T.B.C. 1953-08-11 – Orquesta Edgardo Donato con Roberto Morel y Raúl Ángeló

Letra: ; Víctor Soliño

Nous vivons dans un monde de fous et le poids d’un baiser volé est sans doute tellement lourd aujourd’hui que l’on n’oserait plus écrire des paroles comparables à celles de notre tango du jour. Les initiales T.B.C. signifient Te bese (je t’ai embrassé). Mais nous verrons d’autres significations possibles pour les premières versions.

Ascanio

Ascanio Ernesto Donato

Ascanio Donato (14 octobre 1903 – 31 décembre 1971) est un des 8 frères de Edgardo Donato, l’interprète de notre tango du jour. Contrairement à son grand frère, Edgardo (violoniste) ou même son petit frère, Osvaldo (pianiste), Ascanio est peu connu. Le site TodoTango, qui est en général une bonne source, l’indique comme violoniste, alors qu’il était violoncelliste.
Sa fiche dans le répertoire des auteurs uruguayens est plus que sommaire : https://autores.uy/autor/4231. Avec seulement la date de naissance et un seul de ses prénoms et pas de date de décès. En effet, contrairement à son aîné, Edgardo qui est né à , Ascanio est né à Montevideo.
L’œuvre a été déposée le 22 janvier 1929 (n° 40855) sous le nom de A.E. Donato (Ascanio Ernesto Donato). À l’époque, il était déjà violoncelliste avec ses frères, Osvaldo au piano et Edgardo à la direction et au violon. On notera que le dépôt a eu lieu en 1929, mais que a été enregistré pour la première fois en 1927.
Un autre dépôt a été effectué en Argentine le 19 décembre 1940 (# 2535 | ISWC T0370028060) et cette fois, le dépôt est au nom d’Edgardo. Cependant, les premiers disques mentionnent A. Donato.

Différents disques de TBC

Les premiers disques indiquent bien A. Donato. Celui de Veiga réalisé à New York indique E Donato et pas les auteurs du texte, chanté. Celui de réalisé en Espagne indique juste Donato. Celui de De Angelis indique E. Donato et celui du quintette du pianiste Oscar Sabino, de nouveau, A. Donato… On notera que le premier disque, celui de Carlos Di Sarli à gauche ne mentionne pas les auteurs des paroles, l’œuvre étant instrumentale.

Je propose de conserver l’attribution à Ascanio, d’autant plus que je verse au dossier une partition qui lui attribue l’œuvre…

Extrait musical

Partition de TBC indiquant AE Donato donc sans ambiguïté Ascanio Ernesto Donato
T.B.C. (Te bese) 1953-08-11 – Orquesta Edgardo Donato con Roberto Morel y Raúl Ángeló

Paroles

Les paroles semblent avoir été ajoutées postérieurement. Nous y reviendrons.

Te besé
y te cabriaste
de tal manera
que te pusiste
hecha una fiera.
Y hasta quisiste,
sin más motivo,
darme el olivo
por ser audaz.

Total
no es para tanto,
no ves
que estaba « colo ».
Pensá
que fue uno sólo
y al fin
te va a gustar.
No digas que no,
que cuando sepas,
besar
dando la vida
serás
tu quien me pida
y sé
qué me dirás.

Bésame,
que no me enojo,
bésame,
como en el cine.
Un beso de pasión,
que al no poder respirar,
me detenga el corazón.
Bésame,
Negro querido,
el alma
dame en un beso
que me haga estremecer
la sensación
de ese placer.
Ascanio Donato Letra: Roberto Fontaina; Víctor Soliño

Traduction libre

Je t’ai embrassée et tu t’es tellement fâchée que tu es devenue une bête sauvage. Et tu voulais même, sans plus de raison, t’enfuir (Dar el olivo, c’est partir, fuir) pour avoir été audacieux.
Quoi qu’il en soit, ce n’est pas si mal, ne vois-tu pas que c’était « colo » (Loco, fou en verlan).
J’ai pensé que ce serait un seul et qu’au final tu aimerais. Ne dis pas non, que quand tu sais, embrasser en donnant la vie, tu seras celle qui me demandera et je sais ce que tu me diras :
« Embrasse-moi, que je ne me fâche pas, embrasse-moi, comme au cinéma. Un baiser de passion, que de ne plus pouvoir respirer, mon cœur s’arrête.
Embrasse-moi, mon chéri (Negro est un surnom affectueux qui peut être donné à quelqu’un qui n’est pas noir), donne-moi un baiser à l’âme qui me fasse secouer la sensation de ce plaisir.« 

Comme pour beaucoup de paroles de tango, il convient de faire des hypothèses quant à la signification exacte. Le fait que des femmes et des hommes l’aient chanté permet de relativiser l’affaire, ce ne sont pas d’horribles machistes qui violentent des femmes non consentantes.
Certains voient dans le tango des histoires de bordels, mais dans la grande majorité, les histoires sont plutôt sentimentales, c’est-à-dire qu’elles parlent de sentiments. Que ce soit l’illusion, l’amour fou, la détresse de l’abandon, le repentir, le regret. En dehors de l’époque des prototangos et des premiers tangos qui avaient des paroles assez crues et où les mecs faisaient les bravaches, la plupart des titres est plutôt romantique.
Je veux voir dans le texte de ce tango une idylle naissante, peut-être entre des adolescents, pas le cas d’un taita qui s’impose à une mina désemparée, d’autant plus que le texte peut être vu des deux points de vue, comme le prouvent les versions que je vous propose.
Pour la traduction, j’ai choisi de faire parler un homme, puisque ce sont des hommes qui chantent notre tango du jour et le dernier couplet pourrait-être la réponse de la femme qui se rend aux arguments, à la sollicitation de l’homme. Mais on peut totalement inverser les rôles.
Les premiers enregistrements sont instrumentaux. T.B.C. peut dans ce cas signifier Te Bese, ou TBC (sans les points) qui désigne la tuberculose… TBC est aussi un club nautique de Tigre (près de Buenos Aires) TBC pour Tigre Boat Club. De nombreux tangos font référence à un établissement, ou un club. Mais le fait qu’il soit à Tigre et pas à Montevideo limite la portée de cette hypothèse.
L’excellent site bibletango.com indique que le titre serait inspiré par un club assez spécial de Montevideo, mais sans autre précision. Si on excepte l’acception TBC=Tuberculose, je ne trouve pas de club en relation avec T.B.C. à Montevideo.

Avec les paroles de Roberto Fontaina et Víctor Soliño, le doute n’est plus permis, c’est bien Te bese qu’il faut comprendre.
Roberto Fontaina et Víctor Soliño travaillaient à Montevideo. Ce qui confirme l’origine uruguayenne de ce titre.

Autres versions

Ce tango a été enregistré à diverses reprises et en deux vagues, à la fin des années 20 et dans les années 50.
Les enregistrements de 1927 et 1928 sont instrumentaux.

T.B.C. 1927-11-28 – Orquesta Julio De Caro.

Premier , instrumental.

T.B.C. 1928-11-26 – Sexteto Carlos Di Sarli. Une version instrumentale.

Une autre version instrumentale.

Quiroga nous propose la première version chantée.

T.B.C. 1929-01-22 – Rosita Quiroga con guitarras y silbidos.

Je trouve cette version fraîche et délicieuse. Toute simple et qui exprime bien le texte. Remarquez les sifflements.

T.B.C. (Te bese) 1929-06-19 – .

Cette version a été enregistrée à New York, ce qui une fois de plus prouve la diffusion rapide des œuvres. On n’est pas obligé d’apprécier la voix un peu traînante de Veiga.

T.B.C. (Te bese) 1930 Orquesta Rafael Canaro con y Rafael Canaro.

Rafael se joint à Carlos Dante pour le refrain dans un duo sympathique. Cette version a été enregistrée en Espagne, par le plus français des Canaro.

T.B.C. (Te bese) 1952-12-05 – Florindo Sassone con Roberto Chanel.

Une version typique de Sassone qui remet au goût du jour ce thème. C’est un peu trop grandiloquent à mon goût. Roberto Chanel, semble rire au début, sans doute pour dédramatiser sa demande. En revanche, l’orchestre passe au second plan et cela permet de profiter de la belle voix de Chanel.

T.B.C. (Te bese) 1953-08-11 – Orquesta Edgardo Donato con Roberto Morel y Raúl Ángeló. C’est notre tango du jour.

Après l’écoute de Sassone, on trouvera l’interprétation beaucoup plus sèche et nerveuse. Pour le premier disque de ce tango de son frère (ou de lui…), c’est un peu tardif, mais c’est plutôt joli. Cela reste dansable. Comme dans la version de Rafael Canaro qui initie le premier duo, le refrain est chanté par Morel et Ángeló.

T.B.C. (Te bese) 1957-07-17 – Diana Durán con orquesta.

À comparer à la version de Rosita Quiroga de 28 années antérieure. On peut trouver que c’est un peu trop dit et pas assez chanté. Je préfère la version de Rosita.

T.B.C. (Te bese) 1960-10-19 – Orquesta Alfredo De Angelis con Lalo Martel.

Lalo Martel, reprend le style décontracté et un peu gouailleur de ses prédécesseurs.

T.B.C. (Te bese) 1990 C – Los Tubatango.

Et on ferme la boucle avec une version instrumentale avec un orchestre qui s’inspire des premiers orchestres de tango…

TBC Inspiré de Psyché ranimée par le baiser de lAmour Antonio Canova

J’ai utilisé un des baisers les plus célèbres de l’histoire de l’art, celui immortalisé dans le marbre par Antonio Canova et que vous pouvez admirer au Musée du Louvre (Paris, France) pour l’image de couverture.

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