Carlos Gardel, enfant de France

Car­los Gardel à Albi en 1934

Même si la polémique sem­ble éteinte, il reste quelques foy­ers de résis­tance refu­sant encore d’attribuer la nais­sance de Car­los Gardel à Toulouse.

Arti­cle pub­lié le 14 NOVEMBRE 2016 sur l’an­cien site
Depuis, un excel­lent site a vu le jour sur le sujet (Musée virtuel Gardel). Vous y trou­verez des com­plé­ments.

Dans cette mise à jour, j’y fais quelques liens et références. 

La dispute sur la nationalité de Gardel

Plusieurs doc­u­ments irréfuta­bles exis­tent pour prou­ver la nation­al­ité d’o­rig­ine de Car­los Gardel. Ils sont plus solides que les doc­u­ments Uruguayens qui sont des déc­la­ra­tions très large­ment postérieures à la nais­sance de Gardel et qui avaient prob­a­ble­ment des buts du genre, se faire oubli­er pen­dant la pre­mière guerre mon­di­ale où il aurait été con­sid­éré comme déser­teur, car né français et pour éviter (en 1920) cer­taines pour­suites en se ren­dant blanc comme… plâtre (escay­ola) en s’inventant une fil­i­a­tion comme  » Car­los Escay­ola » fils de Car­los Escay­ola et María Gardel, ce Car­los Escay­ola étant rap­proché d’un fils d’un sec­ond mariage d’un Colonel Car­los Escay­ola né en 1876 (soir 14 ans plus vieux que l’âge français de Gardel). À not­er que les deux « par­ents » sont morts à la date de l’établissement de ces doc­u­ments, ce qui sem­ble pra­tique et peut con­va­in­cre qu’ils n’avaient pas con­nais­sance de ce reje­ton encom­brant…

Con­sul­tez les docu­ments du Musée virtuel Gardel sur la posi­tion mil­i­taire de Garde.

« En 1920 la com­pañía de Rosas lo con­vocó para via­jar a España por una tem­po­ra­da teatral. Él esta­ba indoc­u­men­ta­do, porque el hecho de no con­cur­rir a la emba­ja­da para reg­is­trarse como ciu­dadano francés le impidió recibir la car­tilla mil­i­tar y el reg­istro en gen­darmería. Entonces, él decidió en 1920 inscribirse en el con­sula­do uruguayo amparán­dose en una leg­is­lación muy par­tic­u­lar para súb­di­tos uruguayos res­i­dentes en otros país­es. Se reg­istró como uruguayo naci­do en Tacuarem­bó tres años antes de su ver­dadero nacimien­to: se anotó como naci­do el 11 de diciem­bre pero de 1887. En vez de pon­er Gardes, se inscribió como Gardel, su nom­bre artís­ti­co.«  En 1920, la com­pag­nie de Rosas l’invite à voy­ager en Espagne pour une tournée théâ­trale. Il était sans papi­er car il n’était pas allé se faire enreg­istr­er à l’ambassade comme citoyen français et n’a donc pas reçu ses papiers (sinon, il aurait du par­tir faire la guerre en 1918 et aurait été arrêté comme déser­teur s’il l’avait fait par la suite). Ain­si, déci­da-t-il de s’inscrire au con­sulat uruguayen en ver­tu d’une lég­is­la­tion spé­ciale pour les sujets uruguayens rési­dant dans d’autres pays. Il a été inscrit comme étant né à Tacuarem­bó, trois ans avant sa date de nais­sance réelle, le 11 décem­bre de 1887. Au lieu de choisir Gardes, il pris son nom d’artiste, Gardel.

On attribue sou­vent à ce man­que­ment à ses oblig­a­tions mil­i­taires en France, la com­po­si­tion de silen­cio
« Dice la « leyen­da », que Car­los Gardel y Alfre­do Le Pera vis­i­taron en Fran­cia la tum­ba de 5 her­manos y su madre, que habrían muer­to durante la Gran Guer­ra de 1914–18. Y que quedaron tan impre­sion­a­dos por lo vis­to, que esa mis­ma noche com­pusieron la can­ción.«  La légende pré­tend que Car­los Gardel et Alfre­do La Pera vis­itèrent en France la tombe de cinq frères et leur mère, tués pen­dant la grande guerre 14–18 et qu’ils ont été telle­ment impres­sion­nés par cette vis­ite qu’ils écrivirent la chan­son la nuit même.

Vous trou­verez en bas de page, des liens vers divers doc­u­ments, comme des cartes postales écrites à sa famille française, cartes dif­fi­ciles à expli­quer s’il était effec­tive­ment uruguayen…

Revenons donc aux doc­u­ments orig­in­aux, étab­lis au noms de Charles Gardes :

Les preuves de la naissance à Toulouse d’un Charles Gardes

Acte de nais­sance de Charles Romuald Gardes à l’hôpital de la Grave à Toulouse

Acte de nais­sance de Charles Romuald Gardes à lhôpital de la Grave à Toulouse Cet acte indique que le 11 décem­bre 1890 Charles Romuald est né à deux heures du matin à lhôpital de la Grave
Copie lit­térale de lacte de nais­sance de Charles Romuald Gardes à lhôpital de la Grave à Toulouse Cet acte indique que le 11 décem­bre 1890 Charles Romuald est né à deux heures du matin à lhôpital de la Grave
Reg­istre de lhos­pice de la Grave avec le nom de la mère de Charles Gardes

Acte de Bap­tême de Car­los Gardel

Acte de bap­tême de Car­los Gardel le 11 décem­bre lende­main de sa nais­sance

Ces qua­tre doc­u­ments incon­testa­bles prou­vent qu’un enfant de sexe male est né à Toulouse et qu’il s’ap­pelait Charles Romuald Gardes. Reste à prou­ver que ce bam­bin est bien allé en Argen­tine.

Le document témoignant de son entrée en Argentine

Ce titre est émis par la Direc­tion Générale de l’immigration de la République Argen­tine sous le numéro 122 (sa mère est sous le numéro 121).

Récipis­sé dinscription dans les reg­istres de limmigration argen­tine en date du 11 mars 1893 établi au nom de Charles Gardes âgé de 2 ans en prove­nance de Bor­deaux sur le vapeur Don Pedro

Récipis­sé d’inscription dans les reg­istres de l’immigration argen­tine en date du 11 mars 1893 établi au nom de Charles Gardes, âgé de 2 ans, en prove­nance de Bor­deaux sur le vapeur Don Pedro.

Dans ce doc­u­ment Gardel, s’appelle encore Gardes et son prénom est Charles.
Le 11 mars 1893, Gardel est men­tion­né dans ce doc­u­ment comme ayant 2 ans, ce qui cor­re­spond, à trois mois près à son âge exact.
La bateau est le Don Pedro, un vapeur qui devait par­tir du Havre le 8 févri­er 1893 (à des­ti­na­tion de La Pla­ta).
On trou­ve trace de ce voy­age, le 10 févri­er, départ effec­tif du Havre avec comme cap­i­taine Vin­cent Marie Crec­quer.
Le 14, ce bateau par­tait de Pauil­lac (où auraient embar­qué Berthe et Charles) à des­ti­na­tion de San­ta Cruz de Tener­ife où il arrive et repart le 20 févri­er pour se lancer dans la tra­ver­sée de l’Atlantique jusqu’en Uruguay.
Il arrive le 9 mars à Mon­te­v­ideo et en repart le 10 pour Buenos Aires où il arrive prob­a­ble­ment le 11 mars si on tient compte de la durée de la tra­ver­sée du Rio de la Pla­ta et des dates des cer­ti­fi­cats d’immigration de Berthe et Charles.
Il y a un petit doute sur la date d’arrivée, les doc­u­ments mar­itimes évo­quant le 12 mars pour le débar­que­ment. On peut très bien imag­in­er que les autorités d’immigration sont mon­tés à bord le 11, à l’arrivée, mais que le désem­bar­que­ment ne s’est effec­tué que le lende­main pour tenir compte des délais de quar­an­taine de 48 heures.
Le bateau est ensuite repar­ti pour le Havre, chargé de viande con­gelée…
Reste que cer­tains doc­u­ments man­quent, comme les reg­istres de l’immigration con­fiés au CEMLA et éva­porés pour les années 1882–1925… Pour cette rai­son, on ne peut pas retrou­ver l’écriture cor­re­spon­dant au cer­ti­fi­cat 122 de l’immigration. Cer­tains en prof­i­tent pour dimin­uer la force de l’origine française, s’appuyant aus­si sur l’absence du reg­istre de créa­tion des passe­ports français pour les années entourant le départ sup­posés des Gardes.

Courriers et interactions avec sa famille française

Carte postale envoyé à ses grands parents, en France

Carte postale de Car­los Gardel à ses grands par­ents en France

Mes chers grands par­ents / Bonne et heureuse Année
Je vous envoie cette petite carte postale pour vous dire que tou­jours je pense à vous avec affec­tion, ain­si qu’ à ma bonne tante Char­lotte et à mon bon oncle Jean.
Ici, nous sommes trés con­tents que vous soyez en bonne san­té. Nous allons bien, et bien­tôt, Si Dieu le veut, je reviendrai pass­er quelques moments avec vous.
Sans autre chose à ajouter, votre petit fils qui vous aime et n’ou­blie pas.

Car­los

Cité par Chris­tiane Bricheteau dans son livre : Tra­duc­tion Monique Ruf­fié pour le Musée Virtuel Gardel.

La famille française de Carlos Gardel

Car­los ren­dra égale­ment vis­ite à sa famille en France, notam­ment à Toulouse et Albi. Là encore, ces doc­u­ments sont pré­cieux pour prou­ver ses orig­ines. Quel serait l’in­térêt d’un artiste célèbre comme Car­los Gardel de s’in­ven­ter une famille “bidon” en France.

Une des pho­tos pris­es à Albi en 1934 avec à la gauche de Gardel à droite sur la pho­to son oncle Jean Marie Gardes et sa tante Char­lotte Lau­rence sec­onde femme de Jean et belle sœur de Berthe

Sur le Musée viru­tel Gardel, vous trou­verez de nom­breux autres élé­ments au sujet de sa famille albi­geoise et toulou­saine.

Arbre généalogique de Car­los Gardel réal­isé par Georges Galopa en 2013 daprès celui dHenri Brune Ici dans sa ver­sion actu­al­isée en 2020 Vous pou­vez le con­sul­ter sur le site du musée virtuel Gardel

Arbre généalogique de Car­los Gardel réal­isé par Georges Galopa en 2013 d’après celui d’Henri Brune.

Pourquoi Gardel changea d’identités à plusieurs reprises…

Raúl Torre et Juan José Fenoglio  réal­isèrent une enquête judi­ci­aire, rel­e­vant notam­ment les empreintes de Car­los Gardel dans les doc­u­ments judi­ci­aires de l’époque, ce qui per­met de con­firmer que le Car­los Gardel chanteur du tan­go et le Car­los Gardez(s) né en France en 1890, sont bien le même.

Dif­férentes empreintes de Car­los Gardel per­me­t­tant de con­firmer que lon par­le tou­jours du même

Dans un arti­cle paru dans Pag­i­na 12 en 2012, on retrou­ve les prin­ci­pales raisons qui ont fait que Gardel, escroc, se devait de chang­er régulière­ment d’identité, y com­pris avec l’aide d’un prési­dent argentin (Marce­lo T. de Alvear)…

L’article paru dans Pag­i­na 12 se trou­ve ici : 
https://www.pagina12.com.ar/diario/elpais/1–207654-2012–11-12.html 
Copie de cet arti­cle au cas où ce lien se ver­rait à dis­paraître…
Un arti­cle de 2010 de la Dépêche évoque aus­si cette étude.
Copie de cet arti­cle au cas où le lien se ver­rait à dis­paraître.

Empreintes de Car­los Gardel âgé de 13 ans et 6 mois lors de sa fugue

Le père naturel de Carlos Gardel

Si on retient l’o­rig­ine française, le père le plus prob­a­ble est Paul Lasserre. Ce jeune homme, alors âgé de 24 ans est par­ti pour Paris deux mois avant la nais­sance de Car­los Gardel.

Paul Lasserre la véri­ta­ble pho­to selon Todo Tan­go En effet la pho­to habituelle serait celle de lon­cle et pas du père

À Paris, il a inté­gré la bande des Ternes et finale­ment a écopé de trois ans de prison. De retour à Toulouse, il fonde une famille et meurt jeune. Sa fille, âgée de 2 ans à sa mort, dit qu’il est par­ti en Argen­tine pour aider à élever le jeune Gardel. Cepen­dant, il n’é­tait pas sur le bateau et ses exploits parisiens sont con­tem­po­rains de cette aven­ture argen­tine.
Il me sem­ble donc plus prob­a­ble que devant deux faits gênants, la famille Lasserre a choisi le moins dérangeant. Par­tir trois ans en Argen­tine pour aider à élever son fils, même obtenu hors mariage (il était céli­bataire à l’époque), c’est moins déshon­o­rant que de pass­er trois ans en prison.

Documents et références

Les élé­ments précé­dents sont en principe suff­isants pour prou­ver que Car­los Gardel est le Charles Romuald Gardes né à Toulouse le 11 décem­bre 1890. Cepen­dant, ce serait sans compter sur l’ingéniosité des Uru­gayens qui n’a d’é­gale que leur gen­til­lesse.

La thèse urugayenne

En prenant les doc­u­ments qui ont servi à établir une fausse iden­tité à Car­los Gardel, comme nous l’avons évo­qué ci-dessus, ils avaient mon­té une orig­ine plau­si­ble.

Cepen­dant, il deve­nait beau­coup plus dif­fi­cile de remet­tre en doute les doc­u­ments comme le cer­ti­fi­cat de nais­sance, le voy­age en bateau et les vis­ites à la famille.

D’autres doc­u­ments que nous n’avons pas présen­tés sont d’autres témoignages de l’o­rig­ine française, comme les cer­ti­fi­cats du con­sulat de France, son tes­ta­ment et autre. Ces doc­u­ments sont remis en cause par cer­tains Uru­gayens. Admet­tons, comme eux, que le tes­ta­ment est un faux établi pour s’ac­ca­parer la for­tune de Gardel. Cela n’en­lève rien à la force des pre­meirs doc­u­ments. Voici donc en résumé la nou­velle thèse :

Il y a bien un Charles Gardes né en France, mais le Car­los Gardel, chanteur fameux est en fait une autre per­son­ne, le fameux Uru­gayen né à Valle Edén, Tacuarem­bó, aux alen­tours de 1882–1884, et qui serait le fils du Coro­nel Car­los Escay­ola y de María Lelia Oli­va, sa belle soeur… Deux per­son­nes qui rap­pel­lons-le étaient mortes au moment où Gardel avait fait établir cette iden­tité pour pou­voir voy­ager en Europe.

Je vous passe d’autres ver­sions selon laque­lle Berte Gardes serait en fait sa maîtresse et pas sa mère et qu’avec le fac­to­tum, de Gardel, Arman­do Defi­no, elle aurait mon­té une entour­loupe pour béné­fici­er de l’héritage.

En appui de la thèse française :

Documents divers

En guise de conclusion

Je laisse la con­clu­sion au Doc­teur Mar­ti, cet Uru­gayen pein de sagesse :

Hoy ya el mito está bien con­sol­i­da­do en sus lin­eamien­tos y no cam­bia por el detalle de que Gardel haya naci­do en Toulouse y no haya sido el padre de Leguisamo ni el abue­lo de Julio Sosa. Este hijo nat­ur­al de una lavan­dera y de un padre descono­ci­do no fue uruguayo ni argenti­no, pero pertenece de un modo más pro­fun­do y rai­gal que el acci­dente de un par­to a las dos oril­las del Pla­ta, donde todo el mun­do ‑sin dis­tin­ción de clases sociales- lo escucha con una asiduidad y una devo­ción que ningún pueblo puede haber tenido nun­ca en may­or gra­do por ningún can­tante que haya naci­do en su sue­lo. Lo escucha y com­prue­ba que, ému­lo líri­co del Cid, cada día can­ta mejor.

Dr. Car­los Martínez Moreno

Tra­duc­tion :
Aujour­d’hui, le mythe est bien con­solidé dans ses con­tours et ne change pas car Gardel est né à Toulouse et n’é­tait pas le père de Leguisamo ni le grand-père de Julio Sosa.
Ce fils naturel d’une lavandière et d’un père incon­nu n’é­tait ni uruguayen ni argentin, mais il appar­tient d’une manière plus pro­fonde et plus fon­da­men­tale que l’ac­ci­dent de l’ac­couche­ment sur les deux rives de la Pla­ta, où tout le monde — sans dis­tinc­tion de classe sociale — l’é­coute avec une assiduité et un dévoue­ment qu’au­cun peu­ple n’a jamais pu avoir à un plus haut degré pour un chanteur né sur son sol.
Il l’é­coute et con­state qu’en émule lyrique du Cid, il chante chaque jour un peu mieux.

Dr. Car­los Martínez Moreno

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