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La payanca 1936-06-09 — Orquesta Juan D’Arienzo

Augusto Pedro Berto Letra: Juan Andrés Caruso (V1) — Jesús Fernández Blanco (V2)

par D’Arienzo dans la version de 1936 est un des très gros succès des milongas. Peut-être vous-êtes-vous demandé d’où venait le nom de ce tango ? Si ce n’est pas le cas, laissez-moi vous l’indiquer t vous faire découvrir une vingtaine de versions et vous présenter quelques détails sur ce titre.

Extrait musical

Partition pour piano de la Payanca. Couverture originale à gauche et Partition de piano à droite avec les paroles de Jesús Fernández Blanco (les plus récentes).
La payanca 1936-06-09 — Orquesta Juan D’Arienzo.

C’est un des premiers enregistrements où Biagi se lâche. Le contrebassiste, Rodolfo Duclós marque un rythme à la « Yumba » qui deviendra une caractéristique de Pugliese. Les violons de Alfredo Mazzeo, León Zibaico, Domingo Mancuso et Francisco Mancini font des merveilles. Une version énergique, euphorisante, sans doute la toute première à utiliser pour faire plaisir aux danseurs.
On remarque qu’il est indiqué « Sobre motivos populares ». En effet, on reconnaîtra des thèmes traditionnels, notamment de gato (une sorte de chacarera), mais modifié en tango.
On remarquera également qu’il est indiqué « Tango  », ce qui signifie que c’est un tango pour danser. Cependant, nous verrons que ce thème a également été basculé franchement du côté de la milonga pure et dure dans d’autres enregistrements.

Trois versions de couverture de la partition. À gauche, la plus ancienne, sans auteur de paroles. Au centre, avec les paroles de Caruso et à droite, avec les paroles de Blanco.

Origine du titre

Dans son livre, Así nacieron los tangos, Francisco García Jiménez, raconte que le tango est né lors d’une fête à la campagne en l’honneur d’une personnalité locale qui venait d’être élue triomphalement, des musiciens avaient joué des airs de l’intérieur, dont un gato (sorte de chararera) duquel il restait : « Laraira laralaila; laira laraira… ». Il est impossible de retrouver le gato à partir de cette simple indication, car laraira… c’est comme tralala. C’est ce que chantent les payadors quand ils cherchent leurs mots (ils chantaient en inventant les paroles à la volée). Certains textes de ces musiques ont été fixés et écrits par la suite et nombre d’entre eux comportent Laraira laralaila; laira laraira ou équivalent :

  • La,lara,laira,laira,la dans Pago viejo (chacarera, mais le rythme est proche du gato),
  • Lara lara laira larai ñarai lá dans Corazón alegre (bailecito)
  • Trala lará larala lará larala lará lará dans El pala pala (danse, danza)
  • Lará, larará, laraira, Lará, larará, laraira, dans Cabeza colorada
  • La ra lara la ra la la ra la ra la ra la dans La Sanlorencina (Cuenca)
  • La lalara la la la la la la La la lara la la la la la la La la lara la la lara la la dans Dios a la una (chanson).
  • Tra lara lara lara tra lara lero dans Que se vengan los chicos (Bailecito)
  • La lara la la la la La lara la la la la dans La chararera del adios (chacarera)
  • Larala larala lara lara lara lara lara dans Amigazo pa’ sufrir (huella)
  • La lara lara larará… lara lara larará… lara lara larará… dans Cantar de coya (Carnavalito)
  • Lara lara lara lara dans Muchacha de mayo (Chanson).

Je n’ai pas trouvé de gato avec l’indication, mais il est fort probable que Berto ait entendu une improvisation, le lara lara étant une façon de meubler quand les paroles ne viennent pas.
Donc Berto a entendu ce gato ou gato polqueado et il eut l’idée de l’adapter en tango. Lui à la guitare et Durand à la flûte l’ont adapté et joué. Ce titre a tout de suite été un succès et comme souvent à l’époque, il est resté sans être édité pendant onze années. Comme la plupart des orchestres jouaient le titre, il était très connu et les danseurs et divers paroliers lui ont donné des paroles, plus ou moins recommandables. N’oublions pas où évoluait le tango à cette époque.
Deux de ces paroles nous sont parvenues, celles de Caruso et celles de Blanco. Les secondes sont plus osées et correspondent assez bien à cet univers.
Il reste à préciser pourquoi il s’appelle payanca. Selon Jiménez, Berto aurait dit tout de go que ce tango s’appelait ainsi quand il fut sommé de donner un titre. Il semblerait que Berto ait donné sa propre version de l’histoire, en affirmant que le titre serait venu en voyant des gamins jouer avec un lasso à attraper des poules. Un adulte leur aurait crié « ¡Pialala de payanca!« , c’est-à-dire tire la avec un mouvement de payanca. Il indiquait ainsi la meilleure façon d’attraper la poule avec le lasso.
L’idée du lasso me semble assez bonne dans la mesure où les trois partitions qui nous sont parvenues illustrent ce thème.
Voici une vidéo qui montre la technique de la Payanca qui est une forme particulière de lancer du lasso pour attraper un animal qui court en le faisant choir.

Dans cette vidéo, on voit un pial (lancement du lasso) pour attraper un bovidé à l’aide de la technique « Payanca ». Elle consiste à lancer le lasso (sans le faire tourner) de façon à entraver les antérieurs de l’animal pour le déséquilibrer et le faire tomber. Âmes sensibles s’abstenir, mais c’est la vie du gaucho. Ici, un joli coup par le gaucho Milton Mariano Pino.

Pour être moins incomplet, je pourrai préciser que la payanca ou payana ou payanga ou payaya est un jeu qui se joue avec cinq pierres et qui est très proches au jeu des osselets. L’idée de ramasser les pierres en quechua se dit pallay, ce qui signifie collectionner, ramasser du sol. Que ce soit attraper au lasso ou ramasser, le titre joue sur l’analogie et dans les deux cas, le principe est de capturer la belle, comme en témoignent les paroles.

Paroles de Juan Andrés Caruso

¡Ay!, una payanca io
quiero arrojar
para enlazar
tu corazón
¡Qué va cha che!
¡Qué va cha che !
Esa payanca será
certera
y ha de aprisonar
todo tu amor
¡Qué va cha che !
¡Qué va cha che !
Por que yo quiero tener
todo entero tu querer.

Mira que mi cariño es un tesoro.
Mira que mi cariño es un tesoro.
Y que pior que un niño po’ ella « yoro »…
Y que pior que un niño po’ ella « yoro »…

Payanca de mi vida, ay, io te imploro.
Payanca de mi vida, ay, io te imploro,
que enlaces para siempre a la que adoro…
que enlaces para siempre a la que adoro…
Augusto Pedro Berto Letra: Juan Andrés Caruso

Augusto Pedro Berto Letra: Juan Andrés Caruso

Traduction libre des paroles de Juan Andrés Caruso

Yeh ! une payanca (payanca attraper au lasso). Moi, (Io pour yo = je), je veux lancer pour enlacer (enlacer du lasso…) ton cœur.
Que vas-tu faire ! (¿Qué va cha ché ? ou Qué vachaché Est aussi un tango écrit par Enrique Santos Discépolo)
Que vas-tu faire !
Cette payanca sera parfaite et emprisonnera tout ton amour.
Que vas-tu faire ?
Que vas-tu faire ?
Parce que je veux avoir tout ton amour.

Regarde, mon affection est un trésor.
Regarde, mon affection est un trésor.
Et quoi de pire qu’un enfant qui pleure pour elle…
Et quoi de pire qu’un enfant qui pleure pour elle…

Payanca de ma vie, oui, je t’en supplie (il parle à son coup de lasso pour attraper le cœur de sa belle).
Payanca de ma vie, oui, je t’en supplie,
que tu enlaces pour toujours celle que j’adore…
que tu enlaces pour toujours celle que j’adore…
La métaphore rurale et gauchesque est poussée à son extrémité. Il compare la capture du cœur de sa belle à une passe de lasso. Dans le genre galant, c’est moyen, mais cela rappelle que la vie du gaucho est une source d’inspiration pour le tango et en cela, je ne partage pas l’avis de Jorges Luis Borges pour quoi le tango est uniquement urbain et violent.

Paroles de Jesús Fernández Blanco

Con mi payanca de amor,
siempre mimao por la mujer,
pude enlazar su corazón…
¡Su corazón !
Mil bocas como una flor
de juventud, supe besar,
hasta saciar mi sed de amor…
¡Mi sed de amor !

Ninguna pudo escuchar
los trinos de mi canción,
sin ofrecerse a brindar
sus besos por mi pasión…
¡Ay, quién pudiera volver
a ser mocito y cantar,
y en brazos de la mujer
la vida feliz pasar !

Payanca, payanquita
de mis amores,
mi vida la llenaste
de resplandores…
¡Payanca, payanquita
ya te he perdido
y sólo tu recuerdo
fiel me ha seguido!

Con mi payanca logré
a la mujer que me gustó,
y del rival siempre triunfé.
¡Siempre triunfé!
El fuego del corazón
en mi cantar supe poner,
por eso fui rey del amor…
¡Rey del amor!

Jesús Fernández Blanco

Traduction, libre des paroles de Jesús Fernández Blanco

Avec ma payanca d’amour (je ne sais pas quoi en penser, admettons que c’est son coup de lasso, mais il peut s’agir d’un autre attribut du galant), toujours choyée par les femmes, j’ai pu enlacer ton cœur…
Ton cœur !
Mille bouches comme une fleur de jouvence, j’ai su embrasser, jusqu’à étancher ma soif d’amour…
Ma soif d’amour !

Aucune ne pouvait entendre les trilles de ma chanson, sans offrir ses baisers à ma passion…
Yeh, qui pourrait redevenir un petit garçon et chanter, et passer dans les bras de la femme, la vie heureuse !

Payanca, payanquita de mes amours (Payanca, petite payanca, on ne sait toujours pas ce que c’est…), tu as rempli ma vie de brillances…
Payanca, payanquita Je t’ai déjà perdue et seul ton souvenir fidèle m’a suivi !

Avec ma payanca, j’ai eu la femme que j’aimais, et du rival, j’ai toujours triomphé.
J’ai toujours triomphé !
J’ai su mettre le feu du cœur dans ma chanson (la payanca pourrait être sa chanson, sa façon de chanter), c’est pourquoi j’étais le roi de l’amour…
Le roi de l’amour !

Autres versions

La payanca 1917-05-15 — Orq. Eduardo Arolas con Pancho Cuevas (Francisco Nicolás Bianco).

Probablement la plus ancienne version enregistrée qui nous soit parvenue. Il y a un petit doute avec la version de Celestino Ferrer, mais cela ne change pas grand-chose. Pancho Cueva à la guitare et au chant et le tigre du Bandonéon (Eduardo Arolas) avec son instrument favori. On notera que si le tango fut composé vers 1906, sans paroles, il en avait en 1917, celles de Juan Andrés Caruso.

La payanca 1918-03-25 (ou 1917-03-12) — Orquesta Típica Ferrer ( Celestino).

Le plus ancien ou le second, car il y a en fait deux dates, 1917-03-12 et 1918-03-25. Je pense cependant que cette seconde date correspond à l’édition réalisée à ou Camdem, New Jersey. On remarquera que l’orchestre comporte une guitare, celle de Celestino Ferrer qui est aussi le chef d’orchestre, une flûte, jouée par et un accordéon par Carlos Güerino Filipotto. Deux violons complètent l’orchestre, Gary Busto et L. San Martín. Le piano est tenu par une femme, Carla Ferrara. C’est une version purement instrumentale. Après avoir été un des pionniers du tango en France, Celestino Ferrer s’est rendu aux USA où il a enregistré de nombreux titres, dont celui-ci.

La payanca 1926-12-13 — Orquesta Típica Victor, direction Adolfo Carabelli.

Une version un peu plus moderne qui bénéficie de l’enregistrement électrique. Mais on peut mieux faire, comme on va le voir bientôt.

La payanca 1936-06-09 — Orquesta Juan D’Arienzo. C’est notre tango du jour.

J’ai déjà dit tout le bien que je pensais de cette version, à mon avis, insurpassée, y compris par D’Arienzo lui-même…

Trío de Guitarras (Iriarte-Pagés-Pesoa).

Le trio de guitares de Iriarte, Pagés et Pesoa ne joue pas dans la même catégorie que D’Arienzo. C’est joli, pas pour la danse, un petit moment de suspension.

La payanca 1946-10-21 — Roberto Firpo y su Nuevo Cuarteto.

Pour revenir au tango de danse, après la version de D’Arienzo, cette version paraît fragile, notamment, car c’est un quartetto et que donc il ne fait pas le poids face à la machine de D’Arienzo. On notera tout de même une très belle partie de bandonéon. La transition avec le trio de guitares a permis de limiter le choc entre les versions.

La payanca 1949-04-06 — Orquesta Juan D’Arienzo.

On retrouve la grosse machine D’Arienzo, mais cette version est plus anecdotique. Cela peut passer en milonga, mais si je dois choisir entre la version de 1936 et 1949, je n’hésite pas une seconde.

La payanca 1952-10-01 — Enrique Mora y su .

Encore un quartetto qui passe après D’Arienzo. Si cette version n’est pas pour la danse, elle n’est pas désagréable à écouter, sans toutefois provoquer d’enthousiasme délirant… Le final est assez sympa.

La payanca 1954-11-10 — Orquesta Juan D’Arienzo.

Eh oui, encore D’Arienzo qui décidément a apprécié ce titre. Ce n’est assurément pas un grand D’Arienzo. Je ne sais pas si c’est meilleur que la version de 49. Par certains côtés, oui, mais par d’autres, non. Dans le doute, je m’abstiendrai de proposer l’une comme l’autre.

La payanca 1957-04-12 — Orquesta Héctor Varela.

On est dans tout autre chose. Mais cela change sans être un titre de danse à ne pas oublier. On perd la dimension énergique du gaucho qui conquiert sa belle avec son lasso pour plonger dans un romantisme plus appuyé. Cependant, cette version n’est pas niaise, le bandonéon dans la dernière variation vaut à lui seul que l’on s’intéresse à ce titre.

La payanca 1958 — Los Muchachos de antes.

Avec la guitare et la flûte, cette petite composition peut donner une idée de ce qu’aurait pu être les versions du début du vingtième siècle, si elles n’avaient pas été bridées par les capacités de l’enregistrement. On notera que cette version est la plus proche d’un rythme de milonga et qu’elle pourrait remplir son office dans une milonga avec des danseurs intimidés par ce rythme.

La payanca 1959 — Miguel Villasboas y su Quinteto Típico.

Les Uruguayens sont restés très fanatiques du tango milonga. En voici une jolie preuve avec Miguel Villasboas.

La payanca 1959-03-23 — Donato Racciatti y sus Tangueros del 900.

Oui, ce tango inspire les Uruguayens. Racciatti en donne également sa version la même année.

La payanga 1964 — Orquesta .

Pas évident de reconnaître notre thème du jour dans la version de Pugliese. C’est une version perdue pour les danseurs, mais qu’il convient d’apprécier sur un bon système sonore.

La payanca 1964-07-29 — Quinteto Pirincho dir. Francisco Canaro.

De la même année que l’enregistrement de Pugliese, on mesure la divergence d’évolution entre Pugliese et Canaro. Cependant, pour les danseurs, la version du Quinteto pirincho, dirigé pour une des toutes dernières fois par Canaro sera la préférée des deux…

La payanca 1966-07-25 — Orquesta Juan D’Arienzo.

D’Arienzo se situe entre Pugliese et Canaro pour cet enregistrement quasiment contemporain, mais bien sûr bien plus proche de Canaro. Ce n’est pas vraiment un titre de danse, mais il y a des éléments intéressants. Définitivement, je l’avoue, je reste avec la version de 1936.

La payanga 1984 — Orquesta Alberto Nery con Quique Ojeda y .

Alberto Nery fut pianiste d’ en 1953. Ici, il nous propose une des rares versions chantées, avec les paroles de Jesús Fernández Blanco. Vous aurez donc les deux versions à écouter. Honnêtement, ce n’est pas beaucoup plus intéressant que l’enregistrement de Eduardo Arolas et Pancho Cuevas antérieur de près de 70 ans. On notera toutefois le duo final qui relève un peu l’ensemble.

La payanca 2005 — Cuarteto Guardia Vieja.

Pour terminer en fermant la boucle avec une version à la saveur début du vingtième siècle, je vous propose une version par le Cuarteto Guardia Vieja.

À demain, les amis !

La puñalada 1937-04-27 — Orquesta Juan D’Arienzo

Pintín Castellanos (Horacio Antonio Castellanos Alves) Letra: Celedonio Esteban Flores.

Pintín Castellanos a écrit plusieurs milongas comme ; A puño limpio, El potro, El temblor, La endiablada ou Meta fierro et quelques milongas candombe, comme Bronce, Candombe oriental ou Candombe rioplatense. Vous aurez reconnu de nombreux . Notre milonga du jour, La puñalada est sans doute la plus célèbre. Laissez-moi planter le décor.

Gardez le rythme…

Le cas de la puñalada est un peu différent, sans être une exception. En effet, la puñalada a été écrite comme un par Pintín Castellanos en 1933. milonga, mention que l’on trouve sur les partitions de l’époque, indique un tango de danse, éventuellement un peu joueur, type canyengue.
Dans la version du jour, on est plutôt sur un rythme de milonga lente. Les partitions de l’époque parlent de .
Ce type de transformation est assez courant. De nombreux titres anciens ont été rejoués de façon plus rapide et syncopée.
Sur cette transformation, il y a deux versions.
Selon la première, Firpo aurait apporté la partition à en 1933 et celui-ci l’aurait adaptée en milonga.
Selon l’autre version, lors d’une prestation à Montevidéo, D’Arienzo a promis à Pintín Castellanos de jouer le tango qu’il lui a confié, mais Rodolfo Biagi, le pianiste et Domingo Moro, un des bandonéonistes de D’Arienzo, chargés de faire les arrangements pour l’orchestre suggérèrent de moderniser le tango en le transformant dans un rythme plus soutenu et surtout en ajoutant les syncopes qui lui ont donné un caractère de milonga. La descente de gamme au piano et la montée, auraient été rajoutées par D’Arienzo, ce qui aurait fait dire à celui-ci que la Puñalada était un peu de lui.
Difficile de choisir entre ces deux versions. Je vous propose d’y revenir lors de l’écoute des différentes versions.

Extrait musical

La partition est dédicacée ainsi :
«Dedico esta milonga tangueada a la querida muchachada amiga que forma el Juventus del Club Banco de la República O. (orientale, l’Urugay est la “Province de l’Est”) del Uruguay y La Pelusa del Club Banco de la República Argentina, como también a su gran creador é interprete Juan D’Arienzo. – Pintin

La puñalada 1937-04-27 — Orquesta Juan D’Arienzo. En milonga lente (milonga tangueada).

Remarquez la grande descente au début de la portée, puis la remontée et en bout de première ligne, le gros accord (Ploum!) avec un point d’orgue qui indique qu’on peut le faire durer le temps souhaité… Le ploum serait de D’Arienzo, la descente et la montée de Biagi et Moro, mais rien n’est moins sûr.
On notera la dédicace qui prouve en tous cas que Pitin n’était pas fâché avec D’Arienzo pour avoir changé le caractère de sa composition. Il lui reconnaît même le caractère de créateur, alors que c’est lui, Pitin, qui a inauguré le morceau en 1933…

Les paroles

Mentían los que saben
que un malevo
muy de agallas
y de fama
bien sentada
por el barrio
de Palermo
cayó un día
taconeando
prepotente
a un bailongo
donde había
puntos bravos
pa’l .

Lo empezaron a mirar
con un aire sobrador
pero el mozo, sin chistar,
a una puerta se arrimó.

Los dejó sobrar.
Los dejó decir.
Y pa’ no pelear
tuvo que sufrir.

Pero la pebeta
más bonita,
la que estaba
más metida
en el alma
de los tauras,
esa noche
con la vista
lo incitaba
a que saliera
a darles dique
y a jugarse
en un tango
su cartel.

Se cruzó
un gran rencor y otro rencor
a la luz
de un farolito a querosén
y un puñal
que parte en dos un
porque así
lo quiso aquella cruel mujer.

Cuentan los que vieron
que los guapos
culebrearon
con sus cuerpos
y buscaron
afanosos
el descuido
del contrario
y en un claro
de la guardia
hundió el mozo
de Palermo
hasta el mango
su facón.

Pintín Castellanos (Horacio Antonio Castellanos Alves) Letra: Celedonio Esteban Flores.

Traduction libre

Ils mentirent, ceux qui savent qu’un homme mauvais avec beaucoup de courage et d’une renommée bien établie dans le quartier de Palermo est tombé un jour, talonnant avec arrogance à un bal où il y avait des Puntos Bravos (des gauchos bagarreurs. Voir le tango Punto Bravo de Canaro, sans paroles et le Punto Bravo d’Alberto Benito Cima dont les paroles d’Enrique Cillan Paredes décrivent le personnage. Il ne semble pas avoir été enregistré).
Ils commencèrent à le regarder avec un air supérieur, mais le serveur, sans un mot, s’agrippa à une porte.
Ils commencèrent à le regarder avec un air supérieur, mais le serveur, sans un mot, s’agrippa à une porte.
Il les a laissé fanfaronner. Il les laissa dire.
Et pour ne pas se battre, il a dû souffrir.
Mais la plus jolie pépète, celle qui était la plus aimée dans l’âme des tauras (caïds), cette nuit-là, l’incita du regard à sortir et à leur rabattre le caquet et à mettre en jeu leur (sa) réputation dans un tango.
Une grande rancune et une autre rancune se croisèrent à la lumière d’un réverbère à pétrole et un poignard qui partage un cœur en deux parce que cette femme cruelle l’a voulu ainsi.
Ceux qui l’ont vu racontent que les guapos (hommes beaux) frémissaient avec leurs corps et cherchaient sournoisement l’inattention de l’adversaire, et dans une baisse de la garde, le serveur de Palermo plongea jusqu’à la garde, son couteau.

Les versions

La puñalada 1937-04-27 — Orquesta Juan D’Arienzo. En milonga lente (milonga tangueada). C’est le .
La puñalada 1937-06-12 — Orquesta . En tango milonga.

Canaro reste dans la tradition de l’ancien tango (qui par ailleurs bénéficiait d’un regain de popularité). Cette version est beaucoup plus lente et n’a rien d’une milonga. Elle est considérée comme étant fidèle à la version d’origine. Cela peut permettre de douter, à mon avis, de l’hypothèse d’une transformation en milonga par Firpo et Brunelli. Si la transformation était un grand succès, pourquoi Canaro aurait-il pris le risque d’enregistrer une version désuète ? Même en tenant compte de sa tendance à être souvent plus conservateur et de sa volonté de surfer sur la vague de regain pour les tangos anciens, il me semble qu’il aurait a minima fait une milonga tangueada, du type de Milonga de mis amores, qui tout en conservant un rythme très lent fait usage de la syncope. Il reste l’hypothèse que Canaro souhaitait offrir à son compatriote une version témoin de l’écriture originale.

La puñalada 1937-12-02 — Alberto Gómez con acomp. de orquesta, en chanson.

Impensable de danser cette version en milonga, voire de la danser tout court. Il y a des doutes sur l’orchestre, car sur le disque il est juste indiqué avec orchestre. Deux orchestres sont proposés, celui de la Victor (il a chanté pour l’orchestre de 1930 à 1935 et celui de Firpo. Je pourrai rajouter celui de Carabelli, Gomez a beaucoup enregistré avec lui, que ce soit en tango ou avec son Jazz-Band et je pense donc que cet orchestre est plus probable que celui de Firpo pour lequel on ne connaît pas d’autres enregistrements avec lui (à moins qu’ils soient tous anonymes, ce qui n’est pas dans l’habitude de Firpo qui était un orchestre renommé). Gomez aura son propre orchestre plus tard (enregistrements de 1947).

La puñalada 1943-11-23 — Orquesta Juan D’Arienzo. En milonga rapide. Le pli était pris.

Cet enregistrement a été diffusé en disque 78 tours avec la Cumparsita de 1943, 17 millions de ce disque airaient été vendus. C’est encore un record aujourd’hui pour le tango. Le couplage avec la Cumparsita a sans doute fait beaucoup pour le succès de cette milonga.

La puñalada 1946-10-08 — Orquesta Francisco Canaro.

Si Canaro a pu ignorer le succès en milonga du titre, il ne le fait pas après l’immense succès de D’Arienzo et donne sa version en milonga du titre.

La puñalada 1950-12-19 — Orquesta Osvaldo Fresedo.

Une belle version joueuse par Fresedo, sans doute trop méconnue.

La puñalada 1951-09-12 — Orquesta Juan D’Arienzo.

Du D’Arienzo 50, sans surprise, qui pourrait éventuellement être remplacée par celles, contemporaines, de Fresedo ou Canaro…

La puñalada 1951-11-29 — Orquesta Francisco Canaro.

À couteaux tirés avec D’Arienzo, Canaro, relance quelques semaines après D’Arienzo… Une version tonique et euphorique, qui sera agréablement dansée par tous les .

Il existe énormément d’autres versions de La puñalada. J’espère que ce petit texte vous aura donné envie de vous y plonger au cœur… (Humour noir).

El apronte 1937-04-01 — Orquesta Juan D’Arienzo

Le post d’hier était très long et touffu. Aujourd’hui, j’ai choisi un tango instrumental et c’est sans doute bien dans la mesure où « El apronte » a de multiples significations qui pourraient nous emmener sur des terrains hasardeux. Aujourd’hui, on parlera donc de musique avec la version de D’Arienzo enregistrée le 1er avril 1937, il y a exactement 87 ans.

La dédicace

Comme cela arrive très souvent, la partition a un ou des dédicataires. Ici, ce sont les internes de l’hôpital San Roque de Buenos Aires.

El apronte 1937-04-01 — Orquesta Juan D’Arienzo

, le pianiste, est désormais bien installé dans l’orchestre et a pris (gagné) plus de liberté pour exprimer ses ornements.
D’Arienzo lui laisse des temps de suspension pendant lesquels les autres instruments se taisent.
Le jeu pour les danseurs est que ces temps de silences ne sont pas tous remplis, ce qui donnera un peu plus tard les fameux breaks de D’Arienzo, ces moments de silence sans musique.
En dehors de ces fioritures, le piano joue au même compas (rythme que les autres instruments).
Comme très souvent chez d’Arienzo, la fin donne une impression d’accélération, mais cela se fait par l’intercalage de notes supplémentaires, pas par une accélération réelle du tempo qui reste réguler durant toute l’interprétation

Les paroles

C’est un tango instrumental, aussi je n’aborderai pas la question des paroles et c’est tant mieux. Le terme apronte a différentes significations allant du domaine des courses de chevaux, notamment la phase de préparation du cheval, en passant par une personne impatiente, ou une personne payant pour obtenir quelque chose. C’est aussi la préparation, d’un mauvais coup ou d’une passe. En gros, difficile de savoir sans les paroles ce que voulait évoquer Firpo. Cependant, sa musique est en général expressive et l’utilisation d’un avec ses hésitations et son rythme irrégulier peut s’adapter à chacun des sens.
Précisons un dernier sens, plus « respectable » qui nous vient d’Uruguay, n’oublions pas que c’est à l’époque où il était contracté par le café la Giralda qu’il rencontre Gerardo Matos Rodríguez et inaugure sa marche de (la Cumparsita). En Uruguay, donc, apronte peut signifier aussi l’apport pour le mariage. La dot, ou tout simplement la préparation de la vie commune.
Notons que les paroles de tango s’appelant apronte ou citant ce mot possèdent des paroles plutôt vulgaires, mafieuses et se réfèrent donc à l’acception portègne du mot. Par exemple pour Apronte de Celedonio Flores.
Mais ici, comme c’est instrumental, vous pouvez imaginer ce que vous voulez…

Autres versions

Sur la partition que je vous ai présentée ci-dessus, il y a une indication que je souhaite vous présenter. Il est indiqué « Tango Milonga ».

Nous avons déjà évoqué ces tangos qui au fil du temps sont joués plus vite et qui deviennent des milongas, mais je souhaite attirer votre attention sur le concept de « tango milonga ». Ce sont des tangos assez joueurs, mais pas suffisamment syncopés et rapides pour mériter le titre de milonga. Ils sont donc entre les deux. Firpo interprète souvent des tangos avec cette ambiguïté, comme d’autres orchestres plus tardifs comme . Ici, nous sommes en présence d’un tango écrit par Firpo, il a donc décidé de lui donner le rythme qu’il affectionne, le Tango Milonga.
Pour un DJ, c’est un peu un casse-tête. Faut-il l’annoncer comme un tango ou comme une milonga ? Je passe souvent ce type de titre quand j’ai besoin de baisser la tension, éventuellement à la place d’une tanda de milonga, surtout si les danseurs ne sont pas des aficionados de la milonga. A contrario, s’ils adorent la milonga, je peux colorer une tanda de tango pour leur donner l’occasion de jouer un peu plus. J’annonce au micro ce qui va se passer, car très peu de danseurs connaissent cette catégorie. Cela me permet aussi d’encourager ceux qui sont timides en milonga en leur disant que c’est une milonga « facile ».
Le tango du jour interprété par D’Arienzo est un pur tango. Cependant, certaines versions que nous allons voir à présent sont des tangos milonga, comme, c’est le cas pour celles enregistrées par Roberto Firpo, l’auteur de la partition.

El apronte 1926 — Orquesta Roberto Firpo.

Bien qu’enregistrée 12 ans après l’écriture, cette version respecte l’esprit de la partition originale et est un Tango Milonga, avec ses syncopes caractéristiques.

El apronte 1931-10-07 — Orquesta Roberto Firpo.

Cette version est beaucoup plus lisse. Les syncopes sont beaucoup plus rares et la marcación est régulière. C’est une interprétation plus moderne.

El apronte 1937-03-27 — Orquesta Roberto Firpo.

Retour en forcé du style Tango Milonga. Firpo revient à la lettre de sa partition. C’est sa sonorité fétiche que l’on retrouvera notamment sur des orchestres uruguayens comme Villasboas ou chez la Tuba Tango.

El apronte 1937-04-01 — Orquesta Juan D’Arienzo. C’est le tango du jour.

C’est clairement un tango et pas un Tango Milonga. La marcacion est très régulière et les fantaisies principalement proposées par Biagi au piano se font essentiellement sur les moments de silence des autres instruments. Ainsi le rythme, le compas régulier de d’Arienzo n’est pas bousculé, il est juste mis en pause pour laisser quelques fractions de secondes au piano, ou pour ménager un silence qui réveille l’attention des danseurs, ce qui deviendra un élément caractéristique de son style avec des breaks parfois très longs. Vous savez, ces moments où les danseurs peu expérimentés se tournent vers le DJ en pensant qu’il y a une panne… J’avoue, il m’arrive de jouer en mettant réellement en pause certains breaks (ils sont donc plus longs) pour provoquer des sourires chez les danseurs que je rassure par des signes prouvant que c’est normal 😉

El apronte 1971 — Miguel Villasboas y su Orquesta Típica.

On retrouve le Tango Milonga qui est un jeu qu’adore utiliser VIllasboas. La boucle est bouclée.

d’être arrivée au bout de cet article.
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Pour finir, choisissez l’image que vous préférez pour le tango du jour.