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Y todavía te quiero 1956-06-21 — Orquesta Osvaldo Pugliese con Jorge Maciel

Luciano Leocata Letra: Abel Mariano Aznar

Voici le type même du tan­go qui rendait fou Jorge Luis Borges. Du sen­ti­men­tal à haute dose, pour lui qui ne voy­ait dans le tan­go que des affaires de com­padri­tos, des his­toires d’hommes vir­ils dans les zones inter­lopes des bas quartiers de Buenos Aires. Il vouait une haine féroce à Gardel, l’accusant d’avoir dénaturé le tan­go en le ren­dant niais. Mais comme le mal est fait, plon­geons-nous avec délice, ou hor­reur, dans la guimauve du sen­ti­men­tal­isme.

Extrait musical

Y todavía te quiero 1956-06-21 — Orques­ta Osval­do Pugliese con Jorge Maciel
Par­ti­tion des édi­tions Julio Korn avec Pacheco en cou­ver­ture.

Paroles

C’est le genre de tan­go où les Argentins s’exclament « ¡Que letra, por Dios! »

Cada vez que te ten­go en mis bra­zos,
que miro tus ojos, que escu­cho tu voz,
y que pien­so en mi vida en peda­zos
el pago de todo lo que hago por vos,
me pre­gun­to: ¿por qué no ter­mi­no
con tan­ta amar­gu­ra, con tan­to dolor?…
Si a tu lado no ten­go des­ti­no…
¿Por qué no me arran­co del pecho este amor?

¿Por qué…
sí men­tís una vez,
sí men­tís otra vez
y volvés a men­tir?…

¿Por qué…
yo te vuel­vo a abrazar,
yo te vuel­vo a besar
aunque me hagas sufrir?

Yo sé
que es tu amor una heri­da,
que es la cruz de mi vida,
y mi perdi­ción…

¿Por qué
me ator­men­to por vos
y mi angus­tia por vos
es peor cada vez?…

¿Y por qué,
con el alma en peda­zos,
me abra­zo a tus bra­zos,
si no me querés ?

Yo no puedo vivir como vivo…
Lo sé, lo com­pren­do con toda razón,
sí a tu lado tan sólo reci­bo
la amar­ga cari­cia de tu com­pasión…

Sin embar­go… ¿Por qué yo no gri­to
que es toda men­ti­ra, men­ti­ra tu amor
y por qué de tu amor nece­si­to,
sí en él sólo encuen­tro mar­tirio y dolor?

Luciano Leo­ca­ta Letra: Abel Mar­i­ano Aznar

Traduction libre et indications

Chaque fois que je te tiens dans mes bras, que je regarde tes yeux, que j’écoute ta voix, et que je pense à ma vie en miettes, au prix de tout ce que je fais pour toi, je me demande :
Pourquoi je n’arrête pas avec tant d’amertume, avec tant de douleur ?…
Si à tes côtés, je n’ai pas d’avenir…
Pourquoi est-ce que je n’arrache pas cet amour de ma poitrine ?
Pourquoi…
si vous mentez une fois, si vous mentez encore recom­mencez à men­tir ?… (là, on passe au vou­voiement, ce qui n’est pas habituel en Argen­tine. Est-ce une façon de pren­dre ses dis­tances ?).
Pourquoi…
Je te reprends dans mes bras, je t’embrasse à nou­veau bien que tu me fass­es souf­frir ?
Je sais que ton amour est une blessure, qu’il est la croix de ma vie, et ma perte…
Pourquoi est-ce que je me tour­mente pour toi et que mon angoisse pour toi est pire chaque fois ?…
Et pourquoi, avec mon âme en morceaux, je me serre dans tes bras, si tu ne m’aimes pas ?
Je ne peux pas vivre comme je vis… je le sais, je le com­prends avec toute ma rai­son, si je ne reçois à tes côtés que l’amère caresse de ta com­pas­sion…
Cepen­dant… Pourquoi je ne crie pas que tout est men­songe, men­songe ton amour et pourquoi ai-je besoin de ton amour, si je n’y trou­ve que le mar­tyre et la douleur ?

Autres versions

L’année de la sor­tie de ce titre, en 1956 le suc­cès fut immense et tous les orchestres ayant une fibre sen­ti­men­tale, ou pas, ont essayé de l’enregistrer. Pas moins de 11 enreg­istrements en cette année 1956, sans doute un record pour un titre.
Prenez votre mou­choir, on retourne en 1956, année roman­tique.

Y todavía te quiero 1956 — Héc­tor Pacheco y su Orques­ta dir. por Car­los Gar­cía. Avec les clo­chettes du début, une ver­sion kitch à souhait.

C’est peut-être la pre­mière ver­sion, car il tra­vail­la étroite­ment avec Leo­ca­ta à par­tir de cette époque. On trou­ve égale­ment son por­trait sur la par­ti­tion éditée par Julio Korn.

Y todavía te quiero 1956-02-17 — Orques­ta Argenti­no Galván con Jorge Casal.

Jorge Casal est aus­si un bon can­di­dat pour être le pre­mier, pour les mêmes raisons que Pacheco, sauf la pho­to sur la par­ti­tion.

Y todavía te quiero 1956-03-22 — Orques­ta Sím­bo­lo “Osmar Mader­na” dir. Aquiles Rog­gero con Hora­cio Casares
Y todavía te quiero 1956-05-18 — Orques­ta Alfre­do De Ange­lis con Oscar Lar­ro­ca
Y todavía te quiero 1956-06-11 — Orques­ta José Bas­so con Flo­re­al Ruiz
Y todavía te quiero 1956-06-21 — Orques­ta Osval­do Pugliese con Jorge Maciel. C’est notre tan­go du jour.
Y todavía te quiero 1956-06-29 — Orques­ta Domin­go Fed­eri­co con Arman­do Moreno
Y todavía te quiero 1956-07-24 — Orques­ta Héc­tor Varela con Rodol­fo Lesi­ca
Y todavía te quiero 1956-07-25 — Alber­to Morán con acomp. de Orques­ta dir. Arman­do Cupo
Y todavía te quiero 1956-10-19 — Orques­ta Car­los Di Sar­li con Rober­to Flo­rio
Y todavía te quiero 1956-12-10 — Orques­ta Juan D’Arienzo con Lib­er­tad Lamar­que

Et un enreg­istrement qui a raté la fenêtre en arrivant l’année suiv­ante…

Y todavía te quiero 1957 — Los Señores Del Tan­go con Oscar Ser­pa

Par la suite, d’autres orchestres ont enreg­istré, mais je vous pro­pose pour ter­min­er et les encour­ager Los Caballeros del Tan­go qui est un orchestre de jeunes Colom­bi­ens. La chanteuse est Nathalie Giral­do (Nag­i­ca).

Los Caballeros del Tan­go inter­prè­tent Y todavia te quiero (2022).

Cela fait plaisir de voir que la généra­tion Z con­tin­ue de s’intéresser au tan­go. Atten­dons qu’ils pren­nent un peu d’assurance pour qu’ils assurent la relève.

Histoire de « Y »

Non, je ne vais pas vous par­ler de la généra­tion Y, celle qui a suc­cédé aux X, V Baby-boomers, mais plutôt de la let­tre Y qui précède le titre de ce tan­go. Y en espag­nol, c’est et. En voici l’histoire, telle qu’on la racon­te générale­ment dans le petit monde du tan­go.

La SADAIC est l’organisme qui enreg­istre les morceaux de musique en Argen­tine et qui dis­tribue les droits d’auteurs en fonc­tion des mérites respec­tifs de cha­cun des auteurs (je sais, c’est pure­ment théorique ; —).
Donc, quand Luciano Leo­co­ta a voulu dépos­er la musique du tan­go « Volve­mos a quer­ernos » le 13 mai 1948, il n’a pas pu le faire, car ce titre était déjà pris.
J’ai voulu savoir quel était ce Volve­mos a quer­ernos ini­tial. J’ai donc con­sulté le reg­istre de la SADAIC et il y a bien deux musiques avec un titre proche. Mais la sur­prise est à venir :

Sous le numéro 333294, on trou­ve une œuvre enreg­istrée en 1988, soit 40 ans après la soi-dis­ant date de col­li­sion des titres.

Reg­istra­da el 01/12/1988
T | VOLVAMOS A QUERERNOS OTRA
SANCHEZ NESTOR FERNANDO / BELLATO MARIA GABRIELA

On notera que le titre est VolvA­mos a quer­ernos et pas VolvE­mos a quer­ernos.
Mais il y a une deux­ième sur­prise lorsque l’on véri­fie l’enregistrement du tan­go déposé par Leo­co­ta et Aznar :

4772 | ISWC T0370051196
Reg­istra­da el 13/05/1948
T | Y VOLVEMOS A QUERERNOS (C’est le titre que nous con­nais­sons)
S | VOLVAMOS A QUERERNOS (Avec VolvA­mos), le sous-titre apporte une autre vari­ante.
S | CHANTER LEOCATA AZNAR
S | Y VOLVAMOS A QUERERNOS LEOCATA AZ
AZNAR MARIANO ABEL
LEOCATA LUCIANO

Il se peut donc que ce titre ait été enreg­istré ailleurs qu’en Argen­tine et je me suis tourné vers Leo Mari­ni, un chanteur Argentin par­ti en 1950 à Cuba, Che. Juste­ment, celui-ci a enreg­istré un boléro nom­mé « Volva­mos a quer­ernos ». Je le pro­pose donc comme can­di­dat pour la col­li­sion.
Cepen­dant, j’ai un autre can­di­dat…
Il s’agit de Y no te voy a llo­rar.

1200 | ISWC T0370013629
Reg­istra­da el 16/03/1948
T | NO TE VOY A LLORAR
CALO MIGUEL/NIEVAS ROBERTO HIGINIO

L’intrus est dans ce cas une com­po­si­tion de Miguel Calo déposée en mars.

# 28897 | ISWC T0370310761
Reg­istra­da el 31/08/1953
T | Y NO TE VOY A LLORAR
S | NO TE VOY A LLORAR
AZNAR MARIANO ABEL
LEOCATA LUCIANO

Ce dépôt est postérieur à celui de Y Volve­mos a quer­ernos, et il n’est donc sans doute pas le pre­mier.
Je ne suis pas cer­tain d’avoir trou­vé le « gêneur », ni même si cette his­toire est vraie. ET vous allez me faire remar­quer que je par­le d’un tan­go dif­férent et vous avez tout à fait rai­son. Je reviens donc au Y.
Si Y Volve­mos a quer­ernos est le pre­mier de la série des com­po­si­tions de Leo­ca­ta à être précédé d’un Y, beau­coup de ses com­po­si­tions (env­i­ron 1/3) subiront le même sort. C’est devenu sa mar­que de fab­rique.

Œuvres avec enreg­istrement disponible

  • Y volve­mos a quer­ernos 1949 (déposé à la SADAIC le 13 mai 1948)
  • Y mientes todavía 1950 (Déposé à la SADAIC le 23 octo­bre 1950)
  • Y no te voy a llo­rar 1953 (déposé à la SADAIC le 16 mars 1948) avec la col­li­sion de noms avec un titre de Miguel Calo).
  • Y todavía te quiero 1956 (notre titre du jour, déposé à la SADAIC le 18 jan­vi­er 1956). Il y a 22 thèmes avec un titre sim­i­laire, voire exacte­ment le même. La règle de ne pas avoir deux œuvres du même nom sem­ble avoir sauté… Le plus ancien sem­ble être notre tan­go, car si plusieurs enreg­istrements ne sont pas datés, celui-ci a le numéro le plus petit.
  • Y te ten­go que esper­ar 1957 (déposé à la SADAIC le 8 mars 1957)

Œuvres prob­a­ble­ment sans enreg­istrement disponible.

  • Y a mi me gus­ta el tan­go (déposé à la SADAIC le 19 mai 1981)
  • Y desho­jan­do el tiem­po (déposé à la SADAIC le 13/03/1992)
  • Y el invier­no que­da atrás (déposé à la SADAIC le 8 juil­let 2003)
  • Y esperan­do tu regre­so (déposé à la SADAIC le 20 octo­bre 2005)
  • Y estás deses­per­a­do (déposé à la SADAIC le 6 novem­bre 1978)
  • Y este es el amor (déposé à la SADAIC le 15 décem­bre 1995)
  • Y fue en aquel mes de mayo (déposé à la SADAIC le 18 mars 1998)
  • Y fue tan solo por amor (déposé à la SADAIC le 14 mars 1990)
  • Y fue un sueño imposi­ble (déposé à la SADAIC le 6 avril 1976)
  • Y hoy vuel­vo a revivir (déposé à la SADAIC le 17 novem­bre 1989)
  • Y la quise con locu­ra (déposé à la SADAIC le 17 sep­tem­bre 1981)
  • Y la vida sigue igual (déposé à la SADAIC le 27 mai 2002)
  • Y le can­to a mi ciu­dad (déposé à la SADAIC le 8 avril 1991)
  • Y men­ti­ra fue tu amor (déposé à la SADAIC le 6 mai 1971)
  • Y no fue sin quer­er (déposé à la SADAIC le 22 mai 1989)
  • Y no me cuentes tu tris­teza (déposé à la SADAIC le 1er août 1984)
  • Y no pudieron sep­a­rarnos. Ce titre men­tion­né par Ana­maria Blas­seti n’est pas dans le list­ing de la SADAIC. J’ai véri­fié les œuvres déposées par le co-auteur men­tion­né, Félix Are­na (Rosario), la seule œuvre avec Y est Y men­ti­ra fue tu amor de 1971 et aucune autre de ses pro­duc­tions a un titre approchant.
  • Y no puedo vivir sin vos (déposé à la SADAIC le 27 mai 2002)
  • Y no te creo (déposé à la SADAIC le 17 mai 1955)
  • Y para qué seguir fin­gien­do (déposé à la SADAIC le 15 décem­bre 1993)
  • Y pre­tendes que empece­mos otra vez (déposé à la SADAIC le 24 févri­er 1982)
  • Y quiero estar a tu lado (déposé à la SADAIC le 27 mai 2002)
  • Y quiero que vuel­vas a mí (déposé à la SADAIC le 14 mars 1990)
  • Y rog­a­ré por vos (déposé à la SADAIC le 6 févri­er 1975)
  • Y te acordás que fue una tarde (déposé à la SADAIC le 27 mai 2002)
  • Y te deje par­tir (déposé à la SADAIC le 19 avril 2005)
  • Y todo es men­ti­ra (déposé à la SADAIC le31 jan­vi­er 1958)
  • Y unire­mos nue­stro amor (déposé à la SADAIC le 27 mai 2002)
  • Y viva­mos nue­stro car­naval (déposé à la SADAIC le 15 décem­bre 1980)
  • Y vuel­vo a ser felix (déposé à la SADAIC le 27 mai 2002)
  • Y yo tenía quince años (déposé à la SADAIC le 27 mai 2002)

Cela fait une belle liste. À ma con­nais­sance, seuls les titres où j’ai indiqué la date ont été enreg­istrés (j’ai men­tion­né la date du plus ancien enreg­istrement con­nu).

À demain, les amis !