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El choclo 1948-01-15 – Orquesta Francisco Canaro con Alberto Arenas

Ángel Villoldo (Ángel Gregorio Villoldo Arroyo) / Casimiro Alcorta Letra: Ángel Villoldo / Juan Carlos Marambio Catán / Enrique Santos Discépolo.

Comme tous les tangos célèbres, El choclo a son lot de légendes. Je vous propose de faire un petit tour où nous verrons au moins quatre versions des paroles accréditant certaines de ces légendes. Ce titre importé par Villoldo en France y aurait remplacé l’hymne argentin (par ailleurs magnifique), car il était plus connu des orchestres français de l’époque que l’hymne officiel argentin Oid mortales du compositeur espagnol : Blas Parera i Moret avec des paroles de Vicente López y Planes (écrivain et homme politique argentin). Voyons donc l’histoire de cet hymne de substitution.

Qui a écrit El choclo ?

Le violoniste, danseur (avec sa compagne La Paulina) et compositeur Casimiro Alcorta pourrait avoir écrit la musique de El choclo en 1898. Ce fils d’esclaves noirs, mort à 73 ans dans la misère à Buenos Aires, serait, selon certains, l’auteur de nombreux tangos de la période comme Concha sucia (1884) que Francisco Canaro arrangea sous le titre Cara sucia, nettement plus élégant, mais aussi La yapa, Entrada prohibida et sans doute pas mal d’autres. À l’époque, ces musiques n’étaient pas écrites et elles appartenaient donc à ceux qui les jouaient, puis à ceux qui les éditèrent…
L’absence d’écriture empêche de savoir si, Ángel Villoldo a « emprunté » cette musique…
En 1903, Villoldo demande à son ami chef d’un orchestre classique, José Luis Roncallo, de jouer avec son orchestre cette composition dans un restaurant chic, La Americana. Celui-ci refusa, car le patron du restaurant considérait le tango comme de la musique vulgaire (ce en quoi il est difficile de lui donner tort si on considère ce qui se faisait à l’époque). Pour éviter cela, Villoldo publia la partition le 3 novembre 1903 en indiquant qu’il s’agissait d’une danse criolla… Ce subterfuge permit de jouer le tango dans ce restaurant. Ce fut un tel succès, que l’œuvre était jouée tous les jours et que Villoldo est allé l’enregistrer à Paris, en compagnie de Alfredo Gobbi et de sa femme, Flora Rodriguez.
Par la suite, des centaines de versions ont été publiées. Celle du jour est assez intéressante. On la doit à Francisco Canaro avec Alberto Arenas. L’enregistrement est du 15 janvier 1948.

Extrait musical

Diverses partitions de El choclo. On remarquera à gauche (5ème édition), la dédicace à Roncallo qui lancera le titre.
El choclo 1948-01-15 – Orquesta Francisco Canaro con Alberto Arenas.

On remarque tout de suite le rythme rapide. Arenas chante également rapidement, de façon saccadée et il ne se contente pas de l’habituel refrain. Il chante l’intégralité des paroles écrites l’année précédente pour Libertad Lamarque.
Ce fait est généralement caractéristique des tangos à écouter. Cependant, malgré les facéties de cet enregistrement, il me semble que l’on pourrait envisager de le proposer dans un moment délirant, une sorte de catharsis, pour toutes ces heures passées à danser sur des versions plus sages. On notera les clochettes qui donnent une légèreté, en contraste à la voix très appuyée d’Arenas.

Paroles (version de Enrique Santos Discépolo)

Ici, les paroles de la version du jour, mais reportez-vous en fin d’article pour d’autres versions…

Con este tango que es burlón y compadrito
se ató dos alas la ambición de mi suburbio;
con este tango nació el tango, y como un grito
salió del sórdido barrial buscando el cielo;
conjuro extraño de un amor hecho cadencia
que abrió caminos sin más ley que la esperanza,
mezcla de rabia, de dolor, de fe, de ausencia
llorando en la inocencia de un ritmo juguetón.

Por tu milagro de notas agoreras
nacieron, sin pensarlo, las paicas y las grelas,
luna de charcos, canyengue en las caderas
y un ansia fiera en la manera de querer…

Al evocarte, tango querido,
siento que tiemblan las baldosas de un bailongo
y oigo el rezongo de mi pasado…
Hoy, que no tengo más a mi madre,
siento que llega en punta ‘e pie para besarme
cuando tu canto nace al son de un bandoneón.

Carancanfunfa se hizo al mar con tu bandera
y en un pernó mezcló a París con Puente Alsina.
Triste compadre del gavión y de la mina
y hasta comadre del bacán y la pebeta.
Por vos shusheta, cana, reo y mishiadura
se hicieron voces al nacer con tu destino…
¡Misa de faldas, querosén, tajo y cuchillo,
que ardió en los conventillos y ardió en mi corazón.
Enrique Santos Discépolo

Traduction libre et indications de la version de Enrique Santos Discépolo

Avec ce tango moqueur et compadrito, l’ambition de ma banlieue s’est attaché deux ailes ;
Avec ce tango naquit, le tango, et, comme un cri, il sortit du quartier sordide en cherchant le ciel.
Un étrange sort d’amour fait cadence qui ouvrait des chemins sans autre loi que l’espoir, un mélange de rage, de douleur, de foi, d’absence pleurant dans l’innocence d’un rythme joueur.
Par ton miracle des notes prophétiques, les paicas et les grelas ( paicas et grelas sont les chéries des compadritos) sont nées, sans y penser, une lune de (ou de flaque d’eau), de canyengue sur les hanches et un désir farouche dans la façon d’aimer…
Quand je t’évoque, cher tango, je sens les dalles d’un dancing trembler et j’entends le murmure de mon passé…
Aujourd’hui, alors que je n’ai plus ma mère, j’ai l’impression qu’elle vient sur la pointe des pieds pour m’embrasser quand ton chant naît au son d’un bandonéon.
Carancanfunfa (danseur habile, on retrouve ce mot dans divers titres, comme les milongas Carán-Can-Fú de l’orchestre Roberto Zerrillo avec Jorge Cardozo, ou Caráncanfún de Francisco Canaro avec Carlos Roldán) a pris la mer avec ton drapeau et en un éclair a mêlé Paris au pont Alsina (pont sur le Riachuelo à la Boca).
Triste compadre du gabion (mecs) et de la mina (femme) et jusqu’à la marraine du bacán (riche) et de la pebeta (gamine).
Pour toi, l’élégant, prison, accusations et misère ont parlé à la naissance avec ton destin…
Une messe de jupes, de kérosène (pétrole lampant pour l’éclairage), de lames et de couteaux, qui brûlait dans les conventillos (habitas collectifs populaires et surpeuplés) et brûlait dans mon cœur.

Un épi peut en cacher un autre…

On a beaucoup glosé sur l’origine du nom de ce tango.
Tout d’abord, la plus évidente et celle que Villoldo a affirmé le plus souvent était que c’était lié à la plante comestible. Les origines très modestes des Villoldo peuvent expliquer cette dédicace. Le nord de la Province de Buenos Aires ainsi que la Pampa sont encore aujourd’hui des zones de production importante de maïs et cette plante a aidé à sustenter les pauvres. On peut même considérer que certains aiment réellement manger du maïs. En faveur de cette hypothèse, les paroles de la version chantée par lui-même, mais nous verrons que ce n’est pas si simple quand nous allons aborder les paroles…
Il s’agirait également, d’un tango à la charge d’un petit malfrat de son quartier et qui avait les cheveux blonds. C’est du moins la version donnée par Irene Villoldo, la sœur de Ángel et que rapporte Juan Carlos Marambio Catán dans une lettre écrite en 1966 à Juan Bautista Devoto. On notera que les paroles de Juan Carlos Marambio Catán confortent justement cette version.
Lorsque Libertad Lamarque doit enregistrer ce tango en 1947 pour le film « Gran Casino » de Luis Buñuel, elle fait modifier les paroles par Enrique Santos Discépolo pour lui enlever le côté violent de la seconde version et douteuse de celles de Villoldo.
Villoldo n’était pas un enfant de chœur et je pense que vous avez tous entendu parler de la dernière acception. Par la forme phallique de l’épi de maïs, il est tentant de faire ce rapprochement. N’oublions pas que les débuts du tango n’étaient pas pour les plus prudes et cette connotation sexuelle était, assurément, dans l’esprit de bien des auditeurs. Le lunfardo et certains textes de tangos aiment à jouer sur les mots. Vous vous souvenez sans doute de « El chino Pantaleón » où, sous couvert de parler musique et tango, on parlait en fait de bagarre…
Rajoutons que, comme le tango était une musique appréciée dans les bordels, il est plus que probable que le double sens ait été encouragé.
Faut-il alors rejeter le témoignage de la sœur de Villoldo ? Pas forcément, il y avait peut-être une tête d’épi dans leur entourage, mais on peut aussi supposer que, même si Irène était analphabète, elle avait la notion de la bienséance et qu’elle se devait de diffuser une version soft, version que son frère a peut-être réellement encouragée pour protéger sa sœurette.
Retenons de cela qu’au fur et à mesure que le tango a gagné ses lettres de noblesse, les poètes se sont évertués à écrire de belles paroles et pas seulement à cause des périodes de censure de certains gouvernements. Tout simplement, car le tango entrant dans le « beau monde », il devait présenter un visage plus acceptable.
Les textes ont changé, n’en déplaise à Jorge Borges, et avec eux, l’ambiance du tango.

Autres versions

Tout comme pour la Cumparsita, il n’est pas pensable de présenter toutes les versions de ce tango. Je vous propose donc une sélection très restreinte sur deux critères :
• Historique, pour connaître les différentes époques de ce thème.
• Intérêt de l’interprétation, notamment pour danser, mais aussi pour écouter.
Il ne semble pas y avoir d’enregistrement disponible de la version de 1903, si ce n’est celle de Villoldo enregistrée en 1910 avec les mêmes paroles présumées.
Mais auparavant, priorité à la datation, une version un peu différente et avec un autre type de paroles. Il s’agit d’une version dialoguée (voire criée…) sur la musique de El Choclo. Le titre en est Cariño puro, mais vous retrouverez sans problème notre tango du jour.

Cariño puro (diálogo y tango) 1907 – Los Gobbi con Los Campos.

Ce titre a été enregistré en 1907 sur un disque en carton de la compagnie Marconi. Si la qualité d’origine était bonne, ce matériau n’a pas résisté au temps et au poids des aiguilles de phonographes de l’époque. Heureusement, cette version a été réédité en disque shellac par la Columbia et vous pouvez donc entendre cette curiosité… La forme dialoguée rappelle que les musiciens faisaient beaucoup de revues et de pièces de théâtre.

À gauche, disque en carton recouvert d’acétate (procédé Marconi). Ces disques étaient de bonne qualité, mais trop fragiles. À droite, le même enregistrement en version shellac.

Paroles de Cariño puro des Gobbi

Ay mi china que tengo mucho que hablarte,
de una cosa que a vos no te va a gustar
Largá el rollo que escucho y explicate
Lo que pases no es tontera,
pues te juro que te digo la verdad.
dame un beso no me vengas con chanela (2)
dejate de tonteras, no me hagas esperar.
Decí ya sé que la otra noche
vos con un gavilán
son cuentos que te han hecho
án.
No me faltes mirá que no hay macanas
yo no vengo con ganas mi china de farrear
Pues entonces no me vengas con cuento
y escuchame un momento que te voy a explicar.
No te enojes que yo te diré lo cierto
y verás que me vas a perdonar
Pues entonces
Te diré la purísima verdad
Vamos china ya que voy a hacer las paces
a tomar un carrindango pa pasear
Y mirar de Palermo
Yo te quiero mi chinita no hagas caso
Que muy lejos querer
el esquinazo
ni golpe ni porrazo…
Ángel Villoldo

Traduction de Cariño puro des Gobbi

  • Oh, ma chérie, que j’ai beaucoup à te parler,
    D’une chose qui ne va pas te plaire
    Avoue (lâcher le rouleau) que je t’écoute et explique-toi
    Ce que tu traverses n’est pas une bêtise,
  • – Eh bien, je te jure que je te dis la vérité.
    Donne-moi un baiser Ne viens pas à moi en parlementant
  • – Arrête les bêtises, ne me fais pas attendre.
    J’ai déjà dit que je savais pour l’autre soir
    Toi avec un épervier (homme rapide en affaires)
  • – Ce sont des histoires qui t’ont été faites
    un.
    Ne détourne pas le regard, n’y a pas d’arnaque.
  • – Je ne viens pas, ma chérie, avec l’envie de rigoler.
    Aussi, ne me raconte pas d’histoires
  • – et écoute-moi un instant et, car je vais te l’expliquer.
    Ne te fâche pas, je vais te dire ce qui est sûr
    Et tu verras que tu vas me pardonner
    Puis, ensuite
    Je vais te dire la pure vérité
  • – Allez, ma chérie, car je vais faire la paix
    En prenant une voiture pour une promenade
    Et regarder Palermo
    Je t’aime ma petite chérie, ne fais pas attention
    Car je veux arrondir les angles
    ni coup ni bagarre…

On voit que ces paroles sont plutôt mignonnes, autour des tourments d’un couple, interprétés par Alfredo Gobbi et sa femme, Flora Rodriguez. Dommage que la technique où le goût de l’époque fasse tant crier, cela n’est pas bien accepté par nos oreilles modernes.

El choclo 1910 – Ángel Gregorio Villoldo con guitarra.

Cette version présente les paroles supposées originales et qui parlent effectivement du maïs. C’est donc cette version qui peut faire pencher la balance entre la plante et le sexe masculin. Voyons ce qu’il en est.

Paroles de Villoldo

De un grano nace la planta
que más tarde nos da el choclo
por eso de la garganta
dijo que estaba humilloso.
Y yo como no soy otro
más que un tanguero de fama
murmuro con alborozo
está muy de la banana.

Hay choclos que tienen
las espigas de oro
que son las que adoro
con tierna pasión,
cuando trabajando
llenito de abrojos
estoy con rastrojos
como humilde peón.

De lavada enrubia
en largas guedejas
contemplo parejas
sí es como crecer,
con esos bigotes
que la tierra virgen
al noble paisano
le suele ofrecer.

A veces el choclo
asa en los fogones
calma las pasiones
y dichas de amor,
cuando algún paisano
lo está cocinando
y otro está cebando
un buen cimarrón.

Luego que la humita
está preparada,
bajo la enramada
se oye un pericón,
y junto al alero,
de un rancho deshecho
surge de algún pecho
la alegre canción.
Ángel Villoldo

Traduction des paroles de Ángel Villoldo

D’un grain naît la plante qui nous donnera plus tard du maïs
C’est pourquoi, de la gorge (agréable au goût) je dis qu’il avait été humilié (calomnié).
Et comme je ne suis autre qu’un tanguero célèbre, je murmure de joie, il est bien de la banane (du meilleur, la banane étant également un des surnoms du sexe de l’homme).
Il y a des épis qui ont des grains d’or, ce sont ceux que j’adore avec une tendre passion, quand je les travaille plein de chardons, je suis avec du chaume comme un humble ouvrier.
De l’innocence blonde aux longues mèches, je contemple les plantes (similaires, spécimens…) si c’est comme grandir, avec ces moustaches que la terre vierge offre habituellement au noble paysan. (Un double sens n’est pas impossible, la terre cultivée n’a pas de raison particulière d’être considérée comme vierge).
Parfois, les épis de maïs sur les feux calment les passions et les joies de l’amour (les feux, sont les cuisinières, poêles. Qu’ils calment la faim, cela peut se concevoir, mais les passions et les joies de l’amour, cela procède sans doute d’un double sens marqué), quand un paysan le cuisine et qu’un autre appâte un bon cimarron (esclave noir, ou animal sauvage, mais il doit s’agir ici plutôt d’une victime d’arnaque, peut-être qu’un peu de viande avec le maïs fait un bon repas).
Une fois que la humita (ragoût de maïs) est prête, sous la tonnelle, un pericón (pericón nacional, danse traditionnelle) se fait entendre, et à côté des avant-toits, d’un ranch brisé, le chant joyeux surgit d’une poitrine (on peut imaginer différentes choses à propos du chant qui surgit d’une poitrine, mais c’est un peu difficile de s’imaginer que cela puisse être provoqué par la préparation d’une humita, aussi talentueux que soit le cuisinier…

Je vous laisse vous faire votre opinion, mais il me semble difficile d’exclure un double sens de ces paroles.

El choclo 1913 – Orquesta Típica Porteña dir. Eduardo Arolas.

Cette version instrumentale permet de faire une pause dans les paroles.

El choclo 1929-08-27 – Orquesta Típica Victor.

Une version instrumentale par la Típica Víctor dirigée par Carabelli. Un titre pour les amateurs du genre, mais un peu pesant pour les autres danseurs.

El choclo 1937-07-26 – Orquesta Juan D’Arienzo.

Sans doute une des versions les plus adaptées aux danseurs, avec les ornementations de Biagi au piano et le bel équilibre des instruments, principalement tous au service du rythme et donc de la danse, avec notamment l’accélération (simulée) finale.

El choclo 1937-11-15 – Quinteto Don Pancho dir. Francisco Canaro.

Cette version n’apporte pas grand-chose, mais je l’indique pour marquer le contraste avec notre version du jour, enregistrée par Canaro 11 ans plus tard.

El choclo 1940-09-29 – Roberto Firpo y su Cuarteto Típico.

Une version légère. Le doublement des notes, caractéristiques de cette œuvre, a ici une sonorité particulière, on dirait presque un bégaiement. En opposition, des passages aux violons chantants donnent du contraste. Le résultat me semble cependant un peu confus, précipité et pas destiné à donner le plus de plaisir aux danseurs.

El choclo 1941-11-13 – Orquesta Ángel D’Agostino con Ángel Vargas.

On retrouve une version chantée. Les paroles sont celles de Juan Carlos Marambio Catán, ou plus exactement le tout début des paroles avec la fin du couplet avec une variante.
Je vous propose ici, les paroles complètes de Catán, pour en garder le souvenir et aussi, car la partie qui n’est pas chantée par Vargas parle de ce fameux type aux cheveux couleur de maïs…

Paroles de Juan Carlos Marambio Catán

Vieja milonga que en mis horas de tristeza
traes a mi mente tu recuerdo cariñoso,
encadenándome a tus notas dulcemente
siento que el alma se me encoje poco a poco.
Recuerdo triste de un pasado que en mi vida,
dejó una página de sangre escrita a mano,
y que he llevado como cruz en mi martirio
aunque su carga infame me llene de dolor.

Fue aquella noche
que todavía me aterra.
Cuando ella era mía
jugó con mi pasión.
Y en duelo a muerte
con quien robó mi vida,
mi daga gaucha
partió su corazón.
Y me llamaban
el choclo compañero;
tallé en los entreveros
seguro y fajador.
Pero una china
envenenó mi vida
y hoy lloro a solas
con mi trágico dolor.

Si alguna vuelta le toca por la vida,
en una mina poner su corazón;
recuerde siempre
que una ilusión perdida
no vuelve nunca
a dar su flor.

Besos mentidos, engaños y amarguras
rodando siempre la pena y el dolor,
y cuando un hombre entrega su ternura
cerca del lecho
lo acecha la traición.

Hoy que los años han blanqueado ya mis sienes
y que en mi pecho sólo anida la tristeza,
como una luz que me ilumina en el sendero
llegan tus notas de melódica belleza.
Tango querido, viejo choclo que me embarga
con las caricias de tus notas tan sentidas;
quiero morir abajo del arrullo de tus quejas
cantando mis querellas, llorando mi dolor.
Juan Carlos Marambio Catán

Traduction libre des paroles de Juan Carlos Marambio Catán

Vieille milonga. À mes heures de tristesse, tu me rappelles ton souvenir affectueux,
En m’enchaînant doucement à tes notes, je sens mon âme se rétrécir peu à peu.
Souvenir triste d’un passé qui, dans ma vie, a laissé une page de sang écrite à la main, et que j’ai porté comme une croix dans mon martyre, même si son infâme fardeau me remplit de douleur.
C’est cette nuit-là qui, encore, me terrifie.
Quand elle était à moi, elle jouait avec ma passion.
Et dans un duel à mort avec celui qui m’a volé la vie, mon poignard gaucho lui a brisé le cœur.
Et ils m’appelaient le compagnon maïs (choclo);
J’ai taillé dans les mêlées, sûr et résistant.
Mais une femme chérie a empoisonné ma vie et, aujourd’hui, je pleure tout seul avec ma douleur tragique.
S’il vous prend dans la vie de mettre votre cœur dans une chérie ; rappelez-vous toujours qu’une illusion perdue ne redonne plus jamais sa fleur.
Des baisers mensongers, trompeurs et amers roulent toujours le chagrin et la douleur, et quand un homme donne sa tendresse, près du lit, la trahison le traque.
Aujourd’hui que les années ont déjà blanchi mes tempes et que, dans ma poitrine seule se niche la tristesse, comme une lumière qui m’éclaire sur le chemin où arrivent tes notes de beauté mélodique.
Tango chéri, vieux choclo qui m’accable des caresses de tes notes si sincères ;
Je veux mourir sous la berceuse de tes plaintes, chantant mes peines, pleurant ma douleur.

El choclo 1947 – Libertad Lamarque, dans le film Gran casino de Luis Buñuel.

El choclo 1947 – Libertad Lamarque, dans le film Gran casino de Luis Buñuel.

Dans cet extrait Libertad Lamarque interprète le titre avec les paroles écrites pour elle par Discepolo. On comprend qu’elle ne voulait pas prendre le rôle de l’assassin et que les paroles adaptées sont plus convenables à une dame…
Les paroles de Enrique Santos Discépolo seront réutilisées ensuite, notamment par Canaro pour notre tango du jour.

El choclo 1948-01-15 – Orquesta Francisco Canaro con Alberto Arenas. C’est notre tango du jour.

Comme vous vous en doutez, je pourrai vous présenter des centaines de versions de ce titre, mais cela n’a pas grand intérêt. J’ai donc choisi de vous proposer pour terminer une version très différente…

Kiss of Fire 1955 – Louis Armstrong.

En 1952, Lester Allan et Robert Hill ont adapté et sérieusement modifié la partition, mais on reconnaît parfaitement la composition originale.

Je vous propose de nous quitter là-dessus, une autre preuve de l’universalité du tango.
À bientôt, les amis.

En guise de cortina, on pourrait mettre Pop Corn, non ?

PS : si vous avez des versions de El choclo que vous adorez, n’hésitez pas à les indiquer dans les commentaires, je rajouterais les plus demandées.

9 de Julio (Nueve de Julio) 2009 – La Tuba Tango

1908 ou 1916 José Luis Padula Letra : 1916 ou 1919 Ricardo M. Llanes 1930 – 1931 Eugenio Cárdenas 1931 Lito Bayardo (Manuel Juan García Ferrari)

Le 9 juillet pour les Argentins, c’est le 4 juillet des Étasuniens d’Amérique, le 14 juillet des Français, c’est la fête nationale de l’Argentine. Elle commémore l’indépendance vis-à-vis de l’Espagne. José Luis Padula était assez bien placé pour écrire ce titre, puisque la signature de la Déclaration d’indépendance a été effectuée à San Miguel de Tucumán, son lieu natal, le 9 juillet 1816.

Padula prétend avoir écrit ce tango en 1908, à l’âge de 15 ans, sans titre particulier et qu’il a décidé de le dédier au 9 juillet dont on allait fêter le centenaire en 1916.
Difficile de vérifier ses dires. Ce qu’on peut en revanche affirmer c’est que Roberto Firpo l’a enregistrée en 1916 et qu’on y entend les cris de joie (étranges) des signataires (argentins) du traité.

Signature de la déclaration d’indépendance au Congreso de Tucumán (San Miguel de Tucumán) le 9 juillet 1816. Aquarelle de Antonio Gonzáles Moreno (1941).
José Luis Padula 1893 – 1945. Il a débuté en jouant de l’harmonica et de la guitare dès son plus jeune âge (son père était mort quand il avait 12 ans et a donc trouvé cette activité pour gagner sa vie). L’image de gauche est une illustration, ce n’est pas Padula. Au centre, Padula vers 1931 sur une partition de 9 de Julio avec les paroles de Lito Bayardo et à droite une photo peu avant sa mort, vers 1940.

Extrait musical

Partition pour piano de 9 de Julio. L’évocation de l’indépendance est manifeste sur les deux couvertures. On notera sur celle de droite la mention de Cardenas pour les paroles.
Autre exemple de partition avec un agrandissement de la dédicace au procurador titular Señor Gervasio Rodriguez. Il n’y a pas de mention de parolier sur ces paroles.
9 de Julio (Nueve de Julio) 2009 – La Tuba Tango.

Dès les premières notes, on note la truculence du tuba et l’ambiance festive que crée cet instrument. J’ai choisi cette version pour fêter le 9 juillet, car il n’existait pas d’enregistrement intéressant du 9 juillet. C’est que c’est un jour férié et les orchestres devaient plutôt animer la fête plutôt que d’enregistrer. L’autre raison est que le tuba est associé à la fanfare, au défilé et que donc, il me semblait adapté à l’occasion. Et la dernière raison et d’encourager cet orchestre créé en 1967 et qui s’est donné pour mission de retrouver la joie des versions du début du vingtième siècle. Je trouve qu’il y répond parfaitement et vous pouvez lui donner un coup de pouce en achetant pour un prix modique ses albums sur Bandcamp.

Paroles

Vous avez sans doute remarqué que j’avais indiqué plusieurs paroliers. C’est qu’il y a en fait quatre versions. C’est beaucoup pour un titre qui a surtout été enregistré de façon instrumentale… C’est en fait un phénomène assez courant pour les titres les plus célèbres, différents auteurs ajoutent des paroles pour être inscrits et toucher les droits afférents. Dans le cas présent, les héritiers de Padula ont fait un procès, preuve que les histoires de sous existent aussi dans le monde du tango. En effet, avec trois auteurs de paroles au lieu d’un, la part de la redistribution aux héritiers de Padula était d’autant diminuée.
Je vous propose de retrouver les paroles en fin d’article pour aborder maintenant les 29 versions. La musique avant tout… Ceux qui sont intéressés pourront suivre les paroles des rares versions chantées avec la transcription correspondante en la trouvant à la fin.

Autres versions

9 de Julio (Nueve de Julio) 1916 – Orquesta Roberto Firpo.

On y entend les cris de joie des signataires, des espèces de roucoulements que je trouve étranges, mais bon, c’était peut-être la façon de manifester sa joie à l’époque. L’interprétation de la musique, malgré son antiquité, est particulièrement réussie et on ne ressent pas vraiment l’impression de monotonie des très vieux enregistrements. On entend un peu de cuivres, cuivres qui sont totalement à l’honneur dans notre tango du jour avec La Tuba Tango.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1927-06-03 – Orquesta Roberto Firpo.

Encore Firpo qui nous livre une autre belle version ancienne une décennie après la précédente. L’enregistrement électrique améliore sensiblement le confort d’écoute.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1928-10-11 – Guillermo Barbieri, José María Aguilar, José Ricardo (guitarras).

Vous aurez reconnu les guitaristes de Gardel. Cet enregistrement a été réalisé à Paris en 1928. C’est un plaisir d’entendre les guitaristes sans la voix de leur « maître ». Cela permet de constater la qualité de leur jeu.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1929-12-04 – Orquesta Francisco Canaro.

Je trouve cette version un peu pesante malgré les beaux accents du piano de Luis Riccardi. C’est un titre à réserver aux amateurs de canyengue, tout au moins les deux tiers, la dernière variation plus allègre voit les bandonéons s’illuminer. J’aurais préféré que tout le titre soit à l’aune de sa fin. Mais bon, Canaro a décidé de le jouer ainsi…

9 de Julio (Nueve de Julio) 1930-04-04 – Orquesta Luis Petrucelli.

Le décès à seulement 38 ans de Luis Petrucelli l’a certainement privé de la renommée qu’il méritait. Il était un excellent bandonéoniste, mais aussi, comme en témoigne cet enregistrement, un excellent chef d’orchestre. Je précise toutefois qu’il n’a pas enregistré après 1931 et qu’il est décédé en 1941. Ces dernières 10 années furent consacrées à sa carrière de bandonéoniste, notamment pour Fresedo.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1931 – Agustín Magaldi con orquesta.

Magaldi n’appréciant pas les paroles de Eugenio Cárdenas fit réaliser une version par Lito Bayardo.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1931-08-15 – Orquesta Típica Columbia con Ernesto Famá.

Famá chante le premier couplet de Bayardo.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1935-12-31 – Orquesta Juan D’Arienzo.

C’est une des versions les plus connues, véritable star des milongas. L’impression d’accélération continue est sans doute une des clefs de son succès.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1939-07-04 – Charlo (accordéon et guitare).

Je ne sais pas d’où vient cet ovni. Je l’avais dans ma musique, extrait d’un CD Colección para entendidos – Época de oro vol. 6 (1926-1939). Charlo était pianiste en plus d’être chanteur (et acteur). Tout comme les guitaristes de Gardel qui ont enregistré 9 de Julio sous le nom de Gardel (voir ci-dessus l’enregistrement du 11 octobre 1928), il se peut qu’il s’agisse de la même chose. Le même jour, Charlo enregistrait comme chanteur avec ses guitaristes Divagando, No hay tierra como la mía, Solamente tú et un autre titre accordéon et guitare sans chant, la valse Añorando mi tierra.
On trouve d’autres titres sous la mention Charlo avec accordéon et guitare. La cumparsita et Recuerdos de mi infancia le 12 septembre 1939, Pinta brava, Don Juan, Ausencia et La polca del renguito le 8 novembre 1940. Il faut donc certainement en conclure que Charlo jouait aussi de l’accordéon. Pour le prouver, je verserai au dossier, une version étonnante de La cumparsita qu’il a enregistrée en duo avec Sabina Olmos avec un accordéon soliste, probablement lui…

9 de Julio (Nueve de Julio) 1948 – Orquesta Héctor Stamponi.

Une jolie version avec une magnifique variation finale. On notera l’annonce, une pratique courante à l’époque où un locuteur annonçait les titres.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1950-05-15 – Orquesta Juan D’Arienzo.

D’Arienzo nous donne une autre version. Il y a de jolis passages, mais je trouve que c’est un peu plus confus que la version de 1935 qui devrait être plus satisfaisante pour les danseurs. Fulvio Salamanca relève l’ensemble avec son piano, piano qui est généralement l’épine dorsale de D’Arienzo.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1950-07-20 – Orquesta Alfredo De Angelis.

Chez De Angelis, le piano est aussi essentiel, mais c’est lui qui en joue, il est donc libre de donner son interprétation magnifique, secondé par ses excellents violonistes. Pour ceux qui n’aiment pas De Angelis, ce titre pourrait les faire changer d’avis.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1957-04-08 – Orquesta Héctor Varela.

Varela nous propose une introduction originale.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1953 – Horacio Salgán y su Orquesta Típica.

Une version sans doute pas évidente à danser.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1953-03-03 – Ariel Pedernera y su Quinteto Típico.

Une belle version, malheureusement cette copie a été massacrée par le « collectionneur ». J’espère trouver un disque pour vous proposer une version correcte en milonga, car ce thème le mérite largement.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1953-09-10 – Orquesta José Sala.

Pour l’écoute, bien sûr, mais des passages très sympas

9 de Julio (Nueve de Julio) 1954-05-13 – Orquesta Osvaldo Pugliese.

Pugliese a mis un peu de temps à enregistrer sa version du thème. C’est une superbe réalisation, mais qui alterne des passages sans doute trop variés pour les danseurs, mais je suis sûr que certains seront tentés par l’expérience.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1959 – Luis Machaco.

Une version tranquille et plutôt jolie par un orchestre oublié. Le contrepoint entre le bandonéon en staccato et les violons en legato est particulièrement réussi.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1964 – Alberto Marino con la orquesta de Osvaldo Tarantino.

Alberto Marino chante les paroles de Eugenio Cárdenas. Ce n’est bien sûr pas une version pour la danse.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1966-06-21 – Orquesta Florindo Sassone.
9 de Julio (Nueve de Julio) 1966-08-03 – Orquesta Juan D’Arienzo.

Une version bien connue par D’Arienzo, dans le style souvent proposé par les orchestres contemporains. Spectaculaire, mais, y-a-t-il un mais ?

9 de Julio (Nueve de Julio) 1967-08-10 (Ranchera-Pericón) – Orquesta Enrique Rodríguez.

Second OVNI du jour, cette ranchera-Pericón nacional avec ses flonflons, bien propice à faire la fête. Peut-être une cortina pour demain (aujourd’hui pour vous qui lisez, demain pour moi qui écrit).

9 de Julio (Nueve de Julio) 1968 – Cuarteto Juan Cambareri.

Une version virtuose et enthousiasmante. Pensez à prévoir des danseurs de rechange après une tanda de Cambareri… Si cela semble lent pour du Cambareri, attendez la variation finale et vous comprendrez pourquoi Cambareri était nommé le mage du bandonéon.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1970 – Orquesta Armando Pontier.

Une version originale, mais pas forcément indispensable, malgré le beau bandonéon d’Armando Pontier.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1971 – Orquesta Donato Racciatti.

Même si la Provincia Orientale tombait en 1916 sous la coupe du Portugal / Brésil, les Uruguayens sont sensibles à l’émancipation d’avec le vieux monde et donc, les orchestres uruguayens ont aussi proposé leurs versions du 9 juillet.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1971 – Palermo Trío.

Avec un trio, forcément, c’est plus léger. Ici, la danse n’est pas au programme.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1971-08-04 – Miguel Villasboas y su Sexteto Típico.

Dans le style hésitant de Villasboas entre tango et milonga qu’affectionnent les Uruguayens. Le type de musique qui a fait dire que le tango avait été inventé par un indécis…

9 de Julio (Nueve de Julio) 1973-11-29 – Miguel Villasboas y Wáshington Quintas Moreno (dúo de pianos).

L’autre jour, au sujet de La rosarina 1975-01-06, un lecteur a dit qu’il avait apprécié la version en duo de piano de Villasboas et Wáshington. Pour ce lecteur, voici 9 de Julio par les mêmes.

Et il est temps de clore cette longue liste avec notre orchestre du jour et dans deux versions :

9 de Julio (Nueve de Julio) 1991 – Los Tubatango.

Cet orchestre original par la présence du tuba et sa volonté de retrouver l’ambiance du tango des années 1900 a été créé par Guillermo Inchausty. C’est le même orchestre que celui de notre tango du jour qui est désormais dirigé par Lucas Kohan sous l’appellation La Tuba Tango au lieu du nom original de Los Tubatango.

9 de Julio (Nueve de Julio) 2009 – La Tuba Tango.

C’est notre tango du jour. Les musiciens en sont : Ignacio Risso (tuba), Matias Rullo (bandonéon), Gonzalo Braz (clarinette) et Lucas Kohan (Direction et guitare).

Cette longue liste de 29 titres, mais qui aurait pu être facilement deux fois plus longue montre la diversité de la production du tango.
En ce qui concerne la danse, nous nous sommes habitués à danser sur un ou deux de ces titres, mais je pense que vous aurez remarqué que d’autres étaient aussi intéressants pour le bal. La question est surtout de savoir les proposer au bon moment et aux bons danseurs. C’est toute la richesse et l’intérêt du métier de DJ.
Pour moi, un bon DJ n’est pas celui qui met des titres inconnus et étranges afin de recueillir les applaudissements des néophytes, mais celui qui met la bonne musique au bon moment en sachant prendre des risques mesurés afin d’aider les danseurs à magnifier leur improvisation et leur plaisir de danser.

Je reviens maintenant, comme promis aux quatre versions des paroles…

Paroles de Lito Bayardo (1931)

Sin un solo adiós
dejé mi hogar cuando partí
porque jamás quise sentir
un sollozar por mí.
Triste amanecer
que nunca más he de olvidar
hoy para qué rememorar
todo lo que sufrí.

Lejano Nueve de Julio
de una mañana divina
mi corazón siempre fiel quiso cantar
y por el mundo poder peregrinar,
infatigable vagar de soñador
marchando en pos del ideal con todo amor
hasta que al fin dejé
mi madre y el querer
de la mujer que adoré.

Yo me prometi
lleno de gloria regresar
para podérsela brindar
a quien yo más amé
y al retornar
triste, vencido y sin fe
no hallé mi amor ni hallé mi hogar
y con dolor lloré.

Cual vagabundo cargado de pena
yo llevo en el alma la desilusión
y desde entonces así me condena
la angustia infinita de mi corazón
¡Qué puedo hacer si ya mis horas de alegría
también se fueron desde aquel día
que con las glorias de mis triunfos yo soñara,
sueños lejanos de mi loca juventud!

José Luis Padula Letra: Lito Bayardo (Manuel Juan García Ferrari)

C’est la version que chante Magaldi, vu qu’il l’a demandé à Bayardo
Famá, chante également cette version, mais seulement le premier couplet.

Traduction libre des paroles de Lito Bayardo

Sans un seul au revoir, j’ai quitté ma maison quand je suis parti parce que je ne voulais jamais ressentir un sanglot pour moi.
Une triste aube que je n’oublierai jamais aujourd’hui, pour qu’elle se souvienne de tout ce que j’ai souffert.
Lointain 9 juillet, d’un matin divin, mon cœur toujours fidèle a voulu chanter et à travers le monde faire le pèlerinage,
infatigable errance d’un rêveur marchant à la poursuite de l’idéal avec tout l’amour jusqu’à ce qu’enfin je quitte ma mère et l’amour de la femme que j’adorais.
Je me suis promis une fois plein de gloire de revenir pour pouvoir l’offrir à celle que j’aimais le plus et quand je suis revenu triste, vaincu et sans foi je n’ai pas trouvé mon amour ni ma maison et avec douleur j’ai pleuré.
Comme un vagabond accablé de chagrin, je porte la déception dans mon âme, et depuis lors, l’angoisse infinie de mon cœur me condamne.
Que pourrais-je faire si mes heures de joie sont déjà parties depuis ce jour où j’ai rêvé des gloires de mes triomphes, rêves lointains de ma folle jeunesse ?

Paroles de Ricardo M. Llanes (1916 ou 1919)

De un conventillo mugriento y fulero,
con un canflinfero
te espiantaste vos ;
abandonaste a tus pobres viejos
que siempre te daban
consejos de Dios;
abandonaste a tus pobres hermanos,
¡tus hermanitos,
que te querían!
Abandonastes el negro laburo
donde ganabas el pan con honor.

Y te espiantaste una noche
escabullida en el coche
donde esperaba el bacán;
todo, todo el conventillo
por tu espiante ha sollozado,
mientras que vos te has mezclado
a las farras del gotán;
¡a dónde has ido a parar!
pobrecita milonguera
que soñaste con la gloria
de tener un buen bulín;
pobre pebeta inocente
que engrupida por la farra,
te metiste con la barra
que vive en el cafetín.

Tal vez mañana, piadoso,
un hospital te dé cama,
cuando no brille tu fama
en el salón;
cuando en el « yiro » no hagas
más « sport »;
cuando se canse el cafisio
de tu amor ;
y te espiante rechiflado
del bulín;
cuando te den el « olivo »
los que hoy tanto te aplauden
en el gran cafetín.

Entonces, triste con tu decadencia,
perdida tu esencia,
tu amor, tu champagne ;
sólo el recuerdo quedará en tu vida
de aquella perdida
gloria del gotán;
y entonces, ¡pobre!, con lágrimas puras,
tus amarguras
derramarás;
y sentirás en tu noche enfermiza,
la ingrata risa
del primer bacán.

José Luis Padula Letra: Ricardo M. Llanes

Traduction libre des paroles de Ricardo M. Llanes

D’un immeuble (le conventillo est un système d’habitation pour les pauvres où les familles s’entassent dans une pièce desservie par un corridor qui a les seules fenêtres sur l’extérieur) sale et vilain, avec un proxénète, tu t’es enfuie ;
tu as abandonné tes pauvres parents qui t’ont toujours prodigué des conseils de Dieu ;
Tu as abandonné tes pauvres frères, tes petits frères, qui t’aimaient !
Tu as abandonné le travail noir où tu gagnais ton pain avec honneur.
Et tu t’es enfuie une nuit en te faufilant dans la voiture où le bacán (homme qui entretient une femme) attendait ;
Tout, tout l’immeuble à cause de ta fuite a sangloté, tandis que toi tu t’es mêlée aux fêtes du Gotan (Tango) ;
Mais où vas-tu t’arrêter ?
Pauvre milonguera qui rêvait de la gloire et d’avoir un bon logis ;
Pauvre fille innocente qui, enflée par la fête, s’est acoquinée avec la bande qui vit dans le café.
Peut-être que demain, pieusement, un hôpital te donnera un lit, quand ta renommée ne brillera pas dans ce salon ;
quand dans le « yiro » (prostitution) vous ne faites plus de « sport » ;
quand le voyou de ton amour se fatigue ;
et tu t’évades folle du logis ;
Quand ils te renvoient (dar el olivo = renvoyer en lunfardo), ceux qui vous applaudissent tant aujourd’hui dans le Grand Cafetín.
Puis, triste avec ta décadence, perte de ton essence, de ton amour, de ton champagne ;
Seul le souvenir de cette perte restera dans ta vie
Gloire du Gotan ;
et alors, pauvre créature, avec des larmes pures, ton amertume tu déverseras ;
Et tu sentiras dans ta nuit maladive, le rire ingrat du premier Bacán.

Paroles de Eugenio Cárdenas (version 1 de 1930)

Mientras los clarines tocan diana
y el vibrar de las campanas
repercute en los confines,
mil recuerdos a los pechos
los inflama la alegría
por la gloria de este día
que nunca se ha de olvidar.
Deja, con su música, el pampero
sobre los patrios aleros
una belleza que encanta.
Y al conjuro de sus notas
las campiñas se levantan
saludando, reverentes,
al sol de la Libertad.

Brota, majestuoso, el Himno
de todo labio argentino.
Y las almas tremulantes de emoción,
a la Patria sólo saben bendecir
mientras los ecos repiten la canción
que dos genios han legado al porvenir.
Que la hermosa canción
por siempre vivirá
al calor del corazón.

Los campos están de fiesta
y por la floresta
el sol se derrama,
y a sus destellos de mágicas lumbres,
el llano y la cumbre
se envuelven de llamas.
Mientras que un criollo patriarcal
narra las horas
de las campañas
libertadoras,
cuando los hijos de este suelo
americano
por justa causa
demostraron
su valor.

José Luis Padula Letra: Eugenio Cárdenas

C’est la version chantée par Alberto Marino en 1964.

Traduction libre des paroles de Eugenio Cárdenas (version 1 de 1930)

Tandis que les clairons sonnent le réveil et que la vibration des cloches résonne aux confins,
mille souvenirs enflamment de joie les poitrines pour la gloire de ce jour qui ne sera jamais oublié.
Avec sa musique, le pampero laisse sur les patriotes alliés une beauté qui enchante.
Et sous le charme de ses notes, la campagne se lève avec révérence, au soleil de la Liberté.
L’hymne de chaque lèvre argentine germe, majestueux.
Et les âmes, tremblantes d’émotion, ne savent que bénir la Patrie tandis que les échos répètent le chant que deux génies ont légué à l’avenir.
Que la belle chanson vivra à jamais dans la chaleur du cœur.
Les campagnes sont en fête et le soleil se déverse à travers la forêt, et avec ses éclairs de feux magiques, la plaine et le sommet sont enveloppés de flammes.
Tandis qu’un criollo patriarcal raconte les heures des campagnes de libération, lorsque les enfants de ce sol américain pour une cause juste ont démontré leur courage.

Paroles de Eugenio Cárdenas (version 2 de 1931)

Hoy siento en mí
el despertar de algo feliz.
Quiero evocar aquel ayer
que me brindó placer,
pues no he de olvidar
cuando tembló mi corazón
al escuchar, con emoción,
esta feliz canción:

Brota, majestuoso, el Himno
de todo labio argentino.
Y las almas tremulantes de emoción,
a la Patria sólo saben bendecir
mientras los ecos repiten la canción
que dos genios han legado al porvenir.
Que la hermosa canción
por siempre vivirá
al calor del corazón.

En los ranchos hay
un revivir de mocedad;
los criollos ven en su
pasión
todo el amor llegar.
Por las huellas van
llenos de fe y de ilusión,
los gauchos que oí cantar
al resplandor lunar.

Los campos están de fiesta
y por la floresta
el sol se derrama,
y a sus destellos de mágicas lumbres,
el llano y la cumbre
se envuelven de llamas.
Mientras que un criollo patriarcal
narra las horas
de las campañas
libertadoras,
cuando los hijos de este suelo
americano
por justa causa
demostraron
su valor.

José Luis Padula Letra: Eugenio Cárdenas

Traduction libre des paroles de Eugenio Cárdenas (version 2 de 1931)

Aujourd’hui je sens en moi l’éveil de quelque chose d’heureux.
Je veux évoquer cet hier qui m’a offert du plaisir, car je ne dois pas oublier quand mon cœur a tremblé quand j’ai entendu, avec émotion, cette chanson joyeuse :
L’hymne de chaque lèvre argentine germe, majestueux.
Et les âmes, tremblantes d’émotion, ne savent que bénir la Patrie tandis que les échos répètent le chant que deux génies ont légué à l’avenir.
Que la belle chanson vivra à jamais dans la chaleur du cœur.
Dans les baraques (maison sommaire, pas un ranch…), il y a un regain de jeunesse ;
Les Criollos voient dans leur passion tout l’amour arriver.
Sur les traces (empreintes de pas ou de roues), ils sont pleins de foi et d’illusion, les gauchos que j’ai entendus chanter au clair de lune.
Les campagnes sont en fête et le soleil se déverse à travers la forêt, et avec ses éclairs de feux magiques, la plaine et le sommet sont enveloppés de flammes.
Tandis qu’un criollo patriarcal raconte les heures des campagnes de libération, quand les enfants de ce sol américain pour une juste cause ont démontré leur courage.

Vous êtes encore là ? Alors, à demain, les amis !

Una lágrima tuya 1949-05-27 – Orquesta José Basso con Francisco Fiorentino y Ricardo Ruiz

Mariano Mores Letra: Homero Manzi

Nous restons avec Mariano Mores qui nous avait donné Uno hier pour une autre merveille, Una lágrima tuya. Les paroles sont d’Homero Manzi, on reste dans le très haut du registre. Comme Uno, ce titre a été créé pour un film, Corrientes, calle de ensueños. Je pense que vous allez être très surpris par ce tango, mais est-ce vraiment un tango?

Fiorentino — Ruiz?

Pour cette œuvre un peu hors norme, José Basso s’est adjoint deux chanteurs de premier plan, Francisco Fiorentino et Ricardo Ruiz.
On est habitué à associer Francisco Fiorentino à Troilo, mais en 1944, Fiore avait mis les bouts pour créer son propre orchestre dont il confia la direction à Astor Piazzolla. Ce dernier partant à son tour, Fiorentino ira en 1948 chanter pour deux ans avec Basso.
De son côté Ricardo Ruiz est associé à Fresedo. Cependant, il avait quitté cet orchestre en 1942 et depuis 1947, il travaille avec Basso. En 1949, il est donc logique de trouver ces deux chanteurs en duo dans l’orchestre de José Basso.

Extrait musical

Una lágrima tuya 1949-05-27 — Orquesta José Basso con Francisco Fiorentino y Ricardo Ruiz.
Avec la photo de Mariano Mores, la partition de Una lagrima tuya.

Je pense que dès les premières mesures, vous avez été surpris par le rythme de cette œuvre. Les connaisseurs auront reconnu le rythme du malambo.
Vous connaissez sans doute le malambo sans le savoir, car son élément essentiel est le zapateo, ces jeux de jambes et de pieds que les hommes font durant la chacarera.
C’est une démonstration d’agilité, un défi que se lançaient les gauchos au XIXe siècle. C’est devenu aujourd’hui un élément de folklore et les groupes de danses traditionnelles présentent cette danse si enthousiasmante à pratiquer.
Comme il s’agit d’un défi, les hommes ont un regard sérieux pour ne pas dire « méchant ». Il ne s’agit pas de petites frappes au sol avec un grand sourire comme on peut le voir dans nos milongas, ou de petits battements de pieds, légers qui semblent caresser le sol.
Il n’y a pas à proprement parler de chorégraphie, chaque « danseur » (je mets danseur entre guillemets, car il s’agit plutôt d’un duelliste) fait preuve d’imagination et de créativité pour effectuer les figures les plus audacieuses. Le gagnant du duel est celui qui reste, le perdant part, épuisé ou dégoûté par les capacités de son adversaire.
La chacarera offre une forme « civilisée » du malambo. Pas question de se livrer à des exubérances, il s’agit de conquérir la femme, pas de lui faire peur. Par ailleurs, la chacarera est une danse de groupe et un peu d’harmonie dans l’ensemble est de rigueur.

Cette vidéo présente un duel de malambo effectué par deux adolescents. Vous reconnaîtrez la musique initiale qui est celle de notre « tango » du jour. C’est une création de Canal Encuentro, une merveilleuse chaîne culturelle argentine, malheureusement menacée, car la culture n’entre pas dans les priorités du nouveau président argentin, Javier Milei.

Dans la seconde partie de la musique, on retrouve une autre musique traditionnelle, la huella (à partir de 1 h 30). Vous connaissez certainement cette musique popularisée par Ariel Ramírez dans sa Misa criolla.

Pour faire d’une pierre, deux coups, vous pouvez entendre ici une interprétation de La Peregrinación (huella pampeana) faisant partie de la Misa Criolla. Il s’agit ici d’une danse chorégraphiée par un groupe de danse traditionnelle, mais on peut se rendre compte qu’il y a des similitudes avec la chacarera (vueltas et zapateos, par exemple).

Avec une référence au malambo norteño et à la huella pampeana sureña, Mores évoque le Nord et le Sud de l’Argentine.

Paroles

Una lágrima tuya
me moja el alma,
mientras rueda la luna
por la montaña.

Yo no sé si has llorado
sobre un pañuelo
nombrándome,
nombrándome,
con desconsuelo.

La voz triste y sentida
de tu canción,
desde otra vida
me dice adiós.

La voz de tu canción
que en el temblor de las campanas
me hace evocar el cielo azul
de tus mañanas llenas de sol.

Una lágrima tuya
me moja el alma
mientras gimen
las cuerdas de mi guitarra.

Ya no cantan mis labios
junto a tu pelo,
diciéndote,
diciéndote,
lo que te quiero.

Tal vez con este canto
puedas saber
que de tu llanto
no me olvidé,
no me olvidé.

Mariano Mores Letra: Homero Manzi

Traduction libre

Une de tes larmes mouille mon âme, tandis que la lune roule sur la montagne.
Je ne sais pas si tu as pleuré sur un mouchoir en me nommant, inconsolable.
La voix triste et sincère de ta chanson, d’une autre vie,
me dit adieu.
La voix de ta chanson qui dans le tremblement des cloches me fait évoquer le ciel bleu de tes matinées pleines de soleil.
Une de tes larmes mouille mon âme alors que les cordes de ma guitare gémissent.
Mes lèvres ne chantent plus, collées à tes cheveux, te disant, te disant, combien je t’aime.
Peut-être qu’avec cette chanson, tu pourras savoir que je n’ai pas oublié tes pleurs, je n’ai pas oublié.

Mariano Mores et le folklore

Ce n’est pas la seule fois où Mariano Mores fait référence au folklore dans ses compositions., par exemple :
Adiós, pampa mía qui incorpore des rythmes de pericón nacional et de estilo.
El estrellero (cheval qui lève la tête continuellement, ce qui gêne le cavalier) avec rythme de estillo.
Lors de ses tournées internationales, il était toujours accompagné de ballets de folklore, car, il ne laissait jamais de côté les danses folkloriques.

Autres versions

Una lagrima tuya 1948 — Orquesta Juan Deambroggio Bachicha con José Duarte.

Ce titre a été enregistré en France et édité par Luis Garzon qui a par ailleurs publié sa propre version dans les années 60 (à écouter plus bas). La date de 1948 semble bien précoce. J’ai contacté les éditions Luis Garzon, si j’obtiens des informations j’adapterai la date, si nécessaire.

Una lágrima tuya 1949-03-30 — Orquesta Aníbal Troilo con Edmundo Rivero y Aldo Calderón.

Cette version a connu le succès dès son lancement sur disque et à la radio. C’est la première version avec les paroles définitives de Manzi.

Una lágrima tuya 1949-05-27 — Orquesta José Basso con Francisco Fiorentino y Ricardo Ruiz. C’est notre version du jour.
Una lágrima tuya 1949-10-13 — Orquesta Francisco Canaro con Mario Alonso.

Canaro sort sa version, sans duo, un mois après la sortie du film dans lequel il est intervenu. Pour une fois, il n’est pas dans les premiers à avoir enregistré (sauf si on tient compte de la version du film enregistrée en août 1948).

Una lágrima tuya 1949 — Orquesta Atilio Bruni con Hugo Del Carril.

Una lágrima tuya 1949 — Orquesta Atilio Bruni con Hugo Del Carril. Une version bien adaptée au zapateo dans sa première partie (malambo), avec la belle voix chaude de Del Carril. Mariano Mores aurait aimé que De Carril chante dans le film, mais ce fut son frère qui chanta.

Una lágrima tuya (en vivo con glosas) 1951 — Orquesta Aníbal Troilo con Jorge Casal y Raúl Berón.

La qualité de cet enregistrement est très mauvaise, car c’est un enregistrement acétate, un support peu durable. Il a été réalisé en public lors d’un concert à San Pablo au Brasil et a été retransmis par Radio Bandeirantes. On peste contre ce son effroyable, mais quelle prestation ! On notera l’accent brésilien du présentateur qui annonce le titre, évoquant le malambo.

Una lágrima tuya charlo 1951-12-18 – Charlo y su orquesta.

Une belle version avec la voix qui domine un orchestre dont l’orchestration est originale.

Una lágrima tuya 1953 — Cristóbal Herrero y su orquesta típica Buenos Aires con Rodolfo Díaz y Beatriz Maselli.

Una lágrima tuya 1953 — Cristóbal Herrero y su orquesta típica Buenos Aires con Rodolfo Díaz y Beatriz Maselli. Pas étonnant que Herrero enregistre ce titre, car il avait été catalogué par Odeon du côté du folklore et ils lui faisaient enregistrer cela plutôt que du tango. Il était donc un spécialiste des deux genres, mais aurait préféré enregistrer du tango. Cet enregistrement est donc une revanche, car il a coupé l’introduction en malambo. Il n’a gardé que les accords finaux, typiques du malambo. On retrouve la marche, marquée par le bandonéon, mais guère plus que les autres versions, celle-ci est adaptée aux danseurs exigeants. L’autre originalité du titre est que c’est un duo homme-femme. J’aime bien.

Una lágrima tuya (En vivo) 1954-10-04 — Orquesta Juan Canaro con Héctor Insúa.

Le Japon s’est toqué du tango et les tournées des orchestres argentins ont été des succès formidables.

Una lágrima tuya 1954 — Luis Tuebols et son Orchestre typique argentin.

Oui, comme je l’ai mentionné à diverses reprises, l’histoire du tango n’est pas qu’en Argentine et Uruguay. Luis Tuebols a continué à promouvoir le tango en France, notamment en enregistrant avec Riviera, puis Barclay. Cet enregistrement fait partie des enregistrements avec Riviera en 78 tours. Il sera réédité en 33 tours en 1956 par Barclay.

Una lágrima tuya 1957-04-30 – Orquesta Mariano Mores con Enrique Lucero.

Voici comment Mariano Mores interprète sa création. On remarquera la voix profonde de son frère, Enrique Lucero. Ce dernier est celui qui chante dans le film avec Canaro (enregistrement du 31 août 1948 au teatro Maipo). Mariano joue le même thème, mais au piano solo. Vous pourrez voir cette vidéo à la fin de cet article.

Una lagrima tuya 1959 c — Primo Corchia y su Orquesta.

Primo Corchia, encore un exemple français du tango (même s’il est né en Italie, il a fait toute sa carrière en France).

Una lágrima tuya 1961-05-05 — Orquesta José Basso.

Un autre enregistrement de José Basso, instrumental celui-ci. Il assume parfaitement son affiliation au folklore. Le rythme est plus rapide que dans la version de 1949. J’espère que ce petit coup de projecteur sur ce musicien trop souvent négligé, José Basso vous donnera envie d’en écouter, voire danser, plus.

Et pour terminer cette liste bien incomplète, je vous propose deux curiosités :

Una lagrima tuya 1961 c— Orchestre Luis Garzon.

C’est celui qui aurait publié dès 1948 l’enregistrement de Bachicha. Cette version est purement musette. Le beau rythme de marche du malambo du départ, se commue en rythmique de tango musette, mais pas tout le temps. J’imagine que c’est une des raisons du succès de ce tango en France, la marche très marquée écrite par Mores s’adapte parfaitement au style musette. Le terme musette, vient de l’instrument à vent, de la famille des cornemuses, utilisé dans les bals populaires en France. Contrairement aux instruments des Écossais, la musette appelée cabrette dans le Massif-Central se remplit à l’aide d’un soufflet et non pas en soufflant dans une embouchure. Le joueur de musette peut donc chanter en jouant.

Una lagrima tuya y Adiós Pampa mía 1994 – Roberto Gallardo y su gran orquesta con Beatriz Suarez Paz y Oscar Larroca (hijo).

Deux titres de Mariano Mores ayant trait au folklore, enchaînés, Una lágrima tuya et Adiós Pampa mía. Le nom du chanteur vous dit certainement quelque chose, c’est le fils du chanteur des mêmes nom et prénom qui chanta si bien, par exemple avec De Angelis.
Encore un petit mot sur le film pour lequel Mores a écrit ce thème.

Corrientes, calle de ensueños, le film

Corrientes, calle de ensueños est un film de Román Viñoly Barreto sur un scénario de Luis Saslavsky sorti le 29 septembre 1949.

Une publicité pour le film Corrientes, calle de ensueños. Cette rue a une histoire et je dois la conter.

Homero Manzi, peu de temps avant sa mort, regrettait de ne pas avoir travaillé en collaboration avec Mariano Mores. Oscar Del Priore et Irene Amuchástegui racontent dans Cien tangos fundamentales (Mariano Mores a d’ailleurs écrit le prologue de ce livre…) que Mores de visite chez Manzi, joue ce thème au piano et peu après, Manzi fait savoir à Mores qu’il a des paroles à lui proposer pour sa musique. En réalité, les paroles définitives évolueront, jusqu’à la version que donnera Canaro avec Alonso en 1949, quelque temps avant le lancement du film.
Canaro était bien placé pour connaître cette œuvre, puisqu’il l’interprète, justement à la fin du film, mais ce n’est pas cet extrait que je vais vous présenter. Parmi les acteurs, Mariano Mores, lui-même, dans son premier rôle au cinéma. Dans cet extrait du début du film, il joue le titre au piano. De quoi bien terminer cette chronique.

Mariano Mores joue Una lágrima tuya au piano au début du film Corrientes, calle de ensueños