El opio 1940-04-17 — Orquesta Carlos Di Sarli

Francisco Canaro

El opio, c’est cette sub­stance extraite de la fleur du pavot, mais c’est aus­si l’ennui. Par exem­ple, quand un Portègne s’ennuie, il peut par­tir en lâchant : « Me voy, esta fies­ta es un opio ». Je vais essay­er de ne pas vous ennuy­er, ni vous faire som­br­er dans de fumeuses théories.

Extrait musical

El opio 1940-04-17 — Orques­ta Car­los Di Sar­li.

Sou­vent on priv­ilégie le Di Sar­li des années 50 dans les milon­gas, c’est sans doute dom­mage, car les ver­sions des années 1940 se prê­tent fab­uleuse­ment à la danse, avec un bon mar­quage du tem­po et une excel­lente lis­i­bil­ité des phras­es musi­cales et suff­isam­ment de sur­pris­es pour relever l’intérêt du danseur impro­visa­teur. Pas de trace de dépres­sion ou d’ennui dans cette ver­sion. À mon avis, c’est dom­mage de ne pas le pass­er en plus en milon­ga. Je crois ne l’avoir jamais dan­sé ailleurs que chez moi. Par­fois on regrette de ne pas pou­voir danser quand on est DJ.

Autres versions

El opio 1931-10-23 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro.

C’est prob­a­ble­ment la plus anci­enne ver­sion dont on con­serve l’enregistrement. Elle a été enreg­istrée par le com­pos­i­teur, Fran­cis­co Canaro.

El opio 1940-04-17 — Orques­ta Car­los Di Sar­li. C’est notre tan­go du jour.
El opio 1951-05-09 – Orques­ta Car­los Di Sar­li.

Di Sar­li, onze ans plus tard, revis­ite com­plète­ment son inter­pré­ta­tion. Désor­mais, le jeu de bas­cule entre le piano et l’orchestre est beau­coup plus assumé et les grands zii­i­im­mms des cordes sont plus généreux. On a net­te­ment changé de péri­ode, tout en gar­dant les mêmes ingré­di­ents. Cepen­dant, il me sem­ble que la danse a per­du au change.

El opio 1952-05-29 – Orques­ta Fran­cis­co Canaro.

C’est au tour de Canaro de récidiv­er, mais là avec 21 ans de délai. La musique a la même durée que la ver­sion de 1931, mais le rythme est beau­coup plus soutenu. On n’est plus dans l’opium pesant, mais dans quelque chose de plus léger et entraî­nant. La clar­inette domine l’orchestre en effec­tu­ant la plu­part des solos. Les autres instru­ments ne sont cepen­dant pas éteints. Ils sont bril­lants, énergiques. Une ver­sion qui donne la pêche.

El opio 1962-09-21 — Orques­ta Florindo Sas­sone.

Je ne sais pas si ça vous fait cette impres­sion, avec Sas­sone, on a un peu l’impression d’entendre tou­jours le même morceau. C’est sans doute pour cela qu’il est rare en milon­ga et si un DJ s’y aven­ture, c’est à petite dose.

El opio 1967-11-14 — Orques­ta Juan D’Arienzo.

On est dans la force brute du D’Arienzo des années 60 tem­pérée par des essais de dis­so­nances et quelques jeux orig­in­aux pour cet artiste. Peut-être une inspi­ra­tion venue de je ne sais quelle plante dont on tire un suc. C’est à écouter, voire à danser, mais je garde sous el coude les ver­sions de Di Sar­li et celle de Canaro de 1952 pour droguer mes danseurs avec de la musique qui va les faire plan­er.

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À propos de l’illustration de couverture

J’ai voulu m’assurer que le tan­go par­lait bien de l’opium. C’est fort prob­a­ble dans la mesure où ce tan­go ne respire par l’ennui et que par con­séquent, c’est plus le sens courant que lun­far­do qu’il faut met­tre en œuvre pour ce titre.
J’ai essayé d’imaginer com­ment représen­ter l’opium, sans tomber sous les coups de la cen­sure.
Il y a très, très longtemps, j’avais fait une carte de vœux avec une fleur de pavot. C’était une carte en noir et blanc faite avec une carte à grat­ter. Le dessin appa­rais­sait donc en blanc sur fond noir. J’avais pris le mod­èle de la fleur sur des planch­es Letraset (il s’agissait d’alphabets et de cli­parts qui se repor­taient par décal­co­manie sur le papi­er, il n’y avait pas d’ordinateur pour le grand pub­lic, ni même pour les graphistes à l’époque).
Inno­cem­ment, j’avais choisi ce motif que je trou­vais élé­gant et se prê­tant bien à la styl­i­sa­tion pour un dessin au trait.
L’affaire en serait restée là si un de mes cor­re­spon­dants ne m’avait fait remar­quer que c’était une fleur de pavot et que ça ser­vait à faire de la drogue et que donc, je souhaitais une nou­velle année droguée à mes con­tacts.
J’ai donc essayé d’éviter la fleur pour l’illustration. Je suis par­ti vers des délires tour­bil­lon­nants et que j’imaginais psy­chédéliques jusqu’à arriv­er à cela.

N’étant pas con­va­in­cu, je me suis dirigé vers l’utilisation de l’opium, notam­ment en Argen­tine. Je n’ai pas trou­vé de grandes révéla­tions, ni d’image. En fait, j’ai tout de même décou­vert que con­traire­ment à ce que je pen­sais, l’utilisation de l’opium était très répan­due, ailleurs qu’en Chine (je ne con­nais­sais le con­cept que par le Lotus Bleu de Tintin…).
Je vous pro­pose quelques images col­lec­tées et qui se situent en France, Lon­dres, New-York et San Fran­cis­co.

Ne me voy­ant pas dessin­er un truc avec une per­son­ne à demi-morte, je suis par­ti sur l’option « ennui » et c’est la per­son­ne qui a la tête sur les bras sur l’image de cou­ver­ture. Le fond était noir, comme ses idées, mais j’ai pen­sé que c’était un peu trop sobre. J’ai pen­sé l’associer avec une de mes recherch­es psy­chédéliques, puis, finale­ment, je me suis décidé à ressor­tir le pavot, de façon suff­isam­ment dis­crète pour le pas m’attirer les foudres des censeurs.
Ma seule drogue, c’est le tan­go. Si elle provoque une accou­tu­mance, l’écoute pro­longée ne provoque pas de trou­ble con­nu. Alors, droguons-nous aux sons de la 2x4 qui n’est pas de la 2x4 (c’est encore un truc à débunker, nous en repar­lerons).
Si vous êtes arrivés jusque-là, sans être juste, las, ce n’est pas si mal.

À demain les amis !

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