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El adiós 1938-04-02 – Orquesta Edgardo Donato con Horacio Lagos

Maruja Pacheco Huergo (María Esther Pacheco Huergo) Letra: Virgilio San Clemente

Plus de 200 tan­gos ont dans leur titre le mot «Adios». C’est donc un thème fort du tan­go, mais la com­po­si­tion écrite par Maru­ja Pacheco Huer­go est de loin la plus célèbre. Je vous pro­pose, la ver­sion qui est con­sid­érée comme la plus belle, celle de Dona­to avec Lagos qui fête aujour­d’hui ses 86 ans.

Il y a adiós et adiós

Il y a env­i­ron 200 tan­gos avec adiós dans le titre dont on a au moins un enreg­istrement et il faut rajouter une dizaine de valses et même une milon­ga.
Cepen­dant, tous les adiós ne sont pas sim­i­laires.
Con­traire­ment au français, adiós n’a pas la con­no­ta­tion défini­tive de l’adieu. En français, on dit surtout Adieu quand on ne compte plus se revoir, ou seule­ment en présence de Dieu (À Dieu), après la résur­rec­tion.
Pour les Argentins, ce n’est pas le cas. C’est un syn­onyme com­plet d’au revoir et il s’emploie donc de la même façon. Un Argentin qui vous dit adieu a l’in­ten­tion de vous revoir, il vous recom­mande juste « à Dieu », c’est-à-dire qu’il vous souhaite d’aller bien pen­dant le temps de la sépa­ra­tion.
Cepen­dant, en Argen­tine égale­ment, le terme adiós a une sig­ni­fi­ca­tion défini­tive. On l’u­tilise égale­ment pour quit­ter un défunt, tout comme en France.
Dans le petit monde du tan­go, il est fréquent que l’on hon­ore un défunt en lui faisant un adieu musi­cal. Par­mi les titres célèbres dans ce sens, on a A Mag­a­l­di, cette valse d’adieu à , com­posée par Car­los Dante et et dont les paroles sont de Juan Bernar­do Tig­gi. On con­naît les mer­veilleuses ver­sions chan­tées juste­ment par Car­los Dante, notam­ment celle de 1947, 9 ans après la mort d’A­gustín qui lui-même avait chan­té pour la mort de Gardel peu d’an­nées aupar­a­vant. Nous en repar­lerons le 21 octo­bre…

Note : El adiós, porte un S à la fin, car c’est « À Dieu » (adieu), Dieu se dit « Diós » en espag­nol, ce n’est pas un S du pluriel. Comme DJ, com­bi­en de fois ai-je enten­du nom­mer ce titre « El adio »…

Maruja Pacheco Huergo

Maru­ja (María Esther) Pacheco Huer­go (3 avril 1916 — 2 sep­tem­bre 1983) était pianiste, com­positrice et parolière, mais égale­ment auteure (notam­ment de poèmes et scé­nar­ios), actrice et pro­fesseur de musique et de chant.
Elle a com­posé plus de 600 thèmes, pas tous des tan­gos, mais par­mi ses créa­tions dont nous avons une trace enreg­istrée dans notre domaine qu’est , on pour­rait citer les titres suiv­ants :

Comme auteure et compositrice :

Sin­fonía de arra­bal, (paroles et musique) célèbre par le même chef d’orchestre que El Adios, notre tan­go du jour avec le trio enchanteur de Hora­cio Lagos, Lita Morales et Romeo Gavi­o­li.
Cuan­do sil­ba el vien­to une habanera dont elle a égale­ment écrit, paroles et musique.
Lejanía (une chan­son qu’a chan­tée Corsi­ni), Oro y Azul, El Silen­cio, Con sabor a tier­ra, Nenucha et env­i­ron 500 autres titres que vous me par­don­nerez de ne pas lis­ter ici, mais ce ne sont pas non plus des tan­gos.

Comme compositrice

Can­to de ausen­cia mise en musique d’un texte d’Home­ro Manzi
Don Naides avec des paroles de
Gar­de­nias avec des paroles de Manuel Enrique Fer­radás Cam­pos (son mari)
Milon­ga del aguatero et Can­cionero porteño del siglo XIX avec des paroles d’Eros Nico­la Siri

Comme parolière

Sur des musiques de Dona­to, elle a écrit les paroles d’Alas rotas, Para qué, et Triqui tra.
Ses 600 com­po­si­tions lui valent d’être inhumée au pan­théon SADAIC (société des auteurs et com­pos­i­teurs argentins) du cimetière de la Chacari­ta (Buenos Aires).

Virgilio San Clemente

Vir­gilio San Clemente est surtout un poète. On lui doit cepen­dant les paroles de El adios, et de quelques autres titres, comme la jolie valse Viejo jardín et sans doute Dulce amar­gu­ra (mais il y a un doute, car il est men­tion­né tan­tôt comme com­pos­i­teur ou comme paroli­er). Comme il m’est impos­si­ble de départager les deux pos­si­bil­ités, voici où j’en suis de l’in­ves­ti­ga­tion…

Sur le disque de gauche, Frese­do (1938), Vir­gilio San Clemente est indiqué comme com­pos­i­teur. Sur celui du milieu, Nano Rodri­go (1940), ce sont Tor­res et Alperi et sur celui de droite qui est une réédi­tion en vinyle de l’en­reg­istrement de 1938 de Corsi­ni, il y a bien les trois noms, mais sans dis­tinc­tion de fonc­tion.
En résumé, si Vir­gilio était poète, il a peut-être com­posé un tan­go et à assuré­ment écrit les paroles d’autres.
Tor­res et Alperi ne sont pas des com­pos­i­teurs con­nus, on ne peut pas lever le doute sur la com­po­si­tion de ce titre tant que l’on n’a pas la par­ti­tion orig­i­nale que je n’ai pas encore trou­vée.
En atten­dant, je penche plutôt du côté où San Clemente s’est can­ton­né aux paroles pour Dulce Amar­gu­ra. Les deux œuvres sont écrites de façon com­pa­ra­ble, en trois par­ties et avec des rimes approx­i­ma­tives, mais dev­in­ables. Viejo jardín est dif­férent, il y a plus de cou­plets, mais les rimes sont égale­ment très approx­i­ma­tives. Ces indices, très légers n’in­vali­dent pas la pos­si­bil­ité qu’il soit l’au­teur des trois textes.

Extrait musical

El adiós 1938-04-02 — Orques­ta Edgar­do Dona­to con Hora­cio Lagos.

Les cordes sont très présentes dans cette ver­sion, en legati des vio­lons et en pizzi­cati. Quelques accents des ban­donéons. Le piano chante égale­ment sa par­tie à tour de rôle jusqu’à à 1 :42 entre en scène Lagos qui ne chante que très briève­ment, seule­ment le pre­mier cou­plet. Il explique le thème et laisse la parole aux instru­ments pour les 55 dernières sec­on­des.

Les paroles

En la tarde que en som­bras se moría,
bue­na­mente nos dimos el adiós ;
mi tris­teza pro­fun­da no veías
y al mar­charte son­reíamos los dos.
Y la des­o­lación, mirán­dote
al par­tir,
que­bra­ba de emo­ción mi pobre voz…
El sueño más feliz, moría en el adiós
y el cielo para mí se obscure­ció.

En vano el alma
con voz vela­da
vol­có en la noche la pena…
Sólo un silen­cio
pro­fun­do y grave
llora­ba en mi corazón.

Sobre el tiem­po tran­scur­ri­do
vives siem­pre en mí,
y estos cam­pos que nos vieron
jun­tos son­reír
me pre­gun­tan si el olvi­do
me curó de ti.
Y entre los vien­tos
se van mis que­jas
murien­do en ecos,
buscán­dote…
mien­tras que lejos
otros bra­zos y otros besos
te apri­sio­n­an y me dicen
que ya nun­ca has de volver.

Cuan­do vuel­va a lucir la pri­mav­era,
y los cam­pos se pin­ten de col­or,
otra vez el dolor y los recuer­dos
de nos­tal­gias llenarán mi corazón.
Las aves poblarán de tri­nos el lugar
y el cielo vol­cará su clar­i­dad…
Pero mi corazón en som­bras vivirá
y el ala del dolor te lla­mará.
En vano el alma
dirá a la luna
con voz vela­da la pena…
Y habrá un silen­cio
pro­fun­do y grave
llo­ran­do en mi corazón.

Maru­ja Pacheco Huer­go (María Esther Pacheco Huer­go) Letra: Vir­gilio San Clemente

Traduction libre et indications

Dans la soirée qui se meurt en ombres,
Nous nous sommes tout bon­nement dit adieu ; (un adieu comme si c’é­tait un au revoir pour elle).
Tu ne voy­ais pas ma pro­fonde tristesse
Et quand tu es par­tie, nous sou­ri­ons tous les deux.
Et la déso­la­tion, de te regarder par­tir,
brisa d’é­mo­tion, ma pau­vre voix…
Le rêve le plus heureux est mort dans l’adieu
Et le ciel pour moi s’est obscur­ci.
En vain l’âme
d’une voix voilée
déver­sa le cha­grin dans la nuit…
Juste un silence
pro­fond et grave
pleu­rait dans mon cœur.

À pro­pos du temps écoulé,
tu vis tou­jours en moi,
et ces champs qui nous ont vus
sourire ensem­ble
me deman­dent si l’ou­bli
m’a guéri de toi.
Et par­mi les vents
mes plaintes s’en vont
mourant en échos
te cher­chant…
pen­dant qu’au loin
d’autres bras et d’autres bais­ers
t’emprisonnent et me dis­ent
que jamais, tu ne revien­dras.

Quand le print­emps brillera à nou­veau,
et que les champs se pein­dront de couleurs,
encore une fois, la douleur et les sou­venirs
rem­pliront mon cœur de nos­tal­gie.
Les oiseaux peu­pleront de trilles l’e­space
et le ciel répan­dra sa clarté…
Mais mon cœur vivra dans l’om­bre
et l’aile de la douleur t’ap­pellera.
En vain l’âme
dira à la lune
d’une voix voilée, la douleur…
et il y aura un silence
pro­fond et grave
Pleu­rant dans mon cœur.

Autres versions

El adiós 1938-03-03 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Rober­to Mai­da.

Cette ver­sion fait jeu égal avec celle de Dona­to. Je sais que cer­tains danseurs préfèrent celle de Dona­to, mais pour moi, il est dif­fi­cile de les départager. Dans un bal, je peux pass­er indif­férem­ment l’une ou l’autre, selon l’am­biance que je veux don­ner. La ver­sion de Canaro marche de façon obstinée, avec de jolis pas­sages de vio­lons ondu­lants et des moments de piano qui ponctuent. Rien de monot­o­ne dans cette ver­sion, tou­jours entraî­nante.

El adiós 1938-03-15 — Igna­cio Corsi­ni con gui­tar­ras de Pagés-Pesoa-Maciel.

Avec un accom­pa­g­ne­ment de gui­tares, Corsi­ni chante l’in­té­gral­ité des paroles. Corsi­ni a enreg­istré 12 jours après après Canaro, mais il a été le pre­mier à jouer le titre, comme en témoigne la par­ti­tion.

El adiós 1938 Hugo Del Car­ril con orques­ta.

C’est une ver­sion à écouter. La voix d’Hugo Del Car­ril exprime avec émo­tion les sen­ti­ments du nar­ra­teur. C’est à com­par­er avec l’en­reg­istrement d’I­gna­cio Corsi­ni de la même époque. La voix de Del Car­ril pour­rait tenir la com­para­i­son avec les ver­sions de Mai­da et Lagos. L’orchestre est égale­ment agréable, on se prend à regret­ter qu’une ver­sion de danse ne soit pas venue com­pléter cet enreg­istrement.

El adiós 1938-04-02 — Orques­ta Edgar­do Dona­to con Hora­cio Lagos. C’est le tan­go du jour.
El adiós 1954-01-28 – Ángel Var­gas con su orgues­ta dirigi­da por Arman­do Laca­va.

Pour une ver­sion de chanteur, cette inter­pré­ta­tion de Var­gas. Donne la part belle à l’orchestre de Laca­va. Le thème est chan­té par les instru­ments avec des vari­a­tions d’in­ten­sités qui don­nent de la struc­ture à la musique. Après une minute Var­gas com­mence et chante, une minute env­i­ron, lais­sant les 45 dernières à l’orchestre, sauf une courte reprise de la sec­onde par­tie du refrain en final. Cette ver­sion de chanteur est presque un tan­go de danse.

El adiós 1963 – Orques­ta Osval­do Pugliese con Jorge Maciel.

Hier, je par­lai de . La ver­sion de El adiós n’est assuré­ment pas un tan­go conçu pour la danse. C’est musi­cale­ment sub­lime, même si la voix de Maciel peut par­fois être mod­éré­ment appré­ciée. Je sais que beau­coup de danseurs se bat­tront pour le danser sur la piste. Alors, je pour­rai le pass­er, mais il y a tant de belles choses de Pugliese par­faites pour la danse que Maciel ne sera pas une de mes pri­or­ités, même si les danseurs applaud­is­sent sou­vent (ce qui ne se fait pas à Buenos Aires).

El adiós 1973 — .

C’est la seule ver­sion instru­men­tale de ma sélec­tion, mais l’ d’Hugo Díaz est comme une voix. Il com­mence par un cri déchi­rant et ensuite sem­ble pleur­er. La gui­tare le rejoint mais avec un tam­pon impa­ra­ble, qui s’a­juste par­fois aux accents les plus tristes de l’har­mon­i­ca. Du très grand Hugo Díaz. À pri­ori, ce n’est pas pour la danse, mais cette ver­sion est telle­ment émou­vante qu’elle pour­rait par­ticiper à une belle tan­da par­ti­c­ulière. Il y a une ving­taine d’an­née, une danseuse ado­rait et lorsque j’an­i­mais la milon­ga, je pas­sais sou­vent cet artiste quand elle était là.
Pour ter­min­er, une ver­sion de 2010 par le Dúo Angelozzi-Cavaci­ni auquel s’est jointe Ivana For­tu­nati. Cet enreg­istrement est en hom­mage à Remo Angelozzi récem­ment décédé. Vous le con­nais­sez sans doute mieux sous son nom d’artiste, Raúl Angeló quand il était, notam­ment le chanteur de l’orchestre d’Edgar­do Dona­to (en 1953).

El adiós 2010 — Dúo Angelozzi-Cavaci­ni jun­to a Ivana For­tu­nati. Ana­lia Angelozzi et Ivana For­tu­nati sont accom­pa­g­nées par Pablo Cavaci­ni et Jose Morán à la gui­tare et par Bocha Luca au ban­donéon.

Adiós queri­dos ami­gos, has­ta mañana.