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Prisionero 1943-08-24 — Orquesta Rodolfo Biagi con Alberto Amor

Julio Carressons Letra: Carlos Bahr (Carlos Andrés Bahr)

Au sujet de cette valse bien sym­pa­thique, avec une intro­duc­tion un peu plus longue que la moyenne, je pen­sais faire un petit encart sur le dia­pa­son, jus­ti­fié par le change­ment effec­tué à cette époque par Bia­gi. À cause des réac­tions sur le sujet, je vais me con­cen­tr­er sur le dia­pa­son pour cette anec­dote. Nous voilà prêts à accorder nos vio­lons…

Extrait musical et autre version

Je vous donne ici, les deux prin­ci­paux enreg­istrements de cette valse. Celui de Bia­gi qui précède de quelques mois, celui de D’Arien­zo.

Pri­sionero 1943-08-24 — Orques­ta con

D’un point de vue tech­nique, cet enreg­istrement est sans doute le dernier enreg­istré avec le dia­pa­son à 435Hz. Par la suite, l’orchestre de Bia­gi s’ac­cordera à 440Hz.
Pour l’en­reg­istrement de D’Arien­zo, c’est 20 jours après le pre­mier enreg­istrement en 440Hz par Bia­gi. D’Arien­zo a‑t-il changé en même temps, avant, après ? Si c’est impor­tant pour vous, vous avez la réponse… Sinon, écou­tons plutôt les dif­férences styl­is­tiques entre les deux ver­sions, c’est plus pas­sion­nant à mon goût.

Pri­sionero 1943-12-27 — Orques­ta con Héc­tor Mau­ré.

On remar­que tout de suite que D’Arien­zo a sauté la longue intro­duc­tion de Bia­gi. C’est clas­sique chez D’Arien­zo qui aime bien ren­tr­er directe­ment dans le feu de la danse.
Le rythme est en revanche plus lent. Mal­gré l’ab­sence des 21 sec­on­des d’in­tro­duc­tion de la ver­sion de Bia­gi, la ver­sion de D’Arien­zo fait 6 sec­on­des de plus. S’il avait joué au même rythme que Bia­gi, sa ver­sion aurait total­isé 21 sec­on­des de moins. Ce sont donc 27 sec­on­des de dif­férence, c’est beau­coup et beau­coup plus que le pas­sage de 435 à 440 Hz dans la dif­férence de sen­sa­tion 😉

Petit jeu

Je me suis « amusé » à trafi­quer les deux enreg­istrements de la façon suiv­ante :

  • J’ai enlevé l’in­tro­duc­tion de Bia­gi.
Pri­sionero 1943-08-24 — Orques­ta Rodol­fo Bia­gi con Amor (SIN INTRO)
  • J’ai accéléré la ver­sion de D’Arien­zo pour la met­tre au même rythme que celle de Bia­gi.
Pri­sionero 1943-12-27 — Orques­ta Juan D’Arien­zo con Héc­tor Mau­ré (ACCÉLÉRÉE)

Vous pou­vez donc com­par­er les deux ver­sions à la même cadence. C’est bien sûr un petit sac­rilège, car D’Arien­zo a volon­taire­ment enreg­istré une ver­sion plus lente, mais cela me sem­ble intéres­sant pour bien sen­tir les dif­férences d’orches­tra­tions sur la même par­ti­tion.

  • Et comme je ne suis pas avare de fan­taisies, je vous pro­pose main­tenant une ver­sion mixte com­prenant la ver­sion de Bia­gi sans l’in­tro­duc­tion dans le canal de gauche et la ver­sion de D’Arien­zo accélérée dans le canal de droite. On remar­quera que le mélange n’est pas si déton­nant. Pour bien saisir, il est préférable d’é­couter sur un sys­tème stéréo, voire au casque.
Pri­sionero. Com­para­i­son des deux ver­sions à la même et syn­chro­nisées.

Pri­sionero. Ver­sion de Bia­gi sans intro­duc­tion, dans le canal de gauche. Ver­sion de D’Arien­zo accélérée, dans le canal de droite.

Si vous avez appré­cié le petit jeu, vous pou­vez avoir un autre par­ti­c­uli­er dans le dernier chapitre de cette anec­dote, sur les dia­pa­sons. Un truc qui régale cer­tains spé­cial­istes, ce que je ne suis pas.

Paroles

Libre es el vien­to
Que doma la dis­tan­cia,
Baja a los valles
Y sube a las mon­tañas.
Libre es el agua
Que se despeña y can­ta,
Y el pájaro fugaz
Que surge de ver
Una azul inmen­si­dad…

Libre es el potro
Que al vien­to la mele­na,
Huele a las flo­res
Que es mata en la pradera.
Libre es el cón­dor
Señor de su cimera,
Yo que no sé olvi­dar
Escla­vo de un dolor
No ten­go lib­er­tad…

Loco y cau­ti­vo
Car­ga­do de cade­nas,
Mi oscu­ra cár­cel
Me mata entre sus rejas.
Soy pri­sionero
De incur­able pena,
Pre­so al recuer­do
De mi per­di­do bien.

Nada me pri­va
De andar por donde quiero,
Pero no puedo
Librarme del dolor.
Y pese a todo
Soy pri­sionero,
De los recuer­dos
Que guar­da el corazón.
Julio Car­res­sons Letra: Car­los Bahr (Car­los Andrés Bahr)

libre

Libre est le vent qui dompte la dis­tance, descend dans les val­lées et grav­it les mon­tagnes.
Libre est l’eau qui tombe et chante, et l’oiseau fugace qui émerge de la vue d’une immen­sité bleue…
Libre est le poulain qui dans le vent a sa crinière, sent les fleurs qui poussent dans le pré (mata est une plante de faible hau­teur, arbuste ou plus petit. J’ai traduit par pouss­er, mais il y a peut-être mieux à faire…).
Libre est le con­dor, seigneur de son som­met, moi qui ne sais pas oubli­er, esclave d’une douleur, je n’ai pas de lib­erté…
Fou et cap­tif, chargé de chaînes, ma prison som­bre me tue der­rière les bar­reaux. (Mata, s’écrit de la même façon, mais ici, c’est le verbe tuer. C’est un dis­cret jeu de mots).
Je suis pris­on­nier d’un cha­grin incur­able, empris­on­né dans la mémoire de mon bien per­du.
Rien ne m’empêche de marcher où je veux, mais je n’ar­rive pas à me libér­er de la douleur.
Et mal­gré tout, je suis pris­on­nier des sou­venirs que le cœur garde.

Mettons-nous au diapason…

Le dia­pa­son est la fréquence de référence qui per­met que tous les musi­ciens d’un orchestre jouent de façon har­monieuse.
Vous avez en tête les séances d’ac­cordage qui précè­dent une presta­tion.
Le principe est sim­ple. On prend pour référence l’in­stru­ment le moins accord­able rapi­de­ment, par exem­ple le piano qui est accordé avant le con­cert, car avec près de 250 cordes à régler, l’opéra­tion prend du temps.
En l’ab­sence de piano, les orchestres clas­siques se calent sur le haut­bois, celui du « pre­mier haut­bois ». Ensuite, ses voisins, les autres instru­ments à vent, s’ac­cor­dent sur lui, puis c’est le tour des cordes.
Je vous pro­pose cette superbe vidéo qui met en scène le principe. On remar­quera que c’est bien le haut­bois qui y donne le La3.

Instal­la­tion inter­ac­tive “Sous-ensem­ble” de Thier­ry Fournier — Enreg­istrement de l’ac­cord pour chaque instru­ment.

La note de référence doit pou­voir être jouée par tous les instru­ments. Dans les con­certs où il y a des instru­ments anciens, on est par­fois obligé d’ac­corder plus grave pour éviter d’avoir une ten­sion exagérée des cordes sur des instru­ments frag­iles.
En général, cela est défi­ni à l’a­vance et on accorde le piano en con­séquence avant le con­cert.
La note de référence est générale­ment un La, le La3 (situé entre la deux­ième et la troisième ligne de la portée en clef de sol). Au piano, c’est celui qui tombe naturelle­ment sous la main droite, vers le milieu du clavier. Sur les vio­lons et altos, c’est la sec­onde corde, corde dont la cheville de réglage est en haut à droite en regar­dant le vio­lon de face. Les musi­ciens jouent donc cette corde à vide, jusqu’à ce qu’elle résonne comme la note de référence émise. Les autres cordes sont accordées par l’in­stru­men­tiste lui-même par com­para­i­son avec la corde de référence. Mais vous avez sans doute regardé la vidéo précé­dente et vous savez tout cela.
Dans le cas du tan­go, le piano est générale­ment la base, mais quand c’est pos­si­ble, on se cale sur le ban­donéon qui n’est pas accord­able pour régler le piano.
En effet, la note de référence, si c’est en principe tou­jours le La3, n’a pas la même hau­teur selon les épo­ques et les régions.

Le sur le diapason musical uniforme au dix-neuvième siècle

Je vous pro­pose trois élé­ments pour juger du débat qui ani­me tou­jours les musi­ciens d’au­jour­d’hui… C’est un exem­ple français, mais à voca­tion large­ment européenne par les élé­ments traités et l’ac­cueil fait aux deman­des de la com­mis­sion ayant établi le rap­port.

  • Un rap­port étab­lis­sant des con­seils pour l’étab­lisse­ment d’un dia­pa­son musi­cal uni­forme.

Les mem­bres de la com­mis­sion étaient :
Jules Bernard Joseph Pel­leti­er, con­seiller d’É­tat, secré­taire général du min­istère d’É­tat, prési­dent de la com­mis­sion ;
Jacques Fro­men­tal Halévy, mem­bre de l’In­sti­tut, secré­taire per­pétuel de l’A­cadémie des beaux-arts, rap­por­teur de la com­mis­sion ;
Daniel-François-Esprit Auber, mem­bre de l’In­sti­tut, directeur du Con­ser­va­toire impér­i­al de musique et de décla­ma­tion (et qui a sa rue qui donne sur l’Opéra de ) ;
Louis Hec­tor Berlioz, mem­bre de l’In­sti­tut ;
Man­suete César Despretz, mem­bre de l’In­sti­tut, pro­fesseur de physique à la Fac­ulté des sci­ences.
Camille Doucet, chef de la divi­sion des théâtres au min­istère d’É­tat ;
Jules Antoine Lis­sajous, pro­fesseur de physique au lycée Saint-Louis, mem­bre du con­seil de la Société d’en­cour­age­ment pour l’in­dus­trie nationale ;
Le Général Émile Mellinet, chargé de l’or­gan­i­sa­tion des musiques mil­i­taires ;
Désiré-Guil­laume-Édouard Mon­nais, com­mis­saire impér­i­al près les théâtres lyriques et le Con­ser­va­toire ;
Gia­co­mo Meyer­beer, com­pos­i­teur alle­mand, mais vivant à Paris où il mour­ra en 1871 ;
Gioachi­no Rossi­ni, Com­pos­i­teur ital­ien, mais vivant à Paris où il mour­ra en 1872 ;
Ambroise Thomas, com­pos­i­teur français et mem­bre de l’In­sti­tut.

  • Le décret met­tant en place ce dia­pa­son uni­forme.
  • Les cri­tiques con­tre le dia­pa­son uni­forme…

On voit donc que l’his­toire est un éter­nel recom­mence­ment et que les pinail­lages actuels n’en sont que la con­ti­nu­ité…

Vous pou­vez accéder à l’ensem­ble des , ici (12 pages)

Pour les plus pressés, voici un extrait sous forme de tableaux qui vous per­me­t­tront de con­stater la var­iété des dia­pa­sons, leur évo­lu­tion et donc la néces­sité de met­tre de l’or­dre et notam­ment de frein­er le mou­ve­ment vers un dia­pa­son plus aigu.
Les valeurs indiquées dans ce tableau sont en « vibra­tions ». Il faut donc divis­er par deux pour avoir la fréquence en Hertz. Ain­si, le dia­pa­son de Paris indiqué 896 cor­re­spond à 448 Hz.

Tableau des dia­pa­sons en Europe en 1858 et tableau de l’élé­va­tion du dia­pa­son au du temps (tableau de droite). Extrait du rap­port présen­té à S. Exc. Le min­istre d’É­tat par la com­mis­sion chargée d’établir en France un dia­pa­son musi­cal uni­forme (Arrêté du 17 juil­let 1858) — Paris, le 1er févri­er 1859.

Compléments sur le diapason

Si vous n’avez pas con­sulté le doc­u­ment de 12 pages, il est encore temps de vous y référ­er, il est juste au-dessus des tableaux… Vous pou­vez le charg­er en PDF pour le lire plus facile­ment.

Si vous voulez enten­dre la dif­férence entre le dia­pa­son à 435 Hz et celui à 440 Hz, je vous pro­pose cette vidéo.

Dia­pa­son 435 Hz et 440 Hz.

Sur l’his­toire du dia­pa­son, cet arti­cle sig­nalé par l’a­mi Jean Lebrun.

https://www.radiofrance.fr/francemusique/accord-et-desaccord-la-guerre-du-la-6695782

Sur la ques­tion du dia­pa­son et de la vitesse en tan­go, je vous pro­pose ce court arti­cle que j’avais écrit.

Et un arti­cle bien plus com­plet, mais en anglais de Michael Lav­oc­ah sig­nalé par Angela.

Pitch & speed — Vitesse et tonalité

Cer­tains puristes affir­ment que l’on doit pass­er les dis­ques à la exacte à laque­lle ils ont été enreg­istrés, qu’ils ont été enreg­istrés ain­si et que donc ce serait un sac­rilège de chang­er cela.
Je sai­sis cette affir­ma­tion pour apporter quelques élé­ments de réflex­ion.

Toutes les éditions ne sont pas à la même vitesse.

On peut trou­ver une édi­tion ou la musique est plus rapi­de et aiguë qu’une autre, ou au con­traire plus grave et lente. À moins d’avoir l’or­eille absolue, peu de se ren­dent compte de la dif­férence.
Pour s’en con­va­in­cre, allez sur un site comme l’ex­cel­lent https://tango-dj.at/database et com­parez la durée des morceaux. Par exem­ple, de mis amores a des durées com­pris­es entre 1:38 et 3:53.

Sur l’ex­cel­lent site www., vous trou­vez toutes les infor­ma­tions utiles pour gér­er une grande par­tie de votre col­lec­tion de musique. Pour ma part, c’est ma référence. Si j’ai une infor­ma­tion dif­férente, j’écris et Bern­hardt adapte la notice pour ajouter l’in­for­ma­tion. C’est très agréable d’avoir un site qui accepte les remar­ques et en tient compte. Cela change des sites qui te répon­dent que je me trompe et qui change ensuite l’in­for­ma­tion sans rien dire. C’est désor­mais le seul site avec lequel je col­la­bore régulière­ment. Sur cette pho­to, il manque des colonnes et de lignes que j’ai sup­primé pour me con­cen­tr­er sur ce qui m’in­téres­sait.

Pour un orchestre don­né, par exem­ple, la ver­sion de Canaro enreg­istrée le 26 mai 1937 (matrice 9026) et bien que la source de ces dif­férents enreg­istrements soit des exem­plaires du même disque (Odeon 5028 face A), on trou­ve des vari­a­tions de 2:58 chez Tan­go­Tunes (9026 — 5028 A Tan­go­Tunes) à 3:05 chez Dan­za y Movimien­to (DZ020234).
À l’é­coute, la ver­sion de Tan­go­Tunes est claire­ment plus aiguë et rapi­de. Cela cor­re­spond à une dif­férence de 4 %.

À l’é­coute, la ver­sion de Tan­go­Tunes est claire­ment plus aiguë et rapi­de. Cela cor­re­spond à une dif­férence de 4 %.

Dans les années 40, les orchestres jouaient en vivo.

Ils pou­vaient donc jouer avec les danseurs, accélér­er ou ralen­tir. Aujour­d’hui, le disque a figé la vitesse. Les danseurs vont tou­jours écouter le même morceau à la même vitesse, avec les mêmes « sur­pris­es ». Le DJ peut recréer des « effets », comme le font les orchestres live, en faisant une reprise, en aug­men­tant les breaks, en mod­i­fi­ant la vitesse, en pro­posant des ver­sions moins courantes du même orchestre ou en pro­posant un orchestre dans un reg­istre inhab­ituel (par exem­ple Troi­lo qui imite Calo).

On con­nait tous les presta­tions tar­dives de D’Arien­zo. Plusieurs orchestres con­tem­po­rains, imi­tent ses mou­ve­ments pour met­tre de l’am­biance. Cer­tains DJ bat­tent la mesure, mais même sans ces extrêmes, le DJ a la pos­si­bil­ité d’in­fluer très forte­ment sur l’am­biance.

Deux orchestres peuvent jouer le même thème avec des vitesses très différentes.

Des extrêmes comme par exem­ple qui peut être un canyengue ou une milon­ga selon les inter­pré­ta­tions.

Milon­ga de mis amores 1937-05-26 — Fran­ciso Canaro — 86 BPM — C’est plutôt du canyengue, non ?
Milon­ga de mis amores — — 120 BPM — Ça dépote, non ?

Je considère que le travail du DJ est de mettre de l’ambiance, pas de dire la messe.

Je m’ar­roge donc le droit de vari­er le rythme des morceaux, par­fois la en fonc­tion de l’ef­fet que je veux obtenir. Je fais cela depuis plus de vingt ans, dès que j’ai eu un mag­né­to­phone à cas­settes avec un vari­a­teur de vitesse. L’a­van­tage de l’ est que je peux le faire en de morceau, sans change­ment de tonal­ité, ce qui rend l’opéra­tion dis­crète pour les danseurs.
J’ai réglé mes logi­ciels pour lim­iter la vari­a­tion à 10 % et je n’u­tilise de telles valeurs que pour accélér­er le final d’une valse ou d’une milon­ga, par exem­ple afin de faire rire les danseurs, lorsqu’en fin de tan­da ils ont réus­si à tenir le rythme d’une tan­da « infer­nale ».
Dans la pra­tique courante, je peux mod­i­fi­er la vitesse d’un morceau pour pou­voir le plac­er à un moment dif­férent dans une tan­da.
Cela ne m’empêche pas de tou­jours chercher de meilleures copies, même si main­tenant la majorité de ma musique a été numérisée à par­tir de dis­ques Schel­lac.
Je pense qu’il faut dis­tinguer l’aspect col­lec­tion­neur, musi­co­logue, de celui de DJ. On peut être les deux, je dirai même qu’on devrait être les deux, mais pas au même moment.

Le DJ est un élé­ment essen­tiel pour l’ du bal. Faites-lui con­fi­ance, s’il le mérite 😉