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El chino Pantaleón 1942-01-13 — Orquesta Francisco Canaro con Carlos Roldán

Francisco Canaro (paroles et musique)

Le prénom Pan­taleón est bien con­nu dans le domaine du tan­go à cause de Piaz­zol­la qui l’avait en sec­ond prénom. Chi­no ‚me fait penser au génial Chi­no Labor­de, que je vais d’ailleurs aller écouter avec jeu­di à Nue­vo Chique. En com­bi­nant les deux, on obtient notre titre du jour, écrit par Fran­cis­co Canaro. Cette «  » fait par­tie de ces titres à la lim­ite du lun­far­do qui jouent sur les mots, mélangeant tan­go et castagne.

Extrait musical

El chi­no Pan­taleón 1942-01-13 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con .
Disque Odeón 55157. El Chi­no Pan­taleón est sur la face A et , sur la face B.

Le rythme de cette com­po­si­tion est un peu atyp­ique et il rend dif­fi­cile de la class­er, milongua tangue­an­da, milon­ga can­dombe. Ce n’est peut-être pas de tout pre­mier choix pour le bal…
La voix de Car­los Roldán est sym­pa.
On notera la fin abrupte, très orig­i­nale, comme si la musique avait été mise KO.

Paroles

Caballeros milongueros,
la milon­ga está for­ma­da
y el que cope la para­da
que se juegue todo entero,
si es que tiene com­pañero,
la gui­tar­ra bien tem­pla­da
pa’ aguan­tar cualquier tren­za­da
con razón o sin razón,
cara a cara, frente a frente,
corazón a corazón.

Era el Chi­no Pan­taleón
milonguero y cachafaz,
que al sonar de un ban­doneón
vibore­a­ba en su com­pás.
Era un tau­ra pa’ copar
y de ley como el mejor;
si lo entra­ban a apu­rar
era capaz de can­tar
“La vio­le­ta” o “Trovador”.

Caballeros milongueros,
vayan salien­do a la can­cha
porque el que hace la “patan­cha“
es señal que le da el cuero;
siem­pre el que pega primero
lle­va la may­or ven­ta­ja;
no le ponen la mor­ta­ja
al que tira sin errar;
no es de vivo, com­pañero,
el dejarse madru­gar.
Fran­cis­co Canaro (paroles et musique)

libre et indications

Messieurs les milongueros (dans le sens de bagar­reurs), l’af­faire est for­mée (milon­ga a ici le sens d’af­faire dou­teuse, désor­dre) et celui qui prend posi­tion doit tout jouer, s’il a un parte­naire (un parte­naire. Cela con­firme que l’on est plus dans le domaine de la rixe que celui de la danse).
La gui­tare (peut aus­si faire allu­sion à l’ar­gent) bien accordée pour résis­ter à toute bagarre avec rai­son ou sans rai­son,
Face à face, front à front, cœur à cœur.
C’é­tait le Chi­no Pan­taleón milonguero et inso­lent (cachafaz comme était surnom­mé Ovidio José Bian­quet, qui tra­vail­la avec Canaro pour ses revues musi­cales), qui, lorsque son­nait un ban­donéon (Ban­donéon n’est pas ici l’in­stru­ment, mais l’ac­tion de gên­er l’autre en faisant du bruit), vibrait à son rythme.
Il était un tau­ra (généreux) à boire et de ley (loy­al, véri­ta­ble comme dans milonguero de ley) comme le meilleur ;
s’ils le cher­chaient (se jetaient sur lui, l’oblig­eaient), il pou­vait chanter « La vio­le­ta » (tan­go de Cátu­lo Castil­lo avec des paroles de , chan­té par Mai­da et Gardel, puis, par Troi­lo avec Casal puis Goyeneche) ou « Trovador » (valse de Car­los Alcaraz avec des paroles de ). Je pense que ces titres sont plutôt don­nés pour indi­quer que le type a du répon­dant dans la bagarre.
Messieurs les milongueros, sortez sur le ter­rain, car celui qui fait le « patan­cha » (pata ancha, la grosse pat­te, le courageux) est un signe que le cuir lui donne ;
Celui qui frappe le pre­mier a tou­jours le meilleur avan­tage ;
Ils ne met­tent pas le linceul à celui qui tire sans se per­dre (per­dre de temps, sans errer) ;
Il n’est pas vivant, cama­rade, de se laiss­er devancer (madru­gar peut sig­ni­fi­er, devancer, gag­n­er du temps, atta­quer le pre­mier).
On voit que les paroles rich­es de lun­far­do, jouent sur les mots. Avec le vocab­u­laire de la milon­ga, on par­le bel et bien de bagarre.

Autres versions

Notre pre­mier titre est un fox-trot, qui n’a que seul point com­mun, le prénom Pan­taleón…

Pan­taleón 1930-05-28 (Fox-trot) — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Char­lo. (Eleu­terio Irib­ar­ren Letra: Fran­cis­co Anto­nio Bas­tar­di).
El chi­no Pan­taleón 1942-01-13 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Car­los Roldán. C’est notre milon­ga du jour.
El chi­no Pan­taleón 1942-06-17 — Orques­ta Fran­cis­co Lomu­to con .

Par­fois, Lomu­to fait des choses plus intéres­santes que Canaro. C’est sans doute le cas de cet enreg­istrement que je trou­ve plus sym­pa à danser. On remar­quera, dès le début, une util­i­sa­tion dif­férente des instru­ments, ce ne sont pas les mêmes élé­ments qui sont mis en valeur. En ce qui con­cerne la voix, on peut préfér­er Roldán à Díaz, mais je trou­ve que cette milon­ga est rel­a­tive­ment joueuse et qu’elle pour­rait trou­ver sa place dans une milon­ga. Sa fin est en revanche plus clas­sique avec les deux accords fin­aux, habituels.

El chi­no Pan­taleón 1953-03-25 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Alber­to Are­nas y Mario Alon­so.

Canaro reprend sa com­po­si­tion pour l’en­reg­istr­er en duo. On pour­rait presque dire en trio, tant le piano qui s’a­muse est présent. C’est tou­jours Mar­i­ano Mores, mais il a pris plus de place dans l’orchestre qu’à son arrivée en 1940.
La ver­sion ne se prête pas plus et peut-être moins encore à la danse que la ver­sion de 1942, notam­ment à cause de ses dia­logues et des paus­es dans la musique.

Qui est Pantaleón ?

Je n’ai pas d’autre ver­sion de cette milon­ga en stock. Cepen­dant, il reste un autre titre par­lant d’un Pan­taleón et ce prénom est accom­pa­g­né d’un nom de famille, Lucero.
Écou­tons ce titre.

Yo Soy Pan­taleón Lucero 1979 — . (Faus­to Fron­tera Letra: Cele­do­nio Flo­res)

Ce titre com­posé au début du vingtième siè­cle par Faus­to Fron­tera avec des paroles de Cele­do­nio Flo­res a été enreg­istré par Chiqui en 1979. Il ne sem­ble pas y avoir d’autres ver­sions enreg­istrées.

Ricar­do Daniel Pereyra (“Chiqui”). Avec sur la pho­to de gauche.

Paroles de Yo Soy Pantaleón Lucero

Yo soy Pan­taleón Lucero
de pro­fe­sión may­oral,
cump­lo cuarenta en enero
aunque algunos me dan más.
Nací por el Bar­rio Norte
y me crié por el sur,
tal vez no ten­ga dinero,
pero me sobra salud.

Si me quieren, tam­bién quiero
si no me quieren, tam­bién,
soy querendón y sin­cero
porque soy hom­bre de fe.
Ami­go que sale malo
yo lo olvi­do y ter­minó,
pero no puedo olvi­dar­la
a la que a mí me olvidó.

Yo soy Pan­taleón Lucero
no sé si recor­darán,
deci­dor y refranero
y criol­lo a car­ta cabal.
Matear amar­go es mi vicio
mi des­dicha, enam­orar,
qué ale­gría, can­tar siem­pre
así las penas se van.

(Coda)
Yo soy Pan­taleón Lucero,
pa’ lo que guste man­dar.
Faus­to Fron­tera Letra: Cele­do­nio Flo­res

Traduction libre des paroles de Yo Soy Pantaleón Lucero

Je suis Pan­taleón Lucero, may­oral (pré­posé aux bil­lets du Tramway) de pro­fes­sion,
J’au­rai quar­ante ans en jan­vi­er, bien que cer­tains m’en don­nent plus.
Je suis né dans le Bar­rio Norte et j’ai gran­di dans le sud. Peut-être que je n’ai pas d’ar­gent, mais j’ai beau­coup de san­té.
S’ils m’ai­ment, j’aime aus­si. S’ils ne m’ai­ment pas, égale­ment. Je suis aimant et sincère parce que je suis un homme de foi.
L’a­mi qui devient mau­vais, je l’ou­blie et c’est fini, mais je ne peux pas oubli­er celle qui m’a oublié.
Je suis Pan­taleón Lucero, je ne sais pas si vous vous en sou­venez, un décideur et un diseur et un créole absol­u­ment (l’ex­pres­sion a car­ta cabal sig­ni­fie, pleine­ment).
Boire le mate amer est mon vice, ma mis­ère, tomber amoureux, quelle joie, tou­jours chanter, ain­si les cha­grins s’en vont.
(Coda)
Je suis Pan­taleón Lucero, pour tout ce que vous souhaitez deman­der.

En savons-nous plus sur Pantaleón ?

Nous avons main­tenant trois por­traits d’un Pan­taleón.

S’il est dif­fi­cile de savoir si les deux Pan­taleón de Canaro cor­re­spon­dent au même per­son­nage. En revanche, il est peu prob­a­ble que le may­oral, qui sem­ble un être pais­i­ble soit le même que celui de la milon­ga de Canaro.
Je pro­pose donc de laiss­er la ques­tion en sus­pens et en com­pen­sa­tion, une petite remar­que.
Le chanteur Enrique Martínez, le petit frère de Mar­i­ano Mores, le pianiste de Canaro, avait choisi comme nom de scène, Enrique Lucero. Mais je pense que c’est plus en référence à Vénus (Lucero del alba, l’é­toile de l’aube), qu’en l’hon­neur d’un dis­trib­u­teur de bil­lets dans un tramway…
De nos jours, le terme chi­no est plutôt réservé aux Chi­nois.
Cepen­dant, en lun­far­do, la chi­na est la chérie, et, dans une moin­dre mesure chi­no est égale­ment util­is­able pour chéri.
Le terme « chi­no » définit égale­ment des métiss­es d’In­di­ens et de Noirs. Cela expli­querait le choix d’une musique proche du canyengue pour ce titre.
Je fais donc l’hy­pothèse que El chi­no Pan­taleón est un per­son­nage som­bre de peau, bagar­reur, un des nom­breux com­padri­tos qui han­taient les faubourgs de Buenos Aires.

À bien­tôt les amis !