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Patotero sentimental 1941-06-06 – Orquesta Carlos Di Sarli con Roberto Rufino

Manuel Jovés Letra: Manuel Romero

Qui n’a pas été ému par la voix de Roberto Rufino chantant Patotero sentimental ? Mais savez-vous que cet enregistrement suit de presque 20 ans un succès phénoménal qui obligeait Ignacio Corsini à rechanter cet air souvent plus de cinq fois à la suite. Je vous invite à vous plonger dans l’histoire de ce patotero, émouvant par ses regrets et par là-même découvrir un peu plus cet univers des cabarets, repaire des patoteros.

Je publie cet article le 26 janvier qui est la date anniversaire de la version de Di Sarli avec Mario Pomar et pas celle que je mets en avant, avec Roberto Rufino. Je triche donc un petit peu, on pourra toujours en reparler un 6 juin…

Patoteros, apaches, youth gangs…

Un patotero est le membre d’une patota, un groupe de jeunes enclins à la violence et à la délinquance. Ce phénomène de bandes de jeunes est sans doute une des conséquences de la révolution industrielle qui a jeté des générations de paysans dans les villes. Si les parents y travaillaient, les jeunes qui voyaient les conditions méprisables de vie de leurs parents trouvaient refuge dans des activités, plus ou moins lucratives à défaut d’être honnêtes.
Si à Paris, les Apaches (bandes de jeunes délinquants surnommées ainsi par le journaliste Henri Fouquier en référence à la brutalité de leurs crimes qui rappelaient les romans de Fenimore Cooper colportant des idées colonialistes sur la violence des Indiens américains) étaient particulièrement violents, à Buenos Aires, les patoteros étaient un peu moins craints par la population. Pour juger de la différence, on peut s’intéresser à leurs danses, vraiment très différentes.
Pour les Argentins, je ne vous propose pas de vidéo, il vous suffit d’imaginer un tango canyengue accentuant l’aspect « canaille », les fentes et autres passes (figures) inspirées du combat au couteau.

Un bal en 1900. Peut-être du tango.

Pour le côté parisien, la danse des apaches est une danse qui alterne des moments violents et des moments plus sensuels. C’est une dramatisation des relations entre femmes et hommes. Cette danse perdurera en France jusque dans les années 60. On retrouvera ses figures, reprises dans d’autres danses comme le lindy-hop, le rock acrobatique, le tango de show, voire le tango de danse sportive.

Trois présentations de valse chaloupée en 1904, 1910 et 1935. Cette danse présente des chorégraphies brutales, d’apparence machiste, même si les femmes peuvent y être également agressives. On considère que c’est une mise en scène des relations tumultueuses entre une prostituée et son souteneur. Quand on imagine le nombre de femmes « volées » à Paris et mise au travail comme prostituées en Argentine, on comprend mieux ce phénomène, fait d’alternance de moments de tensions extrêmes et de moments de passion amoureuse.

Extrait musical

Partition de patotero sentimental. Trois couvertures. Avec Manuel Jovés et Ignacio Corsini à gauche et sur la couverture de droite, Lorenzo Barbero qui l’a enregistrée en 1950 avec le chanteur Osvaldo Brizuela.
Patotero sentimental 1941-06-06 – Orquesta con Roberto Rufino.

Le patotero s’avance avec des pas bien marqués qui alternent avec de longs glissandos des violons.
Rufino commence à chanter, en respectant le rythme initial. Sa voix est expressive et il ne sombre pas dans le pathos que peuvent présenter d’autres chanteurs. Cette sensibilité associée à la pression constante de l’orchestre fait que les danseurs trouveront leur compte dans cette version idéale pour la danse. Le plaisir des oreilles et des jambes.
Nous verrons que cet équilibre qui semble si simple et naturel dans cette version a du mal à se retrouver dans les nombreux autres enregistrements du titre, du moins dans les versions de danse, celles pour l’écoute entre dans une autre catégorie. Par exemple, le même Di Sarli, avec l’excellent Mario Pomar fait un autre enregistrement en 1954 et il est difficile d’y trouver la même dansabilité, même si bien sûr de nombreux danseurs tomberont sous le charme de cette autre version (qui est la vraie version du jour, puisqu’enregistrée un 26 janvier).

Roberto Rufino. À gauche à Mar del Plata en 1970 et à droite à Radio Belgrano en 1944.

Paroles

Patotero, rey del bailongo
Patotero sentimental
Escondés bajo tu risa
Muchas ganas de llorar
Ya los años se van pasando
Y en mi pecho, no entra un querer
En mi vida tuve muchas, muchas minas
Pero nunca una mujer
Cuando tengo dos copas de más
En mi pecho comienza a surgir
El recuerdo de aquella fiel mujer
Que me quiso de verdad y que ingrato abandoné
De su amor, me burlé sin mirar
Que pudiera sentirlo
Sin pensar que los años al correr
Iban crueles a amargar, a este rey del cabaret
Pobrecita, cómo lloraba
Cuando ciego la eche a rodar
La patota me miraba, y
No es de hombre el aflojar
Patotero, rey del bailongo
Siempre de ella te acordarás
Hoy reís, pero en tu risa
Solo hay ganas de llorar
Manuel Jovés Letra: Manuel Romero

Traduction libre des paroles

Patotero, roi du bal
Patotero sentimental
Tu caches sous ton rire beaucoup d’envies de pleurer.
Et les années passent et, dans ma poitrine, aucun amour n’entre.
Dans ma vie, j’ai eu beaucoup, beaucoup de poulettes (chéries), mais jamais une femme.
Quand j’ai deux verres de trop, dans ma poitrine commence à resurgir le souvenir de cette femme fidèle qui m’aimait vraiment et que j’ai abandonnée ingratement.
De son amour, je me moquais sans voir que je pourrais le ressentir plus tard, sans penser que les années, à mesure qu’elles s’écoulaient, étaient cruelles à aigrir ce roi du cabaret.
Pauvre petite, comme elle pleurait quand aveugle j’ai commencé à la larguer.
La bande (patota) m’observait, et ce n’est pas à un homme de se relâcher (se laisser attendrir).
Patotero, roi du bal, toujours, tu te souviendras d’elle.
Aujourd’hui tu ris, mais, dans ton rire, il n’y a que l’envie de pleurer.

Autres versions

El patotero sentimental 1922-03-29 – Ignacio Corsini con Orquesta Roberto Firpo.

C’est Corsini qui a créé le titre. Nous verrons cela en fin d’article. Ce fut son premier grand succès, ce tango a lancé sa carrière.

Ignacio Corsini en 1922

La même année, Carlos Gardel décide d’enregistrer le titre. Cette vidéo de Sinfonia Maleva permet de suivre les paroles chantées par Carlos Gardel.

El patotero sentimental 1922 – Carlos Gardel con acomp. de Guillermo Barbieri, José Ricardo (guitarras)
Submergé d’émotion Raul (Hugo Del Carril) chante Patotero sentimental quand il comprend qu’il va perdre elisa. dans le film La vida est une tango (1939)
Patotero sentimental 1941-06-06 – Orquesta Carlos Di Sarli con Roberto Rufino. C’est notre (faux) tango du jour.
Patotero sentimental 1949-11-25 – Orquesta José Basso con Oscar Ferrari.

La voix un peu acide de Ferrari ne sert pas aussi bien le thème que celle de Rufino ou de Corsini. D’un point de vue de la danse, les manières de Ferrari rendent cet enregistrement peu propice à la danse. C’est un peu dommage, car l’orchestre fait un assez joli travail.

Patotero sentimental 1950-12-28 – Lorenzo Barbero y su orquesta de la argentinidad con Osvaldo Brizuela.

Une Jolie version qui ne détrônera pas celle de Di Sarli et Rufino, mais qui se laisse écouter et qui a obtenu un certain succès à son époque, comme en témoigne la partition présentée au début de cet article.

Patotero sentimental 1952-10-16 – Orquesta con Héctor Pacheco.

Dans la veine des tangos à écouter il y a cette version. La voix précieuse de Pacheco est-elle réellement adaptée au rôle d’un patotero, même converti ? On a du mal à croire à cette histoire, d’autant plus que Fresedo multiplie ses fioritures, tout aussi peu propices à la danse que celles de Florindo Sasonne de la même époque.

Patotero sentimental 1954-01-26 – Orquesta Carlos Di Sarli con Mario Pomar.

J’adore Mario Pomar et son interprétation ne souffre d’aucune critique. C’est juste que le choix un peu moins tonique rend, à mon sens, le titre un peu moins agréable à danser que la version avec Rufino enregistrée 13 ans plus tôt. C’est cette version qui a été enregistrée un 26 janvier et qui devrait donc officiellement être le tango du jour.

Patotero sentimental 1974 – Orquesta con .

J’ai parlé des bruitages de Sassone à propos de la version de 1952 de Fresedo, je pense que vous remarquerez que Sassone ne les propose pas dans cet enregistrement. C’est assez logique, car ces bruitages sont le témoignage d’une époque et qu’ils furent abandonnés par la suite. Vous noterez toutefois les moments où Sassone quelques années plus tôt aurait abusé de ces effets. Si Sassone n’est pas un pourvoyeur de tango de danse, il faut reconnaître qu’avec l’interprétation inspirée de Macri, le résultat est plutôt sympa, même si à mon avis, il ne devrait pas franchir la porte de la milonga (en tous cas pas trop souvent 😉

Patotero sentimental 1974 – .

L’harmonica d’Hugo Díaz, une voix à lui tout seul. L’ambiance jazzy donnée par le piano et la guitare ne satisfera cependant pas les danseurs qui réserveront le titre pour une écoute au coin du feu.

Patotero sentimental 1974c – Leopoldo Federico con Carlos Gari.

Le bandonéon expressif de Leopoldo Federico nous offre un duo avec Carlos Gari dont la voix puissante contraste avec tous les instruments. C’est une belle interprétation, pleine d’émotion. L’opposition, voix et instruments du début s’apaise progressivement pour nous offrir un paysage sonore parfaitement cohérent. Moi, j’aime bien, mais bien sûr, ça reste entre mon et moi, cela ne passera pas sur les haut-parleurs de la milonga.

Patotero sentimental 1991-03 – Carlos García solo de piano.

Le piano sait souvent être expressif. Je vous laisse juger si Carlos García a su suffisamment faire parler son instrument…

Patotero sentimental 2005 – Cuarteto Guardia Vieja con (ou Dario Paz ou Fabian Vidarte…). Je ne suis pas sûr de qui chante.
Patotero sentimental 2006 – Aureliano Tango Club C Aureliano Marin.

Une version très différente mais pas inintéressante. Vous pouvez jeter un œil à leur site, celui d’Aureliano Marin, arrangeur, directeur et contrebassiste du trio en plus d’en être le chanteur.

Patotero sentimental 2011 – Orquesta Típica Gente de Tango con .

On termine ici, avec une version plus traditionnelle.

Origine de ce tango

Comme nous l’avons vu à de nombreuses reprises, les tangos qui animent nos milongas ont souvent été créés pour des revues musicales, des pièces de théâtre ou des films. Celui-ci ne fait pas exception. Il était une des scènes de la pièce « El bailarín del cabaret » (le danseur de cabaret) qui fut lancée le 12 mai 1922 au théâtre Apolo par la compagnie de Cesar Ratti, et qui eut un succès immense, notamment pour l’interprétation par Ignacio Corsini de notre tango du jour.
Les spectateurs bissaient de nombreuses fois ce titre que Corsini chantait, appuyé sur le dossier d’une chaise et avec le genou droit sur l’assise. On connait ce détail par dans « Historia de las varietés en Buenos Aires 1900-1925 » qui nous apprend également que 800 disques de ce titre ont été gravés en 1922 et comme nous l’avons vu, Gardel s’est aussi emparé du phénomène, la même année.

Osvaldo Sosa Cordero; Historia de las varietés en Buenos Aires 1900-1925. À gauche, édition originale de 1978 et à droite, la réédition de 1999.

Il me semble intéressant de voir comment s’articulaient ces variétés.

El bailarín del cabaret – Couverture de la 4ème édition (19 août 1922 et déjà 319 représentations successives)… À droite, l’extrait du livret avec les paroles du tango chanté par Ignacio Corsini.

Dans la pièce de Manuel Romero, El bailarín del cabaret, où se trouve cette pièce, il y a 4 tableaux. L’apparition de ce tango est dans le troisième.
La scène se passe dans un cabaret luxueux et tous dansent un foxtrot joué par l’orchestre dirigé par Félix Scolatti Almeyda, sauf Maria qui est triste à sa table et une famille qui découvre cet univers.
Je vous reproduis ici un dialogue savoureux où un jeune homme (Troncoso) souhaite inviter la fille de la famille de visiteurs (Cayetana) et qui se termine par l’introduction de notre tango, Patotero sentimental.

Dialogues liminaires au tango Patotero sentimental

TRONCOSO.- Buenas noches. ¿ Me acompaña ese tango señorita?
CAYETANA.-Yo no me comando sola. Pídale permiso a me papá.
D. GAETANO.-E iñudole, cabayere. Me nena non « bala ».
TRONCOSO.-¿Cómo es eso? ¿Acaso usted. no sabe que toda mujer que entra aquí está obligada a bailar?
D. GAETANO.-Ma nun. diga.
TRONCOSO.–Si, señor, sino va a haber tiros.
CAYETANA.-Papá, vamo in casa. (Troncoso saca un revólver.)
D. GAETANO.-Boeno … boeno .. . que « bale » pero no me lamprete mucho. (Bailan ridiculamente.)
CATALINA.-Gaetano; roa mire como le hace co la pierna.
D. GAETANO.-(Parándolo.) ¡Ah! ¡No covencito, eso no, pe la madonna!
Me hija non he una melunguera cualunque. E osté, non debe hacerle cosquiyite inta la gamba, Sabe?
TRONCOSO.-¿Dónde le he hecho cosquillas?
D. GAETANO.-¿E me lo pregunta todavía? ¡Chancho!
TRONCOSO.-¡Salí de ahí otario!(Le da un bife,y lo sacan a bofetadas
hasta la calle, madre e hija van detras, la orquesta ataca un paso doble. Tumulto, risas y todos bailan.) ¿ Vamos a bailar, Marta?
MARTA.-No: dejame, no quiero bailar hoy.
TRONCOSO.-¿ Qué te pasa?
MARTA.-Nada. Dejame.
TRONCOSO.-¿Pero qué tenés vos esta noche?
MARTA.-Nada. Se van a reir si lo digo.
PANCHITO.-Dejala; algún metejón nuevo.
MARTA.-No, nada de eso, les juro.
MARGOT.-A ver, decimelo ami. Yo soy tu amiga .
M-ARTA.-¡Es qué! … Pero no, es ridículo.
MARGOT.-Deci … .
MARTA.-Pero no se rían. He dejado a mi nene en casa con cuarenta
grados de fiebre y se me va a morir y yo no quiero que se me muera. (Llorando.)
LA BEBA.-¡Já, já, já! Dejate de sentimentalismos.
TRONCOSO.-¡Qué desgraciada! (Todos rien.)
LORENA.-¿Por qué se ríen de ella?
TRONCOSO.-A vos que te pasa? De un tiempo a esta parte el mozo se ha puesto muy sentimental.
LA BEBA.-En cuanto toma dos copas se pone imposible.
LORENA.-Para ustedes no hay nada respetable en la vida …
TRONCOSO.-Pero hermano! Vos, el rey de los patateros, hablando asi! . . .
LORENA.-¿ Y qué? ¿Acaso un patatero no puede tener alma? Si ustedes supieran …

Traduction des dialogues

TRONCOSO.- Bonsoir. M’accompagneriez-vous pour ce tango, mademoiselle ?
CAYETANA : Je ne me commande pas. Demandez la permission à mon père.
D. GAETANO.- C’est inutile jeune-homme. Ma fille ne « danse » pas.
(Les guillemets soulignent l’opinion que le père a de ces danses de cabaret).
TRONCOSO.- Comment cela se fait-il ? Vraiment? Ne savez-vous pas que chaque femme qui entre ici est obligée de danser ?
D. GAETANO.-Mais nul me l’a dit.
TRONCOSO.–Oui, monsieur, sinon il y aura des coups de feu.
CAYETANA.-Papa, rentrons à la maison. (Troncoso sort un revolver.)
D. GAETANO.-Bien … Bien .. . qu’ils « dansent » cette « danse » mais ne la serrez pas trop. (Ils dansent ridiculement.)
CATALINA.-Gaetano ; Roa, regarde comment il fait avec sa jambe.
D. GAETANO.- (L’arrêtant.) Ah ! Non jeune homme, pas ça, par la Madone !
Ma fille n’est pas une melunguera (milonguera, le père ne connait pas bien et déforme le mot) quelconque. Et il ne faut pas chatouiller la jambe, vous savez ?
TRONCOSO : Où l’ai-je chatouillée ?
D. GAETANO : Et vous me demandez en plus ? Cochon!
TRONCOSO : Sors d’ici, otario !
(Otario, cave, naïf, idiot) (Il le gifle, et ils le sortent avec des baffes) jusqu’à la rue. La mère et la fille se glissent derrière, l’orchestre attaque un paso doble. Tumulte, rires et tout le monde danse.) On va danser, Marta ?
MARTHA : Non, laisse-moi, je ne veux pas danser aujourd’hui.
TRONCOSO : Que t’arrive-t-il ?
MARTA.-Rien, laisse-moi.
TRONCOSO : Mais qu’as-tu ce soir ?
MARTA : Rien, ils vont rire si je le dis.
PANCHITO : Laisse-la ; quelque chose d’une nouvelle amourette.
MARTA : Non, rien de tel, je vous jure.
MARGOT : Eh bien, dis-le-moi. Je suis ton amie.
MARTA.-C’est que ! … Mais non, c’est ridicule.
MARGOT.-Parle… .
MARTA : Mais ne riez pas. J’ai laissé mon bébé à la maison avec quarante degrés de fièvre et il va mourir et je ne veux pas qu’il meure. (En pleurs.)
LA BEBA.-Ah-Ah-Ah Arrête avec la sentimentalité.
TRONCOSO : Quelle malchance ! (Tout le monde rit.)
LORENA.-Pourquoi vous moquez-vous d’elle ?
TRONCOSO : Qu’est-ce qui ne va pas chez toi ? Depuis quelque temps, le monsieur (beau jeune-homme) est devenu très sentimental.
LE BÉBÉ : Dès qu’il boit deux verres il devient impossible.
LORENA.-Pour vous, il n’y a rien de respectable dans la vie…
TRONCOSO : Mais frère ! Toi, le roi des patateros, tu parles ainsi !…
LORENA : Et alors ? Un patatero ne peut-il pas avoir une âme ? Si vous saviez…

Et là, Ignacio Corsini retourne une chaise, pose un genou sur l’assise et s’appuie au dossier avant d’entamer cette chanson qu’il reprendra de nombreuses fois à la demande des spectateurs.
Lors d’une représentation, le chef de la troupe, Cesar Ratti, a essayé d’interdire les bis multiples. Finalement, il a dû céder devant la pression du public et il y a eu cinq bis.
Voilà, vous en savez sans doute un peu plus sur l’histoire de ce tango et du lien entre notre musique favorite, les cabarets, théâtres et autres lieux de spectacle du début du vingtième siècle.

À bientôt, les amis !

Offrir des informations aux danseurs

S’il est courant de communiquer des informations au micro aux danseurs, dans la pratique, ils n’entendent pas toujours et il est souvent utile de répéter l’information de façon visuelle. Cet article fait le point sur mon parcours de DJ donneur d’informations et de VJ (Video Jockey).

Comme DJ, j’ai toujours souhaité donner aux danseurs des informations sur ce qu’ils dansaient.
Il y a un quart de siècle, je diffusais sur Internet, la liste des morceaux que j’avais passée durant la .
À la fin des années 2000, je suis passé à l’iPad et j’affichais le nom de l’orchestre. Je suis aussi passé à l’annonce au micro en luttant contre ma timidité.
Dans les années 2010, je suis passé au vidéoprojecteur et à la projection de films mixés en direct. J’utilise toujours cette stratégie avec le logiciel .
Le seul inconvénient pour moi est que, comme je crée les tandas en direct, je ne peux pas m’appuyer sur une liste de titres comme le font la plupart des DJ qui utilisent des Playlists. Cela m’interdit donc d’afficher le nom du morceau en cours de diffusion, car il me faudrait saisir en direct toutes les informations, ce qui est évidemment impossible. Comme je ne fais pas de playlist, tout mon temps de DJ est occupé par la préparation de la tanda suivante.
J’avais bien essayé différents systèmes, mais tous nécessitaient de faire des playlists à l’avance et d’utiliser iTunes ou équivalent.

Un grand , donc aux développeurs de Beam (https://www.facebook.com/beamtheprojecthttps://bitbucket.org/beam-project/main/downloads/) qui permettent désormais d’afficher en direct le morceau qui passe à partir d’un véritable logiciel de DJ.
Je remercie aussi le collègue et ami, Fred Alart-Tangodj qui m’a donné des informations essentielles pour me lancer dans ce projet.
Parmi les logiciels DJ compatibles avec Beam, il y a , un des trois que j’utilise…
Le logiciel Beam est paramétrable de façon intelligente. On peut choisir les informations que l’on affiche. Pour ma part, j’ai rajouté les compositeurs, ce que peu de collègues peuvent faire, car, bien sûr, il faut avoir saisi ces données pour chaque musique pour qu’elles puissent s’afficher.

Les données de base

Les données que j’ai choisi d’afficher dans ma configuration de Beam.

De haut en bas :

Titre précédent. Souvent, quand on danse, on ne pense pas toujours à regarder le titre du morceau. Afficher le morceau précédent permet d’avoir un joker. Il me semble également que c’est intéressant pour montrer la structure de la tanda. En revanche, je n’affiche pas le morceau suivant, car je place les morceaux au fur et à mesure et cela perturbe le logiciel qui n’a rien à se mettre sous la dent…
Nom de l’orchestre. J’ai choisi de le mettre en grand, car c’est l’information principale, à mon avis. Tous les danseurs doivent pouvoir savoir, s’ils le souhaitent, sur quel orchestre ils dansent. Bien sûr, les milongueros avertis n’ont pas besoin de cette information, mais d’autres informations vont venir les contenter.
Titre de la musique et date d’. Avoir le titre est utile au plus grand nom et même à certains connaisseurs. J’espère que cela va limiter le nombre de shazameurs. Je préfère nettement que les collègues viennent me demander le titre. Avec ce dispositif, ils l’auront, mais ceux qui veulent venir me parler restent bien sûr les bienvenus. Pour ce qui est de la date, cela me semble important également. La preuve, j’ai la date d’enregistrement de la très grande majorité de mes morceaux. Cette application va me permettre de profiter de cet investissement…
Style de la musique. Je pouvais me passer de donner cette information. J’en profite cependant pour faire remarquer qu’au lieu de « Tango », il est indiqué A Tango. C’est que je classe la musique de tango avec un A avant, pour qu’ils s’affichent en premier. En effet, je ne passe pas que du tango, j’anime aussi en tropical et autres danses (DJ, pas de tango dans ce cas).
Compositeur. J’ai mis « Compositor », mais, bien sûr, c’est compositeur et parolier quand il y a les deux. Je trouve intéressant de savoir qui a écrit une musique et les paroles. Parfois, je compose des tandas de musiques écrites par le même compositeur ou des compositeurs de la même lignée. Mais il y a tellement d’autres possibilités que c’est finalement assez rare. J’associe, en priorité, des musiques dont l’interprétation est comparable, mais aussi sur des thèmes proches, et ce sont souvent ces critères qui font que l’on se retrouve avec des titres du même compositeur ou auteur.
Tanda. Si 1/4 s’affiche, c’est que c’est le premier titre d’une tanda de 4 titres. Dans mon cas, l’information ne sera pas toujours fiable quand au nombre de titres, car il faut avoir mis une cortina pour que cela soit calculé par l’application. Par moment, je mets six ou sept titres et je choisis en fonction des réactions de la salle, ou, je mets les titres un à un. Cependant, le premier chiffre indique le numéro. Donc, si vous voyez 1, c’est qu’il va y avoir après 2 (tanda de 3) ou 3 (tanda de 4) autres morceaux.
DJ BYC Bernardo. Ben, oui, c’est bien de faire savoir qui passe la musique, non ?

Des informations plus sophistiquées

Beam permet d’afficher différents fonds de page en fonction des mots clefs (tags) présents dans le morceau. Par exemple, je peux mettre un fond de page spécial D’Arienzo, pour une tanda de D’Arienzo. Il me suffit de récupérer la variable « Artist » et de déclencher l’affichage d’un fond de page avec une photo de D’Arienzo.

Lorsque Beam voit « D’Arienzo » dans le champ « Artiste », il peut afficher un fond de page avec une photo de D’Arienzo.

Cela oblige cependant à préparer un fond de page par orchestre. Ce n’est pas très compliqué, mais je travaille actuellement sur une autre voie, qui est de récupérer ce que je fais comme VJ en mélangeant des des orchestres et des animations au rythme de la musique pour les associer avec les données affichées automatiquement par Beam.

Beam permet aussi d’associer une image à un titre. Je me suis amusé à le faire, mais c’est bien sûr impossible quand on dispose de 6000 titres utilisés en milonga. On reconnaîtra ici l’illustration de l’anecdote de tango sur fuegos.

Système actuel

Équipement DJ

Pour la musique, j’utilise un Macbook Pro plus classique avec 16 Go de RAM et 2 To de disque dur.

On remarquera que, même si ce MacBook Pro peut fonctionner sous macOS Sequoia, je le maintiens sous Mojave, quand un système fonctionne, il est délicat de l’actualiser. Un de DJ ne devrait pas avoir le droit de tomber en panne…

Il se pose la question du renouvellement de cet ordinateur. J’ai des Mac M en test, mais ils ne me conviennent pas. De plus, les Macs ont la mémoire et le disque SSD soudés. On est donc limité en taille. Un disque de 2 To, c’est vraiment trop petit pour de la musique et utiliser un disque externe, c’est très risqué en cas de débranchement accidentel, sans compter le risque de vol de ce disque, comme cela m’est arrivé avec un « collègue » indélicat qui a trouvé intéressant de me voler mon disque SSD de secours de 4 To rempli de musique retouchée.

Logiciels DJ utilisés :

J’utilise iTunes pour classer la musique. C’est en grande partie pour lui que je reste en Mojave, car les systèmes d’exploitation ultérieurs l’ont remplacé par « Music », qui est vraiment bien moins performant pour trouver de la musique à la volée. iTunes est en fait une base de données avec un moteur de recherche, mais il dispose surtout de fonctions de requêtes qui permettent d’avoir une musique parfaitement organisée et facile à trouver. On peut me demander n’importe quel titre et je le trouve en quelques secondes. C’est important quand des danseurs qui font un bis dans leur démo me demandent un titre à la volée, mais aussi, tout simplement pour pouvoir armer ses tandas en direct en trouvant ce qui va ensemble très facilement.

iTunes est un super logiciel de base de données musicale.

Dans iTunes, je peux choisir un genre, un artiste et trier par date pour avoir tous les titres de cet artiste pour la même période et le même rythme. On notera à gauche, les engrenages qui sont des requêtes, c’est-à-dire des recherches qui donnent une liste toujours à jour de fichiers répondants à certains critères. Par exemple, les valses chantées ayant 5 étoiles. Je peux aussi trier par les commentaires, ce qui offre des possibilités infinies.
Je sélectionne les morceaux à passer dans iTunes et je les glisse dans Mixxx.

Mixxx est un des trois logiciels de DJ que j’utilise le plus. Sa compatibilité avec Beam, va me le rendre encore plus important… Ici, le dernier titre d’une tanda de Canaro.

Mixxx est un excellent logiciel de DJ qui permet de modifier la vitesse et la des morceaux, de répéter des passages

Équipement VJ

J’utilise un PC avec un processeur Intel i9 et 64 Go de RAM et 8 To de disque dur SSD.

Pour la vidéo, il faut un ordinateur très, très puissant…

Logiciels VJ utilisés :

Beam permet l’affichage automatique de différents tags des morceaux.

Toujours sur le MAC, Beam permet d’afficher les données souhaitées, comme nous l’avons vu ci-dessus. Ici, l’affichage du dernier Canaro de la tanda. Comme il y a un morceau identifié comme Cortina ensuite (voir la copie d’écran de MIXXX), le logiciel indique « Tanda 4/4 ».
La tanda de Canaro est terminée, c’est la cortina. La prochaine tanda est annoncée automatiquement s’il y a déjà un titre après la cortina au moment où elle démarre. Dans mon cas, ce n’est pas toujours le cas, car la cortina sert aussi à prévoir la suite… Dans ce cas, la prochaine tanda ne sera pas affichée.

Cependant Beam est un peu limité. Pour afficher des vidéos et les mixer, il faut un logiciel plus complet. C’est le rôle de Resolume Arena, un logiciel professionnel pour VJ (Video Jockey).

Actuellement, j’utilise Resolume Arena, un logiciel magnifique permettant de mixer en direct une dizaine de vidéos, animations, textes…

Resolume Arena est un excellent logiciel pour VJ qui permet de diffuser plusieurs vidéos, de les superposer, de définir des transparences, des vitesses, des synchronisations avec la musique, des animations, du texte (qui peut être animé)… Son seul défaut est qu’il ne permet pas de récupérer le titre des morceaux joués automatiquement, ce qui limite aux choix déjà mis en place dans le logiciel, par exemple, le nom de l’orchestre et des vidéos et photos de celui-ci que l’on peut associer à des animations et on peut mixer le tout en direct.
Associé à un contrôleur Midi, c’est cependant relativement simple à mettre en œuvre, mais pas du tout automatique.

L’avenir espéré, futurs développements

Faire communiquer le Mac avec le PC pour récupérer l’affichage de Beam dans Resolume Arena

La musique étant sur un ordinateur (MacBook) et la vidéo sur un autre (PC Windows), il se pose la question de la communication entre les deux. Pour l’instant, je n’utilise que la synchronisation de la musique afin que les animations, et notamment les lettres des noms d’orchestres se déplacent en rythme avec la musique.
La prochaine étape est donc d’arriver à récupérer l’image produite par Beam sur le Mac pour l’afficher comme une vidéo dans un des canaux de Resolume Arena. Ce n’est pas totalement gagné, les deux systèmes n’étant pas totalement compatibles. J’envisage d’utiliser Syphon sur le Mac et SPOUT sur le PC, ou peut-être NDI, à moins que je reprenne ce que j’utilisais pendant la pandémie pour mes milongas virtuelles, OBS.
Mon idée est de récupérer l’affichage ou a minima seulement le titre du morceau que je pourrai incruster dans le montage vidéo réalisé en direct. Peut-être que je structurerai cela avec des cadres pour que l’information soit plus claire.

Et la gestion de la lumière ?

Quand on est DJ, il faut parfois penser à augmenter la luminosité pendant les cortinas pour que les danseurs puissent faire la mirada plus facilement. Pour ma part, je suis plutôt partisan d’une lumière continue, comme on le fait à , mais en Europe, certains organisateurs estiment que l’on doit avoir une lumière atténuée pendant les tandas. Il me faut donc leur donner satisfaction, même si je suis sûr que c’est une très mauvaise idée.
Ceux qui ont suivi mes milongas virtuelles durant la pandémie ont peut-être remarqué que j’utilisais des systèmes lumineux (lyres et lasers, par exemple). Ces matériels sont commandés en DMX, un protocole spécialisé dans la gestion des effets lumineux. On peut donc imaginer que l’éclairage se règle en fonction de la musique.
Beam et Resolume le permettent. Il suffit d’associer un troisième ordinateur pour gérer la partie lumière, ce que je faisais pendant la pandémie, avec même un quatrième pour la diffusion de la vidéo…
Tout cela fonctionne chez moi, mais, pour le faire en milonga, il faut trouver un système portable et avec un réseau fiable, ainsi qu’un équipement DMX. En résumé, il me faudrait animer des milongas dans des boîtes de nuit qui disposent d’un équipement moins sommaire que les milongas habituelles.
En résumé, je vais sans doute me contenter d’utiliser Beam lorsque j’aurai des possibilités de projection et seulement dans les très gros événements, je déploierai le système complet.

Pour écouter un peu de musique, retournez sur l’anecdote « Entre dos fuegos« .

À bientôt, les amis !

Fruta prohibida 1930-08-05 – Orquesta Típica Brunswick dirigée par Juan Polito

B. Nortoni

Fruta, Fruto, qui se frotte à ces deux mots, peut être étonné. En fait, les deux termes sont interchangeables en Argentine, sauf peut-être pour les botanistes. Dans la vie courante, on peut aller dans un mercado de frutos pour acheter des frutas ou l’inverse. Quoiqu’il en soit, vous vous demandez peut-être en quoi une scie peut avoir un rapport avec un fruit défendu. Je vais vous le faire entendre, avec ce vieux tango, bien .

Extrait musical

Fruta prohibida 1930-08-05 – Orquesta dir. Juan Polito.

Pas besoin de l’écouter en entier pour identifier qu’il correspond à ce que l’on appelle maintenant le style canyengue. Un style que certains continuent de pratiquer, même à , où on ne passe en général pas ce type de musique. Les aficionados le font sur un Canaro ou un Lomuto un peu plan-plan, par exemple, mais qui n’est pas du canyengue pur et dur comme on peut en entendre en Europe.
Vous remarquez les sonorités un peu étranges de la scie musicale (serrucho) de 1:05 à 1:37. Je vous en dirai plus sur cet instrument en fin d’article.
Je ne sais pas qui en joue. Peut-être le frère de Juan Polito, Salvador. Il est violoniste (et parolier). Il est envisageable de réduire le pupitre des violons pour y placer la scie musicale qui joue 30 secondes.

Un peu plus d’incertitudes sur ce tango

Ce tango composé par est probablement le seul de ce compositeur qui nous soit parvenu sous forme de disque.
En revanche, j’ai trouvé un tango du même titre, publié à en 1927, mais attribué à d’autres auteurs.

La mention du tango Fruta probibida dans le journal espagnol « El Debate » du 13 novembre 1927. En bas à gauche, la couverture de la partition.

Dans le journal El Debate daté du 13 novembre 1927, on trouve la mention d’un tango de Enrique Bregel (1893-1981) et Samuel Herrera (?-1985) appelé Fruta prohibida.
J’ai trouvé la couverture de la partition sur laquelle il y a une femme, peut être le fruit défendu ? Les paroles de Manuel Feijoó (1904-1938) et Vincente Moro (?-1947) pourraient nous aider à en savoir plus.
Pour savoir si la musique est la même que celle du tango attribué à B. Nortoni, il faudrait pouvoir trouver un enregistrement ou la partition. Je n’ai pas trouvé d’enregistrement et malheureusement, la partition n’est pas consultable depuis Buenos Aires, seulement sur les ordinateurs de la Bibliothèque Nationale Espagnole à Madrid.
“Esta obra es de acceso restringido. Puede acceder a ella en ordenadores específicos de las instalaciones de la BNE / Restricted access to this document. It is only available on specific computers at BNE facilities.”
Ce ne serait pas la première fois qu’une œuvre espagnole se retrouve sous la bannière argentine. B. Nortoni a-t-il signé trois ans plus tard, un tango écrit en Espagne ? Est-ce simplement une coïncidence. Difficile de le confirmer sans accès à la partition. Si quelqu’un de Madrid peut aller à la BNE pour obtenir cette partition…

Une scie musicale

En français, une scie désigne également une œuvre un peu répétitive et peu enthousiasmante. Mais la scie musicale est un instrument de musique.

À gauche, Marlene Dietrich jouant da la scie musicale pour les soldats américains. Dominique Pinon, à droite, joue de la scie musicale dans le film de Caro et Jeunet «  » (1991). Au centre, une scie musicale française de 1930.

La scie musicale est un instrument idiophone, c’est-à-dire que le son est produit par le matériau de l’instrument. L’instrument ressemble à une scie égoïne, sans les dents et avec une poignée plus grande, car elle est destinée à être maintenue entre les cuisses. L’autre extrémité est maintenue entre le pouce et l’index ou mieux maintenue par une manette de flexion qui permet de maintenir la torsion de la lame avec moins d’effort.
On utilise un archet (de violon, alto ou autre) pour mettre en résonance la lame métallique.
a découvert cet instrument en France et a payé des à son petit frère, Rafael, pour qu’il complète la liste de ses instruments (contrebasse et guitare) par la scie musicale que les Argentins appellent serrucho (scie).
D’autres orchestres que ceux des Canaro l’ont utilisée, comme , Eduardo Bianco et Bachicha (Juan Bautista Deambrogio) et bien sûr, la Típica Brunswick.

Autres versions

Il n’y a pas d’autres versions, alors je vous propose d’autres titres avec serrucho, par ordre chronologique…

El serrucho 1924 – Orquesta Francisco Canaro.

Malgré le nom de l’œuvre, la scie musicale n’est pas mise en valeur. Elle est présente, mais n’a pas de partie en solo.

La sulamita 1924 (Shimmy) – Jazz Band Francisco Canaro.

Dans son Jazz Band, Canaro a aussi intégré la scie musicale. Comme pour El serrucho, la présence est tout de même discrète.

Taita 1926-11 – Orquesta Bianco-Bachicha.

On note l’arrivée de la scie musicale dès le début (6 secondes).

Quasimodo 1928-01 – Orchestre Sud-Américain José Maria Lucchesi.

Un titre très original, La scie musicale entre en scène avec puissance à 1:06.

1928-01-28 – Orquesta Bianco-Bachicha.

La scie musicale entre en scène à 2:09.

Fruta prohibida 1930-08-05 – Orquesta Típica Brunswick dir. Juan Polito. C’est notre tango du jour.
La cumparsita 1930-08-05 – Orquesta Típica Brunswick dir. Juan Polito.

Une cumparsita enregistrée le même jour que Fruta prohibida par Juan Polito et la Típica Brunswick. Il faut passer l’impressionnante et très longue introduction (1:15) pour entrer dans l’œuvre. La scie musicale n’entre en fonction qu’à 2:14 pour un bref solo.

Voilà, vous saurez maintenant repérer cet instrument original. Vous pouvez aussi vous reporter à l’anecdote du 24 avril 2024 sur Danzarín 1963-04-25pour d’autres informations sur des instruments plus rares.
À demain, les amis !

TANDAS DE 5, 4, 3, 2 OU 1 ? Un débat récurrent, pour DJ et danseurs…

Article publié originellement en août 2017 sur l’ancienne version du site.

Pourquoi ce compte à rebours ?

Aujourd’hui se pose de plus en plus souvent la question du nombre de titres dans une tanda.
Pour ma part, sans consigne particulière, je propose 4 tangos, 4 valses et 3 milongas, mais de plus en plus souvent (même à ), cela devient 3 tangos, 3 valses et 3 milongas.
Je sépare les tandas par une et de temps à autre, je propose un intermède de Folklore (chacarera et parfois ), Tropical (cumbia, cuarteto, salsa…) ou Rock, voire autre chose en fonction du lieu.
Dans certaines régions, on milite pour la tanda de trois tangos, dans le but espéré de faire plus souvent tourner et ainsi limiter le temps d’attente, généralement des femmes, pour ceux qui ne dansent pas, faute d’un équilibre du nombre de partenaires.
La notion de tanda est cependant une notion assez récente. 

Le temps des orchestres, tandas de 2 et de 1

À l’âge d’or du tango, celui où on pouvait danser tous les soirs sur un orchestre, les choses étaient bien différentes. En fait, elles étaient absolument identiques à ce que l’on trouve dans nos actuels bals musette en France. L’orchestre jouait deux tangos, puis le même orchestre ou un second orchestre jouait un autre air, du jazz, ou un foxtrot, par exemple.

Ensuite, ils jouaient une , suivie d’un nouveau morceau Jazz, puis à nouveau deux tangas, du jazz, et enfin une et on recommençait.

Mais alors, me direz-vous, les se séparaient à chaque morceau, par exemple après la valse s’ils ne souhaitaient par faire le jazz ?

Ben oui, mais la différence est que les sièges n’étaient pas encore la règle dans les lieux de danse. Les danseurs rejoignaient le milieu de la piste et se dirigaient ensuite vers les femmes situées au bord de la piste.

Cette stratégie pourrait être intéressante pour les événements double-rôle. Les guideurs au milieu, les suiveurs autour…

Je vous propose ici un extrait de l’entrevue de Toto Faraldo interrogé par Pepa Palazon.
https://www.youtube.com/watch?v=HDwAVXI0zWs
Je vous engage à voir en entier cette entrevue, car elle est passionnante, comme toutes celles de la série.
Ici, j’ai isolé la partie qui concernait l’origine des tandas et apporté une en français.
Vous trouverez en fin de cet extrait, un aspect intéressant et peu connu sur , mais qui vous aidera à comprendre l’importance de la calecita que l’on retrouve dans plusieurs tangos.

L’apparition des tables et des enregistrements sur cassettes, tandas de 5 et cortina

Philips, en inventant la cassette musicale a modifié les comportements dans les bals. Chaque face de cassette, à l’époque de 60 minutes pouvait comporter 10 titres. Donc, entre la face A et la face B, une cassette comportait 20 titres.

L’animateur découpait donc sa programmation en 5 morceaux de la première face, une cortina sur une autre cassette. Ah, je vous vois venir, pourquoi la cortina ?

C’est que sont apparues aussi les tables. Il fallait donc prévoir le temps nécessaire pour que les couples se défassent, se reposent (après 5 tangos) et se recomposent.

Pourquoi une deuxième cassette ?  Ben, le temps pour effectuer toutes ces opérations pouvant être très variables d’un jour à l’autre ou d’une salle à l’autre, il est plus simple d’avoir une cassette avec la cortina et de la rembobiner pour repositionner la cortina à son début. Certains le faisaient avec un crayon car c’était plus précis qu’avec le lecteur de cassette car il suffisait de trouver le repère, généralement l’amorce. À mes débuts, je coupais les amorces pour que le rembobinage soit plus simple… Il me suffisait de rembobiner et j’étais au début. Mais j’avais un double-cassettes. Sans cela, j’aurais procédé comme , au crayon…

Felix Picherna rembobinant sa cassette de cortina. http://www.molo7photoagency.com/blog/felix-picherna-el-muzicalizador-de-buenos-aires/04-9/

De cette période reste aussi la mode de la cortina unique pour toute la soirée. C’est la même cassette qui servait et était rembobinée.

Les tables et le service à icelles a aussi favorisé le développement des cortinas pour permettre aux serveurs de rejoindre les tables avec moins de risque d’accident…

L’apparition du CD, Tandas de 4 et cortinas

Je n’ai pas évoqué l’utilisation du disque noir, car elle n’a pas apporté de grandes innovations sur ce point. En permettant l’accès direct à chaque titre, elle permettait en principe de créer les tandas en direct, mais cela n’a pas d’influence sur le nombre de titres. On retrouve cette facilité sans la difficulté d’accéder à une plage précise avec les CD (il fallait bien viser pour positionner la tête de lecture pile au bon endroit du sillon et ne pas se tromper de plage, non plus…).

De cette époque, on retrouve la normalisation des tandas comme aujourd’hui dans les milongas traditionnelles avec 4T, 4T, 4V, 4T, 4T et 3M (T=Tango, V=Valse, M=Milonga).

Je n’ai pas encore d’explication pour ce passage de cinq à quatre, si ce n’est, peut-être déjà l’idée de réduire l’attente en cas de déséquilibre entre partenaires. Il y avait aussi, sans doute le fait que beaucoup de danseurs n’invitaient que sur le second titre…

La démocratisation du graveur de CD a fait apparaître un nouveau phénomène, la « Playlist ». Le CD est alors tout bonnement lu en continu.

L’apparition de l’ordinateur portable

Dans les années 90, l’ordinateur et l’apparition des disques durs ont favorisé son utilisation en musique.

Pour ma part, je suis passé par le stade intermédiaire du Minidisk qui permettait de conserver une qualité CD, sans se ruiner. C’est l’époque où j’ai numérisé beaucoup de disques de pâte (Shellac et Vinyles) grâce à ma regrettée platine Thorens TD 124…

L’ordinateur a offert une grande facilité pour proposer des tandas construites à la volée. En fait, c’est l’ordinateur portable qui permettait cela, difficile de se trimbaler avec les tours et surtout les écrans cathodiques de l’époque.

Cet outil est donc merveilleux pour le DJ et dès que j’ai pu avoir un ordinateur portable, je l’ai adopté.

J’utilisais Winamp à l’époque, ce que de très nombreux DJs continuent à faire, mais c’est une autre histoire.

L’ère de l’ordinateur, encore plus que celle du graveur de CD a fait la part belle aux Playlists. Et je ne parle pas des mp3… Tiens, à ce sujet, j’ai eu aussi un épisode mp3, avec deux petits iPods nano et classic (avec affichage) qui me permettaient de choisir une tanda pendant que l’autre défilait. C’était pour ma milonga en plein air.

Donc, aujourd’hui, l’ordinateur domine le domaine. C’est très bien, car c’est l’outil qui permet la plus grande souplesse pour l’organisation en direct de la musique. Il sert aussi beaucoup pour les « DJs » à Playlists, qui font leur courrier, échangent sur Facebook ou tout autre activité pour ne pas s’ennuyer (et pour que les danseurs les croient absorbés dans la création…). C’est une raison supplémentaire pour ne pas encourager ce type de DJs (je ne parle pas des bénévoles qui officient dans les associations et qui ont le mérite de se dévouer pour le plaisir des autres). Ces playlisteurs n’ont aucune raison d’être attentifs au bal, puisque de toute façon, ils ne pourront pas changer son déroulement. Un véritable DJ, à mon sens est l’animateur de la soirée, rebondissant sur l’actualité de la salle, pour offrir le plus souvent possible le bon titre au bon moment.

Et mes tandas dans tout cela ?

Ah, oui. Les tandas. Ben, avec l’ordinateur, on peut faire ce que l’on veut. Passer la musique en mode aléatoire. C’est l’ordinateur qui « choisit » la musique à suivre. Diffuser une playlist, ou, s’en servir pour rechercher rapidement le bon titre à diffuser.

J’espère que vous aurez deviné quelle stratégie est la mienne.

Je construis donc à la volée, des tandas de quatre, ou trois selon les circonstances.

Je ne sais pas ce que deviendront les tandas dans le futur. Ici, à Buenos Aires, les tandas sont de quatre, y compris pour les valses (trois pour les milongas) dans les milongas traditionnelles. C’est le modèle auquel je m’accroche et que j’essaye de faire partager, car je le trouve bien adapté au fonctionnement actuel avec tables, chaises et mirada. Le voyage sur quatre titres est aussi idéal avec la danseuse. Trois donne un impression de frustration (et parfois, avouons-le de soulagement, mais dans ce cas, il fallait mieux inviter…).

Peut-être qu’ailleurs, la réduction du nombre de titres va se généraliser (dans certaines milongas à Buenos Aires, il existe des tandas de trois valses). D’ailleurs, je vais respecter cela lors de ma prochaine musicalisation à Gricel…

En descendant le nombre de titres par tanda, on risque de retrouver le fonctionnement des milongas de l’âge d’or, à la limite pourquoi pas. C’est peut-être à essayer dans les milongas où il n’y a pas de sièges…

Par contre, les hommes au milieu qui vont chercher les femmes, pas sûr que ce soit apprécié.

À suivre…

à Dany Borelli, DJ à Los Consagrados, Nueveo Chique, Milonga de Buenos Aires et autres, d’avoir échangé sur ce sujet, ce qui me permet de confirmer certaines idées qui peuvent paraître surprenantes aux néophytes.