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Pourquoi le tango doit-il être dansé avec les orchestres des années 40 ?

Au creux de la polémique remise à jour en février 2024

En févri­er 2024, Guiller­mo Rever­beri (Guille de SMTan­go) a dif­fusé un texte “Pourquoi le tan­go doit-il se danser avec les orchestres des années 40 ?” Ce texte a beau­coup de en ce moment et je pense qu’il est intéres­sant de ren­dre à César ce qui lui appar­tient.

Une fusée avec de multiples étages

En effet, cette resti­tu­tion se fait en plusieurs étapes:

  • Le tan­gomètre, édi­to­r­i­al de Ricar­do Schoua, pub­lié le 13 décem­bre 2009, dans le numéro 110 de la revue rosa­ri­na, Tan­go y Cul­tura Pop­u­lar (voir ici…)
  • Le “No-Tan­go”, édi­to­r­i­al du même Ricar­do Schoua, dans le numéro 134 de la même revue de mars 2012 (voir ici...)
  • Cour­ri­er du lecteur du mag­a­zine Tan­go y Cul­tura Pop­u­lar n° 135, un texte écrit par José Car­cione en réponse à l’édi­to­r­i­al du numéro 134. (repro­duit ci-dessous en rouge)
  • Más sobre el tan­go baila­do (Plus sur le tan­go dan­sé) édi­to­r­i­al du n°136 de la revue Tan­go y Cul­tura Pop­u­lar, tou­jours par Ricar­do Schoua en réponse au texte de José Car­cione.
  • ¿Por qué el tan­go se debe bailar con las orques­tas del 40? (Pourquoi le tan­go doit-il être dan­sé avec les orchestres des années 40 ?) pub­lié vers 2015 par José, Él de la quimera (Celui de la chimère), en fait José Car­cione, en ital­ien et en espag­nol. Pour la ver­sion française, c’est bien sûr ici
  • Porque al tan­go se lo baila con las orques­tas de los años 40 pub­lié en févri­er 2024 par Guiller­mo Rever­beri (Guille de SMTan­go) et qui est la reprise tu texte de 2015 de José el de la quimera avec un para­graphe sup­plé­men­taire.

Voilà un résumé de l’af­faire. C’est une grande fusée qui dure depuis décem­bre 2009, soit plus de 14 ans au moment où j’écris ces lignes.

On se reportera pour les pre­miers étages aux textes que j’ai déjà cités, Le tan­gomètre et Le “No-Tan­go”. La suite, est ci-dessous…

La version de février 2024 et ses différentes sources

Introduction de 2015 par José el de la quimera

Pourquoi le tan­go doit-il être dan­sé avec les orchestres des années 40 ?
Heureuse­ment, les 20 dernières années ont vu la résur­gence du tan­go dan­sé, car il existe des milon­gas dans presque tous les pays du monde, où les danseurs et les DJ « con­som­ment » con­tin­uelle­ment la cul­ture du tan­go et revivent le bon vieux temps avec des orchestres de tan­go. « Ils dansent sur la musique des morts », comme Piaz­zol­la l’a dit un jour à Troi­lo avec mépris, parce qu’en réal­ité la musique d’au­jour­d’hui n’est pas dansante ; ils voient des ten­ta­tives ratées comme le « » ou la pré­ten­tion de tel ou tel DJ à « innover » en pro­posant des chan­sons soi-dis­ant mod­ernes de qual­ité musi­cale dou­teuse. Con­crète­ment, ce n’est pas le danseur qui doit s’adapter à la musique, mais la musique doit être dans­able. Dans une let­tre envoyée aux lecteurs du mag­a­zine numérique « Tan­go y Cul­tura Pop­u­lar », que je retran­scris ci-dessous, j’ai essayé d’ex­pli­quer pourquoi la « musique de tan­go » n’est pas pop­u­laire (ou n’ex­iste pas) comme elle l’é­tait dans la pre­mière moitié du XXe siè­cle, la décen­nie des années 40 étant la dernière et la plus représen­ta­tive :

Courrier du lecteur du magazine Tango y Cultura Popular n° 135, un texte écrit par José Carcione en réponse à l’éditorial du numéro 134

J’aimerais apporter quelque chose à l’ar­ti­cle de Ricar­do Schoua, « El No-Tan­go », du point de vue d’un milonguero (sim­ple­ment un danseur de tan­go social, je ne suis pas pro­fesseur), qui apparem­ment dit le con­traire, mais vous ver­rez que ce n’est pas comme ça. Je sym­pa­thise avec la « colère » de Ricar­do, mais d’un point de vue dif­férent. Le tan­go (dansant) est mort depuis longtemps. Aujour­d’hui, il n’y a pas de paroliers et de musi­ciens créat­ifs qui font de la musique pour danser. La musique post­mod­erne, post-âge d’or, est faite pour être écoutée. Piaz­zol­la lui-même a dit qu’il ne fal­lait pas danser sur sa musique. Cela s’est pro­duit dans les années 1950 pour divers­es raisons. À Buenos Aires, l’héri­ti­er du tan­go – en tant que musique et paroles qui inter­pré­taient la réal­ité du porteño – était le rock urbain, chan­té en « argentin », et cette musique n’a rien à voir avec les milon­gas. « Avel­lane­da Blues » de Javier Martínez, par exem­ple, a des paroles de tan­go, mais c’est un blues. Beau­coup de paroles de Fla­co Spinet­ta sont du tan­go. Peut-être que Piaz­zol­la et Fer­rer y ont con­tribué, mais comme je l’ai déjà dit, ce n’est pas du tan­go que de danser. Oui, vous pou­vez nom­mer Ela­dia Blasquez, Chico Novar­ro, Cacho Cas­taña et arrê­tons de compter, mais ce sont les cas qui con­fir­ment la règle, et ils n’ont pas fait de musique pour danser non plus. La scène musi­cale (dansante) qui va de 900 à 50 est infin­i­ment riche, heureuse­ment et les milongueros n’ont pas à s’in­quiéter. Le prob­lème réside dans le fait que peu de DJs étu­di­ent vrai­ment cela, car en général ils pro­posent peu d’orchestres et sou­vent la n’a pas la bonne struc­ture, c’est-à-dire l’assem­blage cor­rect des tan­das et la suc­ces­sion appro­priée des orchestres. Ensuite, nous avons le « Tan­go Nue­vo » (en tant que phénomène de danse, je com­prends). C’est douloureux de voir des danseurs danser le nou­veau tan­go, ce n’est pas du tan­go social, c’est très dif­fi­cile, comme si on dan­sait de la danse clas­sique sans le savoir. Seuls quelques-uns, Frúm­boli, Arce, Naveira, qui pra­tiquent des heures par jour, peu­vent le danser avec une cer­taine décence, mais dans les milon­gas, ces milon­gas tra­di­tion­nelles, ils dansent le tan­go social comme nous tous. Ce n’est pas facile non plus, il y a la musi­cal­ité diverse de chaque orchestre qu’il faut respecter. Ceux qui ne savent pas danser appel­lent les extra­or­di­naires musiques de Bia­gi des « mar­chas » et sont ceux qui deman­dent un « nou­veau tan­go », avec des chan­sons de « », « Gotan project », Grace Jones, etc. Nous pour­rons danser sur de la musique con­tem­po­raine alors qu’il sera courant de danser le tan­go social, mais pour cela les Bia­gi, Lomu­to, Dona­to, Di Sar­li doivent revenir avec des paroliers tels que Cadí­camo, Romero, etc., car le tan­go dansant n’ex­iste plus. De plus, le « nou­veau » est de mau­vaise qual­ité. Si vous voulez le danser, vous devez d’abord appren­dre le tan­go social, avec sa musi­cal­ité var­iée. Comme il s’ag­it d’un proces­sus sans fin, où l’on décou­vre tou­jours quelque chose, vous ver­rez que c’est très grat­i­fi­ant et qu’il n’est pas néces­saire de danser le « Gotán » ou de le pro­pos­er dans une milon­ga pour se sen­tir à l’a­vant-garde et pré­ten­dre que l’on est « dedans » ou quelque chose de super créatif. Je dis plus, après avoir appris cela, vous n’allez pas aimer le « nou­veau ». Alors, qui est le DJ créatif ? celui qui joue du Tanghet­to, du Nar­cotan­go, (j’ai même enten­du Mozart), dans la milon­ga ? Où la plu­part des danseurs ressem­blent à des zom­bies et pensent qu’ils dansent de manière phénomé­nale sur la dernière mode du tan­go ? Celui qui pro­pose de la musique tra­di­tion­nelle n’est-il pas créatif ? DJs : étudiez et vous ver­rez que chaque orchestre a sa pro­pre musi­cal­ité, avec des pos­si­bil­ités infinies, où le chanteur n’est qu’un instru­ment comme les autres, ce qui n’é­tait plus le cas après les années 50, quand le chanteur est devenu la star. Nous, les danseurs, avons besoin de ténors, comme Rober­to Ray, Raúl Berón, , je peux même dire Goyeneche à ses débuts, et Nina Miran­da est par­faite­ment dansante, et pas de voix qui « dis­ent » ou « cri­ent » le tan­go. C’est bien, mais ils sont faits pour être écoutés. Enseignants : apprenez aux danseurs à marcher d’abord, les fig­ures seront décou­vertes par eux plus tard. Heureuse­ment, le tan­go revient dans les années 80 comme danse (milon­ga). Aujour­d’hui, « la musique des morts », comme l’ap­pelait autre­fois Piaz­zol­la, est dan­sée sur toute la planète. Il n’y a pas de grande ville où il n’y a pas de milon­gas. Des inno­va­teurs sérieux aujour­d’hui ? Mal­heureuse­ment il n’y en a pas, et s’ils vien­nent, ils iront dans une direc­tion, sinon la même, par­al­lèle à celle des anciens maîtres.

(NDT : un mae­stro en Argen­tine, est un pro­fesseur d’é­cole pri­maire. Je pro­pose donc la “maîtres”, mais vous pou­vez penser “mae­stros” si vous préférez.)

Más sobre el tango bailado (En savoir plus sur le tango dansé) éditorial du n°136 de la revue Tango y Cultura Popular, toujours par Ricardo Schoua en réponse au texte de José Carcione

Le texte de José de la quimera reprend seule­ment des par­ties de la réponse de Ricar­do Schoua. Je préfère vous don­ner la ver­sion com­plète. J’ai indiqué en gras et en bleu les pas­sages cités par José de la quimera et en italique les ajouts de José de la quimera dans sa ver­sion de 2015…

Le lecteur José Car­cione répond, dans le numéro précé­dent, à mon édi­to­r­i­al El No-Tan­go, du point de vue d’un milonguero, un danseur social. Cette réponse et d’autres choses qui me sont arrivées m’ont don­né l’oc­ca­sion d’ap­pro­fondir la ques­tion des préjugés, les miens et ceux des autres, autour de cette ques­tion.

Le lecteur dit que le tan­go dansant est mort depuis longtemps, se référant au fait que les nou­veaux com­pos­i­teurs n’écrivent pas de tan­gos pour danser. Ce n’est pas le cas, on ne peut pas le généralis­er.

Bien sûr, cela dépend de ce que vous con­sid­érez comme dansant. Pour le lecteur, le par­a­digme sem­ble être , qu’il oppose à des mon­stres comme Gotan Project, mais ne men­tionne pas Pugliese ou Troi­lo…

Bia­gi n’est pas mon par­a­digme, c’est l’un de mes orchestres préférés, mais Pugliese et Troi­lo sont aus­si des années 40 ! Mes argu­ments ne sont donc pas con­tred­its.

Réponse de José de la quimera à Ricar­do Schoua

Il s’avère que dans de nom­breuses milon­gas, ils ne jouent pas de chan­sons de ces deux derniers orchestres — et de beau­coup d’autres — parce qu’ils pré­ten­dent que leur phrasé est inadéquat pour danser. À l’autre extrême, il y a ceux qui ne se soucient de rien, même si ce n’est pas le tan­go, parce qu’ils con­sid­èrent la musique comme un com­plé­ment à leurs expo­si­tions.

Le lecteur men­tionne que ceux qui ne savent pas danser trait­ent la musique de Bia­gi comme des « march­es ». La com­para­i­son ne m’é­tait pas venue à l’e­sprit. Dans les défilés, les march­es sont util­isées, avec un rythme bien mar­qué, pour que tout le monde marche en même temps et se déplace comme un tout com­pact. Et les con­traintes d’e­space des milon­gas, la néces­sité de se con­former har­monieuse­ment au mou­ve­ment en cer­cle, exi­gent quelque chose de sim­i­laire : un rythme sans « chocs ».

Mais il s’avère que ces lim­i­ta­tions d’e­space finis­sent par lim­iter les danseurs eux-mêmes, généreuse­ment aidés par les règle­ments milonguero (« codes ») et par ceux qui, par com­mod­ité, ont élevé cette forme de danse à la caté­gorie de « style ». Et la vérité, c’est qu’il n’y a pas de « styles » dans le tan­go, c’est une inven­tion mar­ket­ing. Je n’aime pas danser sur une petite piste de danse, pleine comme un bus aux heures de pointe, mais tout le monde a le droit de faire ce qu’il veut.

Ce à quoi je réponds que ceux qui savent danser sur une petite piste de danse ou avec une piste de danse com­plète (par exem­ple, Salón Can­ning dans les milon­gas « pico »), savent danser sur n’im­porte quelle piste de danse, égale­ment dans Aeropar­que :>)

Réponse de José de la quimera à Ricar­do Schoua

Sans tomber dans les extrêmes, dans les milon­gas plus déten­dues, où l’on peut aus­si écouter Pugliese, Troi­lo ou Sal­gán, on danse sur leurs chan­sons avec plaisir et sans incon­vénient, et on danse aus­si sur Piaz­zol­la, bien sûr que quelques-unes des com­po­si­tions les plus con­nues. Mais il est très, très dif­fi­cile pour les œuvres de la nou­velle généra­tion d’être trans­mis­es. Il est vrai que, même avec un critère large, il y a des titres qui ne se prê­tent pas à la danse, mais ici l’habi­tude et l’ig­no­rance jouent beau­coup.

Moi-même, qui ai par­fois l’habi­tude de met­tre en musique des milon­gas et d’in­clure de nou­veaux orchestres et de nou­velles com­po­si­tions, je me suis retrou­vé à dire à un com­pos­i­teur qui a récem­ment sor­ti un CD avec de nou­veaux tan­gos de son auteur, que ses chan­sons devaient être plus dansantes. Et ce n’é­tait pas vrai, ils sont très dansants. Ce qui se passe, c’est que j’ai aus­si des préjugés, parce que, étant don­né qu’ils ne sont pas très répan­dus, j’ai peur du rejet que je pour­rais recevoir si je les inclus dans un lot. (Et il y en a tou­jours un qui crie, vous voyez ?)

Pour éviter les prob­lèmes, seul ce qui est con­nu est mis en musique. Mais un danseur social ne devrait pas avoir de mal à danser un tan­go jamais enten­du aupar­a­vant. Après tout, dans les années 40, les tan­gos étaient créés en con­tinu.

Oui, mais avec les éti­quettes : « dansant ».

Réponse de José de la quimera à Ricar­do Schoua

Main­tenant, j’ai remar­qué que, lorsqu’un orchestre live est présen­té, ces lim­ites sont diluées et les gens dansent tout ce qu’on leur pro­pose, même si c’est nou­veau.

Il sem­ble que le secret pour par­venir à l’ac­cep­ta­tion soit de com­bin­er, dans une présen­ta­tion, des thèmes tra­di­tion­nels, arrangés dans le style de l’orchestre, avec de nou­velles com­po­si­tions. Et pour ceux — nom­breux — lecteurs qui ani­ment des émis­sions de radio, je ne pense pas qu’il soit néces­saire d’in­sis­ter sur l’im­por­tance de dif­fuser durable­ment la nou­veauté. Si vous avez besoin de matériel, comptez sur nous pour le gér­er.

En ter­mi­nant, je tiens à vous dire que je suis heureux de con­stater un intérêt gran­dis­sant pour notre mag­a­zine et nos espaces de médias soci­aux. beau­coup et ren­dez-vous dans le prochain numéro !

Ricar­do Schoua

La suite de la publication de 2015 par José de la quimera

Là, José n’est plus en réponse directe à Ricar­do Schoua, mais ses ajouts sont intéres­sants :

Mais si je le dis-le, ça n’en vaut pas la peine. Voyons ce que dit Maître Alfre­do de Ange­lis. Je viens de ter­min­er la lec­ture de sa biogra­phie, écrite par sa fille. Dans ce livre, De Ange­lis fait claire­ment référence au prob­lème de 1981, et ses mots sont actuels :

L’une des raisons est que les orchestres ne font plus de rythme, cela ressem­ble à de la musique espag­nole, qui n’a rien à voir avec le tan­go. La plu­part d’en­tre eux jouent de la même manière, les ban­donéons font tous la même chose. En dehors du rythme, ils n’ont pas la ligne mélodique du tan­go, le pub­lic n’aime pas ça et même s’ils veu­lent le leur impos­er, ils n’y arriveront pas.

Ce cas ne sera pas inver­sé jusqu’à ce qu’un orchestre sorte comme en 1935, lorsque D’Arien­zo est par­ti et a rompu avec toutes les nou­veautés de l’époque, la même chose se pro­duit aujour­d’hui. Le tan­go c’est pour danser, aujour­d’hui ils ont même changé le style de danse, les chanteurs cri­ent, je dis tou­jours que les dis­ques de Gardel durent, ils peu­vent obtenir le style de lui. Gardel n’a jamais crié et le temps le prou­ve. D’autres exem­ples sont Fiorenti­no, Dante et Var­gas.

À l’époque de Canaro, De Caro est sor­ti, mais il a fait du rythme, c’est ain­si que Troi­lo, D’Arien­zo et d’autres ont joué du « cuadra­do », c’est-à-dire que pour danser, Hora­cio Sal­gán est sor­ti avec un style très agréable, mod­ernisé, bien arrangé, et que s’est-il passé ? Après, plus rien d’autre n’est sor­ti, ils veu­lent nous impos­er un nou­veau style, mais tant qu’ils ne font pas de tan­go-tan­go, il ne se passe rien.

(Diario La Pren­sa, 11/1981, « Alfre­do de Ange­lis : Les orchestres ne font pas de rythme », note de Rober­to Per­tossi).

C’est on ne peut plus clair.

Pourquoi insis­tent-ils encore, dans de nom­breuses milon­gas, pour faire écouter des orchestres qui com­posent de la musique ? Parce que les danseurs ne savent pas danser, et ils pensent qu’ils savent. Les orchestres de tan­go ne dansent pas bien et font sem­blant de danser le tan­go « mod­erne ». Quelqu’un qui dis­tingue la musi­cal­ité de chaque orchestre, qui sait danser des syn­copes, des cadences et des silences, et qui ne danse pas « tout de la même manière », ne va pas à ces milon­gas, parce qu’il sait que ce ne sont pas vrai­ment des milon­gas, mais « un spec­ta­cle de danse de mau­vaise qual­ité ».
Per­son­nelle­ment, si je veux écouter un orchestre, je vais au théâtre où l’a­cous­tique est meilleure et où leur fonc­tion est pré­cisé­ment d’é­couter et d’ap­préci­er la musique.
Dans la milon­ga, je veux de la musique de danse et ne pas atten­dre pas­sive­ment la fin du « spec­ta­cle » pour pou­voir danser et pay­er plus. Les orchestres des années 1940 con­vo­quaient jusqu’à 6 000 per­son­nes aux milon­gas du parce qu’ils jouaient pour danser et que les danseurs avaient une fonc­tion active et non pas­sive, inter­pré­tant cor­recte­ment la musique, avec du rythme et de la mélodie comme le dit De Ange­lis. C’est le secret du suc­cès. Où sont les milon­gas de ces car­navals main­tenant ? Quelqu’un s’est-il demandé quelle en était la cause ? L’ab­sence de danseurs ou d’orchestres appro­priés ?
Fonte
De Ange­lis, Isabel, 2004, Alfre­do De Ange­lis. Le phénomène social. Le Tan­go Club. Ed. Cor­regi­dor.
Tan­go y Cul­tura Pop­u­lar, avril 2012, n° 135 ; www.tycp.com.ar.

José de la quimera en com­plé­ment de son arti­cle de 2015

Le paragraphe supplémentaire publié en février 2024 par Guillermo Reverberi (Guille de SMTango)

Haaaa, et enfin. Un danseur ou une danseuse de tan­go va à une Milon­ga pour danser TANGOOOOOOOOO, pas pour regarder des spec­ta­cles, des expo­si­tions et/ou danser d’autres rythmes. Cela ne fait que dis­paraître l’en­vie de con­tin­uer à danser, stress­er, déprimer sans le savoir et la Milon­ga finit dans un fias­co.

Les éléments originaux à télécharger

El tan­gometro (édi­to­r­i­al de TYCP 110 de décem­bre 2009). Voir l’ar­ti­cle sur le sujet sur ce blog.

El tan­gometro “No-Tan­go” (édi­to­r­i­al de TYCP 134 de mars 2012) . Voir l’ar­ti­cle sur le sujet sur ce blog.

Cour­ri­er du lecteur en réponse à Ricar­do Schoua par José Car­cione dans TYCP n°135 (Avril 2012)

Más sobre el tan­go baila­do (édi­to­r­i­al de TYCP 136, mai 2012)

Texte de José Car­cione, sous le José de la quimera pub­lié en 2015

Texte dif­fusé par Guiller­mo Rever­beri (Guille de SMTan­go) en févri­er 2024

Le « No-Tango »

J’ai repro­duit dans le post le «  », un édi­to­r­i­al de de décem­bre 2009. Ce nou­v­el édi­to­r­i­al du même auteur date de mars 2012, reprend le fil. Il l’a nom­mé . Il me restera un texte à repro­duire, lui aus­si de 2012, texte qui cir­cule beau­coup en ce début de 2024, mais chut, revenons à mars 2012, dans le numéro 134 de la revue Tan­go y Cul­ture Pop­u­lar.

L’édi­to­r­i­al du n°134 de , inti­t­ulé Le “No-Tan­go”

Éditorial : Le “No-tango” par Ricardo Schoua

J’avais déjà fait remar­quer, dans des notes précé­dentes, qu’en ce qui con­cerne et son développe­ment, il y a autant d’opin­ions que de per­son­nes. Je vais me référ­er à cer­taines de ces opin­ions d’une manière générale, sans iden­ti­fi­er les expédi­teurs, car ce qui m’in­téresse, c’est de polémi­quer avec des idées, pas avec des per­son­nes.
Dans un édi­to­r­i­al précé­dent (*), j’ai souligné quels étaient, à mon avis, les aspects négat­ifs qui sur­gis­sent dans l’ac­tiv­ité, et qui entra­vent son développe­ment. Je ne vais pas les répéter ici, mais j’aimerais dévelop­per cer­tains con­cepts.
Au sein de la nou­velle généra­tion d’au­teurs, de com­pos­i­teurs et de musi­ciens, il y a ceux qui affir­ment que le tan­go est mort. La pre­mière chose qui me vient à l’e­sprit est « alors que font-ils ici, pourquoi con­tin­u­ent-ils à apporter des con­tri­bu­tions au genre ? » À tout le moins, on s’at­tend à un peu de cohérence, une ver­tu qui sem­ble égale­ment dépassée.

J’aime le tan­go, mais je ne con­sid­ère pas une cer­taine péri­ode comme lim­i­ta­tive. Il y a des tan­gos que je trou­ve très ennuyeux par­mi les anciens et aus­si par­mi les actuels. Les clas­siques le sont par leur pro­pre mérite, et non parce qu’ils appar­ti­en­nent à une cer­taine époque. Dans un rap­port que nous avons repro­duit, le tan­go Uno a été inter­rogé parce que « c’é­tait déjà le cas ». Sur quelle base dis­ent-ils « c’est déjà le cas » ? Les paroles ont-elles per­du de leur per­ti­nence ?
Aujour­d’hui, l’adage selon lequel « la lutte est cru­elle et il y en a beau­coup » est tout à fait val­able… Ou, l’est-il vrai­ment ?
Si le renou­veau du tan­go va se baser sur l’in­ter­dic­tion de l’exé­cu­tion des clas­siques, nous allons très mal, avec une ori­en­ta­tion désas­treuse, qui sem­ble cacher l’idée que ceux qui le promeu­vent ne se sen­tent pas capa­bles de sur­pass­er les réal­i­sa­tions de ceux qui les ont précédés.
Et il faut regarder les atti­tudes de ceux qu’ils pré­ten­dent admir­er (admi­ra­tion qui n’est pas cohérente non plus). Ou, peut-on imag­in­er une posi­tion sim­i­laire chez  ?
Ou Piaz­zol­la a‑t-il renié Troi­lo, Pugliese, Sal­gán, Di Sar­li …?
Il y a aus­si ceux qui pos­tu­lent que la mélodie et l’ac­com­pa­g­ne­ment ne sont « plus ». Dans quel manuel l’avez-vous lu ? Tout le monde a le droit d’ex­péri­menter, mais pas de dis­qual­i­fi­er gra­tu­ite­ment. Et de ne pas se fâch­er si le résul­tat de leur expéri­ence ne les mène pas au som­met de la gloire.
J’ai écouté de « nou­veaux tan­gos » qui, musi­cale­ment, peu­vent faire preuve d’un haut niveau de vir­tu­osité, mais, comme je ne trou­ve pas la mélodie, je ne peux pas les fre­donner ou les sif­fler et, par con­séquent, je ne peux pas m’en sou­venir. La musique pop­u­laire, pas seule­ment le tan­go, est sim­ple et s’adresse à tout le monde, pas seule­ment aux musi­ciens pro­fes­sion­nels. Il n’est pas facile d’at­tein­dre cette sim­plic­ité et cette accep­ta­tion.
George Mar­tin, surnom­mé « le cinquième Bea­t­les », dis­ait que la musique doit danser pour vous, ce qui ne veut pas dire qu’elle est dans­able, mais qu’elle fait bouger quelque chose en nous, qui nous trans­porte. Ce n’est pas que je ne com­prenne pas cer­taines « querelles » de ceux qui ten­tent de renou­vel­er le genre. Con­stituer un réper­toire d’une ving­taine de numéros con­nus, tou­jours les mêmes, sans en incor­por­er de nou­veaux, c’est aus­si une façon de com­bat­tre le tan­go de l’in­térieur, quand on dit qu’il le défend. Cela con­tribue à la même chose de ne pas chercher à mod­i­fi­er les for­mats de dif­fu­sion et de pro­gram­ma­tion. Et l’at­ti­tude de cer­tains DJ qui n’osent pas pro­pos­er quelque chose de dif­férent, de peur de « per­dre la clien­tèle ».
Main­tenant, cette chose de décrire le tan­go comme mort ou péri et d’es­say­er de le trans­former en quoi que ce soit m’amène à sug­gér­er que, pour être cohérent, au lieu d’a­jouter des qual­i­fi­cat­ifs tels que « de rup­tura » ou « alter­na­ti­vo », ils enca­drent leurs créa­tions dans un nou­veau genre : le No-Tan­go.

beau­coup,

Ricar­do Schoua

Éditorial de la revue Tango y Cultural Popular n°134

Lire la revue en entier…