la version disque de la chanson du film. Contrairement au film, la chanson est chantée en entier et il n’y a pas la fin délirante présentée dans le film.

Tormenta 1939-03-28 — Orquesta Francisco Canaro con Ernesto Famá. C’est le tango du jour.

Canaro enregistre quelques jours après la sortie du film.

Tormenta 1939-03-30 — Orquesta Francisco Lomuto con Jorge Omar.

Deux jours après Canaro, Lomuto suit le mouvement dans le sillage du film. Il est intéressant de comparer ses arrangements par rapport à ceux de Canaro.

Tormenta 1954-09-08 — Orquesta Carlos Di Sarli con Mario Pomar.

Le seigneur del tango donne 15 ans plus tard sa version. Du grand Di Sarli avec le magnifique Mario Pomar.

Tormenta 1962 — Orquesta José Basso con Floreal Ruiz.

On termine avec cette version destinée à l’écoute, comme la première de la liste, celle de Tania.

Rosa de Fuego 1957-03-19 — Orquesta Edgardo Donato con Alberto Aguirre

Manuel Jovés Letra : Antonio Viergol

Rosa de Fuego, la Rose de Feu, comme ils l’appellent. Quelle histoire se cache derrière ce titre énigmatique ? Pour le découvrir, écoutons la musique de Manuel Jovés et les paroles spectaculaires d’Antonio Viergol. La première version enregistrée de ce tango a un siècle, mais la version du jour a été ressuscitée il y a seulement 67 ans, jour pour jour.

Il est souvent conseillé de déclarer sa flamme avec des fleurs, mais parfois, la rose la plus flamboyante peut ne pas suffire. Nous allons plonger dans une ambiance mystérieuse et avec une musique qui va sans doute en étonner plus d’un quand ils vont se rendre compte qu’il s’agit de Donato. Les plus étonnés seront sans doute ceux qui oublient que les grands orchestres ont été actifs pendant plusieurs décennies et que donc, ils ont suivi les modes de l’époque.
Nous verrons également trois autres versions. La plus ancienne, enregistrée il y a donc un siècle par Juan Pulido. Les deux versions le plus récentes sont chantées par le même chanteur, Héctor de Rosas, au nom prédestiné pour ce titre. Ses enregistrements sont distants de sept ans seulement, mais la plus grosse différence vient des orchestres de Roberto Caló et José Basso qui abordent le thème de façon très différente.
Mais pour l’instant, intéressons-nous à notre tango du jour enregistré par Edgardo Donato et Alberto Aguirre, le 19 mars 1957.

Extrait musical

Rosa de fuego 1957-03-19 — Orquesta Edgardo Donato con Alberto Aguirre

Les paroles

Rosa de Fuego, los hombres la llamaban
Porque sus labios quemaban al besar,
Y eran sus ojos dos ascuas que abrasaban
Y era un peligro su amor ambicionar.
Cuantos lograron, por ella ser mirados
Y de sus labios bebieron el placer,
Todos quedaron como carbonizados
Entre los brazos de tan bella mujer…

Rosa de Fuego, feliz vivía
Rosa de Fuego, se divertía,
Hasta tenía vanidad
De su diabólica maldad…
Rosa de Fuego, los arruinaba
Rosa de Fuego, los calcinaba,
Y al ver sus víctimas caer…
Se reía la mujer…

Mas cierto día, cruzóse en su camino
Un hombre frío, de hielo el corazón,
Rosa de Fuego luchó contra su sino
E inútilmente jugó con su pasión.
El hombre aquel, de sangre de serpiente
De su mirada, el fuego resistió,
Y de sus labios aquel beso candente
Se dominaba y esclava se encontró…

Rosa de Fuego, ya no reía
Rosa de Fuego, se consumía,
Se le abrasaba el corazón
En el volcán de su pasión.
Y el hombre frío, la despreciaba
Y el hombre frío, la maltrataba,
Rosa de Fuego aún al morir…
Lo sentía reír…

Manuel Jovés Letra : Antonio Viergol

Traduction libre

Rosa de Fuego (Rose de Feu) ainsi les hommes l’appelaient
Car ses lèvres brûlaient quand elle embrassait,
Et ses yeux étaient deux braises qui calcinaient
Et c’était un péril de convoiter son amour.
Combien réussirent à être regardés par elle
Et qui de ses lèvres burent le plaisir,
Tous restèrent carbonisés
Dans les bras d’une si belle femme…

Rosa de Fuego vivait heureuse
Rosa de Fuego s’amusait,
Elle tirait même de la vanité
De sa méchanceté diabolique…
Rosa de Fuego les a détruits
Rosa de Fuego, elle les a brûlés,
Et à voir ses victimes tomber…
La femme riait…

Mais un jour, croisa son chemin
Un homme froid, au cœur de glace.
Rosa de Fuego s’est battue contre son destin
Et joua en vain de sa passion.
Cet homme, au sang du serpent
Résistait à son regard et à son feu,
Et de ses lèvres au baiser incandescent
Fut dominé et elle s’est retrouvée esclave…

Rosa de Fuego désormais ne riait plus
Rosa de Fuego, se consumait,
Son cœur brûlait
Au volcan de sa passion.
Et l’homme froid la méprisait
Et l’homme froid la maltraitait,
Rosa de Fuego au moment de mourir…
Le sentit rire…

Autres versions

Rosa de fuego 1924 — Orquesta Juan Pulido. Columbia No.2186-X, Matrice 93859. Un enregistrement acoustique, mais de bonne qualité
Rosa de fuego 1957-03-19 — Orquesta Edgardo Donato con Alberto Aguirre
Rosa de fuego 1957-06-19 – Orquesta Roberto Caló con Héctor De Rosas

Héctor de Rosas enregistre de nouveau le titre, sept ans plus tard avec un autre orchestre pour une version bien différente.

Rosa de fuego 1964 — Orquesta José Basso con Héctor de Rosas. Héctor de Rosas
J’ai peut-être un peu forcé le trait, l’homme de glace jette vraiment un froid.

Sacale punta 1938-03-09 (Milonga tangueada) – Orquesta Edgardo Donato con Horacio Lagos y Randona (Armando Julio Piovani)

Osvaldo Donato Letra Sandalio Gómez

Cette milonga du jour a été enregistrée le 9 mars 1939, il y a 85 ans. Elle a été enregistrée par Donato et est toujours un succès dans les milongas. Cependant, son titre prête à interprétations et je choisis ce prétexte pour vous faire entrer dans le monde du tango du début du 20e siècle.

Edgardo Donato interprète ici une milonga écrite par son frère, pianiste, Osvaldo. Deux chanteurs interviennent, Horacio Lagos et Randona (Armando Julio Piovani). Ils ne chantent que deux couplets, comme il est d’usage pour le tango de danse.

Le disque

Sacale punta est la face B et la valse Que sera ?, la face A du disque Victor 38397.

Sur l’étiquette on trouve plusieurs mentions. Le nom de l’orchestre, Edgardo Donato y sus Muchachos et le nom d’un des chanteurs de l’estribillo, Horacio Lagos. Randona n’est pas mentionné.
On trouve le nom des auteurs et compositeurs. L’auteur des paroles est en premier. Pour la valse, il n’y a qu’un nom, car Pepe Guízar est l’auteur de la musique et des paroles. Vous pourrez écouter cette valse en fin d’article.
Sur le disque, on peut remarquer sur l’étiquette l’encadré suivant…

Exécution publique et radio-transmission réservées à RCA Victor Argentina INC. Ce disque n’est donc pas autorisé pour être joué en milonga 😉

Extrait musical

Sacale punta 1938-03-09 — Orquesta Edgardo Donato con Horacio Lagos y Randona (Armando Julio Piovani)

Les paroles

Sacale punta a esta milonga
Que ya empezó.
Sentí que esos fueyes que rezongan
De corazón.
Y las pebetas se han venido
De « true Vuitton ». (De truco y flor)
El tango requiebra la vida (El tango es rey que da la vida)
Y en su nota desparrama,
Su amor.

Tango lindo de arrabal
Que yo,
No lo he visto desmayar
¡ Triunfó!.
Tango lindo que al cantar
Volcó,
Su fe, su amor
Varón tenés que ser.

Nada hay que hacer cuando rezongan
El bandoneón
Oreja a oreja las parejas
Bailan al son,
De un tango lleno de recuerdos
Que no cayó.
Si desde los tiempos de Laura
Se ha sentido primera agua
y brilló.

Osvaldo Donato Letra Sandalio Gómez. Seuls les deux premiers couplets sont chantés dans cette version.

Pourquoi un crayon à la milonga ?

Les paroles de cette chanson parlent donc de la milonga, du point de vue de l’homme qui se prépare à danser joue contre joue (oreille contre oreille) avec des jeunes femmes.
« Saca punta » se dit pour tailler les crayons, faire sortir, la pointe, la mine. Cela se dit couramment dans les écoles.

Sacale punta. J’ai représenté le crayon bien taillé sur cette image, mais ce n’est qu’une petite partie de l’énigme.

Ici, Sandalio a écrit « Sacale punta a esta milonga », sors-lui la pointe à cette milonga…
Pour ceux qui pourraient s’interroger, sur l’intérêt d’apporter un crayon à la milonga. Une petite investigation qui je l’espère ne sera pas trop décevante :

Les autres textes de Sandalio Gómez

Si on cherche une piste dans les autres textes écrits par Sandalio Gómez on trouve :
Deux tangos : « Cumbrera » et « El mundo está loco ». Le premier est un hommage à Carlos Gardel et le second s’inscrit dans la tradition de « Cambalache » ou de « Al mundo le falta un tornillo », ces tangos qui parlent de la dégénérescence du Monde.
Deux milongas : « De punta a punta » et « Mis piernas » qui est une milonga qui incite à se reposer, car les paroles commencent ainsi : « Sentate, cuerpo sentate, que las piernas no te dan más » assois-toi corps, car les jambes n’en peuvent plus.
Un paso doble : « Embrujo » parle d’un « envoutement » amoureux.
Du grand classique et si ce n’était ce « Sacale punta », les paroles ne prêteraient pas à interprétation. On n’est pas en présence de textes de Villoldo qu’il a souvent fallu remanier pour respecter les bonnes mœurs.

D’autres musiques utilisant « Sacale punta »

Il y a d’autres musiques qui utilisent l’expression « Sacale punta ». Par exemple, la milonga écrite par José Basso : « Sacale punta al lápiz » 1955-09-16 écrite par José Basso, mais qui n’a pas de paroles.

Sacale punta al lápiz 1955-09-16 – José Basso (Musique José Basso)

Si on reste en Argentine, on trouve plus récemment l’expression dans des textes de cumbias. Les cumbias ont souvent des textes scabreux, c’est le cas de celle qui s’appelle comme la milonga de Basso et qui est interprétée par Neni y su banda. Mon blog se voulant de haute tenue, je ne vous donnerai pas les paroles, mais sachez que le possesseur du lápiz (crayon) se vante de pouvoir en faire quelque chose au lit.
Le groupe cubain Vieja Trova Santiaguera chante également « Sacale punta al lápiz ». Ce son est avec des paroles relativement explicites, la muñequa (poupée) faisant référence au même crayon que la cumbia susmentionnée.

Sácale la punta al lápiz – Vieja Trova Santiaguera

Le chanteur portoricain de Salsa, Adalberto Santiago, chante dans une salsa du même titre, « Sacale punta ». Il s’agit dans ce cas de faire les comptes avec sa compagne qui l’a trompée. Comme la liste des reproches est longue, elle doit préparer la mine de son crayon pour pouvoir tout noter. On est donc ici, dans la lignée scolaire, du crayon dont on doit affuter la mine.

Sácale punta 1982-12-31 – Adalberto Santiago

Dans l’esprit du crayon pour écrire, on pourrait penser au carnet de bal pour inscrire les partenaires avec qui nous allons danser. Je n’y crois pas dans ce cas. Tout au plus le carnet et le crayon seront pour noter les coordonnées de la belle…

Et donc, pourquoi « Sacale punta » ?

Comme vous l’imaginez, les pistes précédentes ne me satisfont pas. Je vais vous donner ma version, ou plutôt mes versions, mais qui se rejoignent. Pour cela, interrogeons le lunfardo, l’argot portègne.
En lunfardo se dit : « de punta en blanco » qui signifie élégant. Il est donc logique de penser que le narrateur souhaite sortir ses meilleurs vêtements pour aller à la milonga.
Toujours en lunfardo, « hacer punta » est aller de l’avant. On peut donc imaginer qu’il faut aller de l’avant pour aller à la milonga.
Continuons avec le lunfardo : La punta est aussi un couteau, une arme blanche. Quand on connaît la réputation des compadritos, on se dit qu’ils peuvent être prêts à sortir le couteau à la moindre occasion à la milonga.
Pour résumer, il se prépare avec ses beaux habits, éventuellement avec un couteau dans la poche pour les coups durs. Il est donc prêt pour aller à la milonga qui a déjà commencé, pour danser joue contre joue et discuter ce qui se doit avec ceux qui se mettent en travers de sa route. On ne peut pas tout à fait exclure un double sens à la Villoldo, surtout si on se réfère au fait que cette milonga se réfère au début du XXe siècle, époque où les paroles étaient beaucoup plus « libres ».

Lo de Laura

En effet, le dernier couplet, qui n’est pas chanté ici, parle du temps de Laura. Il s’agit de la casa de Laura (Laurentina Monserrat). Elle était située en Paraguay 2512. Cette milonga était de bonne fréquentation au début du vingtième siècle.

Lo de Laura (Laurentina Monserrat). Cette « maison » était située en Paraguay 2512. C’est maintenant une maison de retraite…

Les danseurs pouvaient danser avec les « femmes » de la maison moyennant le paiement de quelques pesos. Je ne connais pas le prix pour cette maison, mais dans une maison comparable, Lo de Maria (La Vasca), le prix était de 3 pesos de l’heure. Le mari de la propriétaire, « El Ingles » (Carlos Kern) veillait à ce que les protégées soient respectées. On est toujours à l’époque du tango de prostibulo, mais avec classe.
Il indique que dès l’époque de Laura, il était de Primer agua c’est-à-dire qu’il était déjà très bon. Un peu comme dans la milonga « En lo de Laura » (musique d’Antonio Polito et paroles d’Enrique Cadícamo). En effet, dans cette milonga, Cadícamo a écrit : « Milonga provocadora que me dio cartel de taura… », Milonga provocante qui me donna le titre de champion (en fait, plutôt dans le sens de cador, caïd, compadrito, courageux, qui se montre…).

En lo de Laura 1943-03-12 – Orquesta Ángel D’Agostino con Ángel Vargas – Antonio Polito Letra Enrique Cadícamo (Domingo Enrique Cadícamo)

Pour vous donner une idée de l’ambiance de Lo de Laura, vous pouvez regarder cet extrait du film argentin « La Parda Flora » de León Klimovsky et qui est sorti le 11 juillet 1952. C’est bien sûr une reconstitution, avec les limites que ce genre impose.

Reconstitution de l’ambiance en Lo de Laura. Extrait du film argentin « La Parda Flora » de León Klimovsky sorti le 11 juillet 1952

Dans cette partie du film se joue “El Entrerriano” d’Anselmo Rosendo Mendizábal. En effet, une tradition veut que Mendizábal ait écrit ce tango en Lo de Laura. Il était en effet pianiste dans cet établissement et c’est donc fort possible. Il intervenait aussi à Lo de Maria la Vasca et certains affirment que cet dans ce dernier établissement qu’il a inauguré le tango.
Notons que les deux affirmations ne sont pas contradictoires, mais je préfère lever le doute en prenant le témoignage de José Guidobono, témoin et acteur de la chose.
Il décrit cela dans une lettre envoyée en 1934 à Héctor et Luis Bates et qui la publièrent en 1936 dans « Las historias del tango: sus autores » :

“Existía una casa de baile que era conocida por “María la Vasca”. Allí se bailaba todas y toda la noche, a tres pesos hora por persona. Encontraba en esos bailes a estudiantes, cuidadores y jockeys y en general, gente bien. El pianista oficial era Rosendo y allí fue donde por primera vez se tocó “El entrerriano”. […] así se bailó hasta las 6 a.m. Al retirarnos lo saludé a Rosendo, de quien era amigo, y lo felicité por su tango inédito y sin nombre, y me dijo: “se lo voy a dedicar a usted, póngale nombre”. Le agradecí pero no acepté, y debo decir la verdad, no lo acepté porque eso me iba a costar por lo menos cien pesos, al tener que retribuir la atención. Pero le sugerí la idea que se lo dedicase a Segovia, un muchacho que paseaba con nosotros, amigo también de Rosendo y admirador; así fue; Segovia aceptó el ofrecimiento de Rosendo. Y se le puso “El entrerriano” porque Segovia era oriundo de Entre Ríos.”.

José Guidobono

Traduction :

Il y avait une maison de danse connue sous le nom de « María la Vasca ». On y dansait toute la nuit pour trois pesos de l’heure et par personne. À ces bals, j’ai croisé des étudiants, des médecins et des jockeys [c’était une soirée spéciale du Z Club, club auquel Rosendo Mendizábal a d’ailleurs dédié un tango (Z Club)] et en général, de bonnes personnes.
Le pianiste officiel était Rosendo et c’est là que « El entrerriano » a été joué pour la première fois. […] c’est ainsi qu’on a dansé jusqu’à 6 heures du matin.
En partant, j’ai salué Rosendo, dont j’étais ami, et je l’ai félicité pour son tango inédit et sans nom, et il m’a dit : « Je vais te le dédicacer, donne-lui un nom ». Je l’ai remercié, mais je n’ai pas accepté, et je dois dire la vérité, je ne l’ai pas accepté parce que cela allait me coûter au moins cent pesos, pour le remercier de l’attention. Mais j’ai suggéré l’idée qu’il le dédicace à Segovia, un garçon qui marchait avec nous, également ami et admirateur de Rosendo ; C’est comme ça que ça s’est passé ; Segovia a accepté l’offre de Rosendo. Et il l’a intitulé « El Entrerriano » parce que Segovia était originaire d’Entre Ríos. […] Rosendo a ainsi gagné cent mangos (pesos en lunfardo). »

La face A du disque Victor 38397

Sur la face A du même disque Victor a gravé une valse. Elle a été enregistrée le même jour par Donato et Lagos, comme c’est souvent le cas.
Cette valse est sublime, je vous la propose donc ici :

Qué será ? 1938-03-09 — Orquesta Edgardo Donato con Horacio Lagos — Pepe Guízar (MyL)

Ne pas confondre cette valse avec une au titre qui ne diffère que par deux lettres…

Quién será ? 1941-10-13 — Orquesta Edgardo Donato con Horacio Lagos — Luis Rubistein (MyL)

Un clin d’œil pour les DJ

Felix Picherna, un célèbre DJ de l’époque des cassettes Philips, utilisait un crayon pour rembobiner ses cassettes. Il devait donc sacar la punta antes de la milonga.
J’en parle dans mon article sur les tandas.
Maintenant, vous êtes prêts à danser à Lo de Laura ou dans votre milonga favorite.

Felix Pincherna utilisant un crayon pour rembobiner sa cassette de cortina. http://www.molo7photoagency.com/blog/felix-picherna-el-muzicalizador-de-buenos-aires/04-9/