Remembranza 1956-07-04 — Orquesta Osvaldo Pugliese con Jorge Maciel

Letra: Mario Battistella

Si on ne doit se sou­venir que d’une com­po­si­tion de Mario Melfi, c’est sans con­teste de Poe­ma. Mais si on doit se sou­venir de deux, alors, Remem­bran­za, notre tan­go du jour est assuré­ment dans la liste. Ce qui en revanche est curieux est que l’on asso­cie très peu ces deux titres, très sem­blables. Mais peut-être qu’il y a une ou plusieurs solu­tions…

Tandas mixtes

Hier, dans un groupe de DJ, une ques­tion très étrange a été posée. Com­bi­en de tan­das mixtes peu­vent être passées dans une  ?
J’avoue que j’ai relu deux fois la ques­tion pour voir de quoi il s’agis­sait. Il arrive en effet, que l’on mélange dans la même tan­da, des orchestres dif­férents. C’est assez fréquent pour les milon­gas et les valses et je le fais par­fois, par exem­ple pour associ­er des enreg­istrements de Cara­bel­li avec son pro­pre orchestre et de la Típi­ca Vic­tor, dirigée par lui. Je le fais égale­ment quand il y a un titre orphe­lin, qui n’a pas de tan­go com­pat­i­ble par le même orchestre et qu’un autre orchestre à quelque chose qui peut bien se com­bin­er avec. L’é­trangeté de la ques­tion vient de « com­bi­en de tan­das mixtes »…
Je n’ai pas répon­du au groupe, mais ma réponse aurait pu être, le DJ fait ce qu’il veut dans la mesure où les danseurs sont con­tents. Faire de bonnes tan­das mixtes est dif­fi­cile, faire 100 % de tan­das mixtes serait un défi très dif­fi­cile à relever…
Poe­ma est asso­cié à l’en­reg­istrement de Canaro et Mai­da de 1935. Remem­bran­za a plusieurs points d’ac­croche. Notre enreg­istrement du jour avec Pugliese et Maciel est sans doute le plus con­nu. 21 ans sépar­ent ces deux enreg­istrements, un écart encore plus grand existe entre les styles des orchestres, ce qui rend bien évidem­ment ces deux enreg­istrements totale­ment incom­pat­i­bles dans une même tan­da.
Cepen­dant, la struc­ture des morceaux est tout à fait com­pat­i­ble, on trou­ve même des extraits de phras­es musi­cales com­pa­ra­bles entre les deux œuvres. Remem­bran­za aurait été enreg­istré par Canaro et Mai­da, ou Poe­ma par Pugliese et Maciel et on aurait deux piliers solides pour une tan­da.
Ce rêve existe cepen­dant. Je vous le présen­terai en fin d’ar­ti­cle…

Extrait musical

Remem­bran­za 1956-07-04 – Orques­ta Osval­do Pugliese con Jorge Maciel
Par­ti­tion argen­tine de Remem­bran­za

Paroles

Cómo son largas las sem­anas
cuan­do no estás cer­ca de mí
no sé qué fuerzas sobre­hu­manas
me dan val­or lejos de ti.
Muer­ta la luz de mi esper­an­za
soy como un náufra­go en el mar,
sé que me pier­do en lon­tanan­za
mas no me puedo res­ig­nar.
¡Ah
¡qué triste es recor­dar
después de tan­to amar,
esa dicha que pasó…
Flor de una ilusión
nues­tra pasión se mar­chitó.
¡Ah
¡olvi­da mi des­dén,
retor­na dulce bien,
a nue­stro amor,
y volverá a flo­re­cer
nue­stro quer­er
como aque­l­la flor.
En nue­stro cuar­to tibio y rosa
todo quedó como otra vez
y en cada adorno, en cada cosa
te sigo vien­do como ayer.
Tu foto sobre la mesi­ta
que es cre­den­cial de mi dolor,
y aque­l­la hort­en­sia ya mar­chi­ta
que fue el can­tar de nue­stro amor.

Mario Melfi Letra : Mario Bat­tis­tel­la

Autres versions

Les versions françaises

Je pense vous sur­pren­dre en vous indi­quant que les deux pre­miers enreg­istrements de ce titre ont été chan­tés en français. En effet, Melfi et Bat­tis­tel­la étaient à Paris à l’époque. Mario Melfi a même fait l’essen­tiel de sa car­rière en France où il est mort en 1970. Le titre en français est Ressou­ve­nance, un terme aujour­d’hui tombé en désué­tude…
C’est donc Mario Melfi qui ouvre le bal des ver­sions avec un enreg­istrement de 1934, chan­té, donc en français, par Mar­cel Véran et appelé donc Ressou­ve­nance et pas Remem­bran­za.

Ressou­ve­nance 1934 — Mario Melfi Chant Mar­cel Véran (en français). Paroles de Robert Cham­fleury et Hen­ry Lemarc­hand.

C’est le plus ancien enreg­istrement, de plus, réal­isé par l’au­teur de la musique, Mario Melfi. En ce qui con­cerne les paroles en français, on se rend compte qu’elles sont proches de celles de Bat­tis­tel­la. On peut donc penser que Bat­tis­tel­la est bien l’au­teur orig­i­nal, puisqu’il était à Paris et que Robert Cham­fleury et Hen­ry Lemarc­hand ont adap­té (avec plus de tal­ent que moi) les paroles en français. Vous pour­rez en trou­ver la tran­scrip­tion après le chapitre autres ver­sions.

Ressou­ve­nance 1934 — Auguste Jean Pesen­ti et son Orchestre Tan­go Chant Guy Berry (en français).

Mer­ci à mon col­lègue Michael Sat­tler qui m’a fourni une meilleure ver­sion de ce titre. Si c’est le sec­ond enreg­istrement, il sem­blerait que Guy Berry fut le pre­mier à chanter le titre.

Cou­ver­ture de la par­ti­tion de 1934 On voit que Berry a créé et les paroliers sont unique­ment les deux français On notera égale­ment que Melfi est crédité de son de Poe­ma
Ressou­ve­nance 1934-12-13 — Orlan­do et son orchestre Chant (en français).
Remem­bran­za 1944 — Ramón Men­diz­a­bal. Remem­bran­za a été gravé sur la face B du disque, la face A étant réservée à Obses­sion.

Avec cet enreg­istrement, j’ar­rête la liste des ver­sions « français­es » (même si la dernière n’est pas chan­tée). Et je vous pro­pose main­tenant les ver­sions « Argen­tines ».

Les versions argentines

Remem­bran­za 1937-05-11 — con gui­tar­ras.

Après les ver­sions français­es avec orchestres, les gui­tares de Héc­tor Pala­cios ne font pas tout à fait le poids. Cepen­dant, ce titre est com­pat­i­ble avec ce type de ver­sion intime et si le résul­tat n’a rien à faire en milon­ga, il est plutôt agréable à écouter.

Remem­bran­za 1943-02-12 — Orques­ta Ricar­do Maler­ba con Orlan­do Med­i­na.

Une jolie ver­sion, dans le style de Maler­ba et Med­i­na qui a sa sonorité par­ti­c­ulière.

Remem­bran­za 1947-05-09 — Orques­ta Ricar­do Tan­turi con .

Si les ver­sions précé­dentes avec orchestre, y com­pris les ver­sions français­es étaient har­monieuses, je trou­ve que celle-ci souf­fre d’un manque de cohérence entre la voix de Ribó et l’orchestre de Ricar­do Tan­turi. Le tal­ent des deux n’est pas en cause, Osval­do Ribó avec un orchestre plus présent aurait don­né une très belle ver­sion et inverse­ment.

Remem­bran­za 1948-09-08 — Orques­ta Alfre­do Gob­bi con Jorge Maciel.

La voix tra­vail­lée de Maciel n’a peut-être pas trou­vé l’orchestre idéal pour sa mise en valeur. On sent Gob­bi un peu réservé, là encore, le résul­tat ne me con­vînt pas totale­ment.

Remem­bran­za 1952-05-23 — Loren­zo Bar­bero y su orques­ta típi­ca con Car­los del Monte.

Encore une ver­sion qui ne va pas provo­quer des ondes d’en­t­hou­si­asme. De plus, elle n’est pas des­tinée à la danse, mais c’est intéres­sant de temps à autre de présen­ter un de ces deux-cent d’orchestres qui ont œuvré à l’âge d’or et qui n’ont pas eu droit à la recon­nais­sance de la postérité.

Remem­bran­za 1954-12-28 — Orques­ta Alfre­do De Ange­lis con Car­los Dante.

On arrive dans des ver­sions un peu plus tra­vail­lées. On remar­quera l’in­tro­duc­tion très par­ti­c­ulière de cette ver­sion de De Ange­lis.

Mais atten­dez la suite, les choses sérieuses com­men­cent.

Remem­bran­za 1956-07-04 — Orques­ta Osval­do Pugliese con Jorge Maciel. C’est notre tan­go du jour.

Les essais de voix plus tra­vail­lées enten­dus précédem­ment trou­vent un meilleur ter­rain avec l’orchestre de Pugliese. Le mariage de la voix de Jorge Maciel avec l’orchestre est bien plus abouti dans cette ver­sion que dans celle de Gob­bi, 8 ans plus tôt.

Remem­bran­za 1963 — Orques­ta Juan Canaro con .

J’au­rais présen­té les choses à l’en­vers, Susy Lei­va accom­pa­g­née par l’orchestre de Juan Canaro. C’est une ver­sion à écouter, la voix de Susy Lei­va est expres­sive et a de l’é­mo­tion. Mais bon, revenons à nos piliers.

Remem­bran­zas 1964-09-25 — Orques­ta Juan D’Arien­zo con Jorge Valdez.

Avec Jorge Valdez, D’Arien­zo a un peu mis de côté le tan­go de danse pour suiv­re la mode de l’époque qui était plus radio­phonique ou télévi­suelle que dansante.
D’Arien­zo inter­prète le titre dans ses con­certs, comme ici à Mon­te­v­ideo en 1968.

Remem­bran­zas 1968 — Orques­ta Juan D’Arien­zo con Osval­do Ramos. Cet enreg­istrement a été réal­isé à Mon­te­v­ideo (Uruguay).

On revient avec Jorge Valdez qui gagne la palme du chanteur qui a le plus enreg­istré Remem­bran­za, encore une émis­sion de télévi­sion.

Jorge Valdez en Grandes Val­ores (une émis­sion des années 70).

Paroles de la version chantée en français par Guy Berry, Marcel Véran, Jean Clément et autres chanteurs français

Com­bi­en est longue une journée
Quand tu n’es pas auprès de moi.
Com­ment ai-je pu deux années
Vivre sans enten­dre ta voix ?
Je n’ai pour con­sol­er ma peine
Que les doux rêves du passé,
Car ni les jours ni les semaines
N’ont jamais pu les effac­er…
Ah !… Qu’il est trou­blant, chéri(e),
D’évo­quer, comme on prie,
Ce bon­heur, hélas trop court.
Rien n’a pu ternir
Le sou­venir de ces beaux jours.
Ah !… Par­donne à ma folie.
Reviens je t’en sup­plie
À notre amour.
Rien ne pour­ra me gris­er
Que tes bais­ers,
Comme aux anciens jours.
Dans notre cham­bre tiède et rose,
Tout est resté comme autre­fois.
Et chaque objet et chaque chose
Ne me sem­ble atten­dre que toi.
Ton por­trait sur la chem­inée
Sem­ble sourire à mon espoir.
Dans un livre, une fleur fanée
Rap­pelle nos ser­ments d’un soir…

Mario Melfi Letra : Mario Bat­tis­tel­la (adap­té en français par Robert Cham­fleury et Hen­ry Lemarc­hand)

Remembranza et Poema unis dans une tanda idéale

Nous avons vu en début d’ar­ti­cle qu’il n’y avait pas d’en­reg­istrement com­pat­i­ble de ces deux titres à l’âge d’or du tan­go. C’est une grande frus­tra­tion pour les DJ et sans doute les danseurs.
En fait, ce n’est pas tout à fait vrai, car les Pesen­ti ont enreg­istré Poe­ma et Ressou­ve­nance, mais ce ne sont sans doute pas des ver­sions suff­isantes pour les danseurs avancés. Je vous laisse en juger.

Poe­ma 1933 – Orques­ta Típi­ca Auguste Jean Pesen­ti du Col­iséum de Paris con Nena Sainz.
Ressou­ve­nance 1934 — Auguste Jean Pesen­ti et son Orchestre Tan­go Chant Guy Berry (en français).
Poe­ma 1937 – René Pesen­ti et son Orchestre de Tan­go con .

Je rajoute cette ver­sion de Poe­ma par le frère de Auguste Jean, René Pesen­ti. Elle est com­pat­i­ble et présente l’a­van­tage d’être chan­tée par un homme (Alber­to), ce qui peut être préféré par cer­tains qui n’ai­ment pas trop les mélanges dans une tan­da.

Si vous avez estimé que ces ver­sions n’é­taient pas à la hau­teur, il nous faut chercher ailleurs. Je pense que l’orchestre qui va nous don­ner ce plaisir est la . Il a enreg­istré les deux titres dans des ver­sions com­pat­i­bles et de belle qual­ité, presque équiv­a­lentes à la ver­sion de Canaro et Mai­da.
Je vous présente ces deux enreg­istrements en vidéo. Une belle façon de ter­min­er cette anec­dote du jour, non ?

Orques­ta Roman­ti­ca Milonguera — Poe­ma
Orques­ta Roman­ti­ca Milonguera — Remem­bran­za

Mer­ci à la Roman­ti­ca Milonguera et à demain, les amis !

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DJ BYC Bernar­do DJ — VJ