Le « No-Tango »

J’ai repro­duit dans le post le « Tan­gomètre », un édi­to­r­i­al de Ricar­do Schoua de décem­bre 2009. Ce nou­v­el édi­to­r­i­al du même auteur date de mars 2012, reprend le fil. Il l’a nom­mé No-Tan­go. Il me restera un texte à repro­duire, lui aus­si de 2012, texte qui cir­cule beau­coup en ce début de 2024, mais chut, revenons à mars 2012, dans le numéro 134 de la revue Tan­go y Cul­ture Pop­u­lar.

Lédi­to­r­i­al du n°134 de Tan­go y Cul­tura Pop­u­lar inti­t­ulé Le No Tan­go

Éditorial : Le “No-tango” par Ricardo Schoua

J’avais déjà fait remar­quer, dans des notes précé­dentes, qu’en ce qui con­cerne le tan­go et son développe­ment, il y a autant d’opinions que de per­son­nes. Je vais me référ­er à cer­taines de ces opin­ions d’une manière générale, sans iden­ti­fi­er les expédi­teurs, car ce qui m’intéresse, c’est de polémi­quer avec des idées, pas avec des per­son­nes.
Dans un édi­to­r­i­al précé­dent (*), j’ai souligné quels étaient, à mon avis, les aspects négat­ifs qui sur­gis­sent dans l’activité, et qui entra­vent son développe­ment. Je ne vais pas les répéter ici, mais j’aimerais dévelop­per cer­tains con­cepts.
Au sein de la nou­velle généra­tion d’auteurs, de com­pos­i­teurs et de musi­ciens, il y a ceux qui affir­ment que le tan­go est mort. La pre­mière chose qui me vient à l’esprit est « alors que font-ils ici, pourquoi con­tin­u­ent-ils à apporter des con­tri­bu­tions au genre ? » À tout le moins, on s’attend à un peu de cohérence, une ver­tu qui sem­ble égale­ment dépassée.

J’aime le tan­go, mais je ne con­sid­ère pas une cer­taine péri­ode comme lim­i­ta­tive. Il y a des tan­gos que je trou­ve très ennuyeux par­mi les anciens et aus­si par­mi les actuels. Les clas­siques le sont par leur pro­pre mérite, et non parce qu’ils appar­ti­en­nent à une cer­taine époque. Dans un rap­port que nous avons repro­duit, le tan­go Uno a été inter­rogé parce que « c’était déjà le cas ». Sur quelle base dis­ent-ils « c’est déjà le cas » ? Les paroles ont-elles per­du de leur per­ti­nence ?
Aujourd’hui, l’adage selon lequel « la lutte est cru­elle et il y en a beau­coup » est tout à fait val­able… Ou, l’est-il vrai­ment ?
Si le renou­veau du tan­go va se baser sur l’interdiction de l’exécution des clas­siques, nous allons très mal, avec une ori­en­ta­tion désas­treuse, qui sem­ble cacher l’idée que ceux qui le promeu­vent ne se sen­tent pas capa­bles de sur­pass­er les réal­i­sa­tions de ceux qui les ont précédés.
Et il faut regarder les atti­tudes de ceux qu’ils pré­ten­dent admir­er (admi­ra­tion qui n’est pas cohérente non plus). Ou, peut-on imag­in­er une posi­tion sim­i­laire chez Osval­do Pugliese ?
Ou Piaz­zol­la a‑t-il renié Troi­lo, Pugliese, Sal­gán, Di Sar­li …?
Il y a aus­si ceux qui pos­tu­lent que la mélodie et l’accompagnement ne sont « plus ». Dans quel manuel l’avez-vous lu ? Tout le monde a le droit d’expérimenter, mais pas de dis­qual­i­fi­er gra­tu­ite­ment. Et de ne pas se fâch­er si le résul­tat de leur expéri­ence ne les mène pas au som­met de la gloire.
J’ai écouté de « nou­veaux tan­gos » qui, musi­cale­ment, peu­vent faire preuve d’un haut niveau de vir­tu­osité, mais, comme je ne trou­ve pas la mélodie, je ne peux pas les fre­donner ou les sif­fler et, par con­séquent, je ne peux pas m’en sou­venir. La musique pop­u­laire, pas seule­ment le tan­go, est sim­ple et s’adresse à tout le monde, pas seule­ment aux musi­ciens pro­fes­sion­nels. Il n’est pas facile d’atteindre cette sim­plic­ité et cette accep­ta­tion.
George Mar­tin, surnom­mé « le cinquième Bea­t­les », dis­ait que la musique doit danser pour vous, ce qui ne veut pas dire qu’elle est dans­able, mais qu’elle fait bouger quelque chose en nous, qui nous trans­porte. Ce n’est pas que je ne com­prenne pas cer­taines « querelles » de ceux qui ten­tent de renou­vel­er le genre. Con­stituer un réper­toire d’une ving­taine de numéros con­nus, tou­jours les mêmes, sans en incor­por­er de nou­veaux, c’est aus­si une façon de com­bat­tre le tan­go de l’intérieur, quand on dit qu’il le défend. Cela con­tribue à la même chose de ne pas chercher à mod­i­fi­er les for­mats de dif­fu­sion et de pro­gram­ma­tion. Et l’attitude de cer­tains DJ qui n’osent pas pro­pos­er quelque chose de dif­férent, de peur de « per­dre la clien­tèle ».
Main­tenant, cette chose de décrire le tan­go comme mort ou péri et d’essayer de le trans­former en quoi que ce soit m’amène à sug­gér­er que, pour être cohérent, au lieu d’ajouter des qual­i­fi­cat­ifs tels que « de rup­tura » ou « alter­na­ti­vo », ils enca­drent leurs créa­tions dans un nou­veau genre : le No-Tan­go.

Mer­ci beau­coup,

Ricar­do Schoua

Éditorial de la revue Tango y Cultural Popular n°134

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