Les progrès de l’enregistrement de la musique de tango

Julio de Caro jouant de son vio­lon à pavil­lon avec son orchestre

Texte pub­lié sur l’an­cien site le 

Sur la qualité des enregistrements anciens…

Dans les milon­gas, on ne dif­fuse que des enreg­istrements postérieurs à 1926. Savez-vous pourquoi ?

  1. La vie­ja guardia n’est pas tou­jours intéres­sante à danser.
  2. Les orchestres ne jouaient pas vrai­ment du tan­go avant 1926.
  3. La qual­ité des enreg­istrements antérieurs n’est pas assez bonne.

La pre­mière rai­son n’est pas exacte. Si à Buenos Aires la Vie­ja guardia est très peu dif­fusée, c’est loin d’être le cas en Europe. Dis­ons que ces enreg­istrements sont sou­vent un peu pau­vres et moyens à danser, mais ils sont dif­fus­ables quand ils ont été enreg­istrés après 1926…

La sec­onde n’est pas exacte non plus. La com­bi­nai­son entre les dif­férents rythmes orig­in­aux, can­dombe, chan­sons de payador, habanera, canyengue et autres avait déjà don­né nais­sance à de véri­ta­bles tan­go (2X4 notam­ment). Cer­tains morceaux assez lents ont été ensuite accélérés et sont devenus des milon­gas, d’autres ont gardé le car­ac­tère du tan­go. Donc, ce n’est pas la sec­onde rai­son.

L’enregistrement acoustique

Et oui, c’est la troisième solu­tion la bonne. Les pre­miers enreg­istrements étaient effec­tué en émet­tant du son dans un pavil­lon col­lecteur, afin de con­cen­tr­er les vibra­tions sonores vers une aigu­ille qui gra­vait un sil­lon dans un matéri­au duc­tile (comme la cire).
Voir l’ar­ti­cle sur le pre­mier enreg­istrement sonore pour des infor­ma­tions plus détail­lées…

Phono­graphe Edi­son 1877 Il enreg­is­trait sur un cylin­dre détain Il ser­vait aus­si à la repro­duc­tion
Phono­graphe à cylin­dre Pathé Le Coquet 1903 Col­lec­tion Charles Cros
Enreg­istrement dun chef amérin­di­en Pied Noir par Frances Dens­more en 1916
Orchestre enreg­is­trant en acous­tique Remar­quez le grand pavil­lon pointant vers lenregistreur et com­ment les musi­ciens sont empilés pour être en face du pavil­lon Le vio­loniste au pre­mier plan à un vio­lon à pavil­lon qui per­met de don­ner un son plus fort et plus direc­tion­nel
Julio de Caro jouant de son vio­lon à pavil­lon avec son orchestre
Orchestre enreg­is­trant en acous­tique Dans la cab­ine lenregistreur sur disque de cire
Dans cet extrait on peut voir une recon­sti­tu­tion des con­di­tion d’en­reg­istrement d’a­vant 1926.
« El últi­mo payador » de Home­ro Manzi et Ralph Pap­pi­er 1950 (scé­nario d’Homero Manzi). Hugo del Car­ril joue le rôle du payador José Bet­tinot­ti, enreg­is­trant « Pobre mi madre queri­da » un des suc­cès de Bet­tinot­ti.

Dans le film d’Home­ro Manzi, le son est bien sûr celui de 1950, pas celui de 1912 que l’on peut enten­dre ici :

José Bet­tinot­ti. Pobre mi madre quar­i­da, Cir­ca 1912

En 1925, l’enregistrement élec­trique va rapi­de­ment met­tre au rebut ce type d’équipement… En Argen­tine, il fau­dra atten­dre 1926 pour trou­ver les pre­miers enreg­istrements élec­triques, les édi­teurs cher­chant à écouler leur vieux stock…

L’enregistrement électrique

En 1906, l’invention du micro­phone a un peu amélioré le dis­posi­tif, mais ce n’est qu’en 1925 que l’enregistrement élec­trique a vu le jour de façon indus­trielle.

Le micro­phone est asso­cié à un amplifi­ca­teur qui per­met de graver avec une grande pré­ci­sion les mas­ters (dis­ques qui servi­ront après moulage au pres­sage des dis­ques dif­fusés).

Orchestre Vic­tor jouant devant un micro­phone à char­bon
En coulisse lingénieur du son sur­veille la gravure du mas­ter

Les microphones, l’âme de l’enregistrement électrique

Micro­phone à char­bon Vox­ia de 1925 Il est util­isé pour les pre­miers enreg­istrements élec­triques 1926 pour le tan­go et jusquà la fin des années 20
Micro­phone à con­den­sa­teur West­ern Elec­tric 47A util­isé de 1928 à 1935 env­i­ron
Micro­phone à ruban RCA 44 A Brevet RCA de 1931 Il est util­isé de 1935 à 1949 env­i­ron Cest le micro­phone de lâge dor du tan­go
U47 de Georg Neu­mann GmbH De 1947 à nos jour ce micro­phone élec­tro­sta­tique the Tel­ly était le fétiche de Frank Sina­tra

Écoutons la différence entre acoustique et électrique

L’orchestre de Fran­cis­co Canaro a enreg­istré à deux repris­es le tan­go Cari­cias. Une fois en 1924, avec un sys­tème d’enregistrement acous­tique et une fois en 1927, avec un sys­tème élec­tron­ique.

Il est très intéres­sant de voir com­ment la qual­ité a été améliorée en l’espace de quelques mois…

Écoutez la dif­férence de qual­ité entre l’en­reg­istrement acous­tique et l’en­reg­istrement élec­trique.

Voilà donc pourquoi on n’écoute généralement pas de tangos enregistrés avant 1926 dans les milongas

Pour vous en con­va­in­cre, écoutez ces deux extraits du même thème avec des inter­pré­ta­tions très dif­férentes et une qual­ité tech­nique fort dis­sem­blable.

Début de : El criol­lo fal­si­fi­ca­do (el Porteñi­to) 1906 — Alfre­do Gob­bi y Flo­ra — Vous voyez-vous danser là-dessus ?
Début de : El Porteñi­to 1928-09-26. Típi­ca Vic­tor (direc­tion Cara­bel­li). Ce titre est tout à fait pass­able en milon­ga. La qual­ité d’exé­cu­tion et tech­nique est très sat­is­faisante. Évidem­ment, ce style canyengue n’est pas le plus raf­finé, mais de temps à autre, dans une milon­ga, c’est sym­pa.
Fin de : El Porteñi­to 1943-03-23. Angel d’Agosti­no y Angel Var­gas. On notera comme le rythme s’est égale­ment accéléré, pas­sant du canyengue à la milon­ga. La qual­ité sonore est excel­lente, même si celle de la Típi­ca Vic­tor de 1928 n’a pas à rou­gir.

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