Olvidao 1932-03-21 — Orquesta Francisco Canaro

Guillermo Barbieri Letra Enrique Cadícamo

Olvi­dao, le titre du tan­go du jour peut paraître éton­nant à pre­mière vue, voire à sec­onde vue. Je vais alors vous dévoil­er ses secrets. Olvi­dao a été enreg­istré par Canaro il y a exacte­ment 92 ans.

Le parlé lunfardo

Olvi­dao est la forme « con­trac­tée » d’olvidado. Dans la pronon­ci­a­tion faubouri­enne des pre­miers temps du tan­go, les chanteurs out­re l’emploi du lun­far­do chan­taient avec ce type de pronon­ci­a­tion défor­mée.

 Un des plus forts exem­ples de ce type est celui que j’ai évo­qué dans l’article sur Lo de Lau­ra en citant la retran­scrip­tion de l’ethnologue Eduar­do Bar­beris repro­duisant le texte d’un tan­go « La Pishu­ca — El baile en lo de Tran­queli).

Les tan­gos ayant sou­vent été chan­tés d’une façon plus élé­gante par la suite, en général, je tran­scris les paroles en bon espag­nol, donc sans les flex­ions défectueuses.
Là, le titre étant figé en olvi­dao, je le laisse ain­si, mais il faut bien sûr com­pren­dre « olvi­da­do » (oublié).

Extrait musical

Olvi­dao 1932-03-21 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro. Tan­go instru­men­tal. Le drame de l’histoire n’est pas sen­si­ble. C’est un bon tan­go de danse pour une tan­da de la vieille garde.

Les paroles

Il s’agit d’une ver­sión instru­men­tale qui ne laisse pas devin­er la tragédie sous-jacente. Cepen­dant, les paroles expliquent le titre du tan­go. Voici la ver­sion orig­i­nale, celle écrite par Cadicamó.

PARTE I
Lo mataron al pobre Con­tr­eras,
Recién los casa­ban!… Si es para no creer!
Un luz mala, saltó la tran­quera
Y vino a bus­car­le su propia mujer…
Fue en el patio e’ la estancia «La Haz­a­ña»
La fies­ta e’ los novios era un explen­dor, (esplen­dor)…
Mas de pron­to dos dagas hicieron
De aque­l­la ale­gría un cuadro e’ dolor…
RECITADO
Mató al despecha­do
y heri­do de muerte,
el recién casa­do,
En san­gre baña­do,
Habló de esta suerte
PARTE II
No es nada mi gaucha…
No te asustés, vida…
A los dos, pelian­do,
Se nos fué el facón…
Me viene gol­pe­an­do
Un vien­ti­to hela­do
Aqui… de este lado
En el corazón…
Lle­vame unas flo­res,
Anda a vis­i­tarme,
La tier­ra es muy fría
Pa estar olvi­dao…
Adio­sioto gaucha
Te estaré esperan­do!…
Me voy apa­gan­do
De puro finao!…

PARTE I (BIS)
Al prin­ci­pio fué pura prome­sa
La viu­da llora­ba sin dun­da demás…
Mas después se le jué (fue) la tris­teza.
Y a su pobre gau­cho no lo jué (fue) a ver más,.
Con razón que en la noches e’ tor­men­ta
Se siente patente la voz del finao (fina­do)
Que la lla­ma dicien­do: “Lucin­da !”
‘Estoy muy soli­to’… ‘Llé­gate a mi lao (lado)’…

Guiller­mo Bar­bi­eri Letra Enrique Cadí­camo

En rouge, ce qui est chan­té par Char­lo dans la pre­mière ver­sion enreg­istrée.

Traduction libre et explications

PREMIÈRE PARTIE
Ils ont tué le pau­vre Con­tr­eras,
Ils venaient de le mari­er, et c’est incroy­able, un gars (luz en lun­far­do peut être un homme rapi­de) malé­fique sauta le por­tillon, et vint le dérober à sa pro­pre femme.
C’était dans la cour du ranch « La Haz­a­ña ».
La fête où étaient les mar­iés était une splen­deur,
Mais tout à coup deux poignards firent de cette joie une image d’horreur.
REFRAIN
Il tua le vau­rien
Et mortelle­ment blessé, le jeune mar­ié baig­nant dans le sang par­la de cette chance.
SECONDE PARTIE
Ce n’est rien ma gaucha, ne t’inquiète pas ma vie,
En nous bat­tant con­tre les deux, nous avons per­du le poignard
Il me vient en frap­pant, un petit vent glacial, ici, de ce côté, dans le cœur.
Apporte-moi des fleurs, viens me ren­dre vis­ite, la terre est trop froide pour être oublié.
Adieux ma gaucha, je t’attendrai, je m’éteins, pur défunt.
PREMIÈRE PARTIE (BIS)
Au début, c’était une promesse pure
La veuve pleu­ra sans doute de trop…
Mais ensuite, la tristesse se fut
Et elle n’alla plus voir son pau­vre gau­cho.
C’est pour cela que dans les nuits d’orage,
on entend claire­ment la voix du défunt, qui l’appelle en dis­ant : « Lucin­da, je suis très seul, viens à mon côté »…
Je pense main­tenant que vous savez pourquoi ce tan­go s’appelle Olvi­dao (Olvi­da­do), c’est à dire oublié).

La partition

Autres versions

Olvi­dao 1932-03-18 — Orques­ta Adol­fo Cara­bel­li con Char­lo.

Trois jours avant l’enregistrement par Canaro. Beau­coup de dif­férences dans le style. La musique est plus légère, je trou­ve plus élé­gante. Char­lo chante un cou­plet (en rouge dans les paroles, ci-dessus). Même si ce pas­sage par­le de la mort, le tan­go reste tout à fait dans l’élégance de la danse et son final enjoué (la veuve joyeuse, sans doute), fait que l’on ter­mine la danse dans de bonnes con­di­tions.

Olvi­dao 1932-03-21 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro. Tan­go instru­men­tal.

Le drame de l’histoire n’est pas sen­si­ble. C’est un bon tan­go de danse pour une tan­da de la vieille garde.
Char­lo dans le film Puer­to nue­vo de Mario Sof­fi­ci y Luis Cesar Amador en 1935 ou 1936.

Olvi­dao 1941-07-29 — Orques­ta Juan D’Arienzo con Alber­to Rey­nal.

Rey­nal chante presque toutes les paroles avec quelques vari­antes de détail qui ne changent pas le sens de l’histoire. L’énergie de D’Arienzo fait oubli­er le trag­ique de l’histoire. N’oublions pas qu’un grand nom­bre de danseurs his­panophones ne tien­nent pas compte des paroles quand ils dansent. La lec­ture des textes de tan­go peut génér­er des pen­sées tristes, mais pas pour la danse quand c’est D’Arienzo qui mène la danse.

Olvi­dao 1952 — Edmun­do Rivero con gui­tar­ras.

Avec Rivero, une ver­sion chan­son qui béné­fi­cie de l’expressivité de Rivero qui rend le trag­ique de l’histoire.

Olvi­dao 1953-02-03 — Julio Sosa con la Orques­ta Franci­ni-Pon­tier. Une autre ver­sion chan­son par el Varon del tan­go.
Olvi­dao 1953-08-05 — Juan Car­los Cobos Con la Orques­ta Osval­do Pugliese. Pour ter­min­er, cette autre ver­sion en chan­son que cer­tains pour­raient réclamer de danser. Pffff, écoutez-là, mais ne dansez pas SVP.

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