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Serenata 1944-05-30 – Orquesta Francisco Lomuto con Carlos Galarce

Juan Polito Letra : Luis Rubistein

Hier, nous par­lions de El amanecer (le lever de soleil), aujourd’hui, je vous pro­pose d’aller à la fin du jour, pour Ser­e­na­ta. Mais atten­tion, si ser­e­na­ta peut se traduire par séré­nade, un con­cert en soirée don­né en l’honneur, notam­ment, d’une belle à con­quérir, le mot a un autre sens en lun­far­do qui sig­ni­fie fou, voire dément. La milon­ga du jour a des paroles prop­ices à une séré­nade roman­tique, mais a une folie dans sa musique.

D’autres tan­gos ou comme ici, milon­gas s’appellent ser­e­na­ta ou con­ti­en­nent ce mot dans leur titre. Notre milon­ga du jour est plutôt rare. Elle ne dis­pose que de trois enreg­istrements, mais les trois sont excel­lents. Alors, ne la con­fondez pas avec les autres titres sem­blables.

Extrait musical

Ser­e­na­ta 1944-05-30 — Orques­ta Fran­cis­co Lomu­to con Car­los Galarce.

Lomu­to et Galarce inau­gurent le titre pour l’enregistrement. Le piano lance le motif ini­tial que reprend ensuite le ban­donéon. Cela per­met de bien com­par­er les mérites respec­tifs de ces deux instru­ments. Le piano léger et délié et l’accordéon plein et plus « lourd ».
Le dia­logue ou les « chœurs » s’enchaînent jusqu’à ce que Car­los Galarce reprenne le thème, tel qui a été présen­té par les instru­ments.
La struc­ture est donc celle-ci :
0:00 Motif d’introduction — Piano puis ban­donéon
0:09 Thème prin­ci­pal, milon­ga traspié (2 phras­es sem­blables, mais la sec­onde pré­pare le deux­ième thème).
0:26 Sec­ond thème (milon­ga lisa).
0:53 Début de la sec­onde par­tie. Reprise du motif d’introduction au piano, puis au ban­donéon.
1:00 Reprise du thème prin­ci­pal par Caros Galarce. Le traspié est un peu plus dif­fi­cile à suiv­re, car le chanteur prend le dessus. Les danseurs qui aiment agiter les gam­bettes suiv­ront sans doute l’orchestre et ceux qui souhait­ent un peu plus de calme se caleront sur Galarce.
1:19 Le thème en milon­ga lisa cor­re­spond aux paroles « Amor, amor […] Mi corazón.
1:28 Suite du chant avec le sec­ond cou­plé en milon­ga traspie.
1:45, reprise de la milon­ga lisa, mais cette fois, Galarce ne chante pas Amor, amor, c’est l’orchestre qui reprend le thème.

Paroles

Can­ción de amor de una ser­e­na­ta
Luna y farol con col­or de pla­ta,
Y un gui­tar­rear que al bro­tar desa­ta
La dulce voz del payador.
El cielo azul con su luna mansa
Vol­có su luz como una esper­an­za,
Y en el bal­cón de malvones rojos
Dejó la voz esta can­ción:

Amor, amor
Te dejo aquí,
Con mi voz
Mi corazón.

Yo trai­go a tus tren­zas doradas
Mis sueños cubier­tos de noche calla­da,
Amor que se viene de lejos
Blan­que­an­do de luna tu boca pin­ta­da.
Can­tan­do, mi bien y soñan­do
Que noche tras noche me estés esperan­do,
Por eso aquí, en tu bal­cón
Esta noche otra vez, dejaré el corazón…

Allí, detrás de esas mar­gar­i­tas
Un corazón de mujer pal­pi­ta,
Un corazón que soñan­do espera
La dulce voz del payador.
Amor, amor… luna con estrel­las
En la emo­ción de ilu­siones bel­las,
Ensoñación que en la noche mansa
Bor­dó en la voz esta can­ción:

Amor, amor
Te dejo aquí
Con mi voz
Mi corazón.

Juan Poli­to Letra : Luis Rubis­tein

Car­los Galarce ne chante que ce qui est en gras.
Car­los Roldán et Raúl Figueroa chantent la même chose, mais ter­mi­nent le titre en reprenant ce qui est en bleu.

Traduction libre et indications

Chan­son d’amour d’une séré­nade.
Lune et lanterne couleur d’argent, et une gui­tare qui, lorsqu’elle sur­git, libère la douce voix du payador (chanteur impro­visa­teur s’accompagnant générale­ment d’une gui­tare).
Le ciel bleu avec sa douce lune répandait sa lumière comme une espérance, et sur le bal­con des géra­ni­ums rouges lais­sait la voix de ce chant :
Amour, amour
Je te laisse ici,
Avec ma voix,
Mon cœur.
J’apporte à tes tress­es dorées mes rêves cou­verts d’une nuit silen­cieuse, l’amour qui vient de loin, blan­chissant ta bouche peinte de lune.
Chan­tant, mon bien et rêvant que nuit après nuit tu m’attendras, c’est pourquoi, ici, sur ton bal­con encore ce soir, j’abandonnerai mon cœur…
Là, der­rière ces mar­guerites (des mar­guerites ou des géra­ni­ums ? Il faudrait savoir…), bat un cœur de femme, un cœur qui rêve et attend la douce voix du payador.
Amour, amour… Lune avec des étoiles dans l’émotion de belles illu­sions, rêver­ie qui dans la douce nuit bro­dait dans la voix cette chan­son :
Amour, amour
Je vous laisse ici
Avec ma voix,
Mon cœur.

Autres versions

Ser­e­na­ta 1944-05-30 — Orques­ta Fran­cis­co Lomu­to con Car­los Galarce. C’est notre milon­ga du jour.
Ser­e­na­ta 1944-06-14 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Car­los Roldán.

Au début, Canaro sup­prime une des deux phras­es d’introduction qu’il fait jouer à tout l’orchestre. On entre plus vite dans le vif du sujet. Il utilise pour le reste la même stuc­ture, mais le traspie est un peu plus présent. La façon de chanter de Roldán va égale­ment dans ce sens. La fin de la sec­onde par­tie est assez dif­férente, sans doute plus joueuse que la ver­sion de Lomu­to et Car­los Roldán qui reprend la fin du sec­ond cou­plet en guise de con­clu­sion.

Ser­e­na­ta 1952 — Juan Poli­to y su Orques­ta Típi­ca con Raúl Figueroa.

Poli­to, con­nu pour être le pianiste qui suc­cé­da à Bia­gi dans l’orchestre de D’Arienzo en 1938, était déjà asso­cié avec lui, par exem­ple en 1929, ils for­mèrent un orchestre Polito‑D’Arienzo pour le car­naval (c’est promis, un de ces jours on va en par­ler de ces car­navals). Il retourn­era encore une fois avec D’Arienzo en 1950, en rem­place­ment de Sala­man­ca… Lors du rem­place­ment de Bia­gi, il s’était coulé dans le style de ce dernier. Ici, son piano est bien inté­gré à l’orchestre. Sa vir­tu­osité se remar­que, mais sans que le piano prenne la vedette à l’orchestre ou au chanteur. Le début est amu­sant, la pre­mière mesure est jouée très lente­ment, puis accélère au tem­po du reste de l’interprétation, comme si le démar­rage était lourd. Il faut dire que c’est une ver­sion au rythme soutenu, sans doute un peu folle, le type de milon­ga qui vous vaut des regards recon­nais­sants ou noirs, des danseurs selon qu’ils ont maîtrisé ou pas la cadence…
Poli­to joue la dou­ble phrase de départ à l’orchestre, sans l’accélération la sec­onde fois. Ain­si, dans les trois ver­sions, on a eu un démar­rage dif­férent ; change­ment d’instrument pour Lomu­to, sup­pres­sion de la reprise pour Canaro et démar­rage pro­gres­sif pour Poli­to.

Comme Car­los Roldán et Car­los Galarce, Raúl Figueroa ne chante pas le dernier cou­plet. Il faut dire que pour une milon­ga inter­prétée à ce rythme, ral­longer la durée par un cou­plet aurait fait bas­culer plus de danseurs du côté des regards noirs…

À propos de l’illustration de couverture

Ser­e­na­ta. D’après une gravure sur bois de 1885.

Je pen­sais faire de la gravure, l’illustration de cou­ver­ture. J’ai mis un peu de couleurs, rajouté des géra­ni­ums et don­né une atmo­sphère plus lunaire. La dame est désor­mais blonde. Autre dif­férence avec le thème, le chanteur est au pied du bal­con et pas sur le bal­con.
J’ai donc pro­posé une ver­sion plus mod­erne (années 40), et qui cor­re­spond un peu mieux à la descrip­tion de la chan­son, mais rien ne vous empêche de garder celle-ci dans l’œil.

La gravure sur bois, orig­i­nale. Elle est datée de 1885.
Ser­e­na­ta. Sur le bal­con entouré de géra­ni­ums, ils se con­tent fleurette.