Archives par étiquette : Juan Canaro

Loca 1942-04-22 – Orquesta Juan D’Arienzo

Manuel Jovés Letra : Antonio Martínez Viérgol

On est tous fous de loca, les locos locaux et les locaux d’ailleurs. D’Arienzo l’a enregistré 3 ou 4 fois pour le disque et au moins une fois pour la télévision. La version du jour est celle de 1942, son premier enregistrement de ce titre et qui a aujourd’hui exactement 82 ans.

Extrait musical

Loca 1942-04-22 – Orquesta Juan D’Arienzo

Les paroles

Le tango du jour est instrumental, mais il y a des paroles que voici :

Loca me llaman mis amigos
que solo son testigos
de mi liviano amor.
Loca…
Que saben lo que siento
ni que remordimiento
se oculta en mi interior?

Yo tengo con alegrías
que disfrazar mi tristeza
y que hacer de mi cabeza
las pesadillas huir.
Yo tengo que ahogar en vino
la pena que me devora…
Cuando mi corazón llora
mis labios deben reír.

Yo, si a un hombre lo desprecio,
tengo que fingirle amores,
y admiración, cuando es necio
y si es cobarde, temores…
Yo, que no he pertenecido
al ambiente en que ahora estoy
he de olvidar lo que he sido
y he de olvidar lo que soy.

Loca me llaman mis amigos
que solo son testigos
de mi liviano amor.
Loca…
Que saben lo que siento
ni que remordimiento
se oculta en mi interior?

Alla, muy lejos, muy lejos,
donde el sol cae cada día,
un tranquilo hogar tenía
y en el hogar unos viejos.
La vida y su encanto era
una muchacha que huyo
sin decirle donde fuera…
y esa muchacha era yo.

Hoy no existe ya la casa,
hoy no existen ya los viejos,
hoy la muchacha, muy lejos,
sufriendo la vida pasa.
Y al caer todos los días
en aquella tierra el sol,
cae con el mi alegría
y muere mi corazón.

Manuel Jovés Letra: Antonio Martínez Viérgol

Traduction libre

Folle, m’appellent mes amis qui ne sont que les témoins de mon amour léger.
Folle…
Qui sait ce que je ressens ou quels remords sont cachés en moi ?
Je dois avec des joies déguiser ma tristesse et faire fuir mes cauchemars de ma tête.
Il faut que je noie dans le vin le chagrin qui me dévore…
Quand mon cœur pleure, mes lèvres doivent rire.
Moi, si je méprise un homme, je dois feindre l’amour et l’admiration pour lui, alors qu’il est un imbécile et que s’il est lâche, qu’il a peur…
Moi qui n’ai pas appartenu au milieu dans lequel je suis maintenant, je dois oublier ce que j’ai été et je dois oublier ce que je suis.
Mes amis qui ne sont que les témoins de mon amour de lumière me traitent de folle.
Folle…
Qui sait ce que je ressens ou quels remords sont cachés en moi ?
Là-bas, très loin, là où le soleil tombe chaque jour, il y avait un foyer tranquille, et dans ce foyer quelques vieux.
La vie et son charme, c’était une fille qui s’enfuyait sans lui dire où elle allait…
Et cette fille, c’était moi.
Aujourd’hui, la maison n’existe plus, aujourd’hui il n’y a plus de vieux, aujourd’hui la fille, très loin, la vie passe en souffrant.
Et quand tombe chaque jour sur cette terre le soleil, ma joie tombe avec lui, et mon cœur meurt.

Autres versions par D’Arienzo

Loca 1942-04-22 – Orquesta Juan . Notre tango du jour est le plus ancien enregistrement par D’Arienzo.
Loca 1946-10-18 – Orquesta Juan D’Arienzo
Loca 1955-12-22 – Orquesta Juan D’Arienzo

Loca 1971

Vous avez tous déjà vu cette vidéo et la façon particulièrement animée de diriger de D’Arienzo. Plusieurs orchestres contemporains imitent cette mise en scène, pour le plus grand plaisir des danseurs.

Loca 1975 – Los Solistas de D’Arienzo. Quelques mois avant la mort de D’Arienzo. Je ne suis pas sûr qu’il ait dirigé cet enregistrement. C’était peut-être Carlos Lazarri, bandonéoniste et arrangeur de l’orchestre.

Autres versions par d’autres orchestres

Loca est un titre à très grand succès et il existe des centaines de versions. Je vous en propose donc une sélection très réduite, mais représentative.

Loca 1922 – Carlos Gardel con acomp. de Guillermo Barbieri, José Ricardo (guitarras)
Loca 1923 – Orchestre Mondain Jose Sentis. Attention, enregistrement perturbé (disque endommagé). Cependant, cela permet de voir que la France était en pointe, ce titre ayant été écrit l’année d’avant.
Loca 1938-06-20 – Quinteto Don Pancho dir. Francisco Canaro
Loca 1941-07-08 – Orquesta Típica Victor Dir. Freddy Scorticati
Loca 1950-11-06 – Enrique Mora y su Cuarteto Típico con Amanda Vidal
Loca 1951 Astor Piazzolla, María de la Fuente.
Loca 1954-10-04 – Orquesta Juan Canaro con María de la Fuente (en vivo en Japón). La même chanteuse que Piazzola.
Loca 1959-01-30 – Orquesta Donato Racciatti con Olga Delgrossi
Loca 1964-04 – Orquesta Alfredo De Angelis con Juan Carlos Godoy
Loca 2014 – Orquesta Típica Fervor de Buenos Aires.

Peut-être la version la plus originale. Fervor de Buenos Aires, est un orchestre créé en 2003 et qui a eu sa personnalité en donnant de nouvelles sonorités à des interprétations inspirées de Di Sarli. À partir de 2008, il a continué son chemin avec un style proche sous le nom Típica Misteriosa Buenos Aires. Ce dernier orchestre s’annonce comme un orchestre de danse, mais cela reste tout de même à prouver…

Alors, avez-vous vu ? C’est fou, vraiment fou, tout cela.

Patético 1948-04-06 — Orquesta Osvaldo Pugliese

Jorge Caldara

Pour bien comprendre pourquoi cette version de Patético interprétée par Osvaldo Pugliese est géniale, il faut la comparer aux deux autres enregistrements contemporains, par Anibal Troilo et Juan Deambroggio « Bachicha »… Mais surtout, il faut nous intéresser à son compositeur, Jorge Caldara, un génie mort trop jeune. Pugliese a enregistré Patético il y a jour pour jour 76 ans.

Extrait musical

Patético 1948-04-06 — Orquesta Osvaldo Pugliese

Je vous laisse écouter cette merveilleuse version, sans commentaire. Vous les trouverez cependant ci-dessous, en comparaison avec deux autres versions contemporaines.

Autres versions

Il me semble intéressant de comparer les trois versions enregistrées à quelques mois d’intervalle. Je commence par le tango du jour, celle de Pugliese, puis une version de Bachicha mal datée, mais probablement légèrement postérieure à celle de Pugliese dans la mesure où Jorge Caladara était bandonéoniste dans l’orchestre d’Osvaldo à ce moment.
La troisième version est celle de Troilo, enregistrée presque un an après celle de Pugliese.

Je vous invite à remarquer comme la version de Pugliese est différente dès les premières secondes.

Patético 1948-04-06 — Orquesta Osvaldo Pugliese
Patético 1948 — Orquesta Juan Deambroggio « Bachicha »
Patético 1949-03-30 — Orquesta Aníbal Troilo

Intéressons-nous maintenant à la vision d’ensemble des trois interprétations.

La partie verte représente le volume de la musique.
La partie à dominante rouge représente la hauteur du son. En bas (en jaune), ce sont les basses et en haut, les aigus.
On se rend compte à l’oreille et à l’œil que la version de Pugliese est un peu plus sourde (moins d’aigus que celle de Troilo. Celle de Bachicha a des aigus, mais ce sont principalement les bruits du disque…
Cela étant dit, il convient de remarquer la structure très différente des trois morceaux. Celui de Pugliese présente des parties fortissimo et des parties piano. Vous remarquerez par exemple la partie où est le curseur (ligne rouge verticale et fine) qui correspond à une partie pianissimo (bas niveau sonore).
Dans la version de Troilo, les alternances de fortissimi et piani sont plus fréquentes et moins marquées.
La version de Bachicha est plus homogène. On peut imaginer que la musique sera un peu moins expressive que dans les deux autres versions.
Sur les basses (partie inférieure en jaune), Pugliese les marque notamment avec ses cordes (contrebasse, par exemple).
Troilo les réalise avec les cordes, mais aussi avec le piano. Les instruments percutant en même temps.
1 : 05 Pugliese ne met pas le long trait de violon qui était si original au début. Au contraire, c’est presque silencieux, ce qui crée un manque, un appel, une interrogation chez l’auditeur. Pour le danseur qui n’avait pas pu danser le premier, car tout au début, c’est une frustration possible. Il s’attendait à faire un truc « super » sur ce motif…Puisqu’on parle de cette partie, Bachicha, que ce soit au début ou au milieu (1 : 08) remplit le vide par un motif ascendant au piano. Ce n’est pas une invention de sa part, il est écrit ans la partition de Caldara. Pugliese a pour sa part, décidé de le supprimer totalement (lui qui est pourtant pianiste).Quant à Troilo, il propose au contraire un motif de piano descendant et une petite fioriture au piano pour compenser, mais seulement dans la partie du milieu, vers 1 : 15.
Je vous laisse écouter les différences.
Pour vérifier que vous suivez bien le moment sur l’audiogramme, voici un petit jeu. Écoutez le morceau en suivant de gauche à droite la zone verte. Si vous arrivez à vous repérer pour être en phase avec les variations de volume, c’est très bien. A minima, essayez de terminer votre lecture visuelle en même temps que la musique.

Pour terminer cette courte étude des interprétations, allons à la fin du morceau. Écoutez la fin de Bachicha. Il déroule tranquillement la partition, sans créer d’effet de surprise. Les deux accords finaux (dominante et tonique) sont joués avec quasiment le même volume. Un véritable « tsoin tsoin » final. J’ai une anecdote à ce sujet, mais je vous la conterai une autre fois. Maintenant, bon, OK. J’étais habitué à dire « tsoin tsoin » à la fin des morceaux. Ce tsoin-tsoin était couvert par les applaudissements. Cependant, un jour, nous avons interprété un choral de Bach durant une messe. Le problème est que dans ce type d’endroit, les gens n’applaudissent pas et que mon tsoin-tsoin a résonné dans toute l’église. Vais-je dire que j’ai encore honte, tant d’années après. Peut-être, mais en tous cas, cela a exacerbé ma sensibilité sur les fins de morceaux et les orchestres de tango sont un régal pour cela, chacun cherchant à donner sa signature.
Revenons à nos moutons, ou plutôt à Troilo et Pugliese afin d’écouter leurs signatures.
Troilo reprend le motif du départ (qui n’est pas dans la partition originale) et termine avec un glissando énorme du piano pour lancer finalement les deux accords finaux, dominante fortissimo et le dernier plus faible. C’est une fin superbe, il faut en convenir.
La fin proposée par Pugliese. Le rappel du motif initial est presque absent, si ce n’est quelques « coups » de volume de tous les instruments avec une fin qui s’estompe, comme un rêve qui se termine. Le pathétique devenu insignifiant après s’être tant gonflé disparaît d’une pichenette et retombe sur l’accord final comme une baudruche dégonflée.

Jorge Caldara (17 septembre 1924 – 24 août 1967)

Le compositeur du tango du jour est un jeune prodige. Tout gosse, il voulait devenir pianiste, mais son père un tanguero un peu pingre rabattit ses ambitions au bandonéon.
Cela ne découragea pas Jorge qui commença à jouer dans des orchestres à l’âge de 14 ans et à 15 ans, il créa son propre orchestre, la Orquesta Juvenil Buenos Aires. (l’orchestre de jeunes de Buenos Aires) qui joua en alternance avec l’orchestre d’Anibal Troilo les mardis au Café Germinal (Avenida Corrientes au 942, au côté du Café Nacional, aujourd’hui théâtre Nacional Sancor Seguros). C’était un lieu prestigieux, voisin du café Nacional avec qui il travaillait en doublette et en face des 36 Billares. De toute façon, chaque mètre de l’avenue Corrientes dans ces environs a des souvenirs de tango. Donc, avoir son orchestre à 15 ans et jouer dans la cour des grands, cela prouve le talent du bonhomme.
Évidemment, il a été remarqué et Alberto Pugliese l’a fait entrer dans son orchestre comme bandéoniste, jusqu’en 1944, date où il a dû effectuer son service militaire.
À la fin de son service, il intègre l’orchestre du petit frère d’Alberto, Osvaldo Pugliese.
Caldara prendra une place importante dans l’orchestre de Pugliese, toutes proportions gardées, comme Biagi avec D’Arienzo, grâce à son bandonéon énergique qui marquait la cadence tout en développant la mélodie. Caldara était sensible à un tango moderne, notamment à celui d’Eduardo Rovira et je pense que cela l’a influencé pour ses créations à l’époque de Pugliese, celui-ci pourtant novateur, n’a pris la dimension de Rovira que bien plus tard, notamment avec sa magnifique version de A Evaristo Carriego qu’il n’a enregistré qu’en 1969… Je pense même que Troilo auquel Caldara était également sensible avait de l’avance dans ce domaine par rapport à Pugliese, notamment sur l’utilisation des chanteurs.
J’ai une théorie personnelle sur la question, mais je pense que la Yumba doit un peu à la façon de jouer de Caldara, même si Pugliese affirme qu’il l’a choisi, car il pouvait s’intégrer parmi sa ligne de bandonéonistes déjà en place.

Osvaldo reconnut également ses talents de compositeurs, car il lui doit plusieurs de ses succès comme Patético 1948, notre tango du jour, Pastoral 1950, Pasional 1951 (avec Alberto Morán) et Por pecadora 1952 (avec Alberto Morán).
Le jeune Jorge Caladra vouait une dévotion à son nouveau chef d’orchestre et lui dédicacera un tango Puglieseando, qui est une merveille et que je vous propose d’écouter tout de suite :

Puglieseando

Puglieseando 1958-08-13 — Jorge Caldara

Le début rappelle Ríe, payaso de Virgilio Carmona, notamment la version de D’Arienzo avec Bustos de 1959 qui possède un tempo proche, a contrario de celle de 1940 (avec Carlos Casares) qui a un tempo beaucoup plus rapide. Jorge connaissait ce titre, car il l’a enregistré.
0 : 17 La Yumba chère à Pugliese apparaît.
0 : 50 remarquez son bandonéon sensible et expressif qui lui permet de marquer le contraste avec les passages plus énergiques. Caldara était bandonéoniste.
Comme chez l’objet de son hommage, les parties avec un tempo marqué alternent avec les parties glissées et suaves, notamment dessinées par les violons, le piano et les bandonéons plus staccatos contrastent, jusqu’à ce que à…
2 : 30 les réponses se fassent de plus en plus rapprochés, les changements de tonalité, font grimper la tension qui s’apaise dans une coda plus lente et un gros accord sur la dominante, suivi par un léger rebond sur la tonique, dans un style complètement pugliesien.

Pasional

Si je vous dis que c’est aussi Jorge Caldara qui a composé Pasional, un des plus gros succès de Pugliese, vous avez pris la dimension de ce musicien. Voici sa version enregistrée avec l’immense chanteur Rodolfo Lesica sur des paroles de Mario Soto.

Pasional 1964 — Jorge Caldara — Rodolfo Lesica, sa composition qu’a rendu célèbre Osvaldo Pugliese, mais ici par son compositeur et chantée par le grand Lesica.

Il a donc commencé très jeune, mais il est mort après moins de 30 ans de carrière et surtout, ses premiers enregistrements comme chef d’orchestre ne datent que de la fin des années 50, période où le rock’n’roll et autres fantaisies avaient pris le pas sur le tango.

Principales compositions de Jorge Caldara

Ses tangos instrumentaux

  • Bamba, dédicacé à sa fille,
  • Con T de Troilo,
  • Cuando habla el bandoneón, en collaboration avec Luis Stazo,
  • Mi bandoneón y yo (Crecimos juntos),
  • Papilino, dédicacé à son fils,
  • Pastoral,
  • Patético,
  • Patriarca,
  • Puglieseando,
  • Sentido en collaboration avec Daniel Lomuto,
  • Tango 05, dédicacé à la Fuerza Aérea Argentina (armée de l’air argentine)

Ses tangos chantés

  • Pasional, avec des paroles de Mario Soto
  • Por pecadora, avec des paroles de Mario Soto
  • Muchachita de barrio, avec des paroles de Mario Soto
  • Profundamente, avec des paroles de Mario Soto
  • Paternal, avec des paroles de Norberto Samonta
  • No ves que nos queremos, avec des paroles de Abel Aznar
  • Estés donde estés, avec des paroles de Martínez
  • Gorrión de barrio, son premier tango (il était lui-même très jeune et donc comme un petit moineau de quartier).
  • Solo Dios vos y yo, dédicacé à son épouse, avec des paroles de Rodolfo Aiello

Jorge Caldara et ses orchestres

On a vu qu’il a fondé son premier orchestre à quinze ans avant d’intégrer différents grands orchestres dont pour finir celui d’Osvaldo Pugliese, mais son parcours ne s’arrête pas là, il reprend à plusieurs milliers de kilomètres de Buenos Aires, au
Jorge Caldara a en effet passé un an au Japon. La fameuse chanteuse Ranko Fujisawa l’ayant entendu jouer dans l’orchestre d’Osvaldo Pugliese à Buenos Aires, l’a invité à venir créer son propre orchestre au Japon.
Fidèle à son directeur, il n’a pas relevé l’invitation, mais un peu plus tard, Ranko est revenue à la charge et Jorge décida de quitter l’orchestre d’Osvaldo à la fin de 1954 et a déménagé avec sa famille.
Il y est resté un an et y a gravé ses premiers disques avec un orchestre composé avec des musiciens japonais qu’il avait recrutés, mais aussi avec ceux de la Típica Tokio dirigée par le mari de Ranko…
Il fut donc l’un des tout premiers, après Juan Canaro, à faire le saut vers le Japon. J’y vois encore une preuve de la qualité de cet artiste.
Parmi les titres gravés au Japon, je vous propose Recuerdo de Buenos Aires enregistré en 1955 et chanté par… vous aurez deviné, Ranko Fujisawa.

Recuerdo de Buenos Aires 1955 — orquesta de Jorge Caldara con Ranko Fujisawa

De retour à Buenos Aires, il monte un orchestre.

Parmi les titres enregistrés avec cet orchestre, je vous propose maintenant deux curiosités, mais le plus intéressant sera pour la fin de cet article…

La Pena de James Dean 1958-11-13 — Jorge Caldara Con Miguel Martino. Une chanson composée par Enrique Juan Munné avec des paroles de Lina Ferro de Bahr) parlant de James Dean, cet acteur mort en 1955 à l’âge de 24 ans dans un accident de voiture.
La fulana (milonga) 1957-07-29 — Jorge Caldara Con Carlos Montalvo avec des paroles et la musique de Alberto Mastra et Luis Rafael Caruso.

En parallèle, Jorge joue dans un cuarteto. Cette dimension d’orchestre s’adapte mieux à cette époque où le tango est en perte de vitesse.

La tablada 1960-01-29 Estrellas de Buenos Aires

Un exemple de ce que donne ce cuarteto nommé Las estrellas de Buenos Aires (les Étoiles de Buenos Aires). Dans ce titre, on entend bien séparément les quatre instruments. Vous pouvez donc repérer par ordre d’apparition : le bandonéon de Jorge, le piano d’Armando Cupo et le violon d’Hugo Baralis puis la contrebasse de Kicho Díaz. Vous remarquerez que la version proposée par ce cuarteto est bien originale et qu’elle valait le coup de lire jusqu’ici.

Et une dernière surprise, un de ses derniers enregistrements

Mais ce n’est pas fini, je reviens à l’orchestre avec qui il a continué d’enregistrer dans les années 60 avec un titre incroyable. C’est une des compositions les plus célèbres d’Osvaldo Pugliese, ici dans une version fort étonnante que nous propose Jorge Caldara et son orchestre.

La Yumba 1964 — Jorge Caldara — La Yumba 1964 — Jorge Caldara.

On voit bien que c’est Caldara qui poussait Pugliese, plutôt que l’inverse, non ?

On ne peut que regretter que ce talentueux musicien soit mort jeune, sa carrière commencée à 14 ans n’a pas duré 30 ans (26 ans). Les trois/quatre dernières années de sa vie furent perdues à cause du cancer qui l’emporta. Ses enregistrements de 1964 sont les derniers.

Por vos… Yo me rompo todo 1939-02-27 — Orquesta Francisco Canaro con Ernesto Famá

Francisco Canaro (Francisco Canarozzo) musique et paroles

Le tango d’aujourd’hui a été enregistré par Francisco Canaro avec le chanteur Ernesto Famá, le 27 février 1939, il y a exactement 85 ans. Mais je vous parlerai aussi de la version de son frère, Rafael, enregistrée la même année, en France et avec lui-même comme chanteur.

J’ai déjà cité deux Canaros, il s’agit en fait d’une famille de musiciens de tango que je vous invite à découvrir.

Les Canaros

De cette famille uruguayenne de musiciens, Francisco Canaro (Canarozzo) est sans doute le plus connu, mais il avait quatre frères musiciens de tango, Rafael, Humberto, Juan et Mario.

  • Francisco, l’aîné (26 novembre 1888 – 14 décembre 1964) était compositeur, chef d’orchestre et violoniste.
  • Rafael (22 juin 1890 – 28 janvier 1972) était compositeur, chef d’orchestre, contrebassiste et joueur de scie musicale. Il a passé une douzaine d’années en France avant la Seconde Guerre mondiale. Il a enregistré des tangos chantés en français, notamment avec Toussaint.
  • Juan (23 juin 1892 – 16 mars 1977) était compositeur, chef d’orchestre et bandonéoniste. Il est également passé par Paris, mais a beaucoup voyagé et ne s’y est pas fixé.
  • Humberto (16 août 1896 – 26 août 1952) était compositeur, chef d’orchestre et pianiste. Il n’est venu en France qu’après la Seconde Guerre mondiale.
  • Mario (14 mai 1903 – 19 juin 1974) est le seul à être né en Argentine, à Buenos Aires et ne pas avoir été chef d’orchestre. En revanche, il était compositeur, violoniste, bandonéiste et contrebassiste. Il termina sa formation musicale en France et en Belgique et resta à Paris, jusqu’en 1939, chassé, comme Rafael, par la guerre.

On constatera que les frères Canaro pouvaient à eux seuls faire un quintette de qualité. L’histoire des Canaro est également liée à la France. Ils ont permis au tango de se développer en remportant un immense succès en Europe. Tous les frères y sont passés. Francisco y a fait plusieurs séjours et Rafael et Juan s’y sont établis et n’en sont partis qu’à cause de la Seconde Guerre mondiale.

Le titre du jour nous donne une preuve de l’internationalisme du tango, peut-être le même jour (il y a un petit doute entre le 26 et le 27 février 1939, Francisco et Rafael enregistraient Por vos… yo me rompo todo.

Le dialogue transatlantique

La version de Francisco a été enregistrée à Buenos Aires (matrice 9814-1) et diffusée par Odéon en Argentine et en Angleterre. Le chanteur en est Ernesto Famá dont la voix gouailleuse et un peu ironique convient bien au thème.

Rafael a, pour sa part, enregistré chez Columbia, en France (matrice CL 7130-1). C’est lui qui chante, ainsi que le chœur de ses instrumentistes qui remprennent les “ma china” et le final, comme cela se faisait assez fréquemment à l’époque. À ce sujet, il y a deux jours, j’étais dans une milonga animée par un quatuor (qui va prochainement faire un tour en Europe) et où les musiciens faisaient le chœur. Le résultat était mitigé, car les voix étaient trop proches et désaccordées. Pour moi, cela gâchait leur prestation musicale, car les quatre étaient d’excellents musiciens. Espérons que pour leur tournée en Europe ils vont abandonner cette idée ou a minima ne laisser qu’un seul chanter ces brefs estribillos pour ne pas atténuer le plaisir des danseurs.

Version Francisco diffusée en Argentine, au centre, version Francisco éditée en Angleterre et à droite, la version de Rafael, éditée en France.

Extrait musical

Vous aurez le droit à deux pour le prix d’un.

Por vos… yo me rompo todo 1939-02-27 – Orquesta Francisco Canaro con Ernesto Famá
Por vos… yo me rompo todo 1939 – Orquesta Rafael Canaro con Rafael Canaro y coro

Les paroles

Yo soy como el ave que canta y no llora
Como la calandria, igual que un zorzal
Cuando canto, canto, cuando rio, rio
Cuando quiero, quiero con todo el corazón
Yo soy como el ave que canta y no llora
Y busco un cariño para mi pasión
Por vos yo me rompo todo
Mi china
Por vos yo me juego entero
Mi vida
Por vos yo seré doctor, todo un gran señor
Rico y distinguido
Por vos yo seré ladrón, guapo y con padrón
Malo y atrevido
Por vos yo me rompo todo
Mi china
Porque sos mi «metegol»

Francisco Canaro (Francisco Canarozzo) musique et paroles

Les paroles sont assez simples et sans trop de sous-entendus qui les compliquent.
Voici, cependant, quelques indications :

Je suis comme l’oiseau qui chante et ne pleure pas
La calendria (Mimus saturninus, espèce d’alouette) est un oiseau chanteur, très commun à Buenos Aires.
Le zorzal (turdus rufiventris, merle à ventre roux) est un autre oiseau chanteur. C’était aussi le surnom de Carlos Gardel, référence en matière d e chant en Argentine…

Por vos yo me rompo todo […] Por vos yo me juego entero
Plusieurs interprétations sont possibles, mais on pourrait traduire par il se met en quatre, en risque, en jeu.

Mi china
La china est une femme de condition modeste, de la campagne, ou d’origine indienne, mais c’est aussi un terme affectueux. Cela peut aussi être un canif qui se dit « cortaplumas » selon le dictionnaire lunfardo de Dellepiane, ce qui prend sa saveur quand il se désigne comme étant un oiseau. Dans le cas présent, il est probable que ma chérie serait une traduction valable, comme le confirme l’expression Mi vida utilisée ensuite.

Il est vraiment prêt à tout, docteur, grand seigneur ou voleur, courageux, avec un casier judiciaire. Riche et distingué dans le premier cas, mauvais et audacieux dans le second.

Sos mi «metegol»

Un métegol, c’est un baby-foot (marquer un but). Le fait qu’il compare sa china (chérie) à un baby-foot peut sembler étrange. Peut-être est-ce la preuve de la passion des Argentins pour le foot et ce jeu. S’il aime cette femme autant que le baby-foot, c’est que c’est du sérieux. C’est peut-être moins glorieux s’il se réfère qu’il l’a à sa main et qu’il peut la manipuler comme les personnages du jeu.
La preuve que cet engouement continue, en 2013, ils ont réalisé un film d’animation en 3D qui s’appelle Metegol… Le héros du film, Amadeo, est un passionné de football. Au point qu’il passe la ses journées, à jouer au baby-foot. Mais après qu’il eut battu le caïd du coin, ce dernier le met au défi de jouer dans un véritable match de football. Les personnages du babyfoot viendront prêter main-forte à Amadeo. Au-delà, cet argument se joue la lutte du passé et du futur. Le caïd, Grosso, veut raser la ville pour construire un immense stade de football. Tous les ingrédients de l’Argentine actuelle sont dans ce scénario, non ?

Metegol est un film argentin et espagnol d’animation en 3D. Il a été dirigé par Juan José Campanella et est inspiré du conte « Memorias de un wing derecho » de l’écrivain argentin Roberto Fontanarrosa

GOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOLLLLL
(BUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUTTTT)

Tu es mon baby-foot…