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La capilla blanca 1944-07-11 – Orquesta Carlos Di Sarli con Alberto Podestá

Carlos Di Sarli Letra : Héctor Marcó (Héctor Domingo Marcolongo)

Une grande partie des titres composés par Carlos Di Sarli ont des paroles de Héctor Marcó, comme Corazón (le premier titre de leur collaboration), Porteño y bailarín, Nido gaucho, Juan Porteño, En un beso la vida, Rosamel, Bien frappé, et la merveille d’aujourd’hui, , transcendée par la voix de Alberto Podestá.

Héctor Marcó écrira les paroles de ce tango à la suite d’une expérience personnelle. Carlos Di Sarli le mettra soigneusement en musique, avec le temps nécessaire pour donner sa mesure à un sujet qui parlait à sa sensibilité. Di Sarli n’était pas un compositeur de l’instant, il savait prendre son temps…

Comme vous le découvrirez à la lecture des paroles si vous ne les connaissiez pas, ce tango pourrait être l’objet d’un fait divers, comme en relatent les journalistes, journalistes auquel ce tango est dédié.

”Existe un gremio que siempre pidió para los demás, y nunca para sí mismo. …Ese gremio, es el de los periodistas. Muy justo entonces que yo lo recuerde con cariño y dedique a todos los periodistas de la Argentina, este tango”. Carlos Di Sarli.

Dédicace inscrite sur la couverture de la partition éditée par .

« Il existe un syndicat qui a toujours demandé pour les autres, et jamais pour lui-même… Ce syndicat c’est celui des journalistes. C’est donc très juste que je m’en souvienne avec affection et que je dédie ce tango à tous les journalistes argentins. » Carlos Di Sarli.

Si vous souhaitez en savoir plus sur ce titre, je vous conseille cet article de l’excellent blog Tango al Bardo.

Extrait musical

La capilla blanca 1944-07-11 – Orquesta Carlos Di Sarli con .

Les propositions légères des violons sont ponctuées de lourds accords du piano de Di Sarli. La tonalité passe du mode majeur au mode mineur à diverses reprises, suggérant des émotions mêlées. À 1:20 la chaleureuse voix de Podestá reprend le motif des violons. Le passage au second thème est signalé par un point d’orgue appuyé. Il déroule ensuite le début des paroles jusqu’à l’ultime note.

La capilla blanca. À gauche, édition Korn sur laquelle on peut lire la dédicace aux journalistes. Au centre et à droite, édition brésilienne de la Partition. Le chanteur est Victor Manuel Caserta. Je n’ai malheureusement pas trouvé d’interprétation enregistrée par lui. On notera qu’il est né à Buenos Aires de parents d’origine brésilienne. Il fut également poète, mais pas auteur de textes de tango, à ma connaissance.

Paroles

En la capilla blanca
de un pueblo provinciano,
muy junto a un arroyuelo de cristal,
me hincaban a rezar
tus manos…
Tus manos que encendían
mi corazón de niño.
Y al pie de un Santo Cristo,
las aguas del cariño
me dabas de (a) beber.

Feliz nos vio la luna
bajar por la montaña,
siguiendo las estrellas,
bebiendo entre tus cabras,
un ánfora de amor…
Y hoy son aves oscuras
esas tímidas campanas
que doblan a lo lejos
el toque de oración.
Tu voz murió en el río,
y en la capilla blanca,
quedó un lugar vacío
¡Vacío como el alma
de los dos…!

En la capilla blanca
de un pueblo provinciano,
muy junto a un arroyuelo de cristal,
presiento sollozar
tus labios…
Y cuando con sus duendes
la noche se despierta
al pie de Santo Cristo,
habrá una rosa muerta,
¡que ruega por los dos!

Carlos Di Sarli Letra: Héctor Marcó

Alberto Podestá et Mario Pomar chantent seulement ce qui est en gras.

Traduction libre

Dans la chapelle blanche d’un village provincial, tout près d’un ruisseau de cristal, tes mains m’ont agenouillé pour prier…
Tes mains qui ont illuminé mon cœur d’enfant.
Et au pied d’un Saint Christ, tu m’as donné à boire les eaux de l’affection.
La lune nous a vus descendre heureux de la montagne, suivant les étoiles, buvant parmi tes chèvres, une amphore d’amour…
Et aujourd’hui, ce sont des oiseaux obscurs, ces cloches timides qui sonnent au loin l’appel à la prière.
Ta voix s’est éteinte dans la rivière, et dans la chapelle blanche, une place vide a été laissée.
Vide comme l’âme des deux… !
Dans la chapelle blanche d’un village provincial, tout près d’un ruisseau de cristal, je sens tes lèvres sangloter…
Et quand avec ses duendes (sorte de gnomes, lutins de la mythologie argentine) la nuit se réveillera au pied du Saint Christ, il y aura une rose morte,
Priez pour nous deux !

Comme vous l’aurez noté, les paroles ont une connotation religieuse marquée. C’est assez courant dans le tango, l’Argentine n’ayant pas la séparation de l’église et de l’état comme cela peut se faire en France et la religion, les religions sont beaucoup plus présentes. Par ailleurs, Di Sarli était religieux et donc ce type de traitement du sujet n’était pas pour lui déplaire.

Autres versions

La capilla blanca 1944-07-11 – Orquesta Carlos Di Sarli con Alberto Podestá.

C’est notre tango du jour et probablement la version de référence pour ce titre. Podesta ne chante que les premiers couplets.

La capilla blanca 1953-06-26 – Orquesta Carlos Di Sarli con Mario Pomar (Mario Corrales).

J’aime beaucoup Mario Pomar. Cette version est suffisamment différente de celle de 1944 pour avoir tout son intérêt. Son tempo est plus lent, plus majestueux. Je peux passer indifféremment, selon les circonstances, l’une ou l’autre de ces versions.

La capilla blanca 1973 – .

Comment dire. Rufino qui a fait de si belles choses avec Di Sarli aurait peut-être pu se dispenser de cet enregistrement. Même pour l’écoute, je ne le trouve pas satisfaisant, mais je peux me tromper.

La capilla blanca 1973 – Alberto Podestá accomp. Orquesta de Leopoldo Federico.

La capilla blanca 1973 – Alberto Podestá accomp. Orquesta de Leopoldo Federico. Podestá enregistre de nouveau son grand succès. Ici, avec l’orchestre suave et discret de Leopoldo Federico.

La capilla blanca 1986 – Alberto Podestá accomp. Orquesta de . Encore Podestá.
La capilla blanca 2000c – Alberto Podestá accomp. Orquesta de Leopoldo Federico.

Podestá accompagné par Federico nous propose une autre version encore plus lente.

La capilla blanca 2008 (publication 2009-09) – José Libertella (Pepe) con Adalberto Perazzo.

Pepe Libertella, le leader du Sexteto Mayor propose cette version de notre tango du jour. Adalberto Perazzo chante tous les couplets, y compris la triste fin.

La capilla blanca 2011 – Orquesta Típica Gente de Tango con .
La capilla blanca 2020-07-10 – .

Dans son interprétation au piano, Pablo Montanelli fait ressortir le rythme de habanera à la main gauche.

L’ de couverture

Une chapelle blanche au bord d’une rivière, ça ne se trouve pas si facilement.
J’ai pensé délirer à partir de la création de Le Corbusier, Notre dame du haut à Ronchamp.

Notre Dame du Haut à Ronchamp, architecte Le Corbusier. Le cours d’eau au premier plan est bien sûr une création de ma part…

Premier jet que je n’ai pas continué, la chapelle aussi magnifique soit elle ne me paraît pas pouvoir convenir et je ne voyais pas comment l’intégrer avec une rivière qui aurait détruit la pureté de ses lignes.

J’ai pensé ensuite à différentes petites églises vues du côté de Salta ou Jujuy, comme l’église San José de Cachi dont j’adore le graphisme épuré.

Une photo brute, avant toute intervention de la Iglesia San José de Cachi.

Cette église a également les trois cloches, comme sur la partition éditée par Julio Korn. Cependant, cela fait trop église et pas assez chapelle. Trois cloches pour une chapelle, c’est trop, même si cela a peut-être été validé par Di Sarli et Marcó comme on l’a vu sur la partition éditée par Jules Korn.
Je pense que j’aurais pu en faire un truc intéressant, type art déco ou autre stylisation.
Une autre candidate aurait pu être la chapelle mystérieuse de Rio Blanco. Elle est assez proche du Rio . Je vous la laisse découvrir en suivant ce lien…
J’ai finalement opté pour l’image que j’ai choisie. Un paysage romantique, situé quelque part dans les Andes. Pourquoi les Andes, je ne sais pas. Sans doute que c’est, car il y a mes paysages préférés d’Argentine. Et puis le texte parle de montagne, alors, autant en choisir de belles…
La montagne a été constituée à partir d’éléments pris dans les Andes, dont le merveilleux pic de El Chalten, la montagne qui fume. La chapelle est en fait un ermitage dédié à la Virgen de Fátima en Asturies (). Ce n’est pas couleur locale, mais c’est la même église que José María Otero a utilisée pour son texte sur ce tango. Pour donner un effet romantique, l’eau est en pose longue et j’ai joué d’effets dans Photoshop, pour la lumière et l’aspect vaporeux. Je trouve que le résultat, avec sa rivière meurtrière et ce contre-jour dévoilant des ombres inquiétantes, exprime bien ce que je ressens à la lecture du texte de Héctor Marcó.

La capilla blanca, dans ce montage, vous reconnaîtrez El Chalten, la montagne qui fume, cet impressionnant pic de la Patagonie. La chapelle est en fait l’ermitage de la Virgen de Fátima en Asturies (Espagne).

À demain, les amis.

Silueta porteña 1967-03-17 — Los Siete Del Tango (de Luis Stazo et Orlando Trípodi) con Gloria Velez y Lalo Martel

Nicolas Luis Cuccaro; Juan Ventura Cuccaro Letra Orlando D’Aniello ; Ernesto Noli
Direction et arrangements Luis Stazo et Orlando Trípodi

Silueta porteña est une superbe milonga qui fait le bonheur des danseurs. Aujourd’hui, je vais vous la proposer dans une version différente, moins dansante, mais le tango ne s’arrête pas à la porte de la milonga et le duo est superbe. Un en fin d’article vous permettra de donner votre avis sur la .

Luis Stazo (1930-2016) est un très grand monsieur du tango, tout d’abord comme bandonéoniste., mais aussi comme chef d’orchestre, arrangeur et compositeur.
Il est aussi connu pour être le fondateur du Sexteto Mayor avec , également bandonéoniste. Cet orchestre a tourné dans le monde entier et continue de le faire avec les successeurs des créateurs.

Évolution de la composition du Sexteto Mayor. Source https://es.wikipedia.org/wiki/Sexteto_Mayor

Los siete del tango est un autre orchestre créé également par Luis Stazo, mais avec Orlando Trípodi. Ils sont les arrangeurs et les chefs de cet orchestre qui a eu une carrière plutôt réduite, entre 1965 et 1969. Cependant, on conserve des enregistrements, à la fois de compositions « classiques », comme Silueta porteña, notre tango du jour et des compositions de Stazo et Trípodi, comme Entre dos, qu’ils ont enregistré le même jour, le 17 mars 1967.
La composition de l’orchestre est la suivante :

  • Luis Stazo au bandonéon (plus arrangements et direction)
  • Orlando Trípodi au piano (plus arrangements et direction)
  • Suarez Paz au violon
  • Hector Ortega à la guitare électrique
  • à la basse
  • Les chanteurs sont Gloria Velez et Lalo Martel pour cet enregistrement, mais Roberto Echague et Olga de Grossi ont enregistré d’autres titres.
Silueta porteña n’a pas été intégrée aux quatre disques 33 tours réalisés par l’orchestre (cinq si on compte une double édition avec les mêmes titres) ni éditée en 45 tours (ce qui fut réservé à seulement deux titres, dont celui qui a été enregistrée le même jour que Silueta porteña, Entre dos. Elle a été publié sur la compilation « Al ritmo de la milongas inovidables » par Pampa – EMI – Odeon en 1968. C’est le second titre de la face B. On y trouve la date d’enregistrement, 17-3-67).

Extrait musical

Silueta porteña 1967-03-17 – Los Siete Del Tango con Gloria Velez y Lalo Martel

Les paroles

J’indique également les paroles de cette version qui sont un peu différentes, car Gloria Velez chante sa partie en jouant le rôle de la Silueta porteña, contrairement à la version habituelle ou tout le texte est dit du point de vue de l’homme.

Cuando tú pasas caminando por las tardes, (Cuando yo paso caminando por las calles)
repiqueteando tu taquito en la vereda, (repiqueteando mi taquito en la vereda)  
marcas compases de cadencias melodiosas
de una milonga juguetona y callejera.
Y en tus vaivenes pareciera la bailaras, (Y en los vaivenes pareciera lo bailara)
así te miren y te dicen lo que quieran, (así me miran y me dicen lo que quiera)
porque tú llevas en tu cuerpo la arrogancia  
y el majestuoso ondular de las porteñas.

Tardecita criolla, de límpido cielo
bordado de nubes, llevas en tu pelo.
Vinchita argentina que es todo tu orgullo...
¡Y cuánto sol tienen esos ojos tuyos!

Y los piropos que te dicen los muchachos,
como florcitas que a tu paso te ofrecieran
que las recoges y que enredas en tu pelo,
junto a la vincha con que adornas tu cabeza.
Dice tu cuerpo tu arrogancia y tu cadencia
y tus taquitos provocando en la vereda:
Soy el espíritu criollo hecho silueta
y te coronan la más guapa y más porteña.

Nicolas Luis Cuccaro ; Juan Ventura Cuccaro Letra Orlando D’Aniello ; Ernesto Noli

En rouge ce qui est chantée par Gloria Velez (Quand c’est un homme qui chante, c’est la partie gauche des lignes qui est chantée).
En bleu, ce qui est chanté par Lalo Martel.
En gras, ce qui est chanté par les deux en duo.
En gras et vert, la reprise finale du refrain par les deux chanteurs, Gloria et Lalo.
Le dernier couplet n’est pas chanté dans cette version
.

Une autre silhouette portègne jusqu’au bout des ongles

Traduction libre

Quand tu passes dans l’après-midi, en faisant claquer tes talons sur le trottoir, tu marques la cadence mélodieuse d’une milonga joyeuse et de la rue (il n’y a pas d’équivalent en français).
Et dans tes allers et retours, tu sembles danser, ainsi ils te regardent, te parlent ceux qui aiment, car tu portes dans ton corps, l’arrogance et la majestueuse ondulation des Portègnes.
L’après-midi criollo, au ciel limpide et brodé de nuages, tu le portes dans tes cheveux. Le ruban (bannière) argentin(e) qui est toute ta fierté… Et que de soleil contiennent tes yeux ! (Elle porte les couleurs de l’Argentine sur la tête. Le céleste et le blanc, ainsi que le soleil dans ses yeux).
Et les flatteries (piropos) que te lancent les gars, comme des petites fleurs qu’ils offrent à ton passage pour que tu les ramasses et les laces dans tes cheveux, au côté du bandeau dont tu ornes ta tête. Ton corps dit ton arrogance et ta cadence et tes talons professent sur le trottoir : je suis l’esprit criollo fait silhouette et ils te couronnent comme la plus belle et la plus portègne.

Sondage

Autres versions

Lors de la publication le 17 mars 2024, il n’y avait que la version de Los Siete Del Tango. Un an jour pour jour, plus tard, je vous propose d’autres versions :

Silueta porteña 1936-01-14 – Orquesta con .

Plus ancien enregistrement en stock. La voix un peu acide de Cabral n’est pas forcément la plus agréable, mais c’est tout à fait dansable.

Silueta porteña 1936-07-17 – Orquesta con Roberto Maida.

Cette version est sans doute celle qui passe le plus souvent et c’est justifié.

Silueta porteña 1956-05-18 – Orquesta Héctor Varela con Argentino Ledesma.

Vingt ans après la première vague, Varela donne sa version. J’aime beaucoup l’introduction qui bat comme un cœur (je ne suis pas médecin, mais j’espère que votre cœur ne bat pas ainsi). Même si l’orchestre de Varela n’est pas le plus apprécié en milonga, je trouve cette version assez sympathique et il m’arrive de la passer.

Silueta porteña 1956-08-02 – Orquesta con Jorge Maciel y Miguel Montero.

Cette version en duo est jolie, mais sans doute un peu trop liée pour en faire une milonga intéressante à danser. On se contentera donc de l’écouter avec ravissement.

Silueta porteña 1958 – .

Une version tonique et courte à la flûte et guitare. C’est agréable à écouter, mais pas forcément à danser pour les véritables danseurs de milonga. Mais cela peut faire plaisir aux timides de la milonga.

Silueta porteña 1967-03-17 – Los Siete Del Tango con Gloria Velez y Lalo Martel. C’est notre milonga du jour.
Silueta porteña 1970 – Orquesta Donato Racciatti.

On retrouve la tonicité et la joie de Racciatti dans cet enregistrement. Il est sans doute d’un tempo un peu rapide pour la plupart de danseurs et finalement un peu trop régulier pour amuser les bons danseurs de milonga.

Silueta porteña 1971-08-04 – Miguel Villasboas y su Sexteto Típico.

On reste en Uruguay. Villasboas adopte un tempo un peu plus modéré que son compatriote.

Silueta porteña 2003 – Los Mancifesta. Une autre version rapide, peut-être trop rapide, mais avec des danseurs bien échauffés et prêts à tout, c’est peut-être à tenter. Reste à trouver ces danseurs. On retrouve un duo.
Silueta Porteña 2011 – Luces de .

On change d’univers et là, on arrive au summum du plat. Ce n’est pas très intéressant, à mon avis.

La plupart des orchestres contemporains jouent cette milonga et vous pourrez donner en commentaire des souvenirs de vos pas avec un de ces orchestres.

L’après-midi criollo, au ciel limpide et brodé de nuages, tu le portes dans tes cheveux. La bannière argentine est toute ta fierté… Et que de soleil contiennent tes yeux !