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Buscándote 1941-12-30 — Orquesta Osvaldo Fresedo con Ricardo Ruiz

Eduardo “Lalo” Scalise (Eduardo Scalise Regard)

Buscán­dote est un des thèmes les plus émou­vants du tan­go. Par la qual­ité de la musique et des paroles de Eduar­do “Lalo” Scalise El poeta del piano, mais aus­si par la sim­plic­ité et la ron­deur de l’interprétation par Frese­do et Ruiz, pour notre tan­go du jour. Nous allons en prof­iter pour regarder de plus prêt com­ment fonc­tionne une par­ti­tion.

Extrait musical

Buscán­dote 1941-12-30 — Orques­ta Osval­do Frese­do con Ricar­do Ruiz
Pre­mière page de la par­ti­tion retran­scrite par Lucas Cáceres.

Cette pre­mière page présente les qua­tre pre­mières mesures. On voit les dif­férents instru­ments. T (ténor, Ricar­do Ruiz, dans cet enreg­istrement), puis 4 vio­lons, 4 ban­donéons, un piano et une con­tre­basse.
À l’armure, il y a deux diès­es, nous sommes en Si mineur. Un mode nos­tal­gique, voire triste. Dans la pre­mière mesure, on remar­que qu’il y a une seule note, un la à la main gauche du piano. La deux­ième mesure com­mence avec la sec­onde note du piano, un fa# de 4 temps (note ronde). En même temps, la con­tre­basse com­mence à mar­quer tous les temps (4 par mesure) en com­mençant par un Ré, puis un La et elle va effectuer un mou­ve­ment de bas­cule entre deux notes, Do# Fa# à la mesure suiv­ante et ain­si de suite sur env­i­ron la moitié des mesures de la par­ti­tion. Cela porte la marche, chaque temps est indiqué. Libre aux danseurs de les effectuer ou de choisir plutôt de s’aligner sur des élé­ments de la mélodie.
On remar­quera que les ban­donéons et vio­lons qui débu­tent aus­si à la deux­ième mesure com­men­cent par un silence, suivi de trois croches. Ce motif se répète. Il est assez dis­cret, mais vous n’aurez pas de peine à repér­er ce pouf pouf pouf — pouf pouf pouf dans le début de la musique. L’envolée des vio­lons y met fin, pour com­mencer à énon­cer la pre­mière par­tie (A).

La par­ti­tion du ténor avec la pho­to de Ricar­do Ruiz. J’ai rajouté le début des paroles en rouge. La par­ti­tion a été pro­posée égale­ment par Lucas Cáceres.

Ici, c’est la par­ti­tion du ténor (Ricar­do Ruiz dans notre cas) qui ne com­mence à chanter qu’à par­tir de la mesure 43 (en lev­ée de la 44).
On se sou­vient que le début de la par­ti­tion était en Ré mineur, après un pas­sage en Fa mineur, Ruiz com­mence à chanter en Fa majeur. La présence de diès­es sur 4 des Sols et un Do, font bas­culer cer­tains pas­sages en Ré mineur).

Roue des modes, majeurs et mineurs, avec le nom des notes à gauche, et avec les let­tres à droite.

Une petite aide pour vous aider à vous repér­er dans les tonal­ités. Le nom­bre de diès­es ou bémols à la clef donne la tonal­ité dont le mode peut être majeur ou mineur. Pour décider, il faut écouter. Sou­vent, il y a beau­coup de change­ments de tonal­ités et des altéra­tions (Diès­es, ou Bémols) ponctuelles qui ren­dent dif­fi­cile de décider la tonal­ité exacte util­isée. Mais ce n’est pas si impor­tant, ce qui l’est, c’est unique­ment de savoir si c’est majeur ou mineur, pour adapter la danse à la sen­si­bil­ité de la musique, donc l’écoute est suff­isante.
Main­tenant que vous êtes au point, je vous pro­pose de suiv­re la par­ti­tion durant l’écoute, grâce au tra­vail remar­quable de Lucas Cáceres.

Par­ti­tion ani­mée de Buscán­dote, une vidéo réal­isée par Lucas Cáceres.

Vous remar­querez qu’il y a toutes les par­ties, et qu’il y a donc beau­coup de change­ments de pages. Dans un orchestre, chaque instru­ment n’a que sa par­tie et si cela vous intéresse, vous pou­vez vous les obtenir en vous abon­nant à son Patre­on.
Assez par­lé de la musique, intéres­sons-nous aux paroles, main­tenant.

Paroles

Vagar con el can­san­cio de mi eter­no andar
tris­teza amar­ga de la soledad
ansias enormes de lle­gar.
sabrás que por la vida fui buscán­dote
que mis ensueños sin quer­er vencí
que en algún cruce los dejé
mi andar apresuré
con la esper­an­za de encon­trarte a ti
lar­gos caminos hil­vané
leguas y leguas recor­rí por ti
después que entre tus bra­zos pue­da des­cansar
si lo pre­fieres volveré a mar­char
por mi camino de ayer
sabrás que por la vida fui buscán­dote
que mis ensueños sin quer­er rompí
que en algún cruce los dejé
mi andar apresuré
con la esper­an­za de encon­trarte a ti
lar­gos caminos hil­vané
leguas y leguas recor­rí por ti
después que entre tus bra­zos pue­da des­cansar
si lo pre­fieres volveré a mar­char
por mi camino de ayer.
Eduar­do “Lalo” Scalise (Eduar­do Scalise Regard)

Traduction libre

Errer avec la fatigue de ma marche éter­nelle, l’amère tristesse de la soli­tude, l’énorme désir d’ar­riv­er.
Tu sauras qu’à tra­vers la vie je t’ai cher­chée, que j’ai dépassé mes rêves sans le vouloir, qu’à un croise­ment je les ai lais­sés. Ma marche pré­cip­itée dans l’e­spoir de te trou­ver.
Après que je pour­rai me repos­er dans tes bras, si tu préfères, je retourn­erai à marcher par mon chemin d’hi­er.
Tu sauras qu’à tra­vers la vie je t’ai cher­chée, que j’ai dépassé mes rêves sans le vouloir, qu’à un croise­ment je les ai lais­sés. Ma marche pré­cip­itée dans l’e­spoir de te trou­ver.
J’ai enchaîné de longues routes, des lieues et des lieues que j’ai par­cou­rues pour vous.
Après que je pour­rai me repos­er dans tes bras, si tu préfères, je retourn­erai à marcher par mon chemin d’hi­er.

Autres versions

Il n’y a pas d’enregistrement de l’âge d’or, autre que celui de Frese­do et Ruiz. Cepen­dant, la pas­sion européenne pour Frese­do fait que beau­coup d’orchestre du 21e siè­cle se sont lancés dans l’enregistrement de ce chef d’œuvre, avec des for­tunes divers­es.

Buscán­dote 1941-12-30 — Orques­ta Osval­do Frese­do con Ricar­do Ruiz. C’est notre tan­go du jour, le mètre étalon, la référence absolue.
Buscán­dote 2000-06-01 — Klaus Johns.

Une ver­sion instru­men­tale avec un par­ti pris de tem­po par­ti­c­ulière­ment lent. C’est prob­a­ble­ment à class­er au ray­on des étrangetés, mais cer­taine­ment pas à pro­pos­er au bal.

Buscán­dote 2012 — Sex­te­to Milonguero con Javier Di Ciri­a­co.

On ne présente plus cet orchestre qui a fait notre joie, et notam­ment son Directeur, chanteur, Javier Di Ciri­a­co, pen­dant une quin­zaine d’années.

Buscán­dote 2012 — Solo Tan­go Orques­ta.

Cet orchestre russe a égale­ment son pub­lic. Ils pro­posent, ici, une ver­sion instru­men­tale.

Buscán­dote 2013 — Ariel Ardit y Orques­ta Típi­ca.

L’incroyable solo de vio­lon qui ouvre cette ver­sion peut sur­pren­dre. Mais, une fois lancé, avec un rythme bien mar­qué par les ban­donéons et tou­jours dom­iné par les cordes et ce superbe vio­lon, fait que c’est cer­taine­ment une ver­sion « chair de poule » pour beau­coup. La belle voix, puis­sante et chaude d’Ariel Ardit ter­mine de faire de cette ver­sion remar­quable. Pour la danse, les arras­tres d’Ariel peu­vent gên­er cer­tains danseurs et le rythme rapi­de peut faire que l’on préfère d’autres ver­sions. Je pense qu’en Europe cette inter­pré­ta­tion aurait des ama­teurs.

Buscán­dote 2013 — Hype­r­i­on Ensem­ble con Rubén Peloni.

Après l’écoute de l’enregistrement d’Ariel Ardit, cette ver­sion tran­quille peut paraître un peu faible, mais il faut la com­par­er à notre étalon, la ver­sion de Frese­do et Ruiz, pour voir que c’est une belle réal­i­sa­tion, intime et bien accordée au thème de la chan­son.

Buscán­dote 2014 (En vivo) — Sex­te­to Milonguero con Javier Di Ciri­a­co.

Une ver­sion avec pub­lic qui per­met de se sou­venir de l’ambiance que met­tait cet orchestre. C’était à Rosario (Argen­tine) lors de l’Encuentro Tanguero del Inte­ri­or (ETI). J’ai eu la chance de voir et écouter cet orchestre de nom­breuses fois, c’est vrai­ment dom­mage qu’il n’existe plus.

Buscán­dote 2015 — Cuar­te­to SolTan­go.

Ce cuar­te­to, avec beau­coup moins d’instruments s’approche de la ver­sion de Frese­do. Une belle per­for­mance. Le solo de vio­lon qui rem­place la voix de Ricar­do Ruiz, bien que bien chan­tant, est sans doute ce qui peut faire baiss­er la valeur de l’ensemble, sauf pour les danseurs qui n’aiment pas les chanteurs. Si, il y en a, et, à mon avis, la prin­ci­pale rai­son, est que cer­tains DJ met­tent des chan­sons tan­go au lieu de véri­ta­bles tan­gos chan­tés de danse.

Buscán­dote 2015 — Orques­ta La 2X4 Rosa­ri­na con Martín Piñol.

Retour à une ver­sion chan­tée. La voix de Martín Piñol pour­rait béné­fici­er d’un orchestre plus accom­pli. La prise de son mérit­erait d’être meilleure égale­ment. Le résul­tat ne risque pas de détrôn­er, la ver­sion de Frese­do qui en est claire­ment le mod­èle.

Buscán­dote 2015-07-09 — Esquina Sur con Diego Di Mar­ti­no.

Je vous avais bien dit qu’il y avait une folie à notre époque pour Frese­do. Cet enreg­istrement de Esquina Sur en est une autre preuve. La voix de Di Mar­ti­no, s’élance légère et flu­ide par-dessus l’orchestre, ce n’est pas vilain, mais là encore, Frese­do et Ruiz restent en tête.

Buscán­dote 2016-03-01 — El Cachivache Quin­te­to.

El Cachivache signe une ver­sion plus per­son­nelle, qui n’est pas qu’une sim­ple imi­ta­tion de Frese­do et on leur en est gré, même si l’utilisation d’autres instru­ments comme la gui­tare élec­trique peut don­ner des bou­tons à des milongueros sclérosés. C’est une ver­sion instru­men­tale, mais la diver­sité des vari­a­tions fait que ce n’est pas monot­o­ne. L’entrée avec une gamme de do majeur descen­dent suiv­ie d’une gamme ascen­dante est très orig­i­nale. Le final est égale­ment intéres­sant, c’est une ver­sion qui peut faire l’affaire avec des tangueros curieux. Elle devrait plaire aus­si à Angela C. car il y a une bonne pro­por­tion de mode majeur dans cette ver­sion, con­traire­ment à la ver­sion de Frese­do qui est majori­taire­ment en mode mineur 😉

Buscán­dote 2016-12 — Orques­ta Román­ti­ca Milonguera con Rober­to Minon­di.

Avec la Román­ti­ca Milonguera on revient à un reg­istre plus clas­sique, même si cet orchestre a su créer son pro­pre son. Ici, c’est Rober­to Minon­di qui nous rav­it.

Buscán­dote 2019 — Cuar­te­to Mulen­ga. Cette ver­sion présente l’intérêt de voir les instru­men­tistes opér­er. Mais ce titre est aus­si sur CD. Cliquez sur le lien pour voir la vidéo. https://youtu.be/WHJq2fwE3Fk . Vidéo réal­isée au Bode­gon (restau­rant) El Des­ti­no, à Quilmes (Province de Buenos Aires).

Buscán­dote 2021-03 Orques­ta Típi­ca Andar­ie­ga.

Un début orig­i­nal, qui peut faire douter durant les 30 pre­mières sec­on­des qu’on écoute Buscán­dote. On notera la descente de piano, très orig­i­nale durant ce début. Le reste de l’orchestration renou­velle égale­ment l’œuvre, qui est comme décom­posée, déstruc­turée au prof­it de solos qui se super­posent. C’est presque un ensem­ble de cita­tions de l’œuvre orig­i­nale, plus qu’une inter­pré­ta­tion au sens habituel. La fin ne dis­sipera pas cette impres­sion.

Je te cherche, pas à pas

Comme DJ, je m’intéresse à savoir com­ment les danseurs vont pou­voir inter­préter la musique que je pro­pose.
J’ai trou­vé cette petite pépite, réal­isée par Jua­na Gar­cía y Julio Rob­les. Elle mon­tre les temps et con­tretemps.

Cliquez sur le lien pour con­sul­ter la vidéo. https://youtu.be/RjNY9pnNUoA

Pos­er les pieds en rythme est la toute pre­mière étape du danseur de tan­go et, même si cer­tains ne s’y résol­vent pas, il me sem­ble qu’il faut aller beau­coup plus loin, le tan­go étant une danse d’improvisation. On tir­era cepen­dant de cette vidéo un élé­ment très intéres­sant, la sépa­ra­tion entre les dif­férentes par­ties. Savoir les repér­er per­met d’adapter la danse en changeant le style pour chaque par­tie.
Il faut aus­si savoir dis­tinguer la phrase musi­cale, afin que le cou­ple se retrou­ve dans un état d’attente ou pour le moins cohérent avec la prochaine tran­si­tion ou enchaîne­ment de phras­es. Cer­tains comptent de 1 à 8, mais c’est beau­coup plus agréable de se laiss­er porter par la struc­ture de la musique.
Je décon­seille donc le comp­tage, sauf pour des choré­gra­phies en groupe, ce qui n’est pas du même domaine que le tan­go social qui nous intéresse ici, car je trou­ve dom­mage d’occuper son cerveau dans une tâche qui n’aide pas à enten­dre la musique.
Il me sem­ble qu’il est ample­ment préférable de tra­vailler son « instinct », car, rapi­de­ment, le corps saura quand la musique va chang­er et, incon­sciem­ment, il va se pré­par­er, ce qui vous per­me­t­tra de danser l’esprit totale­ment libre, en vous lais­sant porter.
Ce même instinct sert au DJ pour iden­ti­fi­er les musiques plus dans­ables que d’autres. Le DJ fait marcher ses danseurs et eux le suiv­ent. Il a donc la respon­s­abil­ité d’ouvrir la voie et de leur pro­pos­er des chemins dont les dif­fi­cultés sont adap­tées.

À bien­tôt, les amis, mer­ci de me suiv­re.

À bien­tôt, les amis, mer­ci de me suiv­re.