Mozo guapo 1941-02-19 (Milonga) — Orquesta Ricardo Tanturi con Alberto Castillo

Ricardo Tanturi Letra : — RCA Victor  39228B, matrice 39813–1

Le tan­go du jour est une , Mozo guapo, que l’on pour­rait traduire par beau gosse, mais ce serait enlever la note de frime et de matu­vu du com­padri­to, querelleur et armé de son couteau qu’il est prompt à sor­tir lorsque l’hon­neur est en jeu. Aujour­d’hui, nous allons donc par­ler , l’ar­got des faubourgs de .

Même sil na pas les cheveux en bataille et sales Gardel dans Melodía de arra­bal film du réal­isa­teur Français Louis J Gas­nier sor­ti le 4 avril 1933 est représen­tatif des mozos gua­pos

Les habitués de Buenos Aires savent qu’on y appelle les serveurs « mozo », de la même façon que se dit « garçon » en France. Il ne faut cepen­dant pas penser que cette milon­ga chante les mérites d’un serveur de bar ou de restau­rant…

En lun­far­do (argot de Buenos Aires), mozo peut aus­si sig­ni­fi­er l’a­mant ou celui qui fait le beau, et guapo, le beau, le vail­lant, le querelleur, mais avec un bon fond. Le célèbre tan­go « Don Juan » est par­fois sous-titré «  », ce qui con­firme que notre héros du jour en est un.
Voici dressé le tableau de notre mozo et si une mina vous dit : « sos buen mozo, que chur­ro que sos », c’est prob­a­ble­ment que vous avez une touche.

Extrait musical

Mozo guapo 1941-02-19 — Ricar­do Tan­turi con

Paroles

Un com­padri­to con su mina Un Don Juan avec sa poule

Le lun­far­do peut provo­quer de nom­breuses erreurs d’in­ter­pré­ta­tion. Je vous pro­pose donc, non pas une , mais plutôt une expli­ca­tion des ter­mes employés par Euse­bio Fran­cis­co López. Ne regardez pas la qual­ité lit­téraire de la colonne de droite, ce ne sont pas des paroles en français ; pour cela il faudrait un poète, que je ne suis pas.

Beau­coup de ter­mes de lun­far­do sont sibyllins. C’est une car­ac­téris­tique de tous les argots, dont le but est de par­ler de façon dis­crète pour ne pas être enten­dus des caves et des flics. J’ai donc fait des choix qui me sem­blaient cor­re­spon­dre aux ter­mes de la chan­son, mais il aurait été pos­si­ble de pren­dre des voies légère­ment dif­férentes, pour noir­cir plus le per­son­nage, ou le ren­dre roman­tique. Je vous laisse vous créer votre image.

Avec une cibiche (cig­a­rette) arro­gante
cares­sant ses lèvres,
le feu­tre taupé aux bor­ds lev­és (cha­peau mou, type Gardel)
Avec une démarche très portègne ;
Le regard suff­isant,
La crinière noire et ébou­rif­fée,
beau gosse des faubourgs
avec sa touche (son allure), sans pareille.

Cham­pi­on entouré de filles
pour son verbe tant fleuri,
ter­reur par­mi les mau­vais garçons
pour son couteau vibrant ; (il doit le tenir de manière fébrile pour intimider)
homme du pavé
con­nu des bal­cons
Droit dans ses bottes (sans dis­cus­sion, n’ac­cep­tant pas le com­pro­mis)
avec une âme de (chanteur impro­visa­teur)

Quand la nuit enrobe (entoure)
les ruelles du quarti­er
passe l’e­stampe du bel­lâtre,
pareil à un roi de la ban­lieue ;
bien­tôt une ombre s’ap­proche,
il y a un frémisse­ment des lèvres
et un bais­er vibre dans l’âme
du Don Juan (guapo) du lieu.

La vie est courte

Le même jour, Castil­lo et Tan­turi ont enreg­istré un tan­go, La vida es cor­ta 1941-02-19. C’est égale­ment Ricar­do Tan­turi qui en a com­posé la musique, mais les paroles sont de .
Mal­gré cette petite dif­férence, les deux titres vont bien ensem­ble (pas dans une tan­da, bien sûr), mais car le tan­go pour­rait être le dit du Mozo, du Don Juan, du Tai­ta, ce Shusheta (El aristócra­ta de Di Sar­li). Il dévoile à ses con­frères de fies­ta, sa philoso­phie de la vie, philoso­phie que de nom­breux tangueros dans le monde ont adop­tée…

La vida es cor­ta 1941-02-19 — Ricar­do Tan­turi con Alber­to Castil­lo

A ver mucha­chos, quiero ale­gría,
quiero atur­dirme, para no pen­sar.
La vida es cor­ta y hay que vivir­la,
dejan­do a un lado la real­i­dad.
Hay que olvi­darse del sac­ri­fi­cio,
que tan­to cues­ta ser, ten­er el pan.
Y en estas noches de far­ra y risa,
pon­er­le al alma nue­vo dis­fraz.

La vida es cor­ta y hay que vivir­la,
en el mañana no hay que con­fi­ar.
Si hoy la men­ti­ra se lla­ma sueño,
tal vez mañana sea la ver­dad.
La vida es cor­ta y hay que vivir­la,
feliz al lado de una mujer,
que, aunque nos mien­ta, frente a sus ojos,
razón de sobra hay para quer­er.

Ricar­do Tan­turi Letra : Fran­cis­co Gor­rindo

Traduction libre

Voyez les gars, je veux de la joie,
je veux être étour­di pour ne pas penser.
La vie est courte et il faut la vivre,
en lais­sant la réal­ité de côté.
Il faut oubli­er le sac­ri­fice,
Que c’est si dur d’avoir du pain.
Et dans ces nuits de réjouis­sance (danse, musique) et de rires,
se déguis­er l’âme.

La vie est courte et il faut la vivre,
il ne faut pas faire con­fi­ance à demain.
Si aujour­d’hui le men­songe s’ap­pelle rêve,
peut-être que demain ce sera la vérité.
La vie est courte et il faut la vivre,
heureux aux côtés d’une femme,
qui même si elle nous ment à la face (sous les yeux),
il y a plein de raisons d’aimer.

Autres enregistrements

Le 19 février, une date fétiche pour Tanturi ?

À la même date, une milon­ga et un tan­go, ce que nous venons de voir, mais l’an­née suiv­ante, peut-être à la même date (19 févri­er 1942) ou le 20 juil­let 1942 (la doc­u­men­ta­tion varie sur la date de cette ses­sion), deux autres titres enreg­istrés par Tan­turi et Castil­lo

Tan­go (Voz de tan­go) 1942-02-19 ou 1942-07-20 avec Castil­lo

Tan­go (Voz de tan­go) 1942-02-19 ou 1942-07-20 — Orques­ta Ricar­do Tan­turi con Alber­to Castil­lo

La copa del olvi­do 1942-02-19 ou 1942-07-20 avec Castil­lo)

La copa del olvi­do 1942–02-19- ‑Orques­ta Ricar­do Tan­turi con Alber­to Castil­lo

Pour ren­forcer cette idée de date fétiche, il a encore enreg­istré un 19 févri­er, mais cette fois en 1945 et avec le chanteur Enrique Cam­pos :

Me besó y se fue 1945-02-19 (valse), avec Enrique Cam­pos 

Me besó y se fué 1945-02-19 — Ricar­do Tan­turi con Enrique Cam­pos

Qué será de ti 1945-02-19 avec Enrique Cam­pos

Qué será de ti 1945-02-19 — Ricar­do Tan­turi con Enrique Cam­pos

Pour ce qui est de mozo guapo, on en trou­ve une ver­sion plus lente, dans le style lim­ite canyengue-milon­ga de Vil­la­soboas.
En effet, a enreg­istré en 1959 ce titre dans son style si par­ti­c­uli­er. J’aime l’in­ter­pré­ta­tion au piano par Vil­las­boas, pleine de petites sur­pris­es.
Cette ver­sion est intéres­sante, car elle présente le dia­logue des deux faces du mozo décrite dans les paroles, le roman­tique (vio­lons) et le com­padri­to (piano), util­i­sa­tion de l’al­ter­nance de milon­ga lisa et traspie pour servir l’his­toire.

La voici, pour ter­min­er mon ser­vice. Soy tu mozo (servi­teur). No te olvides de la propina (n’ou­blie pas le pour­boire, un com­men­taire fera l’af­faire).

Mozo guapo 1959 — Miguel Vil­las­boas
DJ BYC daprès la gravure sur bois Los Com­padri­tos de Juan Anto­nio Spo­torno
avatar d’auteur/autrice
DJ BYC Bernar­do DJ — VJ