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Ils ont détruit la maison de Pichuco !

Même si considérait que sa véritable maison était celle de la rue Soler au 3280, c’est bien au 2937 de la rue José Antonio Cabrera qu’il est né, le 11 juillet 1914. La mère d’Aníbal n’est retournée rue Soler qu’à la mort du père de Troilo, en 1922.
Cette maison a connu divers usages au du temps, comme en témoignent quelques photos historiques.
Si j’ai décidé d’en parler aujourd’hui, c’est qu’elle vient d’être détruite pour un projet immobilier.

La maison natale de

La maison natale de Pichuco, rue José Antonio Cabrera 2937

Aníbal Carmelo Troilo, le père, et Felisa Bagnolo, la mère, louèrent cette maison, par suite du drame de la mort de Concepción, celle qui aurait dû être la grande sœur du bandoneón mayor de .

Les parents et Marcos, l’aîné, déménagèrent donc dans la maison de la rue Cabrera où naquit le petit Pichuco.

Ils y restèrent peu de temps, car, en 1922, le père mourait à son tour. La mère retourna alors dans la maison familiale de la rue Soler, celle qu’a donc le mieux connue Aníbal et qui en disait :

« Yo nací en una casa de Cabrera 2937, pero mi casa fue la de Soler 3280 ».

Je suis né dans une maison de Cabrera 2937, mais ma maison fut celle de Soler 3280.

Maison natale de Troilo à différentes époques. Avant 1998, à gauche, vers 2011 (présence d’une ), 2024, une des dernières photos avec le bâtiment debout. Celui à sa gauche a déjà été remplacé. 2025, pendant la destruction de la semaine du 21 au 25 avril.
La plaque posée en 2008 déclarant la maison comme site d’intérêt culturel. Cela n’a pas empêché sa destruction…

La maison de Soler 3280

C’est la maison familiale jusqu’en 1914 et après 1922. Celle que Pichuco considère comme la sienne.

La maison de la rue Soler au 3280. À droite, la plaque posée le 11 juillet 1976 pour l’anniversaire de la naissance, l’année suivant la mort de Pichuco.

La fausse maison de Aníbal Troilo

Au 2540 rue Carlos Calvo, il y a eu « La Casa de Aníbal Troilo”. Cet établissement de spectacle n’a pas de rapport direct avec notre gros, favori. Plus tard, le bâtiment a été réutilisé par , l’auteur de Café la Humedad, chanson qui a donné le nom à son établissement.

Attention, le Café de la Humedad de la rue Carlos Calvo n’est pas le café original. En effet, celui-ci était, comme le dit la chanson, à l’angle de Gaona y Boyaca.

L’emplacement original du Café la Humedad, à l’angle de Gaona y Boyaca.

Les paroles de la chanson de Cacho Castaña

Humedad, llovizna y
Mi aliento empaña el vidrio azul del viejo bar
No me pregunten si hace mucho que la espero
Un café que ya está frío y hace varios ceniceros

Aunque sé que nunca llega
Siempre que llueve voy corriendo hasta el café
Y solo cuento con la compañía de un gato
Que al cordón de mi zapato lo destroza con placer

Café La Humedad, billar y reunión
Sábado con trampas, qué linda función
Yo solamente necesito agradecerte
La enseñanza de tus noches
Que me alejan de la muerte

Café La Humedad, billar y reunión
Sábado con trampas, qué linda función
Eternamente te agradezco las poesías
Que la escuela de tus noches
Le enseñaron a mis días

Soledad, soledad de soltería
Son treinta abriles ya cansados de soñar
Por eso vuelvo hasta la esquina del boliche
A buscar la barra eterna de Gaona y Boyaca

Ya son pocos los amigos que me quedan
Vamos, muchachos, esta noche a recordar
Una por una las hazañas de otros tiempos
Y el del boliche que llamamos La Humedad

Café La Humedad, billar y reunión
Sábado con trampas, qué linda función
Yo solamente necesito agradecerte
La enseñanza de tus noches
Que me alejan de la muerte

Café La Humedad, billar y reunión
Sábado con trampas, qué linda función
Eternamente te agradezco las poesías
Que la escuela de tus noches
Le enseñaron a mis días

Cacho Castaña

libre

L’humidité, la bruine et le froid
Mon haleine embue les vitres bleues du vieux bar
Ne me demandez pas si je l’attends depuis longtemps
Un café déjà froid et ça fait plusieurs cendriers.
Bien que je sache qu’elle ne vient jamais.
Quand il pleut, je cours au café.
Et je n’ai que la compagnie d’un chat.
Qui détruit le lacet de ma chaussure avec plaisir
Café La Humedad, et rencontre
Samedi avec des tromperies, quel beau programme
J’ai juste besoin de te remercier
L’enseignement de tes nuits
Qui me tiennent à l’écart de la mort
Café La Humedad, billard et rencontre
samedi avec des pièges, quel beau spectacle
Éternellement, je te remercie pour les poèmes
Que l’école de tes nuits
A enseigné à mes jours
Solitude, solitude du célibataire
C’est trente avrils, déjà fatigué de rêver
C’est pourquoi je retourne à l’angle du dancing
Pour chercher l’éternelle bande de Gaona et Boyaca
Il ne me reste que peu d’amis
Allons-y, les gars, ce soir, pour nous remémorer
Un à un les exploits d’autrefois
Et le souvenir du dancing que nous appelons La Humedad.
Café La Humedad, billard et rencontre
Samedi avec des tromperies, quel beau programme
J’ai juste besoin de te remercier
L’enseignement de tes nuits
Qui me tiennent à l’écart de la mort
Café La Humedad, billard et rencontre
samedi avec des pièges, quel beau spectacle
Éternellement, je te remercie pour les poèmes
Que l’école de tes nuits
A enseigné à mes jours.

Cacho Castaña

Je vous propose de terminer sur la chanson nostalgique de Cacho Castaña, chanté par lui-même dans son établissement, Café la Humedad.

Café la Humedad, chanté dans le théâtre Café la Humedad par son propriétaire et auteur, Cacho Castaña.

Patotero sentimental 1941-06-06 – Orquesta Carlos Di Sarli con Roberto Rufino

Letra: Manuel Romero

Qui n’a pas été ému par la voix de Roberto Rufino chantant Patotero sentimental ? Mais savez-vous que cet enregistrement suit de presque 20 ans un succès phénoménal qui obligeait Ignacio Corsini à rechanter cet air souvent plus de cinq fois à la suite. Je vous invite à vous plonger dans l’histoire de ce patotero, émouvant par ses regrets et par là-même découvrir un peu plus cet univers des cabarets, repaire des patoteros.

Je publie cet article le 26 janvier qui est la date anniversaire de la version de Di Sarli avec Mario Pomar et pas celle que je mets en avant, avec Roberto Rufino. Je triche donc un petit peu, on pourra toujours en reparler un 6 juin…

Patoteros, apaches, youth gangs…

Un patotero est le membre d’une patota, un groupe de jeunes enclins à la violence et à la délinquance. Ce phénomène de bandes de jeunes est sans doute une des conséquences de la révolution industrielle qui a jeté des générations de paysans dans les villes. Si les parents y travaillaient, les jeunes qui voyaient les conditions méprisables de vie de leurs parents trouvaient refuge dans des activités, plus ou moins lucratives à défaut d’être honnêtes.
Si à Paris, les Apaches (bandes de jeunes délinquants surnommées ainsi par le journaliste Henri Fouquier en référence à la brutalité de leurs crimes qui rappelaient les romans de Fenimore Cooper colportant des idées colonialistes sur la violence des Indiens américains) étaient particulièrement violents, à Buenos Aires, les patoteros étaient un peu moins craints par la population. Pour juger de la différence, on peut s’intéresser à leurs danses, vraiment très différentes.
Pour les Argentins, je ne vous propose pas de vidéo, il vous suffit d’imaginer un tango canyengue accentuant l’aspect « canaille », les fentes et autres passes (figures) inspirées du combat au couteau.

Un bal en 1900. Peut-être du tango.

Pour le côté parisien, la danse des apaches est une danse qui alterne des moments violents et des moments plus sensuels. C’est une dramatisation des relations entre femmes et hommes. Cette danse perdurera en France jusque dans les années 60. On retrouvera ses figures, reprises dans d’autres danses comme le lindy-hop, le rock acrobatique, le tango de show, voire le tango de danse sportive.

Trois présentations de valse chaloupée en 1904, 1910 et 1935. Cette danse présente des chorégraphies brutales, d’apparence machiste, même si les femmes peuvent y être également agressives. On considère que c’est une mise en scène des relations tumultueuses entre une prostituée et son souteneur. Quand on imagine le nombre de femmes « volées » à Paris et mise au travail comme prostituées en Argentine, on comprend mieux ce phénomène, fait d’alternance de moments de tensions extrêmes et de moments de passion amoureuse.

Extrait musical

Partition de patotero sentimental. Trois couvertures. Avec Manuel Jovés et Ignacio Corsini à gauche et sur la couverture de droite, qui l’a enregistrée en 1950 avec le chanteur Osvaldo Brizuela.
Patotero sentimental 1941-06-06 – Orquesta Carlos Di Sarli con Roberto Rufino.

Le patotero s’avance avec des pas bien marqués qui alternent avec de longs glissandos des violons.
Rufino commence à chanter, en respectant le rythme initial. Sa voix est expressive et il ne sombre pas dans le pathos que peuvent présenter d’autres chanteurs. Cette sensibilité associée à la pression constante de l’orchestre fait que les danseurs trouveront leur compte dans cette version idéale pour la danse. Le plaisir des oreilles et des jambes.
Nous verrons que cet équilibre qui semble si simple et naturel dans cette version a du mal à se retrouver dans les nombreux autres enregistrements du titre, du moins dans les versions de danse, celles pour l’écoute entre dans une autre catégorie. Par exemple, le même Di Sarli, avec l’excellent Mario Pomar fait un autre enregistrement en 1954 et il est difficile d’y trouver la même dansabilité, même si bien sûr de nombreux danseurs tomberont sous le charme de cette autre version (qui est la vraie version du jour, puisqu’enregistrée un 26 janvier).

Roberto Rufino. À gauche à Mar del Plata en 1970 et à droite à Radio Belgrano en 1944.

Paroles

Patotero, rey del bailongo
Patotero sentimental
Escondés bajo tu risa
Muchas ganas de llorar
Ya los años se van pasando
Y en mi pecho, no entra un querer
En mi vida tuve muchas, muchas minas
Pero nunca una mujer
Cuando tengo dos copas de más
En mi pecho comienza a surgir
El recuerdo de aquella fiel mujer
Que me quiso de verdad y que ingrato abandoné
De su amor, me burlé sin mirar
Que pudiera sentirlo
Sin pensar que los años al correr
Iban crueles a amargar, a este rey del cabaret
Pobrecita, cómo lloraba
Cuando ciego la eche a rodar
La patota me miraba, y
No es de hombre el aflojar
Patotero, rey del bailongo
Siempre de ella te acordarás
Hoy reís, pero en tu risa
Solo hay ganas de llorar
Manuel Jovés Letra: Manuel Romero

Traduction libre des paroles

Patotero, roi du bal
Patotero sentimental
Tu caches sous ton rire beaucoup d’envies de pleurer.
Et les années passent et, dans ma poitrine, aucun amour n’entre.
Dans ma vie, j’ai eu beaucoup, beaucoup de poulettes (chéries), mais jamais une femme.
Quand j’ai deux verres de trop, dans ma poitrine commence à resurgir le souvenir de cette femme fidèle qui m’aimait vraiment et que j’ai abandonnée ingratement.
De son amour, je me moquais sans voir que je pourrais le ressentir plus tard, sans penser que les années, à mesure qu’elles s’écoulaient, étaient cruelles à aigrir ce roi du cabaret.
Pauvre petite, comme elle pleurait quand aveugle j’ai commencé à la larguer.
La bande (patota) m’observait, et ce n’est pas à un homme de se relâcher (se laisser attendrir).
Patotero, roi du bal, toujours, tu te souviendras d’elle.
Aujourd’hui tu ris, mais, dans ton rire, il n’y a que l’envie de pleurer.

Autres versions

El patotero sentimental 1922-03-29 – Ignacio Corsini con Orquesta .

C’est Corsini qui a créé le titre. Nous verrons cela en fin d’article. Ce fut son premier grand succès, ce tango a lancé sa carrière.

Ignacio Corsini en 1922

La même année, Carlos Gardel décide d’enregistrer le titre. Cette vidéo de Sinfonia Maleva permet de suivre les paroles chantées par Carlos Gardel.

El patotero sentimental 1922 – Carlos Gardel con acomp. de , José Ricardo (guitarras)
Submergé d’émotion Raul (Hugo Del Carril) chante Patotero sentimental quand il comprend qu’il va perdre elisa. dans le film La vida est une tango (1939)
Patotero sentimental 1941-06-06 – Orquesta Carlos Di Sarli con Roberto Rufino. C’est notre (faux) tango du jour.
Patotero sentimental 1949-11-25 – Orquesta José Basso con Oscar Ferrari.

La voix un peu acide de Ferrari ne sert pas aussi bien le thème que celle de Rufino ou de Corsini. D’un point de vue de la danse, les manières de Ferrari rendent cet enregistrement peu propice à la danse. C’est un peu dommage, car l’orchestre fait un assez joli travail.

Patotero sentimental 1950-12-28 – Barbero y su orquesta de la argentinidad con Osvaldo Brizuela.

Une Jolie version qui ne détrônera pas celle de Di Sarli et Rufino, mais qui se laisse écouter et qui a obtenu un certain succès à son époque, comme en témoigne la partition présentée au début de cet article.

Patotero sentimental 1952-10-16 – Orquesta con Héctor Pacheco.

Dans la veine des tangos à écouter il y a cette version. La voix précieuse de Pacheco est-elle réellement adaptée au rôle d’un patotero, même converti ? On a du mal à croire à cette histoire, d’autant plus que Fresedo multiplie ses fioritures, tout aussi peu propices à la danse que celles de Florindo Sasonne de la même époque.

Patotero sentimental 1954-01-26 – Orquesta Carlos Di Sarli con Mario Pomar.

J’adore Mario Pomar et son interprétation ne souffre d’aucune critique. C’est juste que le choix un peu moins tonique rend, à mon sens, le titre un peu moins agréable à danser que la version avec Rufino enregistrée 13 ans plus tôt. C’est cette version qui a été enregistrée un 26 janvier et qui devrait donc officiellement être le tango du jour.

Patotero sentimental 1974 – Orquesta Florindo Sassone con Oscar Macri.

J’ai parlé des bruitages de Sassone à propos de la version de 1952 de Fresedo, je pense que vous remarquerez que Sassone ne les propose pas dans cet enregistrement. C’est assez logique, car ces bruitages sont le témoignage d’une époque et qu’ils furent abandonnés par la suite. Vous noterez toutefois les moments où Sassone quelques années plus tôt aurait abusé de ces effets. Si Sassone n’est pas un pourvoyeur de tango de danse, il faut reconnaître qu’avec l’interprétation inspirée de Macri, le résultat est plutôt sympa, même si à mon avis, il ne devrait pas franchir la porte de la (en tous cas pas trop souvent 😉

Patotero sentimental 1974 – .

L’ d’Hugo Díaz, une voix à lui tout seul. L’ambiance jazzy donnée par le piano et la guitare ne satisfera cependant pas les danseurs qui réserveront le titre pour une écoute au coin du feu.

Patotero sentimental 1974c – Leopoldo Federico con Carlos Gari.

Le bandonéon expressif de Leopoldo Federico nous offre un duo avec Carlos Gari dont la voix puissante contraste avec tous les instruments. C’est une belle interprétation, pleine d’émotion. L’opposition, voix et instruments du début s’apaise progressivement pour nous offrir un paysage sonore parfaitement cohérent. Moi, j’aime bien, mais bien sûr, ça reste entre mon ordinateur et moi, cela ne passera pas sur les haut-parleurs de la milonga.

Patotero sentimental 1991-03 – Carlos García solo de piano.

Le piano sait souvent être expressif. Je vous laisse juger si Carlos García a su suffisamment faire parler son instrument…

Patotero sentimental 2005 – Cuarteto Guardia Vieja con Omar de Luca (ou Dario Paz ou Fabian Vidarte…). Je ne suis pas sûr de qui chante.
Patotero sentimental 2006 – Aureliano Tango Club C Aureliano Marin.

Une version très différente mais pas inintéressante. Vous pouvez jeter un œil à leur site, celui d’Aureliano Marin, arrangeur, directeur et contrebassiste du trio en plus d’en être le chanteur.

Patotero sentimental 2011 – Orquesta Típica Gente de Tango con Héctor Morano.

On termine ici, avec une version plus traditionnelle.

Origine de ce tango

Comme nous l’avons vu à de nombreuses reprises, les tangos qui animent nos milongas ont souvent été créés pour des revues musicales, des pièces de théâtre ou des films. Celui-ci ne fait pas exception. Il était une des scènes de la pièce « El bailarín del cabaret » (le danseur de cabaret) qui fut lancée le 12 mai 1922 au théâtre Apolo par la compagnie de Cesar Ratti, et qui eut un succès immense, notamment pour l’interprétation par Ignacio Corsini de notre tango du jour.
Les spectateurs bissaient de nombreuses fois ce titre que Corsini chantait, appuyé sur le dossier d’une chaise et avec le genou droit sur l’assise. On connait ce détail par Osvaldo Sosa Cordero dans « Historia de las varietés en Buenos Aires 1900-1925 » qui nous apprend également que 800 disques de ce titre ont été gravés en 1922 et comme nous l’avons vu, Gardel s’est aussi emparé du phénomène, la même année.

Osvaldo Sosa Cordero; Historia de las varietés en Buenos Aires 1900-1925. À gauche, édition originale de 1978 et à droite, la réédition de 1999.

Il me semble intéressant de voir comment s’articulaient ces variétés.

El bailarín del cabaret – Couverture de la 4ème édition (19 août 1922 et déjà 319 représentations successives)… À droite, l’extrait du livret avec les paroles du tango chanté par Ignacio Corsini.

Dans la pièce de Manuel Romero, El bailarín del cabaret, où se trouve cette pièce, il y a 4 tableaux. L’apparition de ce tango est dans le troisième.
La scène se passe dans un cabaret luxueux et tous dansent un foxtrot joué par l’orchestre dirigé par Félix Scolatti Almeyda, sauf Maria qui est triste à sa table et une famille qui découvre cet univers.
Je vous reproduis ici un dialogue savoureux où un jeune homme (Troncoso) souhaite inviter la fille de la famille de visiteurs (Cayetana) et qui se termine par l’introduction de notre tango, Patotero sentimental.

Dialogues liminaires au tango Patotero sentimental

TRONCOSO.- Buenas noches. ¿ Me acompaña ese tango señorita?
CAYETANA.-Yo no me comando sola. Pídale permiso a me papá.
D. GAETANO.-E iñudole, cabayere. Me nena non « bala ».
TRONCOSO.-¿Cómo es eso? ¿Acaso usted. no sabe que toda mujer que entra aquí está obligada a bailar?
D. GAETANO.-Ma nun. diga.
TRONCOSO.–Si, señor, sino va a haber tiros.
CAYETANA.-Papá, vamo in casa. (Troncoso saca un revólver.)
D. GAETANO.-Boeno … boeno .. . que « bale » pero no me lamprete mucho. (Bailan ridiculamente.)
CATALINA.-Gaetano; roa mire como le hace co la pierna.
D. GAETANO.-(Parándolo.) ¡Ah! ¡No covencito, eso no, pe la madonna!
Me hija non he una melunguera cualunque. E osté, non debe hacerle cosquiyite inta la gamba, Sabe?
TRONCOSO.-¿Dónde le he hecho cosquillas?
D. GAETANO.-¿E me lo pregunta todavía? ¡Chancho!
TRONCOSO.-¡Salí de ahí otario!(Le da un bife,y lo sacan a bofetadas
hasta la calle, madre e hija van detras, la orquesta ataca un paso doble. Tumulto, risas y todos bailan.) ¿ Vamos a bailar, Marta?
MARTA.-No: dejame, no quiero bailar hoy.
TRONCOSO.-¿ Qué te pasa?
MARTA.-Nada. Dejame.
TRONCOSO.-¿Pero qué tenés vos esta noche?
MARTA.-Nada. Se van a reir si lo digo.
PANCHITO.-Dejala; algún metejón nuevo.
MARTA.-No, nada de eso, les juro.
MARGOT.-A ver, decimelo ami. Yo soy tu amiga .
M-ARTA.-¡Es qué! … Pero no, es ridículo.
MARGOT.-Deci … .
MARTA.-Pero no se rían. He dejado a mi nene en casa con cuarenta
grados de fiebre y se me va a morir y yo no quiero que se me muera. (Llorando.)
LA BEBA.-¡Já, já, já! Dejate de sentimentalismos.
TRONCOSO.-¡Qué desgraciada! (Todos rien.)
LORENA.-¿Por qué se ríen de ella?
TRONCOSO.-A vos que te pasa? De un tiempo a esta parte el mozo se ha puesto muy sentimental.
LA BEBA.-En cuanto toma dos copas se pone imposible.
LORENA.-Para ustedes no hay nada respetable en la vida …
TRONCOSO.-Pero hermano! Vos, el rey de los patateros, hablando asi! . . .
LORENA.-¿ Y qué? ¿Acaso un patatero no puede tener alma? Si ustedes supieran …

Traduction des dialogues

TRONCOSO.- Bonsoir. M’accompagneriez-vous pour ce tango, mademoiselle ?
CAYETANA : Je ne me commande pas. Demandez la permission à mon père.
D. GAETANO.- C’est inutile jeune-homme. Ma fille ne « danse » pas.
(Les guillemets soulignent l’opinion que le père a de ces danses de cabaret).
TRONCOSO.- Comment cela se fait-il ? Vraiment? Ne savez-vous pas que chaque femme qui entre ici est obligée de danser ?
D. GAETANO.-Mais nul me l’a dit.
TRONCOSO.–Oui, monsieur, sinon il y aura des coups de feu.
CAYETANA.-Papa, rentrons à la maison. (Troncoso sort un revolver.)
D. GAETANO.-Bien … Bien .. . qu’ils « dansent » cette « danse » mais ne la serrez pas trop. (Ils dansent ridiculement.)
CATALINA.-Gaetano ; Roa, regarde comment il fait avec sa jambe.
D. GAETANO.- (L’arrêtant.) Ah ! Non jeune homme, pas ça, par la Madone !
Ma fille n’est pas une melunguera (milonguera, le père ne connait pas bien et déforme le mot) quelconque. Et il ne faut pas chatouiller la jambe, vous savez ?
TRONCOSO : Où l’ai-je chatouillée ?
D. GAETANO : Et vous me demandez en plus ? Cochon!
TRONCOSO : Sors d’ici, otario !
(Otario, cave, naïf, idiot) (Il le gifle, et ils le sortent avec des baffes) jusqu’à la rue. La mère et la fille se glissent derrière, l’orchestre attaque un paso doble. Tumulte, rires et tout le monde danse.) On va danser, Marta ?
MARTHA : Non, laisse-moi, je ne veux pas danser aujourd’hui.
TRONCOSO : Que t’arrive-t-il ?
MARTA.-Rien, laisse-moi.
TRONCOSO : Mais qu’as-tu ce soir ?
MARTA : Rien, ils vont rire si je le dis.
PANCHITO : Laisse-la ; quelque chose d’une nouvelle amourette.
MARTA : Non, rien de tel, je vous jure.
MARGOT : Eh bien, dis-le-moi. Je suis ton amie.
MARTA.-C’est que ! … Mais non, c’est ridicule.
MARGOT.-Parle… .
MARTA : Mais ne riez pas. J’ai laissé mon bébé à la maison avec quarante degrés de fièvre et il va mourir et je ne veux pas qu’il meure. (En pleurs.)
LA BEBA.-Ah-Ah-Ah Arrête avec la sentimentalité.
TRONCOSO : Quelle malchance ! (Tout le monde rit.)
LORENA.-Pourquoi vous moquez-vous d’elle ?
TRONCOSO : Qu’est-ce qui ne va pas chez toi ? Depuis quelque temps, le monsieur (beau jeune-homme) est devenu très sentimental.
LE BÉBÉ : Dès qu’il boit deux verres il devient impossible.
LORENA.-Pour vous, il n’y a rien de respectable dans la vie…
TRONCOSO : Mais frère ! Toi, le roi des patateros, tu parles ainsi !…
LORENA : Et alors ? Un patatero ne peut-il pas avoir une âme ? Si vous saviez…

Et là, Ignacio Corsini retourne une chaise, pose un genou sur l’assise et s’appuie au dossier avant d’entamer cette chanson qu’il reprendra de nombreuses fois à la demande des spectateurs.
Lors d’une représentation, le chef de la troupe, Cesar Ratti, a essayé d’interdire les bis multiples. Finalement, il a dû céder devant la pression du public et il y a eu cinq bis.
Voilà, vous en savez sans doute un peu plus sur l’histoire de ce tango et du lien entre notre musique favorite, les cabarets, théâtres et autres lieux de spectacle du début du vingtième siècle.

À bientôt, les amis !

Barrio de tango 1943-01-19 – Orquesta Miguel Caló con Jorge Ortiz

Aníbal Troilo Letra:

Impossible que vous ne connaissiez pas immortalisé par Aníbal Troilo et Francisco Fiorentino. Cependant, vous connaissez peut-être moins cette très intéressante version par Miguel Caló et Jorge Ortiz. D’ailleurs, il y a quelques ponts curieux entre ces deux directeurs d’orchestre.

Extrait musical

Barrio de tango 1943-01-19 – Orquesta Miguel Caló con Jorge Ortiz.

Paroles

Un pedazo de barrio, allá en Pompeya,
durmiéndose al costado del terraplén.
Un farol balanceando en la barrera
y el misterio de adiós que siembra el tren.
Un ladrido de perros a la luna.
El amor escondido en un portón.
Y los sapos redoblando en la laguna
y a lo lejos la voz del bandoneón.

Barrio de tango, luna y misterio,
calles lejanas, ¡cómo estarán!
Viejos amigos que hoy ni ,
¡qué se habrán hecho, dónde estarán!
Barrio de tango, qué fue de aquella,
Juana, la rubia, que tanto amé.
¡Sabrá que sufro, pensando en ella,
desde la tarde que la dejé!
Barrio de tango, luna y misterio,
¡desde el recuerdo te vuelvo a ver!

Un coro de silbidos allá en la esquina.
El codillo llenando el almacén.
Y el dramón de la pálida vecina
que ya nunca salió a mirar el tren.
Así evoco tus noches, barrio ‘e tango,
con las chatas entrando al corralón
y la luna chapaleando sobre el fango
y a lo lejos la voz del bandoneón.
Aníbal Troilo Letra: Homero Manzi

libre et indications

Un morceau de quartier, là-bas à Pompeya (quartier au sud de Buenos Aires), dormant sur le côté du talus (sans doute le terre-plein du chemin de fer qui coupe le quartier, voir plan en fin d’article).
Une lanterne qui se balance sur la barrière et le mystère d’un adieu que le train sème.
Un aboiement de chiens à la lune.
L’amour caché dans une porte cochère.
Et les crapauds redoublant dans le lac et au loin la voix du bandonéon.
Quartier du tango, lune et mystère, rues lointaines, comment seront-elles !
De vieux amis dont je ne me souviens même pas aujourd’hui, qu’ont-ils fait, où sont-ils !
Quartier de Tango, qu’est-il arrivé à celle-là, Juana, la blonde, que j’ai tant aimée.
Elle saura que je souffre, en pensant à elle, depuis l’après-midi où je l’ai quittée !
Quartier de tango, lune et mystère, depuis le souvenir, je te revois !
Un chœur de sifflements là-bas au coin de la rue.
Le codillo (articulation, coude, voire jeu de cartes) remplissant l’entrepôt (ou le magasin). Cette phrase est donc incertaine, au moins pour moi…
Et le drame de la pâle voisine qui n’est plus jamais sortie pour regarder le train.
C’est ainsi que j’évoque tes nuits, barrio de tango, avec les charrettes entrant dans le dépôt et la lune éclaboussant au-dessus de la boue et au loin la voix du bandonéon.

Autres versions

Barrio de tango 1942-12-14 – Orquesta Aníbal Troilo con Francisco Fiorentino.
Francesco Fiorentino et Aníbal Troilo
Barrio de tango 1942-12-30 – Orquesta con Ángel Vargas.
Ángel D’Agostino et Ángel Vargas
Barrio de tango 1943-01-19 – Orquesta Miguel Caló con Jorge Ortiz. C’est notre tango du jour.
Jorge Ortiz et Miguel Caló
Barrio de tango 1964-02-03 – Orquesta Aníbal Troilo con Nelly Vázquez.
Nelly Vázquez et Aníbal Troilo
Barrio de tango 1971 – Cuarteto Aníbal Troilo con Roberto Goyeneche.

Une capture à la radio, la qualité n’est pas au top, mais l’interprétation est intéressante.

Barrio de tango 1971-05-06 – Orquesta Aníbal Troilo con Roberto Goyeneche.

Les mêmes, enfin, pas tout à fait, car au lieu du cuarteto, c’est ici, l’orchestre de Troilo qui accompagne Goyeneche.

Aníbal Troilo con Roberto Goyeneche. Te acordás… Polaco ? Disque et photo

Pompeya, barrio de tango

Ou plutôt “Nueva Pompeya”, l’ancienne ayant eu des petits problèmes avec le Vésuve est un quartier du sud de Buenos Aires bordant le Riachuelo.

En jaune, Nueva Pompeya. On remarque la belle courbe et sa contrecourbe verte qui correspond au talus du chemin de fer, talus évoqué dans les paroles.
Pompeya, lors des inondations de 1912 et aujourd’hui. On remarque la voie ferrée sur son talus. Des entrepôts et usines au premier plan et au nord-est de la voie ferrée, quelques habitations.
Les touristes qui restent à Recoletta ou Palermo ne voient pas forcément la misère qui est toujours présente en Argentine. Sur la photo de gauche, la limite Barracas et Nueva Pompeya. On remarquera la présence de rails, ceux qui étaient utilisés pour le train des ordures. À droite, une habitation constituée de latas (bidons d’huile ou de ), ancêtre des logements actuels qui sont également créés à partir de matériaux de récupération comme on peut le voir sur la photo de gauche.

Je termine notre parcours dans un barrio de tango. Un parcours rapide et qui ne sera jamais dans les programmes des guides touristiques. C’est pourtant là un des berceaux du tango. Je vous invite à consulter mon anecdote sur le Barrio de las latas pour en savoir plus.

Un des ponts entre Aníbal Troilo et Miguel Caló

Aujourd’hui, je vais juste vous parler d’un petit pont, celui qui lie certains enregistrements de Troilo avec ceux de Caló.
Je m’amuse parfois à « tromper » les en leur proposant une fausse tanda de Caló qui est en fait 100 % Troilo. Je commence par un titre très proche de Caló et je dévie, ensuite, plus ou moins vers du pur Troilo. C’est un des avantages des tandas de quatre de pouvoir faire des transitions plus subtiles. Voici quelques titres enregistrés par Troilo qui peuvent, pour des oreilles peu averties, paraître proches de Caló. J’imagine que mes lecteurs qui sont des spécialistes ne vont pas adhérer à ces similitudes, mais je vous assure que l’illusion fonctionne assez bien comme j’ai pu le constater des dizaines de fois, notamment l’année du centenaire de Troilo où je passais beaucoup notre gordo favorito.
no le hagas caso
Lejos de Buenos Aires
Tristezas de la calle
Percal

Margarita Gauthier
Cada día te extraño mas
Fruta amarga
De barro
Gime el viento
La noche que te fuiste
Orquestas de mi ciudad
Il y a également des similitudes dans le choix des musiques, mais la plupart sont interprétées avec un style propre qui ne prête pas à confusion. Il y a aussi quelques Caló tardifs qui pourraient passer pour des Troilo de la décennie précédente.
On en reparlera…

À bientôt, les amis !

Mala junta 1947-01-16 – Orquesta Pedro Laurenz

Julio De Caro; Pedro Laurenz Letra:

Je suis sûr que vous avez déjà été interpellés par ce titre qui commence par des rires, voire par des sifflements. La version du jour est réalisée par un des deux auteurs, le bandonéoniste Pedro Laurenz, qui à l’époque de la composition, était dans l’orchestre de l’autre compositeur, Julio de Caro. Nous verrons que, dès 1927, cette œuvre est d’une extraordinaire modernité.
Mala junta peut se traduire par mauvaise rencontre. Vous serez peut-être étonné de voir qu’elle est la mauvaise rencontre évoquée par Magaldi…

Extrait musical

Partitions de Mala junta. Elles sont dédicacées « Al distinguido y apreciado Señor Don Luis Gondra y familia ». Première des 26 pages de la partition complète et début de la partie finale avec la mise en valeur du bandonéon. Partition réalisée par Lucas Alcides Caceres.
Mala junta 1947-01-16 – Orquesta Pedro Laurenz.

Les versions de Pugliese sont bien plus connues, mais vous reconnaîtrez tout de suite le titre malgré l’absence des éclats de rire du début, ou plus exactement, c’est l’orchestre qui reproduit le thème de l’éclat de rire, instrumentalement. Le rythme est bien marqué, même s’il comporte quelques syncopes en fantaisie.
On notera que Laurenz fait également l’impasse sur les sifflements. Dans son de 1968, avec son quinteto, il omettra également ces deux éléments. On pourrait donc imaginer que ces rires et sifflements sont des fantaisies de De Caro. C’est d’autant plus probable si on se souvient que, dans El monito, il utilise les sifflements, les rires et même des phrases humoristiques.
Si quelques dissonances rappellent les compositions decaréennes (de De Caro), elles ne devraient pas troubler les danseurs moins familiers de ces sonorités.
Les phrases sont lancées et se terminent souvent comme jetées, précipitées. Le piano coupe ces accélérations par ses ponctuations. La musique semble se remettre en place et on recommence jusqu’à la dernière partie où le bandonéon de Laurenz s’en donne à cœur joie. Rappelez-vous que, dans la partition, toute cette partie est en doubles-croches, ce qui permet de donner une impression de , sans modifier le rythme.

Disque Odeón 7644 Face A avec Mala junta interprété par Pedro Laurenz.

Don Luis Gondra

Luis Gondra a deux époques et une caricature dans la Revue Caras y Caretas de 1923, qui rappelle qu’il était également avocat.

La dédicace de ce tango a été effectuée à Luis Gondra (Luis Roque Gondra), un militant, écrivain et politique. Il fait partie des survivants du massacre de Pirovano où 200 hommes venus prêter main-forte à en prenant le train à Bahia Blanca ont été attaqués à balles et baïonnettes par des forces loyales au gouvernement de Manuel Quintana.
Il est mort le 10 février 1947, soit moins d’un mois après l’enregistrement de notre tango du jour. Il est l’auteur de différents ouvrages, principalement d’ politique, comme des ouvrages sur Belgrano ou des cours d’économie, car il était professeur de cette matière.

Un ouvrage à la gloire de Belgrano, un cours d’économie politique et sociale et un livre sur les idées économiques de Belgrano. Cela donne le profil du dédicataire de ce tango.

Paroles, deux versions

Même si notre tango du jour est instrumental, il y a des paroles, celles enregistrées par Magaldi, qui dénoncent comme la cause de la perdition et celles que l’on trouve habituellement dans les recueils de paroles de tango. Ce qui est curieux est qu’il n’y a pas de version enregistrée des paroles « canoniques ».
Je commence donc par la version de Magaldi et donnerait ensuite la version « standard ».

Paroles chantées par Magaldi

Por tu mala junta te perdieron, Nena,
Y causaste a tus pobres viejos, pena,
Que a pesar de todos los consejos,
Un mal día te engrupieron
Y el gotán te encadenó…

¡Ay! ¿Dónde estás, Nenita de mirada seductora?
Tan plena de poesía, cual diosa del amor…
Nunca, jamás veré la Sultanita que en otrora
Con sus mimos disipaba mi dolor.

Recitado:
Guardo de ti recuerdo sin igual
Pues fuiste para mí toda la vida.
Mi corazón sufrió la desilusión
Del desprecio a su querer que era su ideal.

Y con la herida
Que tú me has hecho,
Mi fe has desecho
Y serás mi perdición.

Todo está sombrío y muy triste, alma,
Y nos falta, desde que te has ido, calma,
El vivir la dicha ya ha perdido
Porque con tu mal viniste
A enlutar mi corazón.

¿Por qué, mi amor, seguiste a esa mala consejera
que, obrando con falsía, buscó tu perdición?
Mientras que aquí está la madrecita que te espera
Para darte su amorosa bendición.

Recitado:
Dulce deidad, que fue para mi bien
Un sueño de placer nunca sentido,
Yo no pensé que ése, mi gran querer,
Lo perdiera así nomás, siendo mi Edén.

¿Dónde te has ido
mi noviecita?
Tu madrecita
Siempre cree que has de volver.
Julio De Caro; Pedro Laurenz Letra: Juan Miguel Velich

Traduction libre des paroles de la version de Magaldi

À cause de ta mauvaise rencontre, ils t’ont perdu, Bébé,
Et tu as causé à tes pauvres parents, de la peine,
Que malgré tous les conseils, un mauvais jour, ils t-on trompés (dit des mensonges) et le gotan t’a enchaîné… (Et voilà le grand coupable, le tango…).
Hélas! Où es-tu, petite fille au regard séducteur ?
Tellement pleine de poésie, comme une déesse de l’amour…
Je ne verrai jamais, jamais la sultane qui, une fois, avec ses câlins, a dissipé ma douleur.
Récitatif:
Je garde un souvenir inégalé de toi parce que tu as été pour moi toute ma vie.
Mon cœur a souffert de la déception du mépris pour son amour, qui était son idéal.
Et avec la blessure que tu m’as faite,
Tu as rejeté ma foi et tu seras ma perte.
Tout est lugubre et très triste, âme, et nous manquons, depuis que tu es partie, le calme, la vie du bonheur s’est déjà perdue, car avec ton mal tu es venue endeuiller mon cœur.
Pourquoi, mon amour, as-tu suivi ce mauvais conseiller qui, agissant faussement, a cherché ta perte ?
Alors qu’ici se trouve la petite mère qui t’attend pour te donner sa bénédiction aimante.
Récitatif:
Douce divinité, qui était pour mon bien un rêve de plaisir jamais ressenti,
Je ne pensais pas que cela, mon grand amour, je le perdrai, étant mon Eden.
Où es-tu allée, ma petite fiancée?
Ta petite mère pense toujours que tu vas revenir.

Paroles de la version standard

Por tu mala junta te perdiste, nena
y nos causa tu extravío, llantos, ¡pena!…
De un vivir risueño te han hablado
y al final… ¡te has olvidado
de tu vieja y de mi amor!…
En la fiebre loca de mentidas galas
se quemaron tus divinas, ¡níveas alas!…
En tu afán de lujos y de orgías
recubriste de agonías
¡a mi vida y a tu hogar!…

Fuiste el ángel de mis horas de bohemia,
el bien de mi esperanza,
tierno sueño encantador;
y no puedo sofocar mis neurastenias
cuando pienso en la mudanza
¡de tu cruel amor!…

(recitado)
¡Pobre de mí… que a cuestas con mi gran cruz
rodando he de marchar por mi oscura senda;
¡sin el calor de aquella fulgente luz
que tu mirar dispersó en mi corazón!

(canto)
Sueños de gloria
que truncos quedaron
y herido me dejaron
entre brumas de dolor…

Por tu mala junta te perdiste, nena,
y nos causa tu extravío llantos, ¡pena!…
Por seguir tus necias ambiciones
mis doradas ilusiones
¡para siempre las perdí!…
Una santa madre delirante clama
y con ella mi cariño, ruega, ¡llama!…
El perdón te espera con un beso
sí nos traes con tu regreso
¡la alegría de vivir!…

Tus recuerdos se amontonan en mi mente,
tu imagen me obsesiona,
te contemplo en mi ansiedad;
y te nombro suspirando tristemente,
pero en vano… ¡no reacciona
tu alma sin piedad!…

Y como
que muere cantando
así se irá esfumando
¡mi doliente juventud!…
Julio De Caro; Pedro Laurenz Letra: Juan Miguel Velich

Traduction libre des paroles de la version standard

À cause de ta mauvaise rencontre, tu t’es perdue, bébé et ta perte nous cause, des larmes, du chagrin…
On t’a parlé d’une vie souriante et à la fin… tu as oublié ta mère et mon amour…
Dans la fièvre folle, des parures mensongères se brûlèrent tes ailes divines et neigeuses…
Dans ton avidité de luxe et d’orgies, tu as couvert d’agonies (amertumes, douleurs, chagrins) ma vie et ta maison…
Tu étais l’ange de mes heures de bohème, le bien de mon espérance, le rêve tendre et enchanteur ;
et je ne puis étouffer ma neurasthénie quand je pense au changement de ton amour cruel…
(récitatif)
Pauvre de moi… que sur mes épaules, avec ma grande croix, errant, je dois marcher le long de mon obscur sentier ;
Sans la chaleur de cette lumière éclatante que ton regard a dispersée dans mon cœur !
(chant)
Des rêves de gloire qui resteront tronqués et me laissèrent blessé dans des brouillards de douleur…
À cause de ta mauvaise rencontre, tu t’es perdue, bébé et ta perte nous cause, des larmes, du chagrin…
Pour suivre tes folles ambitions, mes illusions dorées, pour toujours, je les ai perdues…
Une sainte mère en délire crie et, avec elle, mon affection, supplie, appelle…
Le pardon t’attend avec un baiser si tu nous ramènes avec ton retour, la joie de vivre…
Tes s’accumulent dans mon esprit, ton image m’obsède, je te contemple dans mon angoisse ;
Et je te nomme en soupirant tristement, mais en vain… ton âme sans pitié ne réagit pas…
Et comme le qui meurt en chantant ainsi s’évanouira, ma douloureuse jeunesse…

On voit les différences entre les deux versions des paroles. Il se peut que les deux soient de Juan Miguel Velich, à moins que Magaldi ait adapté les paroles à son goût. C’est un petit mystère, mais cela me semble très marginal dans la mesure où l’intérêt principal de cette composition est dans la musique.

Autres versions

Mala junta 1927-09-13 – Orquesta Julio De Caro.

Cette version permet de retrouver les deux compositeurs avec Julio de Caro au violon (son violon à cornet) et Pedro Laurenz au bandonéon. Ce dernier avait intégré l’orchestre de De Caro en 1924 en remplacement de Luis Petrucelli.
On notera, après les rires, le début sifflé. Cette version, la plus ancienne enregistrée en notre possession, a déjà tous les éléments de modernité que l’on attribuera deux ou trois décennies plus tard à Osvaldo Pugliese qui se considérait comme l’humble héritier de De Caro.
Voici la composition du sexteto pour cet enregistrement :

  • Pedro Laurenz et Armando Blasco au bandonéon.
  • Francisco De Caro au piano.
  • Julio De Caro et Alfredo Citro au violon.
  • Enrique Krauss à la contrebasse.
Disque Victor de la version enregistrée par De Caro en 1927.
Mala junta 1928-06-18 – Agustín Magaldi con orquesta.

Comme nous l’avons vu, Magaldi chante des paroles différentes, mais l’histoire est la même. C’est bien sûr un enregistrement destiné à l’écoute, à la limite de la pièce de théâtre.

Mala junta 1928-12 – Orquesta Típica Brodman-Alfaro. Original Columbia L 1349-1 Matrice D 19172.

Le titre commence avec les sifflets, mais sans les rires. Cette version comporte un passage avec une scie musicale. Finalement, ce n’est pas vilain, mais sans doute plus curieux que captivant.

À gauche, le disque officiel édité par la Columbia en 1929 (enregistrement de décembre 1928). À droite, un disque pirate du même enregistrement réalisé dans le courant de 1929.

Quelqu’un a-t-il réussi à se procurer la matrice D 19172 et à en faire une copie sous le numéro de matrice bidon N300028 ?
La moins bonne qualité de la copie pirate peut aussi laisser penser qu’elle a été réalisée à partir d’un disque édité. Bien sûr, il est difficile de juger, car il faudrait plusieurs copies de la version pirate, pour vérifier que cela vient de la fabrication et pas de l’usure du disque.

Mala Junta 1928-12 – Orquesta Tipica Brodman Alfaro. Copie pirate d’Omnia (Disque X27251 – Matrice N300028).

Même enregistrement, mais ici, la copie pirate d’Omnia (Disque X27251 – Matrice N300028). La qualité est sensiblement plus faible, est-ce le fait de la copie d’un disque original ou tout simplement de l’usure plus importante de ce disque ? Petit rappel. Les disques sont réalisés à partir d’une matrice, elle-même issue de l’enregistrement sur une galette de cire. La cire était directement gravée par la pression acoustique (pour les premiers enregistrements) et par le déplacement d’un burin soumis aux vibrations obtenues par voie électrique (microphone à charbon, par exemple). Cette cire servait à réaliser un contretype, la matrice qui servait ensuite à réaliser les disques par pressage. Sans cette matrice, il faut partir d’un disque déjà pressé, ce qui engendre à la fois la perte de détails qui avaient été déjà atténués à cause de l’impression originale, mais cela peut également ajouter les défauts du disque s’il a été utilisé auparavant. La copie pirate est donc obligatoirement de moins bonne qualité dans ce cas, d’autant plus que le matériau du disque peut également être choisi de moins bonne qualité, ce qui engendrera plus de bruit de fond, mais ce qui permettra de réduire le prix de fabrication de cette arnaque.
On notera que, de nos jours, les éditeurs partent souvent de disques qui sont eux-mêmes des copies et qu’ils ajoutent des traitements numériques supposés de redonner une jeunesse à leurs produits. Le résultat est souvent monstrueux et se détecte par la mention « remastered » sur le disque. Malheureusement, cela tend à devenir la norme dans les milongas, malgré les sonorités horribles que ces traitements mal exécutés produisent.

Mala junta 1938-07-11 – Orquesta Típica Bernardo Alemany.

Le principal intérêt de cette version est qu’elle ouvre une seconde période d’enregistrements, une décennie plus tard. On peut cependant ne pas être emballé par le résultat, sans doute trop confus.

Mala junta 1938-11-16 – Orquesta Julio De Caro.

De Caro réenregistre sa création, cette fois, les rires et les sifflements sont reportés à la seconde partie. Cela permet de mettre en valeur la composition musicale assez complexe. Cette complexité même qui fera que ce titre, malgré sa beauté, aura du mal à rendre les danseurs heureux. On le réservera donc à l’écoute.

Mala junta 1943-08-27- Orquesta Osvaldo Pugliese.

Contrairement à son modèle, Pugliese a conservé les rires en début d’œuvre, mais a également supprimé les sifflements qui n’interviendront que dans la seconde partie. L’interprétation est d’une grande régularité et avant le solo du dernier tiers de l’œuvre, on pourra trouver que l’interprétation manque d’originalité, ce n’est en effet que dans la dernière partie que Pugliese déchaîne son orchestre avec des bandonéons excités survolés par le violon tranquille. Au crédit de cet enregistrement, on pourra indiquer qu’il est dansable et que la fin énergique pourra faire oublier un début manquant un peu d’expression.

Mala junta 1947-01-16 – Orquesta Pedro Laurenz. C’est notre tango du Jour.
Mala junta 1949-10-10 – Orquesta Julio De Caro.

De Caro, après la version de Pugliese et celle de Laurenz, son coauteur, enregistre une version différente. Comme pour celle de 1938, il ne conserve pas les rires et sifflets initiaux. C’est encore plus abouti musicalement, mais toujours plus pour l’écoute que pour la danse. Conservons cela en tête pour découvrir, la réponse de Pugliese…

Mala junta 1952-11-29 – Orquesta Osvaldo Pugliese.

Toujours les rires, sans sifflements au début de cet enregistrement et dans la seconde partie, ce sont les sifflements qui remplacent les rires. L’affirmation de la Yumba dans l’interprétation et la structure de cette orchestration nous propose un Pugliese bien formé et « typique » qui devrait plaire à beaucoup de danseurs, car l’improvisation y est facilitée, même si la richesse peut rendre difficile la tâche à des danseurs peu expérimentés.

La version de 1952 a été éditée en disque 33 tours. Mala junta est la première plage de la face A du disque LDS 103.
Mala junta 1957-09-02 – dir. Francisco Canaro.

Disons-le clairement, j’ai un peu honte de vous présenter cette version après celle de Pugliese. Cette version sautillante ne me semble pas adaptée au thème. Je ne tenterai donc pas de la proposer en milonga. Je ne verrai donc jamais les danseurs transformés en petits duendes (lutins) gambadants comme je l’imagine à l’écoute.

Mala junta 1968 – Pedro Laurenz con su Quinteto.

Pedro Laurenz enregistre une dernière version de sa création. Il y a de jolis passages, mais je ne suis pas pour ma part très convaincu du résultat.
On a l’impression que les instruments jouent chacun dans leur coin, sans trop s’occuper de ce que font les autres. Attention, je ne parle pas d’instrumentistes médiocres qui ne jouent pas ensemble, mais du lancement de traits juxtaposés et superposés qui semblent être lâchés sans cohérence. Si cela peut plaire à l’oreille de certains, c’est sûr que cela posera des difficultés aux danseurs qui souhaitent danser la musique et pas seulement faire des pas sur la musique.

Je vous propose de terminer avec Pugliese, qui est incontestablement celui qui a le plus concouru à faire connaitre ce titre. Je vous propose une vidéo réalisée au théâtre Colón de Buenos Aires, point d’orgue de la carrière du maître qui rappelle que ses fans criaient « Al Colón » quand ils l’écoutaient. Finalement, Pugliese est arrivé au Colón et cette vidéo en témoigne…

Mala junta – Osvaldo Pugliese – Teatro Colón 1985.

Il y a d’autres versions, y compris par Pugliese, notamment réalisées au cours de différents voyages, mais je pense que l’essentiel est dit et, pour ma part, je reste sur la version de 1952 pour la danse, tout en ayant un faible pour version tant novatrice (pour l’époque) de 1927 de De Caro et la version intéressante de Laurenz, qui constitue notre tango du jour.

À bientôt, les amis !

El choclo 1948-01-15 – Orquesta Francisco Canaro con Alberto Arenas

Ángel Villoldo (Ángel Gregorio Villoldo Arroyo) / Casimiro Alcorta Letra: Ángel Villoldo / / Enrique Santos Discépolo.

Comme tous les tangos célèbres, El choclo a son lot de légendes. Je vous propose de faire un petit tour où nous verrons au moins quatre versions des paroles accréditant certaines de ces légendes. Ce titre importé par Villoldo en France y aurait remplacé l’hymne argentin (par ailleurs magnifique), car il était plus connu des orchestres français de l’époque que l’hymne officiel argentin Oid mortales du compositeur espagnol : avec des paroles de Vicente López y Planes (écrivain et homme politique argentin). Voyons donc l’histoire de cet hymne de substitution.

Qui a écrit El choclo ?

Le violoniste, danseur (avec sa compagne La Paulina) et compositeur Casimiro Alcorta pourrait avoir écrit la musique de El choclo en 1898. Ce fils d’esclaves noirs, mort à 73 ans dans la misère à Buenos Aires, serait, selon certains, l’auteur de nombreux tangos de la période comme Concha sucia (1884) que Francisco Canaro arrangea sous le titre Cara sucia, nettement plus élégant, mais aussi La yapa, Entrada prohibida et sans doute pas mal d’autres. À l’époque, ces musiques n’étaient pas écrites et elles appartenaient donc à ceux qui les jouaient, puis à ceux qui les éditèrent…
L’absence d’écriture empêche de savoir si, Ángel Villoldo a « emprunté » cette musique…
En 1903, Villoldo demande à son ami chef d’un orchestre classique, José Luis Roncallo, de jouer avec son orchestre cette composition dans un restaurant chic, La Americana. Celui-ci refusa, car le patron du restaurant considérait le tango comme de la musique vulgaire (ce en quoi il est difficile de lui donner tort si on considère ce qui se faisait à l’époque). Pour éviter cela, Villoldo publia la partition le 3 novembre 1903 en indiquant qu’il s’agissait d’une danse criolla… Ce subterfuge permit de jouer le tango dans ce restaurant. Ce fut un tel succès, que l’œuvre était jouée tous les jours et que Villoldo est allé l’enregistrer à Paris, en compagnie de Alfredo Gobbi et de sa femme, Flora Rodriguez.
Par la suite, des centaines de versions ont été publiées. Celle du jour est assez intéressante. On la doit à Francisco Canaro avec Alberto Arenas. L’enregistrement est du 15 janvier 1948.

Extrait musical

Diverses partitions de El choclo. On remarquera à gauche (5ème édition), la dédicace à Roncallo qui lancera le titre.
El choclo 1948-01-15 – Orquesta Francisco Canaro con Alberto Arenas.

On remarque tout de suite le rythme rapide. Arenas chante également rapidement, de façon saccadée et il ne se contente pas de l’habituel refrain. Il chante l’intégralité des paroles écrites l’année précédente pour .
Ce fait est généralement caractéristique des tangos à écouter. Cependant, malgré les facéties de cet enregistrement, il me semble que l’on pourrait envisager de le proposer dans un moment délirant, une sorte de catharsis, pour toutes ces heures passées à danser sur des versions plus sages. On notera les clochettes qui donnent une légèreté, en contraste à la voix très appuyée d’Arenas.

Paroles (version de Enrique Santos Discépolo)

Ici, les paroles de la version du jour, mais reportez-vous en fin d’article pour d’autres versions…

Con este tango que es burlón y
se ató dos alas la ambición de mi suburbio;
con este tango nació el tango, y como un grito
salió del sórdido barrial buscando el cielo;
conjuro extraño de un amor hecho cadencia
que abrió caminos sin más ley que la esperanza,
mezcla de rabia, de dolor, de fe, de ausencia
llorando en la inocencia de un ritmo juguetón.

Por tu milagro de notas agoreras
nacieron, sin pensarlo, las paicas y las grelas,
luna de charcos, canyengue en las caderas
y un ansia fiera en la manera de querer…

Al evocarte, tango querido,
siento que tiemblan las baldosas de un bailongo
y oigo el rezongo de mi pasado…
Hoy, que no tengo más a mi madre,
siento que llega en punta ‘e pie para besarme
cuando tu canto nace al son de un bandoneón.

Carancanfunfa se hizo al mar con tu bandera
y en un pernó mezcló a París con Puente Alsina.
Triste compadre del gavión y de la mina
y hasta comadre del bacán y la pebeta.
Por vos shusheta, cana, reo y mishiadura
se hicieron voces al nacer con tu destino…
¡Misa de faldas, querosén, tajo y cuchillo,
que ardió en los conventillos y ardió en mi corazón.
Enrique Santos Discépolo

libre et indications de la version de Enrique Santos Discépolo

Avec ce tango moqueur et compadrito, l’ambition de ma banlieue s’est attaché deux ailes ;
Avec ce tango naquit, le tango, et, comme un cri, il sortit du quartier sordide en cherchant le ciel.
Un étrange sort d’amour fait cadence qui ouvrait des chemins sans autre loi que l’espoir, un mélange de rage, de douleur, de foi, d’absence pleurant dans l’innocence d’un rythme joueur.
Par ton miracle des notes prophétiques, les paicas et les grelas ( paicas et grelas sont les chéries des compadritos) sont nées, sans y penser, une lune de (ou de flaque d’eau), de canyengue sur les hanches et un désir farouche dans la façon d’aimer…
Quand je t’évoque, cher tango, je sens les dalles d’un dancing trembler et j’entends le murmure de mon passé…
Aujourd’hui, alors que je n’ai plus ma mère, j’ai l’impression qu’elle vient sur la pointe des pieds pour m’embrasser quand ton chant naît au son d’un bandonéon.
Carancanfunfa (danseur habile, on retrouve ce mot dans divers titres, comme les milongas Carán-Can-Fú de l’orchestre avec Jorge Cardozo, ou Caráncanfún de Francisco Canaro avec Carlos Roldán) a pris la mer avec ton drapeau et en un éclair a mêlé Paris au pont Alsina (pont sur le Riachuelo à la Boca).
Triste compadre du gabion (mecs) et de la mina (femme) et jusqu’à la marraine du bacán (riche) et de la pebeta (gamine).
Pour toi, l’élégant, prison, accusations et misère ont parlé à la naissance avec ton destin…
Une messe de jupes, de (pétrole lampant pour l’éclairage), de lames et de couteaux, qui brûlait dans les conventillos (habitas collectifs populaires et surpeuplés) et brûlait dans mon cœur.

Un épi peut en cacher un autre…

On a beaucoup glosé sur l’origine du nom de ce tango.
Tout d’abord, la plus évidente et celle que Villoldo a affirmé le plus souvent était que c’était lié à la plante comestible. Les origines très modestes des Villoldo peuvent expliquer cette dédicace. Le nord de la Province de Buenos Aires ainsi que la Pampa sont encore aujourd’hui des zones de production importante de maïs et cette plante a aidé à sustenter les pauvres. On peut même considérer que certains aiment réellement manger du maïs. En faveur de cette hypothèse, les paroles de la version chantée par lui-même, mais nous verrons que ce n’est pas si simple quand nous allons aborder les paroles…
Il s’agirait également, d’un tango à la charge d’un petit malfrat de son quartier et qui avait les cheveux blonds. C’est du moins la version donnée par Irene Villoldo, la sœur de Ángel et que rapporte Juan Carlos Marambio Catán dans une lettre écrite en 1966 à Juan Bautista Devoto. On notera que les paroles de Juan Carlos Marambio Catán confortent justement cette version.
Lorsque Libertad Lamarque doit enregistrer ce tango en 1947 pour le film « Gran Casino » de Luis Buñuel, elle fait modifier les paroles par Enrique Santos Discépolo pour lui enlever le côté violent de la seconde version et douteuse de celles de Villoldo.
Villoldo n’était pas un enfant de chœur et je pense que vous avez tous entendu parler de la dernière acception. Par la forme phallique de l’épi de maïs, il est tentant de faire ce rapprochement. N’oublions pas que les débuts du tango n’étaient pas pour les plus prudes et cette connotation sexuelle était, assurément, dans l’esprit de bien des auditeurs. Le lunfardo et certains textes de tangos aiment à jouer sur les mots. Vous vous souvenez sans doute de « El chino Pantaleón » où, sous couvert de parler musique et tango, on parlait en fait de bagarre…
Rajoutons que, comme le tango était une musique appréciée dans les bordels, il est plus que probable que le double sens ait été encouragé.
Faut-il alors rejeter le témoignage de la sœur de Villoldo ? Pas forcément, il y avait peut-être une tête d’épi dans leur entourage, mais on peut aussi supposer que, même si Irène était analphabète, elle avait la notion de la bienséance et qu’elle se devait de diffuser une version soft, version que son frère a peut-être réellement encouragée pour protéger sa sœurette.
Retenons de cela qu’au fur et à mesure que le tango a gagné ses lettres de noblesse, les poètes se sont évertués à écrire de belles paroles et pas seulement à cause des périodes de censure de certains gouvernements. Tout simplement, car le tango entrant dans le « beau monde », il devait présenter un visage plus acceptable.
Les textes ont changé, n’en déplaise à Jorge Borges, et avec eux, l’ambiance du tango.

Autres versions

Tout comme pour la Cumparsita, il n’est pas pensable de présenter toutes les versions de ce tango. Je vous propose donc une sélection très restreinte sur deux critères :
• Historique, pour connaître les différentes époques de ce thème.
• Intérêt de l’interprétation, notamment pour danser, mais aussi pour écouter.
Il ne semble pas y avoir d’enregistrement disponible de la version de 1903, si ce n’est celle de Villoldo enregistrée en 1910 avec les mêmes paroles présumées.
Mais auparavant, priorité à la datation, une version un peu différente et avec un autre type de paroles. Il s’agit d’une version dialoguée (voire criée…) sur la musique de El Choclo. Le titre en est Cariño puro, mais vous retrouverez sans problème notre tango du jour.

Cariño puro (diálogo y tango) 1907 – Los Gobbi con Los Campos.

Ce titre a été enregistré en 1907 sur un disque en carton de la compagnie Marconi. Si la qualité d’origine était bonne, ce matériau n’a pas résisté au temps et au poids des aiguilles de phonographes de l’époque. Heureusement, cette version a été réédité en disque shellac par la Columbia et vous pouvez donc entendre cette curiosité… La forme dialoguée rappelle que les musiciens faisaient beaucoup de revues et de pièces de théâtre.

À gauche, disque en carton recouvert d’acétate (procédé Marconi). Ces disques étaient de bonne qualité, mais trop fragiles. À droite, le même enregistrement en version shellac.

Paroles de Cariño puro des Gobbi

Ay mi china que tengo mucho que hablarte,
de una cosa que a vos no te va a gustar
Largá el rollo que escucho y explicate
Lo que pases no es tontera,
pues te juro que te digo la verdad.
dame un beso no me vengas con chanela (2)
dejate de tonteras, no me hagas esperar.
Decí ya sé que la otra noche
vos con un gavilán
son cuentos que te han hecho
án.
No me faltes mirá que no hay macanas
yo no vengo con ganas mi china de farrear
Pues entonces no me vengas con cuento
y escuchame un momento que te voy a explicar.
No te enojes que yo te diré lo cierto
y verás que me vas a perdonar
Pues entonces
Te diré la purísima verdad
Vamos china ya que voy a hacer las paces
a tomar un carrindango pa pasear
Y mirar de Palermo
Yo te quiero mi chinita no hagas caso
Que muy lejos querer
el esquinazo
ni golpe ni porrazo…
Ángel Villoldo

Traduction de Cariño puro des Gobbi

  • Oh, ma chérie, que j’ai beaucoup à te parler,
    D’une chose qui ne va pas te plaire
    Avoue (lâcher le rouleau) que je t’écoute et explique-toi
    Ce que tu traverses n’est pas une bêtise,
  • – Eh bien, je te jure que je te dis la vérité.
    Donne-moi un baiser Ne viens pas à moi en parlementant
  • – Arrête les bêtises, ne me fais pas attendre.
    J’ai déjà dit que je savais pour l’autre soir
    Toi avec un épervier (homme rapide en affaires)
  • – Ce sont des histoires qui t’ont été faites
    un.
    Ne détourne pas le regard, n’y a pas d’arnaque.
  • – Je ne viens pas, ma chérie, avec l’envie de rigoler.
    Aussi, ne me raconte pas d’histoires
  • – et écoute-moi un instant et, car je vais te l’expliquer.
    Ne te fâche pas, je vais te dire ce qui est sûr
    Et tu verras que tu vas me pardonner
    Puis, ensuite
    Je vais te dire la pure vérité
  • – Allez, ma chérie, car je vais faire la paix
    En prenant une voiture pour une promenade
    Et regarder Palermo
    Je t’aime ma petite chérie, ne fais pas attention
    Car je veux arrondir les angles
    ni coup ni bagarre…

On voit que ces paroles sont plutôt mignonnes, autour des tourments d’un couple, interprétés par Alfredo Gobbi et sa femme, Flora Rodriguez. Dommage que la technique où le goût de l’époque fasse tant crier, cela n’est pas bien accepté par nos oreilles modernes.

El choclo 1910 – Ángel Gregorio Villoldo con guitarra.

Cette version présente les paroles supposées originales et qui parlent effectivement du maïs. C’est donc cette version qui peut faire pencher la balance entre la plante et le sexe masculin. Voyons ce qu’il en est.

Paroles de Villoldo

De un grano nace la planta
que más tarde nos da el choclo
por eso de la garganta
dijo que estaba humilloso.
Y yo como no soy otro
más que un tanguero de fama
murmuro con alborozo
está muy de la banana.

Hay choclos que tienen
las espigas de oro
que son las que adoro
con tierna pasión,
cuando trabajando
llenito de abrojos
estoy con rastrojos
como humilde peón.

De lavada enrubia
en largas guedejas
contemplo parejas
sí es como crecer,
con esos bigotes
que la tierra virgen
al noble paisano
le suele ofrecer.

A veces el choclo
asa en los fogones
calma las pasiones
y dichas de amor,
cuando algún paisano
lo está cocinando
y otro está cebando
un buen cimarrón.

Luego que la humita
está preparada,
bajo la enramada
se oye un pericón,
y junto al alero,
de un rancho deshecho
surge de algún pecho
la alegre canción.
Ángel Villoldo

Traduction des paroles de Ángel Villoldo

D’un grain naît la plante qui nous donnera plus tard du maïs
C’est pourquoi, de la gorge (agréable au goût) je dis qu’il avait été humilié (calomnié).
Et comme je ne suis autre qu’un tanguero célèbre, je murmure de joie, il est bien de la banane (du meilleur, la banane étant également un des surnoms du sexe de l’homme).
Il y a des épis qui ont des grains d’or, ce sont ceux que j’adore avec une tendre passion, quand je les travaille plein de chardons, je suis avec du chaume comme un humble ouvrier.
De l’innocence blonde aux longues mèches, je contemple les plantes (similaires, spécimens…) si c’est comme grandir, avec ces moustaches que la terre vierge offre habituellement au noble paysan. (Un double sens n’est pas impossible, la terre cultivée n’a pas de raison particulière d’être considérée comme vierge).
Parfois, les épis de maïs sur les feux calment les passions et les joies de l’amour (les feux, sont les cuisinières, poêles. Qu’ils calment la faim, cela peut se concevoir, mais les passions et les joies de l’amour, cela procède sans doute d’un double sens marqué), quand un paysan le cuisine et qu’un autre appâte un bon cimarron (esclave noir, ou animal sauvage, mais il doit s’agir ici plutôt d’une victime d’arnaque, peut-être qu’un peu de viande avec le maïs fait un bon repas).
Une fois que la humita (ragoût de maïs) est prête, sous la tonnelle, un pericón (pericón nacional, danse traditionnelle) se fait entendre, et à côté des avant-toits, d’un ranch brisé, le chant joyeux surgit d’une poitrine (on peut imaginer différentes choses à propos du chant qui surgit d’une poitrine, mais c’est un peu difficile de s’imaginer que cela puisse être provoqué par la préparation d’une humita, aussi talentueux que soit le cuisinier…

Je vous laisse vous faire votre opinion, mais il me semble difficile d’exclure un double sens de ces paroles.

El choclo 1913 – Orquesta Típica Porteña dir. Eduardo Arolas.

Cette version instrumentale permet de faire une pause dans les paroles.

El choclo 1929-08-27 – Orquesta Típica Victor.

Une version instrumentale par la Típica Víctor dirigée par Carabelli. Un titre pour les amateurs du genre, mais un peu pesant pour les autres danseurs.

El choclo 1937-07-26 – Orquesta Juan D’Arienzo.

Sans doute une des versions les plus adaptées aux danseurs, avec les ornementations de Biagi au piano et le bel équilibre des instruments, principalement tous au service du rythme et donc de la danse, avec notamment l’accélération (simulée) finale.

El choclo 1937-11-15 – Quinteto dir. Francisco Canaro.

Cette version n’apporte pas grand-chose, mais je l’indique pour marquer le contraste avec notre version du jour, enregistrée par Canaro 11 ans plus tard.

El choclo 1940-09-29 – Roberto Firpo y su .

Une version légère. Le doublement des notes, caractéristiques de cette œuvre, a ici une sonorité particulière, on dirait presque un bégaiement. En opposition, des passages aux violons chantants donnent du contraste. Le résultat me semble cependant un peu confus, précipité et pas destiné à donner le plus de plaisir aux danseurs.

El choclo 1941-11-13 – Orquesta Ángel D’Agostino con Ángel Vargas.

On retrouve une version chantée. Les paroles sont celles de Juan Carlos Marambio Catán, ou plus exactement le tout début des paroles avec la fin du couplet avec une variante.
Je vous propose ici, les paroles complètes de Catán, pour en garder le souvenir et aussi, car la partie qui n’est pas chantée par Vargas parle de ce fameux type aux cheveux couleur de maïs…

Paroles de Juan Carlos Marambio Catán

Vieja milonga que en mis horas de tristeza
traes a mi mente tu recuerdo cariñoso,
encadenándome a tus notas dulcemente
siento que el alma se me encoje poco a poco.
Recuerdo triste de un pasado que en mi vida,
dejó una página de sangre escrita a mano,
y que he llevado como cruz en mi martirio
aunque su carga infame me llene de dolor.

Fue aquella noche
que todavía me aterra.
Cuando ella era mía
jugó con mi pasión.
Y en duelo a muerte
con quien robó mi vida,
mi daga gaucha
partió su corazón.
Y me llamaban
el choclo compañero;
tallé en los entreveros
seguro y fajador.
Pero una china
envenenó mi vida
y hoy lloro a solas
con mi trágico dolor.

Si alguna vuelta le toca por la vida,
en una mina poner su corazón;
recuerde siempre
que una ilusión perdida
no vuelve nunca
a dar su flor.

Besos mentidos, engaños y amarguras
rodando siempre la pena y el dolor,
y cuando un hombre entrega su ternura
cerca del lecho
lo acecha la traición.

Hoy que los años han blanqueado ya mis sienes
y que en mi pecho sólo anida la tristeza,
como una luz que me ilumina en el sendero
llegan tus notas de melódica belleza.
Tango querido, viejo choclo que me embarga
con las caricias de tus notas tan sentidas;
quiero morir abajo del arrullo de tus quejas
cantando mis querellas, llorando mi dolor.
Juan Carlos Marambio Catán

Traduction libre des paroles de Juan Carlos Marambio Catán

Vieille milonga. À mes heures de tristesse, tu me rappelles ton souvenir affectueux,
En m’enchaînant doucement à tes notes, je sens mon âme se rétrécir peu à peu.
Souvenir triste d’un passé qui, dans ma vie, a laissé une page de sang écrite à la main, et que j’ai porté comme une croix dans mon martyre, même si son infâme fardeau me remplit de douleur.
C’est cette nuit-là qui, encore, me terrifie.
Quand elle était à moi, elle jouait avec ma passion.
Et dans un duel à mort avec celui qui m’a volé la vie, mon poignard lui a brisé le cœur.
Et ils m’appelaient le compagnon maïs (choclo);
J’ai taillé dans les mêlées, sûr et résistant.
Mais une femme chérie a empoisonné ma vie et, aujourd’hui, je pleure tout seul avec ma douleur tragique.
S’il vous prend dans la vie de mettre votre cœur dans une chérie ; rappelez-vous toujours qu’une illusion perdue ne redonne plus jamais sa fleur.
Des baisers mensongers, trompeurs et amers roulent toujours le chagrin et la douleur, et quand un homme donne sa tendresse, près du lit, la trahison le traque.
Aujourd’hui que les années ont déjà blanchi mes tempes et que, dans ma poitrine seule se niche la tristesse, comme une lumière qui m’éclaire sur le chemin où arrivent tes notes de beauté mélodique.
Tango chéri, vieux choclo qui m’accable des caresses de tes notes si sincères ;
Je veux mourir sous la berceuse de tes plaintes, chantant mes peines, pleurant ma douleur.

El choclo 1947 – Libertad Lamarque, dans le film Gran casino de Luis Buñuel.

El choclo 1947 – Libertad Lamarque, dans le film Gran casino de Luis Buñuel.

Dans cet extrait Libertad Lamarque interprète le titre avec les paroles écrites pour elle par Discepolo. On comprend qu’elle ne voulait pas prendre le rôle de l’assassin et que les paroles adaptées sont plus convenables à une dame…
Les paroles de Enrique Santos Discépolo seront réutilisées ensuite, notamment par Canaro pour notre tango du jour.

El choclo 1948-01-15 – Orquesta Francisco Canaro con Alberto Arenas. C’est notre tango du jour.

Comme vous vous en doutez, je pourrai vous présenter des centaines de versions de ce titre, mais cela n’a pas grand intérêt. J’ai donc choisi de vous proposer pour terminer une version très différente…

Kiss of Fire 1955 – Louis Armstrong.

En 1952, Lester Allan et Robert Hill ont adapté et sérieusement modifié la partition, mais on reconnaît parfaitement la composition originale.

Je vous propose de nous quitter là-dessus, une autre preuve de l’universalité du tango.
À bientôt, les amis.

En guise de cortina, on pourrait mettre Pop Corn, non ?

PS : si vous avez des versions de El choclo que vous adorez, n’hésitez pas à les indiquer dans les commentaires, je rajouterais les plus demandées.

Mentías (vals) 1937-04-01 – Orquesta Juan D’Arienzo

Juan Carlos Casaretto Letra: Alfredo Navarrine

J’ai reçu ce matin un message d’un organisateur de milonga me demandant quelle proposer pour un anniversaire, avec la contrainte que ce soit une valse du mois de janvier vu que l’anniversaire était aujourd’hui. J’ai proposé cette valse, Mentías, pour deux raisons. La première est que c’est une valse qui correspond bien à l’occasion et la seconde est que sa date d’enregistrement coïncide avec la date de naissance de la danseuse à fêter. Je te dédicace donc, Martine de Saint-Pierre (La Réunion), cette valse, en te souhaitant un excellent anniversaire.

Extrait musical

Disque RCA Victor (38 138 face B) de Mentías… Le numéro de matrice 93549 est indiqué à gauche de l’axe. Sur la face A (38 138-A) il y a El apronte, enregistré juste avant, le même jour, avec le numéro de matrice 93548-1.
Mentías 1937-04-01 – Orquesta Juan D’Arienzo.

Cette valse commence sur un rythme rapide, avec une introduction au piano par Rodolfo Biagi, qui proposera de nombreuses ponctuations et transitions légères (comme la première à 13s).
Durant toute la première partie (jusqu’à 28s), tous les instruments sont au service du rythme.
Ensuite, les bandonéons s’individualisent pour la partie B et ensuite cèdent le pas aux magnifiques violons.
À 1:50, la variation apporte une impression de vitesse, sans toutefois changer le tempo, simplement, comme le fait presque systématiquement D’Arienzo, en subdivisant les temps en employant des double-croches au lieu de croches.
Le rythme rapide, mais sans exagération et la fin somme toute tranquille, laisse la place à des titres plus énergiques pour terminer la tanda dans une explosion.
Ce titre est un bon premier titre, ce qui renforce ma conviction qu’il peut faire l’affaire pour un anniversaire.

Paroles

Mis ojos te grabaron en mi mente
Bajaste de la mente al corazón,
La flor del corazón se abrió en latidos
¡Latidos que acunaron nuestro amor!
Amor que florecía con tus besos
Tus besos encubrían la traición,
Traición que me valió la cruz del llanto
¡Y el llanto por mis ojos te arrojó!

¡Mentías…!
Con caricias… estudiadas…
¡Cinismo…!
Del cariño desleal…
Jurabas
Por tu dios y por tu
¡Mira si no es criminal!
Los seres
Que han matado y se redimen,
Merecen el olvido y el perdón…
Cien vidas
No podrán borrar tu crimen
¡Asesinar la ilusión!

Y ahora que mi vida está vacía
Anclada en un silencio sin dolor,
Golpea el aldabón de tu recuerdo
Las puertas de mi pobre corazón…
Ya es tarde para unir idilios rotos
Miremos cara a cara la verdad,
No vuelvas a rondar por mi cariño
¡Que el sueño que se fue no torna más!
Juan Carlos Casaretto Letra: Alfredo Navarrine

libre des paroles

Mes yeux t’ont gravé dans mon esprit, tu es descendue de l’esprit au cœur, la fleur du cœur s’est ouverte en palpitant.
Des battements de cœur qui ont bercé notre amour !
L’amour qui s’est épanoui avec tes baisers. Tes baisers ont couvert la trahison, la trahison qui m’a valu la croix des pleurs.
Et les larmes à travers mes yeux t’ont rejetée !

Mensonges…!
Avec des caresses… Étudiées…
Cynisme…!
D’affection déloyale…
Tu as juré par ton dieu et par ta mère…
Vois si ce n’est pas criminel !
Les êtres qui ont tué et se sont rachetés méritent l’oubli et le pardon…
Cent vies ne pourront pas effacer ton crime
Tuer l’illusion !

Et maintenant que ma vie est vide, ancrée dans un silence indolore, le heurtoir de ton souvenir frappe les portes de mon pauvre cœur…
Il est trop tard pour unir des idylles brisées. Regardons la vérité face à face, ne reviens pas à chercher mon amour.
Car le rêve qui est parti ne revient pas !

On notera que les paroles sont très moyennement adaptées à une fête d’anniversaire. Cependant, cela ne dérange pas, car elles ne sont pas enregistrées et la musique les dément totalement.

Juan Carlos Casaretto y Alfredo Navarrine

Le compositeur de cette valse, Juan Carlos Casaretto n’est connu que pour un seul autre titre, un tango, Chiclana y Boedo (avec J. Treviño, encore plus inconnu). Il en existe un enregistrement tardif par Enrique Rodriguez et Roberto Flores, mais ce n’est pas pour la danse.
, en revanche, est à la tête d’une riche production. Avec son frère, Julio Plácido Navarrine, il a fourni bon nombre de titres de tango.

Des frères Alfredo et Julio Navarrine :

  • Alaridos 1942
  • Juana 1958
  • Mil novecientos treinta y siete 1937 (plus José Domingo Pécora)
  • Lechuza 1928
  • Oiga amigo 1933
  • Sos de Chiclana 1947 (plus Rafael Rossa)
  • Trilla e recuerdos

De Julio Navarrine :

  • A la luz del candil 1927
  • Barcos amarrados
  • Catorce primaveras
  • El anillito de plata
  • El vinacho Milonga
  • La piba de los jazmines
  • Oiga amigo
  • Oro muerto (Jirón porteño) 1926
  • Por qué no has venido 1926
  • Qué quieren yo soy así Milonga
  • Trago amargo 1925

De Alfredo Navarrine :

  • Agüita e luna
  • Ayer y hoy 1939
  • Bandoneones en la noche
  • Barrio reo 1927
  • Brindis de olvido 1945
  • Canción del reloj
  • Canto estrellero 1943
  • Cielito del porteño 1950
  • Como una flor 1947
  • Con licencia 1955
  • Corazón en sombras 1943
  • Curiosa
  • Desvíos
  • Escarmiento 1940
  • Escúcheme, gringo amigo 1944
  • Esmeralda
  • Estampa rea 1953
  • Este amor 1938
  • Falsedad 1955
  • Fea 1925
  • Gajito de cedrón 1973 Canción criolla
  • 1925
  • He perdido un beso 1940
  • Humildad 1938
  • La condición 1946
  • La Federal
  • Latido porteño
  • Luna 1951
  • Mentías 1941 (Notre valse du jour)
  • Milonga de un argentino 1972
  • No nos veremos más 1939
  • Noche de plata 1930 (Vals)
  • Nocturno inútil 1941
  • Ojos en el corazón 1945
  • Ojos tristes 1939
  • Pajarada 1945
  • Qué linda es la vida
  • Rancheriando
  • Resignación
  • Ronda de sueños 1944
  • Rosas negras 1942
  • Sangre porteña 1946
  • Sé hombre
  • Señor Juez 1941
  • Señuelo 1977
  • Serenidad 1946
  • Tamal 1975
  • Tango lindo
  • Tango para un mal amor 1948
  • Tata Dios 1931
  • Torcacita
  • Tucumana (Zamba)
  • Tucumano 1961
  • Vidalita
  • Yo era un corazón 1939
  • Yunque 1953

Autres versions

Il n’y a pas d’autre version de notre valse du jour, Il est assez curieux de voir la frilosité des orchestres contemporains pour enregistrer des valses. Ils nous donnent des dizaines de versions de quelques tangos, mais très peu de valses ou de milongas.
Si cette valse n’a pas été enregistrée par la suite, nous avons un tango du même titre composé par Juan de Dios Filiberto avec des paroles de Milon E. Mujica.
Je vous propose deux enregistrements de celui-ci et on terminera par la valse du jour.

Mentías 1923 – con acomp. de Guillermo Barbieri, José Ricardo (guitarras).

Un enregistrement acoustique. Bien sûr on réserve cela pour l’écoute et pas pour le bal.

Mentías 1927-10-20 – Orquesta Roberto Firpo.

Une jolie version. C’est assez léger et pas trop marqué en intense… Cela reste cependant un peu monotone, mais le joli violon de Cayetano Puglisi, délicieusement larmoyant, fait pardonner cela.

Mentías 1937-04-01 – Orquesta Juan D’Arienzo.

Mentías 1937-04-01 (vals) – Orquesta Juan D’Arienzo. C’est notre valse du jour. On termine avec énergie.

La tradition de la valse d’anniversaire

Il est des traditions dont on ne connaît pas vraiment l’origine. La valse d’anniversaire dans les milongas en fait sans doute partie. Il se peut aussi que ce soit une ignorance de ma part.
Voici ce qui me semble à peu près vérifiable.

La valse des mariés

Un peu partout dans le monde, les nouveaux mariés ouvrent le bal, par une valse, ce qui assure à certains professeurs de danse une petite rente. Ils mettent en scène une petite chorégraphie, les mariés l’apprennent par cœur et le jour de la noce, ils émerveillent les invités et la famille, soigneusement anesthésiés au préalable par la richesse du repas et des alcools servis.

La valse des 15 ans

Plus spécifiquement en Amérique latine, il y a la tradition des 15 ans des jeunes filles/femmes.
Cette cérémonie, peut-être issue des cultures précolombiennes, perdure de nos jours avec des formes, souvent très élaborées. Il existe des boutiques de robes spéciales pour les 15 ans, des maîtres de cérémonie et des vidéastes spécialisés.
Ce sont des fêtes fort coûteuses et les familles s’endettent bien plus pour les quinze ans que pour le mariage.
Cette tradition évolue, mais en général, la jeune femme est présentée par le père (ou parrain) et effectue avec lui une valse, puis, les amis d’enfance, éventuels prétendants et autres, dansent avec la quinceañera (jeune femme de 15 ans). Voir l’article de Wikipédia pour des éléments plus concrets.
En Europe, chez les puissants, on peut trouver une cérémonie parallèle, le bal des débutantes.

La valse d’anniversaire des tangueros

Vous avez reconnu l’organisation de la valse d’anniversaire telle qu’elle se pratique dans les milongas.
À ce sujet, il existe plusieurs façons de faire et beaucoup d’organisateurs ne souhaitent pas qu’on « perde » du temps à cette manifestation. D’autres, comme celui qui m’a commandé la valse ce matin, marquent plus d’attention pour cette tradition.
En Argentine, les amis tangueros fêtent l’anniversaire à la milonga. Ils réservent une table et c’est une des occasions où il est autorisé d’apporter de la nourriture de l’extérieur. En général, un gâteau qui ferait tomber en syncope un nutritionniste, il n’y a jamais trop de crème et de sucre. Le « champagne » local, qui lui est celui vendu dans la milonga, participe à la fête, ainsi que souvent, des déguisements et autres fantaisies.
En Europe, cela se fait moins, on pense que le temps pris pour fêter l’anniversaire est du temps perdu pour les . C’est un peu vrai, mais c’est aussi oublier la dimension sociale du tango. Nous sommes une communauté et c’est important de la renforcer par des marques d’amitié. n’est pas un club de gym où on fait son entraînement avec des écouteurs sur les oreilles. On parle, on chante et on partage.
Comme DJ, il est important d’aider à trouver l’équilibre. Si l’organisateur refuse que l’on fête un anniversaire, je me contente d’une dédicace avant la tanda de valse. Libre aux danseurs qui le souhaitent d’organiser un moment convivial.
Lorsque c’est l’organisateur qui le demande, il y a plusieurs possibilités. Parfois, tous les danseurs/danseuses veulent danser avec la personne qui fête son anniversaire. Dans ce cas, il se forme une immense file et ils refuseront d’aller danser avec quelqu’un d’autre tant qu’ils n’auront pas réussi à partager quelques secondes de valse. Parfois, cela dure toute la tanda.
Cela peut être effectivement frustrant pour ceux qui ne danseront pas avec la personne dont c’est l’anniversaire (les femmes, si c’est une femme qui fête son anniversaire, ou les hommes dans le cas contraire). Cela risque de faire baisser l’énergie dans le bal et à moins que l’ambiance soit très amicale, je pense que cette organisation est à éviter.
Plus intéressante est la mise en place d’un double parcours. On invite le héros de soirée à se placer au centre de la piste et les partenaires intéressés s’alignent. Les autres danseurs peuvent les entourer en dansant autour. Je trouve cela assez sympathique et cela ne frustre ni les stakhanovistes du bal ni les amis qui souhaitent partager quelques secondes de danse avec la personne qui fête son anniversaire.
Il me semble qu’il est intéressant de proposer cette organisation, ce que peut faire le DJ avec l’accord de l’organisateur, ou l’organisateur, de son propre chef. Pour bien mettre en valeur l’anniversaire, on peut réserver une partie du premier thème au seul anniversaire et remplir progressivement la piste. S’il y a beaucoup de prétendants, cela peut impliquer de réserver tout le premier titre de la tanda à la personne qui fête son anniversaire.
Comme DJ qui aime proposer des valses, je propose, en plus de la valse d’anniversaire, une tanda complète. Cela permet aux danseurs qui ont participé au manège de danser avec un autre partenaire. La tanda fera donc au moins quatre valses, voire cinq, si je suis sur un régime de tandas de 4 et que le premier titre a été entièrement utilisé pour souhaiter l’anniversaire.
Les danseurs qui vont inviter la personne dont c’est l’anniversaire ne doivent pas hésiter à faire un peu de spectacle. Pas dans la façon de danser (ils doivent au contraire, être aux petits soins pour le partenaire), mais dans la manière de prendre son tour (ou de le donner). Cela apporte une distraction à ceux qui ne participent pas.
Dans mon ancien profil Facebook, malheureusement fermé pour d’obscures raisons, j’avais réalisé une vidéo en direct où les danseurs qui s’étaient mis en file indienne se sont mis à se balancer en rythme d’un pied sur l’autre. Ce fut un superbe moment, tous les hommes de l’événement se balançant d’une même cadence, dans l’attente de partager quelques secondes de bal.

Mentías. L’illustration n’est pas exactement fidèle au texte, mais plutôt à la musique et surtout, elle évoque l’utilisation que j’en propose, une valse d’anniversaire.

Heureux anniversaire Martine !

À bientôt les amis !

Fantasma 1939-12-28 – Orquesta Roberto Firpo con Alberto Diale

Mario Maurano Letra: José Roberto De Prisco

En Italie, il y a une dizaine d’années, il y a eu un intérêt marqué pour notre tango du jour, Fantasma (fantôme) par Roberto Firpo. Comme vous allez l’entendre, cette œuvre mérite en effet l’écoute par son originalité. Mais attention, il y a fantôme et fantôme et un fantôme peut en cacher un autre.

Extrait musical

Fantasma 1939-12-28 – Orquesta Roberto Firpo con Diale.

Dès les premières notes, malgré le mode mineur employé, on note l’énergie dans la musique.
On peut donc s’imaginer que l’on parle d’un fantôme au sens de personne vaniteuse et présomptueuse, d’un fanfaron.
Écoutez donc le début avec cette idée. La partie A est tonique, en staccato. J’imagine tout à fait un fanfaron gambader dans les rues de . À 28″ commence la partie B qui dévoile régulièrement un mode majeur, le fanfaron épanoui semble se réjouir, profiter de sa suffisance.
Lorsque la partie A revient, elle est jouée en legato mais toujours avec le rythme pressant et bien marqué qui pousse à danser de façon tonique. On notera la virtuosité de Juan Cambareri, le mage du bandonéon qui réalise un solo époustouflant.

Les musiciens du cuarteto « Los de Antes » de Roberto Firpo. De gauche à droite, Juan Cambareri (bandonéon), Fernando Porcelli (contrebasse), Roberto Firpo (piano) et José Fernández (violon).

Le ténor, Alberto Diale, intervient à 1:25 pour une intervention de moins de 30 secondes, ce qui n’est pas gênant, car il me semble qu’il n’apporte pas une plus-value extraordinaire à l’interprétation. Cependant, comme il énonce les paroles écrites par José Roberto De Prisco, on est bien obligé de comprendre que l’on ne parle plus d’un fanfaron, même si la dernière partie avec ses envolées venteuses peut faire penser à une baudruche qui se dégonfle.
Avec le sens des paroles, on peut imaginer que ce sont les fantômes que l’on chasse avec son allégresse, allégresse exprimée par les passages en mode majeur qui s’intercalent entre les passages en mode mineur.
Je suis sûr que vous imaginez les fantômes qui volètent dans tous les sens à l’écoute de la dernière partie. On se souvient que Firpo a écrit plusieurs titres avec des sons réalistes, comme El amanecer et ses oiseaux merveilleux, El rápido (le train rapide), (feu d’artifice) ou La carcajada (l’éclat de rire). Cette composition l’a donc certainement intéressé pour la possibilité d’imiter les fantômes volants. N’oublions pas que les musiciens avant les années 30 intervenaient beaucoup pour faire la musique dans les cinémas, les films étant muets, ils étaient virtuoses pour faire les bruitages.

Paroles de Fantasma de Mario Maurano et José Roberto De Prisco

Y si al verme, tú lo vieras,
Que te muerde la conciencia,
No los temas.
Los fantasmas de tu pena están en ti.

Yo soy vida, vida entera.
Que cantando su alegría,
Va siguiendo su camino,
De venturas. Que no dejan,
Que se acerquen los fantasmas terrorosos de otro ayer.
Mario Maurano Letra: José Roberto De Prisco

Traduction libre de Fantasma de Mario Maurano et José Roberto De Prisco

Et si, quand tu me vois, tu le voyais qui te mord la conscience, ne les crains pas, les fantômes de ton chagrin sont en toi.
Je suis une vie, une vie entière.
Que chantant sa joie, il poursuit son chemin d’aventures. Qu’ils ne laissent pas s’approcher les fantômes terrifiants d’un autre hier.

Mario Maurano et José Roberto De Prisco

Quelques mots sur les auteurs, qui sont peu, voire très peu connus.

Mario Maurano (1905 à Rio de Janeiro, Brésil -1974)

Mario Maurano était pianiste, arrangeur, directeur d’orchestre et compositeur.

Il semble abonné aux fantômes, car il a écrit la musique du film Fantasmas en Buenos Aires dirigé par Enrique Santos Discépolo et qui est sorti le 8 juillet 1942. Peut-être qu’on lui a confié la composition de la musique du film à cause de notre tango du jour.
Cependant, l’ n’a rien à voir avec le tango et la musique du film, non plus. La présence de Discépolo, n’implique pas forcément que ce soit un film de tango… Vous pouvez voir le film ici… https://youtu.be/xtFdlXh4Vpc

L’affiche du film Fantasmas en Buenos Aires, dirigé par Enrique Discepolo et qui est sorti en 1942. Zulli Moreno est l’héroïne et prétendue fantôme. Pepa Arias, la victime d’une arnaque.

Parmi ses compositions, en plus de la musique de ce film, on peut citer :

  • • Canción de navidad (Chanson) (Mario Maurano Letra: )
  • • Cuatro campanadas (Mario Maurano Letra: Lito Bayardo – Manuel Juan García Ferrari)
  • • El embrujo de tu violín (Mario Maurano Letra: Armando Tagini – Armando José María Tagini)
  • • Fantasma (Mario Maurano Letra: José Roberto De Prisco)
  • • Por la señal de la cruz (Mario Maurano; Pedro Vescina Letra:Antonio Pomponio)
  • • Riendo (Alfredo Malerba; Mario Maurano; Rodolfo Sciammarella, musique et paroles)
  • • Un amor (Mario Maurano; Alfredo Antonio Malerba Letra: Luis Rubistein)
  • • Una vez en la vida (Valse) (Ricardo Malerba; Mario Maurano Letra: Homero Manzi (Homero Nicolás Manzione Prestera)

José Roberto De Prisco

Je n’ai pas grand-chose à dire de l’auteur des paroles, si ce n’est qu’il a écrit les paroles ou composé la musique de quelques titres en plus de Fantasma.

  • • Che, no hay derecho (Arturo César Senez Letra: José de Prisco) – Enregistré par Firpo.
  • • Desamor (Alberto Gambino y Jose De Prisco)
  • • Fantasma (Mario Maurano Letra: José Roberto De Prisco)
  • • Negrito () (Alberto Soifer Letra: José De Prisco)
  • • Vacilación (Antonio Molina, José Roberto De Prisco Letra: Rafael Iriarte)
Deux couvertures de partition d’œuvres de José De Prisco.

Autres versions

Notre tango du jour semble orphelin en ce qui concerne les enregistrements, mais il y a un autre fantôme qui rôde, composé par Enrique Delfino (Enrique Pedro Delfino – Delfy) avec des paroles de (Ovidio Cátulo González Castillo).

Fantasma 1939-12-28 – Orquesta Roberto Firpo con Alberto Diale. C’est notre tango du jour.

Intéressons-nous maintenant au fantôme de Delfy et Cátulo Castillo.

Paroles de Fantasma de Cátulo Castillo

Regresa tu fantasma cada noche,
Tus ojos son los mismos y tu voz,
Tu voz que va rodando entre sus goznes
La vieja cantinela del adiós.
Qué pálida y qué triste resucita
Vestida de , tu canción,
Se aferra a esta tristeza con que gritas
Llamando, en la distancia, al corazón.

Fantasma… de mi vida ya vacía
Por la gris melancolía…
Fantasma… de tu ausencia, sin remedio
En la copa de misterio…
Fantasma… de tu voz que es una sombra
Regresando sin cesar,
¡Cada noche, cada hora!
Tanta sed abrasadora…
A esta sed abrasadora… de olvidar.

Ya no tienes las pupilas bonitas
Se apagaron como una oración,
Tus manos, también ya marchitas
No guardaron mi canción.
Sombras que acompañan tu reproche
Me nublan, para siempre, el corazón…
Olvidos que se encienden en la noche
Agotan en alcohol, mi desesperación.

Enrique Delfino (Enrique Pedro Delfino – Delfy) avec des paroles de Cátulo Castillo – (Ovidio Cátulo González Castillo)

Traduction libre de la version de Cátulo Castillo

Ton fantôme revient chaque nuit, tes yeux sont les mêmes et ta voix, ta voix qui roule entre ses gonds (Les goznes sont les charnières, gonds… mais aussi des propositions énoncées sans justification, ce qui semble être l’acception à considérer ici), le vieux refrain d’au revoir.
Que de pâleur et tristesse ton chant ressuscite, vêtu de souvenirs, s’accrochant à cette tristesse avec laquelle tu cries, appelant au loin, le cœur.
Fantôme… de ma vie déjà vide par une mélancolie grise…
Fantôme… de ton absence, désespéré dans la coupe du mystère…
Fantôme… de ta voix, qui est une ombre qui revient sans cesse,
chaque soir, chaque heure !
Tant de soif brûlante…
À cette soif brûlante… d’oublier.
Déjà, tu n’as plus les pupilles jolies, elles se sont éteintes comme une prière.
Tes mains, également déjà desséchées, n’ont pas gardé ma chanson.
Les ombres qui accompagnent ton reproche embrument pour toujours le cœur…
Les oublis qui s’allument dans la nuit s’épuisent dans l’alcool, mon désespoir.

Ce thème de Delfy et Cátulo Castillo a été enregistré plusieurs fois et notamment dans les versions suivantes.

Fantasma 1944-10-24 – Orquesta Miguel Caló con Raúl Iriarte.

L’interprétation semble en phase avec les paroles. Si c’est cohérent d’un point de vue stylistique, le résultat me semble moins adapté au bal que notre tango du jour.

Fantasma 1944-12-28 – Orquesta Osvaldo Fresedo con .

Oscar Serpa n’est pas un chanteur pour la danse et il le confirme dans cet .

Fantasma 2013 – Orquesta Típica Sans Souci con Walter Chino Laborde.

L’orchestre Sans Souci s’est donné comme mission de perpétuer le style de Miguel Calo. Ce n’est donc pas un hasard si vous trouvez un air de famille entre les deux enregistrements.

Arthur le fantôme par Cezard

Yo soy de Parque Patricios 1944-12-05 – Orquesta Ángel D’Agostino con Ángel Vargas

Victor Felice Letra:

La nostalgie et l’orgueil pour la pauvreté de da jeunesse est un thème fréquent dans le tango. « Yo soy de Parque Patricios » est de cette veine…
Je vous invite à faire quelques pas dans la boue, les souvenirs et un passé à la fois lointain et tant proche, que les deux anges, D’Agostino et Vargas nous évoquent de si belle façon.
Nous découvrirons l’origine du nom et verrons quelques images de ce quartier qui a toujours un charme certain et que je peux voir de mon balcon.

Extrait musical

Yo soy de Parque Patricios 1944-12-05 – Orquesta .
Partition de Yo soy de Parque Patricios de Victor Felice et Carlos Lucero.

Quelques notes de piano, égrenées, comme jetées au hasard, démarrent le titre. L’orchestre reprend d’un rythme bien marqué avec des alternances de piano, des passages puissants et d’autres plus rêveurs chantés par les violons.
Un peu avant la moitié du titre, Ángel Vargas commence à chanter, presque a capela. Il annonce qu’il est de ce quartier et qu’il y est né.
La séance de nostalgie démarre, ponctuée de variations marquées par l’orchestre, tantôt marchant et rythmique, tantôt glissant et suave.
Comme toujours chez ce « couple » des anges, une parfaite réalisation, à la fois dansante, prenante et d’une grande simplicité dans l’expression des sentiments.
En l’écoutant, on pense aux autres titres comme qui, si le début est constitué de longs glissandos des violons, procèdent de la même construction par opposition.
On remarquera dans les deux titres, comme dans de nombreux autres, de cette association qui enregistra près d’une centaine de titres (93 ?), ces petites échappées musicales qui libèrent la pression de la voix de Vargas, ces petites notes qui s’échappent au piano, violon ou bandonéon et qui montent légèrement dans un parcours sinueux et rapide.

Paroles

Yo soy de Parque Patricios
he nacido en ese barrio,
con sus chatas, con su barro…
En la humildad de sus calles
con cercos de madreselvas
aprendí a enfrentar la vida…
En aquellos lindos tiempos
del percal y agua florida,
con guitarras en sus noches
y organitos en sus tardes.
Yo soy de Parque Patricios
vieja barriada de ayer…

Barrio mío… tiempo viejo…
Farol, chata, luna llena,
viejas rejas, trenzas negras
y un suspiro en un balcón…
Mayorales… cuarteadores…
muchachadas de mis horas,
hoy retornan al recuerdo
que me quema el corazón.

Hoy todo, todo ha cambiado
en el barrio, caras nuevas
y yo estoy avejentado…

(Mil nostalgias en el alma)
Mis cabellos flor de nieve
y en el alma mil nostalgias
soy una sombra que vive…
Recordando aquellos tiempos
que su ausencia me revive,
de mi cita en cinco esquinas…
y de aquellos ojos claros.
Yo soy de Parque Patricios
evocación de mi ayer…

Victor Felice Letra: Carlos Lucero

Vargas change ce qui est en gras. La phrase en rouge remplace la plus grande partie du dernier couplet. Elle n’est pas dans le texte original de Carlos Lucero.

Traduction libre

Je suis de Parque Patricios, je suis né dans ce quartier, avec ses chariots, avec sa boue…
Dans l’humilité de ses rues aux haies de chèvrefeuille, j’ai appris à affronter la vie…
En ces beaux temps de percale et d’eau de Cologne (agua florida), avec des guitares dans leurs nuits et des organitos (orgues ambulants) dans leurs après-midis.
Je viens de Parque Patricios, vieux quartier d’hier…
Mon quartier… le bon vieux temps…
Réverbère, chariots, pleine lune, vieux bars, tresses noires et un soupir sur un balcon…
Les mayorales (préposé aux billets du tramway)… cuarteadores (cavaliers aidant à sortir de la boue les chariots embourbés)… Les bandes de mes heures, aujourd’hui, elles reviennent à la mémoire qui me brûle le cœur.
Aujourd’hui, tout, tout a changé dans le quartier, de nouveaux visages et je suis vieux…
Mes cheveux, fleur de neige et dans mon âme mille nostalgies, je suis une ombre qui vit…
Me souvenir de ces moments que son absence ravive, de mon rendez-vous aux cinq angles (de rues)… et de ces yeux clairs.
(Ce passage n’est pas chanté par Vargas qui fait donc l’impasse sur l’histoire d’amour perdue).
Je suis de Parque Patricios évocation de mon passé…

Autres versions

La version de Vargas et D’Agostino n’a pas d’ par d’autres orchestres, mais le quartier de Parque Patricios a suscité des nostalgies et plusieurs titres en témoignent.

Yo soy de Parque Patricios 1944-12-05 – Orquesta Ángel D’Agostino con Ángel Vargas. C’est notre tango du jour.

Voici quelques titres qui parlent du quartier :

Parque Patricios de Antonio Oscar Arona

Parque Patricios 1928-09-12 – Orquesta Francisco Canaro con Charlo (Antonio Oscar Arona (Música y letra)

Paroles de la version de Oscar Arona

Cada esquina de este barrio es un recuerdo
de lo mágica y risueña adolescencia;
cada calle que descubre mi presencia,
me está hablando de las cosas del ayer…
¡Viejo barrio! … Yo que vengo del asfalto
te prefiero con tus calles empedradas
y el hechizo de tus noches estrelladas
que en el centro no se sabe comprender.

¡Parque Patricios!…
Calles queridas
hondas heridas
vengo a curar…

Sonreís de mañanita
por los labios de las mozas
que en bandadas rumorosas
van camino al taller;
sos romántico en las puertas
y en las ventanas con rejas
en el dulce atardecer;
que se adornan de parejas
te ponés triste y sombrío
cuando algún muchacho bueno
traga en silencio el veneno
que destila la traición
y llorás amargamente
cuando en una musiquita
el alma de Milonguita
cruzó el barrio en que nació.

¡Viejo Parque!… Yo no sé qué airada racha
me alejó de aquella novia dulce y buena
que ahuyentaba de mi lado toda pena
con lo magia incomparable de su amor…
Otros barrios marchitaron sus ensueños…
¡Otros ojos y otras bocas me engañaron
el tesoro de ilusiones me robaron
hoy mi vida, encadenado está al dolor!…

Oscar Arona

Traduction libre de la version de Oscar Arona

Chaque recoin de ce quartier est un rappel de l’adolescence magique et souriante ;
Chaque rue que découvre ma présence me parle des choses d’hier…
Vieux quartier… Moi, qui viens de l’asphalte, je vous préfère avec vos rues pavées et le charme de vos nuits étoilées qu’au centre-ville, ils ne peuvent pas comprendre.
Parque Patricios…
Chères rues, blessures profondes, je viens guérir…
Tu souris dès l’aube sur les lèvres des filles qui, en troupeaux bruyants, se rendent à l’atelier ;
Tu es romantique dans les portes et dans les fenêtres avec des barreaux dans le doux coucher de soleil ; qui se parent de couples. Tu deviens triste et sombre quand un bon garçon avale en silence le poison que la trahison distille et tu pleures amèrement quand, dans une petite musique, l’âme de Milonguita a traversé le quartier où elle est née.
Vieux parc (Parque Patricios)… Je ne sais pas quelle trainée de colère m’a éloigné de cette douce et bonne petite amie qui avait chassé tout chagrin de mon côté avec la magie incomparable de son amour…
D’autres quartiers ont flétri ses rêves…
D’autres yeux et d’autres bouches m’ont trompé, ils m’ont volé le trésor des illusions, ma vie, enchaîné, c’est la douleur…

Barrio Patricio de Juan Pecci

Barrio Patricio 1934 – Orchestre Argentin (Juan Pecci).

Honnêtement, je ne suis pas certain que ce tango ait pour thème le même quartier, en l’absence de paroles. Cependant, Juan Pecci est né dans le Sud du quartier San Cristobal à deux cuadras du quartier de Parque Patricios, l’attribution est donc probable. Pecci était violoniste de Bianco avec qui il avait fait une tournée en Europe.

Barrio porteño (Parque Patricios) de Ernesto Natividad de la Cruz et Héctor Romualdo Demattei)

Barrio porteño (Parque Patricios) 1942-08-07 – Osvaldo Fresedo Y Oscar Serpa
(Ernesto Natividad de la Cruz Letra: Héctor Romualdo Demattei).

Fresedo est plutôt de la Paternal, un quartier situé bien plus au Nord, mais il enregistre également ce tango sur Parque Patricios.
Après le départ de Ricardo Ruiz, l’orchestre de Fresedo semble avoir cherché sa voie et sa voix. Je ne suis pas sûr qu’Oscar Serpa soit le meilleur choix pour le tango de danse, mais l’assemblage n’est pas mauvais si on tient en compte que l’orchestration de Fresedo est également renouvelée et sans doute bien moins propice à la danse que ses prestations de la décennie précédente. Il a voulu innover, mais cela lui a sans doute fait perdre un peu de son âme et la décennie suivante et accélèrera cet éloignement du tango de danse. Fresedo avait la réputation d’être un peu élitiste, disons qu’il s’est adapté à un public plus « raffiné », mais moins versé sur le collé-serré des milongueros.

Paroles de la version de Ernesto Natividad de la Cruz et Héctor Romualdo Demattei

Perdoná barrio porteño
Que al correr tu vista tanto,
Voy vencido por la vida
Y en angustias sé soñar.
Vuelvo atrás y tú en mis sienes
Marcarás las asechanzas,
De esta noche tormentosa
De mi loco caminar.

Han pasado muchos años
Y es amargura infinita,
La que traigo dentro del pecho
Desangrado el corazón.
Apagada para siempre
De su cielo, mi estrellita,
El regreso es un sollozo
Y una profunda emoción.

Mi acento ya no tiene
Tus tauras expresiones,
Con que cantaba al barrio
En horas del ayer.
Por eso mi guitarra
Silencia su armonía,
En esta noche ingrata
De mi triste volver.

Ernesto Natividad de la Cruz Letra: Héctor Romualdo Dematte

Traduction libre de la version de Ernesto Natividad de la Cruz et Héctor Romualdo Demattei

Pardonne-moi quartier portègne (de Buenos Aires) de courir autant à ta vue, je vais vaincu par la vie et dans l’angoisse je sais rêver.
Je reviens et toi, dans mes tempes, tu marqueras les pièges, de cette nuit d’orage, de ma folle marche.
De nombreuses années ont passé et c’est une amertume infinie, celle que je porte dans ma poitrine saignant mon cœur.
Éteinte à jamais de son ciel, ma petite étoile, le retour est un sanglot et une émotion profonde.
Mon accent n’a plus tes expressions bravaches, avec lesquelles je chantais au quartier aux heures d’hier.
C’est pourquoi ma guitare fait taire son harmonie, en cette nuit ingrate de mon triste retour.

Parque Patricios de Antonio Radicci et Francisco Laino (Milonga)

Cette géniale milonga est une star des bals. Deux versions se partagent la vedette, celle de Canaro avec Famá et celle, contemporaine de l’autre Francisco, Lomuto avec Díaz. Pour ma part, je n’arrive pas à les départager, les deux portent parfaitement l’improvisation en milonga, comportent des cuivres pour une sonorité originale et si on n’est sans doute un peu plus accoutumés à la voix de Famá, celle de Díaz ne démérite pas.

Parque Patricios 1940-10-03 – Orquesta Francisco Canaro con Ernesto Famá (Antonio Radicci y Francisco Laino, Música y letra).
Parque Patricios 1941-06-27 – Orquesta Francisco Lomuto con Fernando Díaz (Antonio Radicci y Francisco Laino, Música y letra)

Paroles de la version en milonga de Antonio Radicci et Francisco Laino

Mi
querido rincón porteño,
barriada de mis ensueños
refugio de mi niñez.
El progreso te ha cambiado
con su rara arquitectura,
llevándose la hermosura
de tu bondad y sencillez.
Cuántas noches de alegría
al son de una serenata,
en tus casitas de lata
se vio encender el farol.
Y al sonar de las vigüelas
el taita de ronco acento,
hilvanaba su lamento
sintiéndose payador (trovador en la versión de Famá).

Antonio Radicci Letra: Francisco Laino

Traduction libre de la version de Antonio Radicci et Francisco Laino

Mon vieux Parque Patricios, cher recoin de Buenos Aires, quartier de mes rêves, refuge de mon enfance.
Le progrès t’a changé avec son architecture étrange, t’enlevant la beauté de la bonté et de ta simplicité.
Combien de nuits de joie au son d’une sérénade, dans tes petites maisons de tôle se voyait allumer la lanterne.
Et au son des vigüelas [sortes de guitares] le taita [caïd] avec un accent rauque, tissait sa complainte en se sentant payador.

Viejo Parque Patricios de Santos Bazilotti et Antonio Macchia

Viejo Parque Patricios 1952 – Orquesta Puglia-Pedroza (Santos Bazilotti Letra: Antonio Macchia).

Une version plutôt jolie, mais qui ne devrait pas satisfaire les . Contentons-nous de l’écouter. On pourra s’intéresser à la jolie prestation au bandoneón de Edgardo Pedroza.

Viejo Parque Patricios 1955-04-15 – (Santos Bazilotti Letra: Antonio Macchia)

La version proposée par Bongioni est bien différente de celle de Pugli et Pedroza. On y retrouvera une inspiration de Firpo et des Uruguayens comme Racciatti et Villasboas). Même si c’est très joueur, à la limite de la milonga, le résultat est sans doute assez difficile à danser par la plupart des danseurs.

Paroles de la version de Santos Bazilotti et Antonio Macchia

Bien que les deux enregistrements soient instrumentaux, il y a des paroles qui ne semblent cependant pas avoir été gravées. Les voici tout de même.

Por los corrales de ayer
Mis años yo pasé,
Barrio florido
Yo fui el primero
Que te canté.
En Alcorta y Labardén,
Caseros y Arena,
Bordé mi nido de amor.
Y en una cuadrera
Supe ser buen ganador,
El Pibe, El Chueco y El Inglés
Por una mujer,
Se trenzaron en más de una vez
Con este cantor.

Porteño soy
De las tres esquinas,
Pinta cantora
Para un querer.
Nací en el Parque Patricios
Sobre los viejos corrales de ayer.
Porteño soy
De las tres esquinas,
Y en mi juventud florida
El lecherito del arrabal,
Y como también
Un bailarín sin rival.
Santos Bazilotti Letra: Antonio Macchia

Traduction libre de la version de Santos Bazilotti et Antonio Macchia

À travers les corrales d’hier. Mes années j’ai passé. Quartier fleuri, j’ai été le premier qui t’a chanté.
À Alcorta et Labardén, Caseros et Arena, j’ai brodé mon nid d’amour.
Et dans une course de chevaux (peut-être aussi écurie), j’ai su être un bon gagnant. El Pibe, El Chueco et El Inglés, pour une femme, ils se sont crêpés plus d’une fois avec ce chanteur (l’auteur du texte).
Je suis Porteño, des Tres Esquinas, L’allure chantante pour un amour.
Je suis né à Parque Patricios sur les anciens corrales d’hier.
Porteño je suis, des Tres esquinas, et, dans ma jeunesse fleurie, le petit laitier des faubourgs, et aussi bien, un danseur sans rival.

Parque Patricios de Mateo Villalba et Maura Sebastián

Et pour terminer avec les versions, Parque Patricio 2008 (Valse) par le Cuarteto de MateoVillalba avec la voix de Maura Sebastián. C’est une composition de Martina Iñíguez et de Mateo Villalba. C’est une version légère, doucement valsée et chantée avec des paroles différentes.

Parque Patricio 2008 (Valse) par le Cuarteto de MateoVillalba avec la voix de Maura Sebastián


El Parque de los Patricios

Ce quartier porte le nom d’un parc créé en 1902 par un paysagiste français, Charles Thays.
Né à en 1849, cet architecte, naturaliste, paysagiste, urbaniste, écrivain et journaliste français a déroulé l’essentiel de sa carrière en Argentine, notamment en dessinant et aménageant la plupart des espaces verts de Buenos Aires, mais aussi d’autres lieux d’Amérique du Sud. Il fut à l’origine du second parc naturel argentin, celui d’Iguazú, et il participa également à l’amélioration de la culture industrielle de yerba mate (germination), cet arbuste qui fait que l’Uruguay et l’Argentine ne seraient pas pareils sans lui.

Le Parque Patricios tel qu’il a été créé à l’origine. Dessin de 1902.

Mais avant le parc, cette zone avait une tout autre destination. Nous en avons parlé à diverses reprises. C’étaient les abattoirs et la décharge d’ordures.
Beaucoup y voient le berceau du tango, voire de Buenos Aires. En fait, tout le territoire actuel de la « Comuna 4 » constitue le Sud (Sur), zone particulièrement propice à la nostalgie et notamment chez D’Agostino et Vargas, qui ont produit plusieurs titres évoquant les quartiers de cette commune.
Le nom de Parque Patricios ou Parque de los Patricios a été donné au parc par l’Intendant Bulrich en l’honneur des Patricios, ce prestigieux bataillon de l’armée argentine.

Les Patricios continuent aujourd’hui à animer la vie argentine, même si leur dernier engagement a été pour les Malouines. À droite, l’uniforme au début du régiment (1806-1807). À l’extrême droite, un officier.
La commune 4 de Buenos Aires, correspond sensiblement au Sur « mythique » avec les quartiers très populaires de Parque Patricios, Nueva Pompeya, Barracas et La Boca. On pourrait rajouter la zone inférieure de qui appartient à la commune 5, cette zone chère à Homero Manzi.

Cette zone a été chantée dans de nombreux tangos dont nous avons déjà parlé comme :
Del barrio de las latas
Mano blanca
Tres Esquinas
El cuarteador de Barracas
En lo de Laura
Sur
La tablada

Voici à quoi ressemblait le quartier de Parque Patricios au début du 20e siècle. On comprend son surnom de barrio de las latas évoqué dans le tango dont nous avons déjà parlé.

Mais outre cet habitat particulièrement pauvre, la zone était également une immense décharge à ciel ouvert, où, toute la journée, on brûlait les détritus de Buenos Aires.
Les ordures étaient transportées avec un petit train à voie métrique « El tren de la basura », le train des ordures.

Un mural reproduisant le parcours du train des ordures rue Oruro 1400.
El tren de la basura.

L’autre spécialité de la zone était les abattoirs, Los Corrales, qui à la suite de la construction de nouveaux abattoirs à Abasto, sont devenus Los Corrales Viejos…

Corrales viejos matadero. Voir l’anecdote sur La tablada pour en savoir plus.

À bientôt les amis !

Deux détails du mural du train des ordures de la rue Oruro. On remarquera que de véritables « détritus » ont été utilisés, mais avec une intention artistique évidente.

Milonga querida 1938-11-09 – Orquesta Juan D’Arienzo con Alberto Echagüe

Letra: Lito Bayardo

Ceux qui aiment les milongas dynamiques se ruent en général sur la piste aux premières notes de Milonga querida interprétés par D’Arienzo et Echagüe et ils ont bien raison. Malgré un rythme qui semble soutenu, cette milonga aide les danseurs à s’amuser, ce qui n’est pas autant le cas avec ces milongas que l’on met trop souvent en pensant que les danseurs ne sont pas au niveau… Au contraire, il faut ce type de milonga pour les faire progresser et danser avec joie. Le n’est pas de la milonga…

Extrait musical

Milonga querida 1938-11-09 – Orquesta Juan D’Arienzo con Echagüe.

Le piano incisif de Juan Polito qui venait de reprendre la main (je devrais dire les deux mains, puisqu’il s’agit de piano) après l’exclusion de de l’orchestre. Deux accords posent le tempo et le piano lance la milonga immédiatement. Des passages traspies (staccato) alternent avec des passages lisses (legato), ce qui permet aux danseurs, à la fois de varier les improvisations et de se reposer un peu, ou pour le moins de prendre leur marque dans le flot de la milonga pour s’intégrer dans l’harmonie du bal.
La vitesse semble très rapide, mais elle est suffisamment modérée pour pouvoir parfaitement jouer avec la musique.
L’attention est soutenue par l’alternance des parties et quand Echagüe commence à chanter, il reste totalement dans le rythme, ce rythme cher à D’Arienzo et qu’il ne sacrifiera surtout pas pour une milonga.
Les instruments, notamment les cordes et les bandonéons, semblent lancer des piques. Les accords sont brefs, nerveux. On se représente bien D’Arienzo, penché en avant avec l’avant-bras dont le poing est serré, encourageant ses musiciens à donner ces accords, un par un ou par salves nettes dans un staccato très intense, jusqu’aux délivrances des passages liés.
Si vous êtes danseur et intéressé par la musicalité, vous trouverez sans doute pas mal d’inspiration dans cette milonga ponctuée par les fioritures du piano de Polito dans la lignée de Biagi.
La diction de Echagüe, sans doute à son apogée dans cette interprétation, permet de capter les paroles, tout en utilisant la voix comme un instrument rythmique, favorisant la continuité stylistique avec les parties orchestrales.
La fin arrive de façon abrupte, comme si D’Arienzo après avoir lancé les danseurs dans une danse effrénée, voulait les pousser à la faute en les faisant continuer de bouger alors que la musique s’est arrêtée.
Bien sûr, cet est tellement connu que les danseurs ne se laissent pas surprendre, mais on peut imaginer l’ambiance que le titre provoquait lors de ses premières exécutions.

Paroles

No la pintaron los poetas
en sus versos seductores,
ni conocieron su vida
ni el amor de sus amores.
Fue la más linda del barrio
y por linda, codiciada,
y más de cien entreveros
su belleza provocó.

Pero ella bien conocía
quién en silencio la amaba
y a nadie al fin comprendía
pues con ninguno se daba;
por verla sola, muy sola,
mil comentarios se hicieron
y difamaron su nombre
al no conseguir su amor.

Aquel muchacho tan triste,
tan humilde y tan sencillo,
se fue en silencio una noche
del alegre conventillo.
Y aquella piba bonita
por bonita codiciada,
cargó una tarde sus cosas,
y a su barrio no volvió.

Juan Larenza Letra: Lito Bayardo

Traduction libre

Les poètes ne l’ont pas peinte dans leurs vers séducteurs ni ne connurent sa vie ni l’amour de ses amours.
C’était la plus belle du quartier et parce qu’elle était belle, convoitée, et plus d’une centaine de bagarres, sa beauté a provoqué.
Mais elle savait bien qui l’aimait en silence, et elle ne comprenait personne à la fin, car à aucun elle se donnait ;
À la voir seule, très seule, mille commentaires se firent et diffamèrent son nom, car ils n’avaient pas obtenu son amour.
Ce garçon, si triste, si humble et si simple, sortit en silence une nuit du joyeux conventillo (logement collectif pauvre).
Et cette jolie fille, convoitée pour sa beauté, une après-midi, a emporté ses affaires, et elle n’est pas revenue dans son quartier.

Autres versions

Milonga querida 1938-11-09 – Orquesta Juan D’Arienzo con Alberto Echagüe. C’est notre milonga du jour.
Milonga querida 1990c – Miguel Villasboas y su Orquesta Típica.

Avec l’Uruguayen Villasboas, on reste dans une dimension joueuse. On reconnaît son style et ses arrangements particuliers. Son piano est sans doute moins présent que celui de Polito, cela laisse plus de clarté pour les violons et bandonéons. On pourra peut être moins apprécier la trop grande régularité qui peuvent engendrer de la monotonie. Je pense qu’écouter cette version après celles de D’Arienzo qui lui est antérieure d’un demi-siècle montre bien la différence d’une musique parfaite pour la danse par rapport à une musique sympathique, mais qui ne porte pas aussi bien.

Et un titre identique, mais totalement différent. C’est une création de (El Chon) qui est encore dans l’esprit canyengue.

Milonga querida 1931-11-23 – Orquesta Edgardo Donato con Teófilo Ibáñez.


On ne peut pas dire que ce soit vilain, mais sauf pour les amateurs d’encuentros, difficile de résister (dans le sens supporter) à une tanda de ce type…
La fin un peu plus vivante ne sauve pas forcément l’ensemble…

Vous aurez compris que si on me demande « Milonga querida » je proposerai systématiquement la version de D’Arienzo et Echagüe.

Paroles du tango « Milongua querida » de Eduardo Pereyra

querendona
Mi más vieja compañera,
Te llevo en el corazón
Como al más fiel de mis amores.

Tu canción es el recuerdo
De mi vida aventurera,
Que me embriaga de dolor
Al recordar aquel tiempo mejor.

Eduardo Pereyra (El Chon) (Paroles et musique)

Traduction libre du texte de Eduardo Pereyra (El Chon)

Petite milonga amoureuse (qui s’énamoure facilement)
Ma plus vieille compagne,
Je te porte dans mon cœur
Comme le plus fidèle de mes amours.


Ta chanson est le souvenir
De ma vie aventureuse,
Qui m’enivre de douleur
Au souvenir de ces temps meilleurs.
Le texte fait sans doute plus penser aux textes des milongas des payadores qu’au rythme allègre qui en reprendra le nom.

Les auteurs

La collaboration entre Juan Larenza et Lito Bayardo a donné la très célèbre zamba, Mama vieja, que De Angelis enregistrera en forme de , comme la magnifique valse Flores del alma (dont les paroles ont été coécrites avec Alfredo Lucero).

Juan Larenza (1911-1980), pianiste et compositeur

Juan Larenza

Les compositions de Larenza ont été enregistrées par de nombreux orchestres, dont De Angelis, D’Arienzo, Aníbal Troilo (avec le fameux Guapeando) et même Di Sarli.
Sa plus célèbre biographie a été écrite ; justement par Lito Bayardo dans son ouvrage « Mis 50 años con la canción argentina »

Le livre de Lito Bayardo50 años con la canción argentina” dans lequel il parle de son ami Juan Larenza. À droite, Larenza est le deuxième en partant de la droite et Bayardo le troisième.

Manuel Juan García Ferrari (1905-1986), plus connu comme Lito Bayardo, guitariste, chanteur, compositeur et parolier

Bayardo a écrit à la fois des textes de tangos et a composé des tangos dont il était également le parolier. Un des plus connus est sans doute Cuatro enregistré, notamment, par avec Enrique Campos, Francisco Canaro avec Alberto Arenas et Rodolfo Biagi avec Alberto Amor.

Shusheta (El aristócrata) 1940-10-08 – Orquesta Carlos Di Sarli

Juan Carlos Cobián Letra: Enrique Cadícamo

Shusheta ou sa variante shushetín désigne un dandy, un jeune homme élégant, avec une nuance qui peut aussi qualifier un mouchard. Les Dictateurs de la Décennie infâme ne s’y sont pas trompés et l’ des paroles en témoigne. Ce portrait de ce shusheta, peint crûment par Cadícamo sur la musique de Cobián n’est pas si flatteur.

Extrait musical

1940-10-08 – Orquesta
Partition de Shusheta « Gran tango de salón para piano ».

Paroles usuelles (1938)

Le tango a été écrit en 1920 et était donc instrumental, jusqu’à ce que Cadícamo accède à la demande de son ami de lui écrire des paroles pour ce titre. Il le fit en 1934, mais la version habituelle est celle déposée à la SADAIC en 1938.

Toda la calle Florida lo vio
con sus polainas, galera y bastón…

Dicen que fue, allá por su juventud,
un gran Don Juan del de ayer.
Engalanó la puerta (las fiestas) del Jockey Club
y en el ojal siempre llevaba un clavel.

Toda la calle Florida lo vio
con sus polainas, chambergo (galera) y bastón.

Apellido distinguido,
gran señor en las reuniones,
por las damas suspiraba
y conquistaba
sus corazones.
Y en las tardes de Palermo
en su coche se paseaba
y en procura de un encuentro
iba el porteño
conquistador.

Ah, tiempos del Petit Salón…
Cuánta locura juvenil…
Ah, tiempo de la
sección Champán Tango
del « Armenonville ».

Todo pasó como un fugaz
instante lleno de emoción…
Hoy sólo quedan
recuerdos de tu corazón…

Toda la calle Florida lo vio
con sus polainas, galera y bastón.
Juan Carlos Cobián Letra: Enrique Cadícamo

Vargas ne chante pas ce qui est en bleu. Cette partie des paroles est peut-être un peu plus faible et de toute façon, cela aurait été trop long pour un tango de danse.
En gras les mots chantés par Vargas à la place de ceux de Cadícamo.

Traduction libre des paroles usuelles et indications

Toute la rue Florida l’a vu avec ses guêtres, son chapeau et sa canne… (Polainas, c’est aussi contrariété, revers, déception, Galera, c’est aussi la prison ou la boîte à gâteau des fils de bonne famille. On peut donc avoir deux lectures des paroles, ce que confirme la version, originale, plus noire. Précisons toutefois que la partition déposée à la SADAIC indique chambergo, chapeau. Ce serait donc Vargas qui aurait adapté les paroles).
On dit qu’il était, dans sa jeunesse, un grand Don Juan du Buenos Aires d’antan.
Il décorait la porte (Vargas chante les fêtes) du Jockey Club et portait toujours un œillet à la boutonnière.
Toute la rue Florida l’a vu avec ses guêtres, son chapeau et sa canne.
Un nom de famille distingué, un grand seigneur dans les réunions, il soupirait pour les dames et conquérait leurs cœurs.
Et les après-midi de Palermo, il se promenait dans sa voiture à la recherche d’un rendez-vous, ainsi allait le porteño conquérant.
Ah, l’époque du Petit Salón… (Deux tangos s’appellent Petit Salón, dont un de Villodo [mort en 1919]. L’autre est de Vicente Demarco né en 1912 et qui n’a sans doute pas connu le Petit Salón).

Combien de folie juvénile…
Ah, c’est l’heure du Tango Champagne de l’Armenonville.
Tout s’est passé comme un instant fugace et plein d’émotion…
Aujourd’hui, il ne reste que des souvenirs de ton cœur…
Toute la rue Florida l’a vu avec ses guêtres, son chapeau et sa canne

Premières paroles (1934)

Ces paroles n’ont semble-t-il jamais été éditées. Selon Juan Ángel Russo, Cadícamo les aurait écrites en 1934.
Cette version n’a été enregistrée que par Osvaldo Ribó accompagné à la guitare par Hugo Rivas.
On notera qu’elles mentionnent shusheta, ce que ne fait pas la version de 1938 :

Pobre shusheta, tu triunfo de ayer
hoy es la causa de tu padecer…
Te has apagao como se apaga un candil
y de shacao sólo te queda el perfil,
hoy la vejez el armazón te ha aflojao
y parecés un bandoneón desinflao.
Pobre shusheta, tu triunfo de ayer
hoy es la causa de tu padecer.

Yo me acuerdo cuando entonces,
al influjo de tus guiyes,
te mimaban las minusas,
las más papusas
de Armenonville.
Con tu smoking reluciente
y tu pinta de alto rango,
eras rey bailando el tango
tenías patente de gigoló.

Madam Giorget te supo dar
su gran amor de gigolet,
la Ñata Inés te hizo soñar…
¡y te empeñó la vuaturé !
Y te acordás cuando a Renée
le regalaste un reló
y al otro día
la fulería
se paró.
Juan Carlos Cobián Letra: Enrique Cadícamo

Traduction libre de la première version de 1934

Pauvre shusheta (un shusheta est un jeune vêtu à la mode en , voire un « petit maître »), ton triomphe d’hier est aujourd’hui la cause de tes souffrances…
Tu t’es éteint comme s’éteint une chandelle et de shacao (je n’ai pas trouvé la référence) il ne te reste que le profil, aujourd’hui la vieillesse t’a relâché le squelette et tu ressembles à un bandonéon dégonflé.
Pauvre shusheta, ton triomphe d’hier est aujourd’hui la cause de ta souffrance.
Je me souviens qu’alors, sous l’influence de tes guiyes (gilles, copains ?), tu étais choyé par les minusas (les filles), les plus papusas (poupées, filles) d’Armenonville.
Avec ton smoking brillant et ton look de haut rang, tu étais le roi en dansant le tango, tu tenais un brevet de gigolo.
Madame Giorget a su vous donner son grand amour de gigolette, Ñata Inés vous a fait rêver… (le salon de Ñata Inés était un établissement de Santiago, au Chili, apprécié par Pablo Neruda) et a mis ta décapotable (vuaturé est une voiture avec capote rabattable à deux portes. Prononciation à la française.) en gage !
Et tu te souviens quand tu as offert une montre à Renée (sans doute une Française…) et que le lendemain les choses se sont arrêtées.

Dans El misterio de la Ñata Inés, Luis Sánchez Latorre dans le journal chilien Las Últimas Noticias du 15 juillet 2006, s’interroge sur ce qu’était réellement la Ñata Inés. Sans doute un établissement mixte pouvant aller de la scène à la prostitution, comme les établissements de ce type en Argentine.

D’Agostino et la censure

Vous l’aurez compris, le terme Shusheta qui peut qualifier un « mouchard » a fait que le tango a été censuré et qu’il a dû changer de nom.
En effet, pour éviter la censure, D’Agostino a demandé à Cadícamo une version expurgée que je vous propose ci-dessous.
On notera toutefois que la version chantée en 1945 par Vargas prend les paroles habituelles, celles de 1938, mais débarrassée du titre polémique au profit du plus neutre El aristócrata. C’est la raison pour laquelle, les versions d’avant 1944 (la censure a commencé à s’exercer en 1943) s’appellent Shusheta et les postérieures El aristócrata. Aujourd’hui, on donne souvent les deux titres, ensemble ou indifféremment. On trouve aussi parfois El elegante.

Paroles de El aristócrata, version validée par la censure en 1944

Toda la calle Florida te vio
con tus polainas, galera y bastón.

Hoy quien te ve…
en falsa escuadra y chacao,
tomando sol con un nietito a tu lao.
Vos, que una vez rompiste un cabaré,
hoy, retirao… ni amor, ni guerra querés.

Toda la calle Florida te vio
con tus polainas, galera y bastón.

Te apodaban el shusheta
por lo bien que te vestías.
Peleador y calavera
a tu manera te divertías…
Y hecho un dandy, medio en copas,
en los altos del Casino
la patota te aclamaba
sí milongueabas un buen gotán.

Ah, tiempo del Petit Salón,
cuánta locura juvenil…
Ah, tiempo aquel de la Sección
Champán-Tango de Armenonvil.
Todo pasó como un fugaz
instante lleno de emoción.
Hoy solo quedan
recuerdos en tu corazón.

Toda la calle Florida te vio
con tus polainas, galera y bastón.

Traduction libre de la version de 1944

Toute la rue Florida t’a vu avec tes guêtres, ton chapeau et ta canne.
Aujourd’hui, qui te voit…
Avec une pochette factice et chacao (???), prenant le soleil avec un petit-fils à tes côtés.
Toi, qui as autrefois dévasté un cabaret, tu prends aujourd’hui ta retraite… Tu ne veux ni amour ni guerre.
Toute la rue Florida t’a vu avec tes guêtres, ton chapeau et ta canne.
On te surnommait le shusheta à cause de la façon dont tu t’habillais.
Bagarreur et crâneur, à ta manière, tu t’es amusé…
Et fait un dandy, les coupes à moitié bues, depuis les hauteurs (galeries) du Casino, la bande t’encouragerait si tu milonguéais un bon gotan (Tango en verlan).
Ah, cette époque du Petit Salon, que de folie juvénile…
Ah, cette époque de la section Champagne-Tango de l’Armenonville.
Tout est passé comme un instant fugace et plein d’émotion.
Aujourd’hui, il ne reste que des souvenirs dans ton cœur.
Toute la rue Florida t’a vu avec tes guêtres, ton chapeau et ta canne.

Autres versions

Shusheta 1923-03-27 – Orquesta Juan Carlos Cobián.

Le premier , par le compositeur, Juan Carlos Cobián. C’est bien sûr une version instrumentale, puisque les paroles n’ont été écrites que onze ans plus tard.

Shusheta (El aristócrata) 1940-10-08 – Orquesta Carlos Di Sarli. C’est notre tango du jour.
El aristócrata (El Shusheta) 1945-04-05 – Orquesta Ángel D’Agostino con .

Cette version, sans doute la plus connue, utilise les paroles non censurées de 1938. Le titre a été modifié pour éviter la censure. Il est vrai qu’en dehors de Shusheta qui pouvait irriter un censeur très suspicieux, le texte n’était pas si subversif. J’imagine que D’Agostino qui avait envie d’enregistrer le titre avec Vargas a demandé les paroles censurées, puis y a renoncé, peut-être en ayant acquis la certitude que la censure n’interdirait pas ce titre. Vargas a apporté de très légères modifications au texte, mais sans que cela soit pour des raisons de censure, ces modifications étant anodines.

Shusheta 1951-05-30 – Horacio Salgán y su Orquesta Típica.

Une version étonnante, pour l’auditeur, mais encore plus pour le danseur qui pourrait bien se venger d’un DJ qui la diffuserait en milonga. Je n’ai pas dit qu’il fallait jeter cet enregistrement, juste le réserver pour l’écoute.

El aristócrata (Shusheta) 1952 – y su Orquesta Típica.

L’ancien complice de D’Arienzo a ses débuts et de nouveau, quand il a remplacé Biaggi qui venait de se faire virer, propose une version nerveuse et ma foi sympathique de Shusheta. La rythmique pourrait déconcentrer des très habitués à d’autres versions, mais on peut s’amuser, lorsque l’on connaît un peu le titre avec les facéties de Polito au piano. On se souvient que quand il avait remplacé Biagi, il avait continué les fioritures de son prédécesseur. Là, ces ornementations sont bien personnelles et ne doivent rien à Biagi.

Shusheta (El aristócrata) 1957-08-30 – Ángel Vargas y su Orquesta dirigida por Edelmiro « Toto » D’Amario.

Vargas fait cavalier seul, sans D’Agostino. Je vous conseille de vous souvenir plutôt de la version de 1945.

Shusheta (El Elegante) 1970 – Osvaldo Pugliese con cuerdas arreglos de Mauricio Marcelli.

Une version destinée à l’écoute, au concert.

Shusheta 2019-08-28 ou 29 – Sexteto .

Je vous propose d’arrêter là, il existe bien d’autres versions, mais rien qui puisse faire oublier les merveilleuses versions de D’Agostino et Vargas et celle de Di Sarli.

La cumparsita 1951-09-12 – Orquesta Juan D’Arienzo

; (Roberto Firpo) Letra : Pascual Contursi ;  ; Gerardo Hernán Matos Rodríguez

S’il est un air que vous avez forcément entendu, c’est à coup sûr . En effet, ce thème commence toutes les milongas traditionnelles et termine la plupart des milongas dans le monde. Il était donc important de faire une anecdote sur La cumparsita, mais c’est là que les difficultés commencent. J’ai plus de 800 cumparsitas et il me fallait choisir.

Une expression de lunfardo témoigne du succès de ce thème «  » (plus connu que la cumparsita…).

Cet air a grand succès a été enregistré des centaines de fois et tous les orchestres de tango l’ont à leur répertoire. Il me fallait donc choisir une version pour l’anecdote du jour qui soit un peu emblématique, car je pouvais presque trouver un enregistrement du titre pour chaque jour de l’année.
Cependant, dans cette énorme production, il faut bien sûr faire du tri. Supprimer tout ce qui n’est pas du tango traditionnel et donc éliminer les versions en cumbia, rock, tango musette, percussions, a capella, valse (même si j’ai plusieurs versions que je passe parfois) et autres rythmes.
J’ai fait le choix d’un tango de danse, ce qui élimine une bonne moitié des versions restantes après la première sélection. Dans les 161 versions restantes, il convenait de choisir les meilleures. Comme je passe deux cumparsitas dans chaque , une au début et une à la fin et que je n’aime pas faire de doublons trop rapprochés, j’ai un peu creusé dans ce stock. Il en restait encore trop pour une anecdote où je me suis fixé la limite de 30 titres.
La semaine dernière, Thierry, mon correcteur m’a demandé quelque chose sur la cumparsita et pour lui faire plaisir, j’ai choisi la première date ayant une belle version et c’est donc tombé sur la version de 1951 de D’Arienzo, une version enregistrée le 12 septembre, il y a exactement, 73 ans.
D’Arienzo a joué des milliers de fois ce titre et l’a enregistré au moins 8 fois. J’ai donc décidé de limiter cette anecdote aux versions de D’Arienzo. Ne pleurez pas et pour ceux qui me suivent durant mon passage en Europe, je promets de ne pas passer deux fois la même cumparsita. Il me reste 11 milongas à animer avant de rentrer à Buenos Aires, cela fait 22 cumparsitas différentes. Certaines sont sublimes !

Extrait musical

La cumparsita 1951-09-12 – Orquesta .
La joyeuse troupe des amis de Gerardo Hernán Matos Rodríguez défile sur la couverture de droite. Ils sont cités en haut de la partition. À droite Gerardo Hernán Matos Rodríguez devant sa partition chez un éditeur de partitions. On notera que les joyeux fêtards sont remplacés par une femme masquée. Le masque peut évoquer le bal, mais le fait qu’il soit noir peut aussi évoquer une voilette de deuil, celui que décrit Gerardo Hernán Matos Rodríguez dans sa version des paroles.

Paroles

Cette version de D’Arienzo est instrumentale, mais il l’a enregistrée deux fois avec des chanteurs et dans l’immense répertoire, il en existe plusieurs dizaines de versions chantées. Il me semblait donc logique de vous donner les paroles. J’ai retenu les deux versions principales, celle de Pascual Contursi et Enrique Pedro Maroni d’une part et celle de Gerardo Hernán Matos Rodríguez qui est l’auteur de l’idée originale et donc ici, en plus de paroles.

Paroles de la version de Pascual Contursi et Enrique Pedro Maroni

Si supieras,
que aún dentro de mi alma,
conservo aquel cariño
que tuve para ti…
Quién sabe si supieras
que nunca te he olvidado,
volviendo a tu pasado
te acordarás de mí…

Los amigos ya no vienen
ni siquiera a visitarme,
nadie quiere consolarme
en mi aflicción…
Desde el día que te fuiste
siento angustias en mi pecho,
decí, percanta, ¿qué has hecho
de mi pobre ?

Sin embargo,
yo siempre te recuerdo
con el cariño santo
que tuve para ti.
Y estás en todas partes,
pedazo de mi vida,
y aquellos ojos que fueron mi alegría
los busco por todas partes
y no los puedo hallar.

Al cotorro abandonado
ya ni el sol de la mañana
asoma por la ventana
como cuando estabas vos,
y aquel perrito compañero,
que por tu no comía,
al verme solo el otro día
también me dejó…
Pascual Contursi; Enrique Pedro Maroni

Traduction libre et indications de la version de Pascual Contursi et Enrique Pedro Maroni

Si seulement tu savais que, même dans mon âme, je garde cette affection que j’avais pour toi…
Qui sait si tu savais que je ne t’ai jamais oubliée, en revenant à ton passé tu te souviendras de moi…
Les amis ne viennent même plus me rendre visite, personne ne veut me consoler dans mon affliction…
Depuis le jour où tu es partie, j’ai ressenti de l’angoisse dans ma poitrine, j’ai dit, ma chérie, qu’as-tu fait de mon pauvre cœur ?
Cependant, je me souviens toujours de toi avec la sainte affection que j’avais pour toi.
Et tu es partout, morceau de ma vie, et ces yeux qui étaient ma joie, je les cherche partout et je ne peux pas les trouver.
Au perroquet abandonné, même le soleil du matin ne se penche pas à la fenêtre comme il le faisait lorsque tu étais là, et ce petit chien, compagnon, qui à cause de ton absence ne mangeait pas, à me voir seul l’autre jour, lui aussi m’a quitté…

Paroles de la version de Gerardo Hernán Matos Rodríguez

La Cumparsa
de miserias sin fin
desfila,
en torno de aquel ser
enfermo,
que pronto ha de morir
de pena.
Por eso es que en su lecho
solloza acongojado,
recordando el pasado
que lo hace padecer.

Abandonó a su viejita.
Que quedó desamparada.
Y loco de pasión,
ciego de amor,
corrió
tras de su amada,
que era linda, era hechicera,
de lujuria era una flor,
que burló su querer
hasta que se cansó
y por otro lo dejó.

Largo tiempo
, cayó al hogar
materno.
Para poder curar
su enfermo
y herido corazón.
Y supo
que su viejita santa,
la que él había dejado,
el invierno pasado
de frío se murió

Hoy ya solo abandonado,
a lo triste de su suerte,
ansioso espera la muerte,
que bien pronto ha de llegar.
Y entre la triste frialdad
que lenta invade el corazón
sintió la cruda sensación
de su maldad.

Entre sombras
se le oye respirar
sufriente,
al que antes de morir
sonríe,
porque una dulce paz le llega.
Sintió que desde el cielo
la madrecita buena
mitigando sus penas
sus culpas perdonó.
Gerardo Hernán Matos Rodríguez

Traduction libre et indications de la version de Gerardo Hernán Matos Rodríguez

La Cumparsa des misères sans fin défile, autour de cet être malade, qui va bientôt mourir de chagrin.
C’est pourquoi, dans son lit, il sanglote d’angoisse, se rappelant le passé qui le fait souffrir.
Il abandonna sa vieille mère.
Qu’il avait laissée désemparée.
Et fou de passion, aveugle d’amour, il courait après sa bien-aimée, qui était jolie, qui était sorcière, avec convoitise elle était une fleur, qui se moquait de son amour jusqu’à ce qu’elle soit fatiguée et le quitte pour un autre.
Longtemps plus tard, il est tombé dans la maison de sa mère pour pouvoir guérir son cœur malade et blessé.
Et il sut que sa sainte vieille mère, celle qu’il avait quittée, était morte l’hiver dernier de froid
Aujourd’hui seul, abandonné, à la tristesse de son sort, anxieux, il attend la mort, qui ne tardera pas à arriver.
Et au sein de la triste froideur qui envahit lentement le cœur, il ressentait la cruelle sensation brute de sa mauvaiseté.
Dans l’ombre, on l’entend respirer avec souffrance, à qui avant de mourir, il sourit, parce qu’une douce paix lui vient.
Il sentait que depuis le ciel, la bonne petite mère, atténuait ses chagrins et lui pardonnait ses péchés.
Aucune de deux versions des paroles est gaie, mais les paroles de la version de Gerardo Hernán Matos Rodríguez vont encore plus loin dans le pathos. Peut-être un peu trop loin…

Autres versions

Je vais me limiter aux seules versions enregistrées par D’Arienzo pour les présentations d’enregistrements. Cela me donnera l’occasion d’en reparler à propos d’autres enregistrements par d’autres orchestres…
Voici les 8 version par D’Arienzo :

La cumparsita 1928 – Raquel Notar con acomp. de Orquesta Juan D’Arienzo.
La cumparsita (Si supieras) 1928 – Orquesta Juan D’Arienzo con Carlos Dante.
La cumparsita 1937-12-14 – Orquesta Juan D’Arienzo.
La cumparsita 1943-11-23 – Orquesta Juan D’Arienzo.
La cumparsita 1951-09-12 – Orquesta Juan D’Arienzo. C’est notre version du jour.
La cumparsita 1963-12-10 – Orquesta Juan D’Arienzo.
La cumparsita 1971-12-07 – Orquesta Juan D’Arienzo.
La cumparsita 1972 – Orquesta Juan D’Arienzo. Enregistrement à la télévision.

Gerardo Hernán Matos Rodríguez (“Becho”) fait sa

Comme on n’est jamais mieux servi que par soi-même, Gerardo Hernán Matos Rodríguez a refusé l’offre de Roberto Firpo qui voulait que les deux noms soient sur la partition (Firpo-Matos). Firpo a fait passer la composition originale d’une marche composée pour une comparsa (défilé dans un carnaval) à un tango. Il a aussi réalisé la première représentation, au café La Giralada de Montevideo. C’est la raison pour laquelle j’ai rajouté Firpo en vert dans le sous-titre…

Le Café la Giralda en 1918. C’est là qu’a été lancée la Cumparsita, interprétée par Roberto Firpo.

Cette prestation de Firpo est signalée sur le café La Giralda par trois plaques commémoratives. Elle est associée à la composition de Matos.

Les plaques commémoratives sur le mur du café La Giralda.
La cumparsita, un film de Antonio Momplet sorti le 28 août 1947. Version intégrale !

La cumparsita est un film sorti le 28 août 1947. Il est à la gloire de Gerardo Hernán Matos Rodríguez, sur une idée de Gerardo Hernán Matos Rodríguez et avec des musiques de Gerardo Hernán Matos Rodríguez, parmi lesquelles :

  • La cumparsita
  • Che, papusa, (avec Cadicamo)
  • El rosal (Avec Romero)
  • San Telmo
  • Mocosita.

D’autres auteurs, il y a également

  • El choclo (Villoldo et Catan)
  • El taita del arrabal (Romero)
  • El entrerriano (Mendizabal)
  • Vea, Vea (Roberto Firpo et Carlos Waiss)
  • Garufa (Collazo, Fontaina et Solino)
  • Apache argentino (Garcia et Brameri)

Donc, quasiment la moitié de Gerardo Hernán Matos Rodríguez.
Le film est dirigé par Antonio Momplet avec Nelly Darén, Aída Alberti, José Olarra et l’incontournable Hugo del Carril

Gerardo Hernán Matos Rodríguez, étudiant en architecture et compositeur…

Vous voulez en savoir plus ?

Il existe une multitude de faits, histoires, légendes, fantasmes autour de La cumparsita. C’est un monument auquel il faut beaucoup de travail pour y mettre un peu d’ordre. Cependant, je vous conseille l’article de Wikipédia qui lui est consacré, il est excellent :
Merci à Thierry qui me l’a indiqué.

https://es.wikipedia.org/wiki/La_cumparsita

et bien sûr, l’article de Todo Tango qui sert de base à la plupart des autres publications…

https://www.todotango.com/historias/cronica/90/La-cumparsita

La cumparsita. La joyeuse bande d’étudiants, défilant sur la musique de marche, se transforme en une marée de lourds spectres avec les paroles de La cumparsita et notamment celles de Gerardo Hernán Matos Rodríguez.

Vous avez peut-être été étonnés de l’image de couverture. Elle évoque une des partitions, dédicacée à ses amis. Mais les paroles, tristes, voire tragiques m’ont incitées à troubler la fête en donnant des allures de spectres aux fêtards.

Pedacito de cielo 1942-09-02 – Orquesta Miguel Caló con Alberto Podestá

; Héctor Stamponi Letra: Homero Expósito

J’adore les valses et comme c’est le jour de me faire un cadeau, je m’en offre une enregistrée un 2 septembre. Il s’agit de « Pedacito de cielo ». Il existe beaucoup de versions de ce petit coin de ciel, de paradis perdu. Celle du jour est une des plus belles. Elle a été réalisée par con Alberto Podestá, mais nous écouterons mon autre préférée, celle enregistrée 16 jours plus tard par Aníbal Troilo et .

Extrait musical

Pedacito de cielo 1942-09-02 – Orquesta Miguel Caló con Alberto Podestá.
Deux versions de la couverture de la partition encadrent la partition pour piano.

Si l’orchestre de Calo s’est appelé celui des étoiles, ce n’est pas un hasard, il avait sélectionné des musiciens de tout premier plan, comme Enrique Francini violoniste et Héctor Stamponi pianiste, les deux compositeurs, même si à l’époque de l’enregistrement Stamponi avait quitté l’orchestre, remplace par .
On entendra un merveilleux solo de violon par l’auteur (à 35s), Francini, et plus discret, sauf à la fin, son compère bandonéoniste . Maderna, Pontier et Francini se partagent la vedette avec Podestá.

Paroles

La casa tenía una reja
pintada con quejas
y cantos de amor.
La noche llenaba de ojeras
la reja, la hiedra
y el viejo balcón…
que entonces reías
si yo te leía
mi verso mejor
y ahora, capricho del tiempo,
leyendo esos versos
¡lloramos los dos!

Los años de la infancia
pasaron, pasaron…
La reja está dormida de tanto silencio
y en aquel pedacito de cielo
se quedó tu alegría y mi amor.
Los años han pasado
terribles, malvados,
dejando esa esperanza que no ha de llegar
y recuerdo tu gesto travieso
de aquel beso
robado al azar…

Tal vez se enfrió con la brisa
tu cálida risa,
tu límpida voz…
Tal vez escapó a tus ojeras
la reja, la hiedra
y el viejo balcón…
Tus ojos de azúcar quemada
tenían distancias
doradas al sol…
¡Y hoy quieres hallar como entonces
la reja de bronce
de amor!…

Enrique Francini; Héctor Stamponi Letra: Homero Expósito

Traduction libre

La maison avait une clôture peinte de plaintes et de chansons d’amour.
La nuit remplissait de cernes, la clôture, le lierre et le vieux balcon…
Je me souviens qu’à l’époque tu riais si je te lisais mes meilleurs vers et maintenant, caprice du temps, en lisant ces mêmes vers, nous pleurons tous les deux !
Les années de l’enfance sont passées, passées…
La clôture est endormie de tant de silence et dans ce petit coin de ciel sont restés ta joie et mon amour.
Les années ont passé terribles, méchantes, laissant cet espoir qui ne viendra jamais et je me souviens de ton geste espiègle après ce baiser volé au hasard…
Peut-être que ton rire chaleureux, ta voix limpide se sont refroidis avec la brise…
Peut-être que la clôture, le lierre et le vieux balcon ont échappé à tes cernes…
Tes yeux de sucre brûlé avaient des distances dorées au soleil…
Et aujourd’hui tu veux retrouver comme avant la grille de bronze tremblante d’amour !…

Autres versions

Il y a deux versions parfaites pour la danse et qui datent de l’âge d’or du tango. Les voici.

Pedacito de cielo 1942-09-02 – Orquesta Miguel Caló con Alberto Podestá. C’est notre tango du jour.
Pedacito de cielo 1942-09-18 – Orquesta Aníbal Troilo con Francisco Fiorentino.

Il y a beaucoup d’autres versions, sans doute pas autant que le nombre de bougies qui m’attend, mais je compléterai sans doute la liste un de ces jours…

Sachez juste qu’il y a aussi un tango du même titre qui a été composé par et que l’on connaît surtout par la belle version de1927 par que voici :

Pedacito de cielo 1927-05-11 – Orquesta Agesilao Ferrazzano. Un petit cadeau pour ceux qui n’aiment pas les valses (les pauvres).

À bientôt, les amis.