Archives par étiquette : Los Solistas de D’Arienzo

Mi serenata 1952-06-25 – Orquesta Edgardo Donato con Carlos Almada y Alberto Podestá

Edgardo Donato Letra: Juan Carlos Thorry (José Antonio Torrontegui)

Mi ser­e­na­ta est un superbe tan­go chan­son, écrit par Edgar­do Dona­to. Il l’a enreg­istré à deux repris­es, les deux fois avec des duos (et il ne sera pas le seul). Je vous pro­pose aujourd’hui la sec­onde ver­sion, moins con­nue que celle réal­isée 12 ans plus tôt. C’est le soir, lais­sez-vous bercer par cette séré­nade et soyez sym­pas, répon­dez aux chanteurs, pas comme la pim­bêche de ce tan­go.

Les rues de Buenos Aires et des alen­tours regorgeaient d’âmes seules et de musi­ciens, chanteurs, tou­jours prêts à pouss­er la chan­son­nette, notam­ment pour con­quérir une belle.
La séré­nade, favorisée par les nuits générale­ment clé­mentes de la région, fai­sait donc flo­res.
Le tan­go témoigne de cet engoue­ment, avec au moins une trentaine de titres con­tenant Ser­e­na­ta. Ce sont majori­taire­ment des tan­gos et des valses, mais en dehors de notre univers tanguero, il pou­vait s’agir aus­si de habaneras ou boléros.
Le céré­mo­ni­al de la séré­nade pas­sait par la chan­son sous le bal­con, de l’autre côté de la clô­ture, comme dans la ver­sion d’aujourd’hui, par fois sur le bal­con, comme dans Ser­e­na­ta que nous avons déjà évo­qué… Nor­male­ment, la femme devait allumer une lumière pour sig­naler qu’elle était à l’écoute et si tout se pas­sait bien, le chanteur pou­vait espér­er aller un peu plus loin, c’est-à-dire, selon les cas, grimper au bal­con de façon acro­ba­tique, sauter la bar­rière, ou recevoir l’accueil sus­picieux du père de la belle.

Extrait musical

Mi ser­e­na­ta 1952-06-25 – Orques­ta Edgar­do Dona­to con Car­los Alma­da y Alber­to Podestá.

La voix grave de Alma­da et la plus aigüe de Podestá for­ment un assez bel ensem­ble.

Mi ser­e­na­ta, Par­ti­tion avec Dona­to et Gavi­o­li en pho­to

Vous remar­querez qu’il est indiqué « Tan­go can­ción » (tan­go chan­son). Il est écrit égale­ment que les pal­abras (paroles) sont de Juan C. Thor­ry, que la musique est de Edgar­do Dona­to et que c’est une créa­tion de Romeo Gavio. Cela nous indique cer­taine­ment qu’avant de l’enregistrer, il l’a chan­té sur une des scènes de Buenos Aires.
La par­ti­tion est dédi­cacée par Dona­to à José Lec­toure et Ismaël Pace. Comme il se peut que vous ne con­naissiez pas ces deux indi­vidus, voici leur pho­to et leur CV.

Ismael Pace et José Lec­toure en com­pag­nie de tech­ni­ciens de la con­struc­tion du Sta­di­um Luna Park dont ils sont les pro­prié­taires (pho­to de 1932).

Je suis sûr que vous n’aviez pas dev­iné qui étaient réelle­ment les dédi­cataires… Le Luna Park est une immense salle de spec­ta­cle de Buenos Aires, on se sou­vient que Canaro l’a util­isée pour les car­navals à par­tir de 1936, voir par exem­ple Después del car­naval 1941-06-19 Orques­ta Osval­do Frese­do con Ricar­do Ruiz. C’est aus­si une salle où des com­bats de boxe sont don­nés, tout aus­si vio­lents que les meet­ings poli­tiques qui s’y déroulent encore aujourd’hui.
On peut s’étonner de la dédi­cace. Ils étaient amis de Dona­to, mais le thème de ce tan­go ne sem­ble pas totale­ment adap­té aux per­son­nages. On les imag­ine dif­fi­cile­ment grat­tant une gui­tare sous un bal­con, mais qui sait ?

Paroles

Niña de mi corazón
brindarte quiero un can­tar
que sea el refle­jo fiel
de car­iño sin par,
niña de mi ilusión.

A tu reja llegué
una estrel­la guiñó
y aquel día for­jé
mi primera ilusión.
Ser­e­na­ta que allí
para ti impro­visó mi amor,
tu prome­sa de amor,
tu mira­da, un clav­el,
dieron pre­mio a mi can­ción.

Hoy que ya el tiem­po pasó,
vine a tu reja a can­tar,
silen­cio fue el respon­der
a este triste dolor
que tu ausen­cia dejó.

Edgar­do Dona­to Letra: Juan Car­los Thor­ry (José Anto­nio Tor­rontegui)

Traduction libre et indications

Fille de mon cœur, je veux t’offrir une chan­son qui soit le reflet fidèle d’une affec­tion sans pareille, fille de mon sen­ti­ment amoureux (ilusión, n’est pas une illu­sion…).
À ta clô­ture, une étoile venue faire un clin d’œil, et ce jour-là, j’ai forgé mes pre­miers sen­ti­ments.
Une séré­nade que là, pour toi, j’ai impro­visé mon amour, ta promesse d’amour, ton regard, un œil­let, ont don­né un prix (récom­pense) à ma chan­son.
Aujourd’hui que ce temps est déjà passé, je suis venu à ta clô­ture pour chanter, le silence a été la réponse à cette triste douleur que ton absence a lais­sée.

Autres versions

Mi ser­e­na­ta 1940-01-11 — Orques­ta Edgar­do Dona­to con Romeo Gavio y Lita Morales.

C’est la pre­mière ver­sion, enreg­istrée par l’auteur, avec le duo gag­nant Lita Morales et Romeo Gavi­o­li. Qui d’autre que Roméo pou­vait lancer la séré­nade à Juli­ette, par­don, à Lita ? N’oublions pas qu’ils étaient un cou­ple dis­cret comme nous l’avons évo­qué lors de notre anec­dote sur El adios.
C’est sans doute la ver­sion préférée de la plu­part des danseurs et elle le mérite.

Mi ser­e­na­ta 1952-06-25 – Orques­ta Edgar­do Dona­to con Car­los Alma­da y Alber­to Podestá. C’est notre tan­go du jour.
Mi ser­e­na­ta 1955-09-02 – Orques­ta Osval­do Pugliese con Jorge Maciel y Miguel Mon­tero.
Mi ser­e­na­ta 1973 — Los Solis­tas de D’Arien­zo con Osval­do Ramos y Alber­to Echagüe
Mi ser­e­na­ta 1980 — Orques­ta Dona­to Rac­ciat­ti con Marce­lo Bion­di­ni y Gabriel Rey­nal.

Il s’appelle aus­si Dona­to, mais c’est son prénom et le résul­tat n’est pas for­cé­ment con­va­in­cant.

Mi Ser­e­na­ta 2022-06 — El Cachivache Quin­te­to. Sans doute la palme de l’originalité pour cette ver­sion.

Et pour ter­min­er, une belle ver­sion de la Roman­ti­ca Milonguera en video. C’est de 2017, donc logique­ment après la ver­sion de El Cachivache, mais je trou­ve plus sym­pa de ter­min­er ain­si.
C’est de nou­veau un duo, homme femme, comme la pre­mière ver­sion de 1940 par Dona­to. La boucle est fer­mée.

Orques­ta Roman­ti­ca Milonguera avec Rober­to Minon­di et Marisol Mar­tinez en duo — “Mi ser­e­na­ta”

À demain les amis !

Pata ancha 1957-05-13 — Orquesta Osvaldo Pugliese

Mario Demarco

Pata ancha en lun­far­do sig­ni­fie courage, mais en espag­nol courant, cela peut aus­si sig­ni­fi­er gros pied. Pugliese fut un lut­teur. Il lut­ta avec acharne­ment pour défendre ses idées poli­tiques et paya le prix en effec­tu­ant de nom­breux séjours en prison. Pata ancha a été enreg­istré par Odéon, lors d’une de ses «absences». Sur le piano, un œil­let ou une rose rouge évo­quaient le maître absent.

Extrait musical et histoire de prisons

Pata ancha 1957-05-13 — Orques­ta Osval­do Pugliese.

San pugliese étant empris­on­né dans le cadre de la « operación car­de­nal ».
Les détenus après un séjour à la Pen­i­ten­cia­ria Nacional ont été trans­férés dans un bateau nom­mé « Paris ». C’est la rai­son pour laque­lle Agosti a appelé son arti­cle dans les Cuader­nos de Cul­tura (Cahiers de la Cul­ture) Med­ita­ciones des­de el “París” Médi­ta­tions depuis le Paris.
C’est le pianiste Osval­do Manzi qui le rem­plaça, comme ce fut le cas pour d’autres enreg­istrements comme La novia del sub­ur­bio enreg­istré le même jour que Pata ancha (1957–05-13), Yun­ta de oro et No me hablen de ella (1957–10-25), Cora­zone­an­do et Gente ami­ga (1958–01-02), La bor­dona et Qué pin­tu­ri­ta (1958–08-06). Il y a cer­taine­ment eu d’autres enreg­istrements dans ce cas, Pugliese ayant fait l’objet de nom­breux empris­on­nements ou inter­dic­tions de jouer.

Dans le jour­nal com­mu­niste « La Hora » du 18 décem­bre 1948, l’annonce de l’interdiction de trois artistes, Osval­do Pugliese, Atahul­pa Yupan­qui et Ken Hamil­ton. C’est neuf ans avant l’enregistrement de Pata ancha, sous Per­on, qui fera égale­ment empris­on­ner Pugliese à Devo­to en 1955. Cela explique les appari­tions en pointil­lé de Pugliese.

Il reste un petit mot à dire sur le com­pos­i­teur. Il s’agit de Mario Demar­co, celui qui a rem­placé Jorge Cal­dara au ban­donéon quand Cal­dara, sur la pres­sion de sa femme, a quit­té l’orchestre pour faire une virée au Japon. On peut com­pren­dre les inquié­tudes de sa femme vu les mul­ti­ples empris­on­nements du leader de l’orchestre…

Pata ancha

Hac­er pata ancha (faire le gros pied), c’est résis­ter brave­ment. Ce terme était util­isé en escrime créole, le com­bat au couteau des gau­chos argentins.

Com­bat au facón et à la dague de gau­chos. On remar­que le pon­cho qui ser­vait à se pro­téger. Le pon­cho est l’accessoire pri­mor­dial de tout gau­cho. Pho­to mise en scène par Frank G. Car­pen­ter (1855–1924). Pub­lic domain (Library of Con­gress).

Sarmien­to a fustigé cette cou­tume des gau­chos dans son Facun­do Quiroga, pour mar­quer l’absence de « civil­i­sa­tion » de cette pop­u­la­tion fière, mais plutôt mar­ginale, une cri­tique à peine déguisée à De Rosas.
On l’appelle par­fois, la esgri­ma criol­la (escrime créole). Elle s’est dévelop­pée durant la guerre d’indépendance argen­tine (1810).
Si vous voulez en savoir plus sur cette lutte qui est encore pra­tiquée, notam­ment dans les ban­des de délin­quants d’aujourd’hui, vous pou­vez con­sul­ter ce site…

Les facones, ces couteaux red­outa­bles qui peu­plent les paroles de tan­go, mais qui étaient plutôt les attrib­uts des gau­chos.

Les facones sont des couteaux red­outa­bles. S’ils sont évo­qués dans les tan­gos à pro­pos de per­son­nages un peu fan­farons, ils étaient util­isés par les gau­chos dans des com­bats au sang, voire par­fois à mort.
Les facones du tan­go étaient plus sou­vent des couteaux courts, plus faciles à dis­simuler et un adage argentin dit, « ne sors pas le couteau si tu ne comptes pas l’utiliser ».
Pugliese à sa façon a fait preuve d’un grand courage pour défendre ses idées. Il est resté ferme et a fait la pata ancha et que ce soit Osval­do Manzi qui effectue le solo de piano à 1 : 20 n’est pas très impor­tant dans un orchestre où chaque musi­cien était un mem­bre à parts égales. Con­traire­ment à d’autres orchestres dont le chef était un tyran, dans l’orchestre de Pugliese, il s’agissait d’une ges­tion col­lec­tive, d’une com­mu­nauté, ce qui explique la fidél­ité de plu­part de ses musi­ciens qui étaient d’ailleurs payés en fonc­tion de leurs inter­ven­tions, sur les mêmes bases que Pugliese lui-même, ce qui aurait été impens­able pour Canaro…
Si Demar­co et Cal­dara ont quit­té l’orchestre, c’était dans les deux cas en rai­son de leurs femmes ; crain­tive pour l’avenir de son mari à cause des idées de Pugliese pour Cal­dara et pour rai­son de mal­adie dans le cas de Demar­co, sa femme était malade et il a donc décidé de ne pas faire la tournée en Russie avec l’orchestre.

Autres versions

Pata ancha 1957-05-13 — Orques­ta Osval­do Pugliese.

C’est notre tan­go du jour. La yum­ba est par­ti­c­ulière­ment forte dans cette inter­pré­ta­tion. Peut-être que les musi­ciens souhaitaient évo­quer leur leader absent. On sait par ailleurs que quand Pugliese était « empêché » au dernier moment, en plus de la rose ou de l’œillet sur le piano, les musi­ciens mar­quaient forte­ment le rythme au pied pour que la yum­ba habite la représen­ta­tion.
Je me force un peu pour vous pro­pos­er d’autres ver­sions, faute d’une ver­sion avec Pugliese au piano.

Pata ancha 1997 — Col­or tan­go de Rober­to Álvarez.

Cet enreg­istrement a été effec­tué au « Estu­dio 24 » de Buenos Aires. Rober­to Álvarez à la mort de Pugliese a repris la suite du maître. D’aucuns lui reprochent d’avoir util­isé les arrange­ments de Pugliese pour son orchestre, Col­or tan­go. En fait, de nom­breux orchestres ont fait de même à la dis­pari­tion de leur leader, comme los Solis­tas de D’Arienzo, le Quin­te­to Pir­in­cho (Canaro) ou le Con­junc­to Don Rodol­fo. Écou­tons donc le résul­tat, sans arrière-pen­sée.

Pata ancha 2000 — Orques­ta Escuela de Tan­go Dir. Emilio Bal­carce.

Une ver­sion aux accents de Pugliese.

Et pour ter­min­er, Pata ancha par Tan­go Bar­do a écouter, voire à acheter sur Band­Camp
https://tangobardo.bandcamp.com/track/pata-ancha
Une ver­sion moins proche de Pugliese.

La rose sur le clavier du piano quand San Osval­do ne pou­vait pas venir (inter­dic­tion ou prison).

Para ti madre 1932-05-04 — Orquesta Francisco Canaro con Agustín Irusta

José Mocciola Letra : Venancio Clauso

¡Madre hay una sola! chan­tait Gardel dans le tan­go du même nom. La valse du jour est une valse pour les mères que l’on fête en Argen­tine le 3dimanche d’octobre. Ce n’est donc pas tout de suite que les Argentins vont pass­er cette valse à leur maman, en revanche, dans beau­coup d’autres pays, cela se fête en mai. Cer­tains vont donc pou­voir l’utiliser bien­tôt…

Extrait musical

Par­ti­tion de Para ti, Madre.
Para ti madre 1932-05-04 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Agustín Irus­ta. Près de 30 sec­on­des d’introduction, le temps d’aller chercher sa mère pour la faire danser.

Paroles

Este mun­do, donde todo es leve humo,
men­ti­ra, hojaras­ca,
por sobre toda pequeñez humana,
por sobre toda grandeza vac­ua,
como un beso de dios, hecho mate­ria,
un sim­bo­lo, la madre se lev­an­ta

Dichoso tiem­po aquel de la niñez mar­avil­losa,
infan­cia de oro y miel, ben­di­ta edad de ingenuidad,
el mun­do era un edén en donde el bien rein­a­ba
y lleno de ilusión era feliz el corazón.
Cari­cia mater­nal, mano leal y gen­erosa,
ter­nu­ra sin igual, mun­do ide­al, col­or de rosa.
Del ven­tur­oso ayer sólo quedó el recuer­do,
la vida dura y cru­el ya me enseñó lo que es dolor.

Mi corazón san­grante ten­go
en el pesar más cru­el sum­i­do,
extraña el buen calor del nido
y en la can­ción
se der­ra­ma su emo­ción.
Evo­cación del bien per­di­do
es para ti la can­ción
y a acari­ciar tus oídos
irán los lati­dos
de mi corazón.

Aho­ra que no estás, te sien­to más hon­do en el alma
y nadie ha de poder bor­rar, jamás, tu ima­gen fiel.
Aho­ra que no estás es tan tenaz la angus­tia
de haber sido, quizás, algu­na vez un poco cru­el.
El eco de tu voz, que es voz de Dios, vibra en mi oído
y es sop­lo alen­ta­dor que da val­or al abati­do.
Tu beso inma­te­r­i­al pasa mi sien rozan­do
y aunque no estás aquí, muy mater­nal, velas por mí.

José Moc­ci­o­la Letra : Venan­cio Clau­so

Agustín Irus­ta ne chante que ce qui est en gras, c’est-à-dire que le plus triste de la chan­son n’est pas évo­qué. C’est mieux pour le chanter à sa mère si vous avez la chance de l’avoir encore en vie…
En bleu, ce qui est dit ou chan­té selon les ver­sions par Echagüe et seule­ment par lui, dans les années 70.
Car­los Dante et Ada Fal­cón chantent toutes les paroles (sauf ce qui est bleu, qui n’appartient qu’à Echagüe).

Traduction libre

Temps bien­heureux de l’enfance mer­veilleuse, une enfance d’or et de miel, une époque bénie de naïveté. Le monde était un Éden où le bien rég­nait et où le cœur était heureux et plein d’illusions.
Caresse mater­nelle, main loyale et généreuse, ten­dresse sans pareille, monde idéal, couleur de rose. Du passé heureux, il ne reste que le sou­venir, la vie dure et cru­elle m’a déjà appris ce que c’est que la douleur.
Mon cœur saig­nant est sub­mergé par les regrets les plus cru­els, il manque de la bonne chaleur du nid et dans le chant se déverse son émo­tion.
Une évo­ca­tion du bien per­du, la chan­son est pour toi, et en cares­sant tes oreilles, vien­dront les bat­te­ments de mon cœur.
Main­tenant que tu n’es plus, je te sens au plus pro­fond de mon âme et per­son­ne ne pour­ra jamais effac­er ton image fidèle.
Main­tenant que tu es par­tie, l’angoisse d’avoir été, peut-être, par­fois un peu cru­el est si tenace.
L’écho de ta voix, qui est la voix de Dieu, vibre à mon oreille et est un souf­fle encour­ageant qui donne du courage à celui qui est abat­tu.
Ton bais­er immatériel effleure ma tempe et même si tu n’es pas là, tu veilles sur moi d’une manière si mater­nelle.

Autres versions

Quelques-uns des dis­ques présen­tés, de gauche à droite : Canaro Irus­ta, Canaro Fal­con, De Ange­lis Dante, Mader­na Dati­la, Cor­rales et à droite, la pochette d’un 33 tours de Canaro reprenant la ver­sion de 1932.
Para ti madre 1932-05-04 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Agustín Irus­ta. C’est notre valse du jour.
Para ti madre 1932-07-18 — Ada Fal­cón con acomp. de Fran­cis­co Canaro.

Fidèle à ses habi­tudes, Canaro réalise dans la foulée une ver­sion en chan­son. Celle-ci, respectueuse des paroles, est donc plus triste. Cepen­dant la jolie voix d’Ada fait que ce titre, bien accom­pa­g­né par Canaro est agréable à écouter.

Para ti madre 1948-07-23 — Orques­ta Alfre­do De Ange­lis con Car­los Dante.

Si votre mère est car­diaque ou un peu ban­cale, évitez de la faire valser sur cette ver­sion très rapi­de pro­posée par De Ange­lis et Dante.

Para ti madre 1949-01-26 — Orques­ta Osmar Mader­na con Pedro Dáti­la y Mario Cor­rales (Pomar).

Une ver­sion qui pour­rait être sym­pa si elle n’avait pas été mas­sacrée par un ingénieur du son, fou. Les grands coups de poten­tiomètres pour aug­menter les nuances sont ridicules. Avec un peu de boulot, on peut rétablir un sem­blant de nor­mal­ité dans cette valse, mais quel gâchis.

Para ti madre 1972 — Alber­to Echagüe con orques­ta de Jorge Drag­one.

Mais qu’est-ce qui a pris à Echagüe de s’associer avec Drag­one pour enreg­istr­er cette ver­sion sin­istre ? Même si on arrive à sup­port­er l’orgue élec­tron­ique, la tristesse de l’introduction et l’ambiance de cette valse ren­dent défini­tive­ment impass­able à une mère un tant soit peu aimée… Peut-être que j’ai une petite dent con­tre l’orgue élec­tron­ique, car quand j’étais ado­les­cent et que je jouais sur l’un d’entre eux, celui-ci a décidé de pren­dre feu, chose qui n’arrive pas avec les bons vieux Stein­way Bossendör­fer ou Yama­ha…
Echagüe dit la pre­mière stro­phe, cela donne un air un peu sin­istre.
Pour le reste, il chante les paroles avec de légères vari­antes.

Para ti madre (1972 ? Le disque est sor­ti le 14 jan­vi­er 1974) — Los Solis­tas de D’Arienzo con Alber­to Echagüe.

Echagüe se rachète avec cette ver­sion enreg­istrée avec les anciens musi­ciens de D’Arienzo. Car­los Láz­zari (Ban­donéon, arrange­ments et directeur), Nor­man­do Lázara (Piano), Milo Doj­man (Vio­lín), Enrique Amadeo Guer­ra (Con­tra­ba­jo) et Alber­to Echagüe au chant.
Echagüe change ce qu’il dis­ait dans la ver­sion de Drag­one, ce qui enlève un peu de sin­istre. Le rythme plus rapi­de fait que la valse passe mieux.

Si rien ne vous con­vient, vous trou­verez des dizaines de titres en cher­chant avec Mamá, Madre et Madrecita. Beau­coup sont des valses, forme qui se prête par­ti­c­ulière­ment aux anniver­saires et fêtes en tout genre.
Et si tout cela ne vous suf­fit pas, pour ter­min­er avec un genre dif­férent, je vous pro­pose, Para ti madrecita par le chanteur équa­to­rien Julio Jaramil­lo sur une musique et des paroles de Ser­gio Bedoya.

Para ti madrecita — Julio Jaramil­lo, El Ruiseñor de Améri­ca.
Para ti madre.

La última copa 1943-04-29 — Orquesta Ricardo Tanturi con Alberto Castillo

Francisco Canaro Letra : Juan Andrés Caruso

Ceux qui fréquentent les milon­gas portègnes ont sans doute été éton­nés de voir la quan­tité de bouteilles de cham­pagne qui peu­plent les tables. Ce breuvage a même des tan­gos à son nom. Toutes les bois­sons ne peu­vent pas en dire autant. La últi­ma copa, le dernier verre, n’est donc pas le dernier pour tout le monde. Voyons ce que nous con­te ce tan­go.

Il y a champagne et champagne

L’Argentine est un grand pays de viti­cul­ture et de vin. Elle pro­pose des vins somptueux, curieuse­ment presque tous nom­més du nom du raisin qui les com­posent. On va pren­dre un Mer­lot, un Caber­net, une Syrah, un Chardon­nay…
Le cham­pagne que l’on trou­ve sur les tables des milon­gas n’a de cham­pagne que le nom, tout comme le Roque­fort. Il est pro­duit sur place, notam­ment à Men­doza et en Patag­o­nie.
Pro­gres­sive­ment, sous la pres­sion des vitic­ul­teurs français, le nom change pour laiss­er appa­raître « méth­ode cham­p­enoise » ou autre indi­ca­tion lais­sant penser que c’est du Cham­pagne, sans le dire vrai­ment. J’imagine que les vitic­ul­teurs français de Cham­pagne ne tien­nent pas en grande estime ces vins, bien que cer­tains se vendent en Argen­tine bien plus cher que les « vrais » cham­pagnes de super­marché français. Cepen­dant, dans les milon­gas, c’est bien un mousseux stan­dard qui vous sera servi comme cham­pagne.
Revenons à notre últi­ma copa. Je vous pro­pose de l’écouter… dans une ving­taine de ver­sions…

Extrait musical

La últi­ma copa 1943-04-29 — Orques­ta Ricar­do Tan­turi con Alber­to Castil­lo.

C’est une ver­sion bien ryth­mée, avec une accen­tu­a­tion forte des temps. Tan­turi est con­sid­éré comme un orchestre facile à danser. Pour cette rai­son, on le ren­con­tre sou­vent dans les encuen­tros. Ici, c’est la voix de Castil­lo qui déclame les paroles, tout au moins les deux pre­miers cou­plets et deux fois le refrain. Le chant com­mence à 1 minute, après la présen­ta­tion par les ban­donéons et les vio­lons du thème, le vio­lon tra­vail­lant surtout en ponc­tu­a­tion. À 2 : 05 Castil­lo laisse la place à l’orchestre, puis reprend le refrain pour ter­min­er, juste avant les deux tra­di­tion­nels accords de Tan­turi (accord sur dom­i­nante, temps de silence, accord sur tonique, tardif).

Les paroles

Eche, ami­go, nomás, écheme y llene
Has­ta el bor­de la copa de cham­pagne
Que esta noche de far­ra y de ale­gría
El dolor que hay en mi alma quiero ahog­ar

Es la últi­ma far­ra de mi vida
De mi vida, mucha­chos, que se va
Mejor dicho, se ha ido tras de aque­l­la
Que no supo mi amor nun­ca apre­ciar

Yo la quise, mucha­chos y la quiero
Y jamás yo la podré olvi­dar
Yo me embor­ra­cho por ella
¿Y ella, quién sabe qué hará?

Eche, mozo, más cham­pagne
Que todo mi dolor bebi­en­do lo he de ahog­ar
Y si la ven, ami­gos, dígan­le
Que ha sido por su amor que mi vida ya se fue

Y brindemos, nomás, la últi­ma copa
Que, tal vez, tam­bién ella aho­ra estará
Ofre­cien­do en algún brindis su boca
Y otra boca, feliz, la besará

Eche ami­go, nomás, écheme y llene
Has­ta el bor­de la copa de cham­pagne
Que mi vida se ha ido tras de aque­l­la
Que no supo mi amor nun­ca apre­ciar

Yo la quise, mucha­chos, y la quiero
Y jamás yo la podré olvi­dar
Yo me embor­ra­cho por ella
¿Y ella, quién sabe qué hará?

Eche, mozo, más cham­pagne
Que todo mi dolor bebi­en­do lo he de ahog­ar
Y si la ven, ami­gos, dígan­le
Que ha sido por su amor que mi vida ya se fue

Fran­cis­co Canaro Letra: Juan Andrés Caru­so

Castil­lo chante ce qui est en gras.

Traduction libre

Verse, mon ami, sans façon, verse et rem­plis à ras bord la coupe de cham­pagne, car en cette nuit de réjouis­sances et de joie, je veux noy­er la douleur qui est dans mon âme.
C’est la dernière fête de ma vie, de ma vie, les gars, qui s’en va… Ou plutôt, elle est par­tie avec celle que mon amour n’a jamais su appréci­er.

Je l’ai aimée, les gars, et je l’aime, et jamais je ne pour­rai l’oublier, je vais m’enivrer pour elle et qui sait ce qu’elle fera.
Verse, mozo (garçon, serveur) plus de cham­pagne, que toute ma peine, en le buvant, je la noierai ; et si vous la voyez, les gars, dites-lui que c’est pour son amour que ma vie s’en est allée.

Et trin­quons sans façon, le dernier verre, que peut-être, elle aus­si, en ce moment, lors d’un toast, elle offrira sa bouche et une autre bouche heureuse l’embrassera.
Verse, mon ami, sans façon, verse et rem­plis à ras bord la coupe de cham­pagne, car ma vie s’en est allée après celle que mon amour n’a jamais su appréci­er.

Pour ceux qui dis­ent que le tan­go racon­te des his­toires de cocus, ce texte, triste, il est vrai, par­le plutôt d’un repen­tir, repen­tir de ne pas avoir porté d’intérêt à une femme qui l’aimait, jusqu’à ce qu’il soit trop tard. En par­al­lèle de la détresse « théâ­trale » du con­teur, il y a eu aupar­a­vant la tristesse de la femme nég­ligée.
Le cham­pagne est le témoin de l’amitié, de la fête, mais aus­si de la tristesse. C’est un com­pagnon sup­plé­men­taire qui a arrosé les tangueros depuis plus d’un siè­cle, depuis, pour le moins, que le tan­go s’est énivré du breuvage français dans les étab­lisse­ments parisiens au début du vingtième siè­cle.
Canaro est le com­pos­i­teur de la musique. Caru­so et Canaro furent amis, lorsque Caru­so fut de retour d’exil, vers 1910. Caru­so a eu une vie plutôt triste et courte (mort à 40 ans). Il a écrit ce joli texte, plein d’émotion, tout comme Mi noche triste et plus de 80 autres thèmes dont beau­coup ont été joués par Canaro.

Les versions

Canaro a été le pre­mier à avoir enreg­istré le titre et il l’a fait à de nom­breuses repris­es. C’est lui qui com­mence la liste des ver­sions.

La últi­ma copa 1926 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro.

La plus anci­enne ver­sion enreg­istrée, par Canaro, sans les paroles de son ami Caru­so. Le son est médiocre, aus­si vous n’entendrez pas ce titre en milon­ga. Mais ras­surez-vous, Canaro a mis le paquet et vous avez d’autres ver­sions de son cru… Je pense que l’enregistrement est plutôt de 1925, voire antérieur.

La últi­ma copa 1927-03-23 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Agustín Irus­ta.

Irus­ta, l’année suiv­ante chante les paroles de Caru­so. C’est la pre­mière ver­sion chan­tée et l’enregistrement élec­trique rend le titre plus agréable à écouter.

La últi­ma copa 1927-06-14 — Car­los Gardel con acomp. de Guiller­mo Bar­bi­eri, José Ricar­do (gui­tar­ras).

Une ver­sion en chan­son. On la com­par­era avec celle d’Héctor Mau­ré de 1954.

La últi­ma copa 1931-04-22 — Ada Fal­cón con acomp. de Fran­cis­co Canaro.

Canaro nous offre avec sa chérie, une ver­sion chan­son du thème.

La últi­ma copa 1931-05-13 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Char­lo.

Une ver­sion de danse, chan­tée par Char­lo, chanteur de estri­bil­lo.

La últi­ma copa 1943-04-29 — Orques­ta Ricar­do Tan­turi con Alber­to Castil­lo. C’est le tan­go du jour.
La últi­ma copa 1948-01-15 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Alber­to Are­nas.

Une très belle ver­sion, mais pas for­cé­ment par­faite pour la danse. Les danseurs pour­raient toute­fois par­don­ner cela au DJ, car elle est superbe.

La últi­ma copa 1948 — Orques­ta Luis Rafael Caru­so con Julio Sosa. Valse.

Une ver­sion orig­i­nale en valse. Sosa avait gag­né un prix en Uruguay qui con­sis­tait à enreg­istr­er des dis­ques. Le son n’est pas par­fait, mais cette ver­sion orig­i­nale mérite l’écoute, voire la danse.

La últi­ma copa 1953-10-06 — Orques­ta Osval­do Pugliese con Alber­to Morán.

Comme sou­vent, la ren­con­tre Pugliese et Morán, donne un tan­go un peu déli­cat à danser. Cer­tains appré­cient la voix, il en faut pour tous les goûts.

La últi­ma copa 1954 — Héc­tor Mau­ré con acomp. de gui­tar­ras.

Mau­ré reprend la tra­di­tion gardéli­enne. Le résul­tat est à com­par­er avec celui de son mod­èle.

La últi­ma copa 1956-09-25 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Guiller­mo Rico (Coral).

Une ver­sion dans­able avec en prime la voix de Coral, sans doute assez rare dans les milon­gas.

La últi­ma copa 1957-05-20 — Dal­va de Oliveira con acomp. de Fran­cis­co Canaro.

Avec ce sep­tième enreg­istrement, Canaro a fait le tour. Ici une ver­sion à écouter par Dal­va de Oliveira, à com­par­er avec celle d’Ada Fal­cón enreg­istrée 26 ans plus tôt.

La últi­ma copa 1958-04-17 — Orques­ta Alfre­do De Ange­lis con Juan Car­los Godoy.

Un De Ange­lis et Godoy clas­sique. Bien dans­able, enreg­istré par l’orchestre des cale­si­tas.

La últi­ma copa 1965 — Orques­ta Miguel Caló con Raúl del Mar y glosas de Héc­tor Gagliar­di.

Une ver­sion sans doute plus pour l’écoute que pour la danse, mais intéres­sante

La últi­ma copa 1966-03-11 — Orques­ta Florindo Sas­sone con Mario Bus­tos.

L’orchestre sert bien la voix de Bus­tos. Je ne pro­poserai pas pour la danse, mais c’est intéres­sant.

La últi­ma copa 1968-10-18 — Sex­te­to Tan­go con Jorge Maciel.

Le Sex­te­to Tan­go héri­ti­er de Pugliese donne sa ver­sion sans renier son mod­èle. Voir N… N…. Une ver­sion pour l’écoute avec une belle intro, une car­ac­téris­tique de cet orchestre.

La últi­ma copa 1974 — Orques­ta Florindo Sas­sone con Oscar Macri.

Une voix de ténor bien dif­férente de celle de Mario Bus­tos. Je pense cette ver­sion moins intéres­sante que la précé­dente de Sas­sone.

La últi­ma copa 1987 — Los Solis­tas de D’Arienzo dir. par Car­los Laz­zari con Wal­ter Gutiér­rez.

Sou­vent présen­té comme étant un enreg­istrement de D’Arienzo, c’est en fait un enreg­istrement réal­isé par ses solistes dirigés par Laz­zari, qui était un de ses ban­donéon­istes et arrangeur, 11 après la mort du chef his­torique. Une ver­sion tonique, mais plus dans le style chan­son que tan­go chan­té. Cepen­dant, elle est dans­able, même si ce titre ne porte vrai­ment l’improvisation.

La últi­ma copa 2003 — Orques­ta Man­cifes­ta con Miguel Ángel Her­rera.

Cet orchestre a com­mencé sa car­rière à la fin de la vague Tan­go (1953). On lui doit cepen­dant des enreg­istrements intéres­sants, comme celui-ci. Le disque est de 2003, l’enregistrement peut être antérieur. Cet orchestre, rarement passé en milon­ga, mérit­erait d’être plus enten­du, même s’il n’est pas à la hau­teur des plus grands orchestres. N’oublions pas que cer­tains danseurs aiment être sur­pris par des ver­sions incon­nues.

Loca 1942-04-22 – Orquesta Juan D’Arienzo

Manuel Jovés Letra : Antonio Martínez Viérgol

On est tous fous de loca, les locos locaux et les locaux d’ailleurs. D’Arienzo l’a enreg­istré 3 ou 4 fois pour le disque et au moins une fois pour la télévi­sion. La ver­sion du jour est celle de 1942, son pre­mier enreg­istrement de ce titre et qui a aujourd’hui exacte­ment 82 ans.

Extrait musical

Loca 1942-04-22 – Orques­ta Juan D’Arienzo

Les paroles

Le tan­go du jour est instru­men­tal, mais il y a des paroles que voici :

Loca me lla­man mis ami­gos
que solo son tes­ti­gos
de mi liviano amor.
Loca…
Que saben lo que sien­to
ni que remordimien­to
se ocul­ta en mi inte­ri­or?

Yo ten­go con ale­grías
que dis­frazar mi tris­teza
y que hac­er de mi cabeza
las pesadil­las huir.
Yo ten­go que ahog­ar en vino
la pena que me devo­ra…
Cuan­do mi corazón llo­ra
mis labios deben reír.

Yo, si a un hom­bre lo des­pre­cio,
ten­go que fin­girle amores,
y admiración, cuan­do es necio
y si es cobarde, temores…
Yo, que no he perteneci­do
al ambi­ente en que aho­ra estoy
he de olvi­dar lo que he sido
y he de olvi­dar lo que soy.

Loca me lla­man mis ami­gos
que solo son tes­ti­gos
de mi liviano amor.
Loca…
Que saben lo que sien­to
ni que remordimien­to
se ocul­ta en mi inte­ri­or?

Alla, muy lejos, muy lejos,
donde el sol cae cada día,
un tran­qui­lo hog­ar tenía
y en el hog­ar unos viejos.
La vida y su encan­to era
una muchacha que huyo
sin decir­le donde fuera…
y esa muchacha era yo.

Hoy no existe ya la casa,
hoy no exis­ten ya los viejos,
hoy la muchacha, muy lejos,
sufrien­do la vida pasa.
Y al caer todos los días
en aque­l­la tier­ra el sol,
cae con el mi ale­gría
y muere mi corazón.

Manuel Jovés Letra: Anto­nio Martínez Viér­gol

Traduction libre

Folle, m’appellent mes amis qui ne sont que les témoins de mon amour léger.
Folle…
Qui sait ce que je ressens ou quels remords sont cachés en moi ?
Je dois avec des joies déguis­er ma tristesse et faire fuir mes cauchemars de ma tête.
Il faut que je noie dans le vin le cha­grin qui me dévore…
Quand mon cœur pleure, mes lèvres doivent rire.
Moi, si je méprise un homme, je dois fein­dre l’amour et l’admiration pour lui, alors qu’il est un imbé­cile et que s’il est lâche, qu’il a peur…
Moi qui n’ai pas appartenu au milieu dans lequel je suis main­tenant, je dois oubli­er ce que j’ai été et je dois oubli­er ce que je suis.
Mes amis qui ne sont que les témoins de mon amour de lumière me trait­ent de folle.
Folle…
Qui sait ce que je ressens ou quels remords sont cachés en moi ?
Là-bas, très loin, là où le soleil tombe chaque jour, il y avait un foy­er tran­quille, et dans ce foy­er quelques vieux.
La vie et son charme, c’était une fille qui s’enfuyait sans lui dire où elle allait…
Et cette fille, c’était moi.
Aujourd’hui, la mai­son n’existe plus, aujourd’hui il n’y a plus de vieux, aujourd’hui la fille, très loin, la vie passe en souf­frant.
Et quand tombe chaque jour sur cette terre le soleil, ma joie tombe avec lui, et mon cœur meurt.

Autres versions par D’Arienzo

Loca 1942-04-22 – Orques­ta Juan . Notre tan­go du jour est le plus ancien enreg­istrement par D’Arienzo.
Loca 1946-10-18 – Orques­ta Juan D’Arienzo
Loca 1955-12-22 – Orques­ta Juan D’Arienzo

Loca 1971

Vous avez tous déjà vu cette vidéo et la façon par­ti­c­ulière­ment ani­mée de diriger de D’Arienzo. Plusieurs orchestres con­tem­po­rains imi­tent cette mise en scène, pour le plus grand plaisir des danseurs.

Loca 1975 – Los Solis­tas de D’Arienzo. Quelques mois avant la mort de D’Arienzo. Je ne suis pas sûr qu’il ait dirigé cet enreg­istrement. C’était peut-être Car­los Lazarri, ban­donéon­iste et arrangeur de l’orchestre.

Autres versions par d’autres orchestres

Loca est un titre à très grand suc­cès et il existe des cen­taines de ver­sions. Je vous en pro­pose donc une sélec­tion très réduite, mais représen­ta­tive.

Loca 1922 – Car­los Gardel con acomp. de Guiller­mo Bar­bi­eri, José Ricar­do (gui­tar­ras)
Loca 1923 – Orchestre Mondain Jose Sen­tis. Atten­tion, enreg­istrement per­tur­bé (disque endom­magé). Cepen­dant, cela per­met de voir que la France était en pointe, ce titre ayant été écrit l’année d’avant.
Loca 1938-06-20 – Quin­te­to Don Pan­cho dir. Fran­cis­co Canaro
Loca 1941-07-08 – Orques­ta Típi­ca Vic­tor Dir. Fred­dy Scor­ti­cati
Loca 1950-11-06 – Enrique Mora y su Cuar­te­to Típi­co con Aman­da Vidal
Loca 1951 Astor Piaz­zol­la, María de la Fuente.
Loca 1954-10-04 – Orques­ta Juan Canaro con María de la Fuente (en vivo en Japón). La même chanteuse que Piaz­zo­la.
Loca 1959-01-30 – Orques­ta Dona­to Rac­ciat­ti con Olga Del­grossi
Loca 1964-04 – Orques­ta Alfre­do De Ange­lis con Juan Car­los Godoy
Loca 2006 — Orques­ta Típi­ca Fer­vor de Buenos Aires.

Peut-être la ver­sion la plus orig­i­nale. Fer­vor de Buenos Aires, est un orchestre créé en 2003 et qui a eu sa per­son­nal­ité en don­nant de nou­velles sonorités à des inter­pré­ta­tions inspirées de Di Sar­li. À par­tir de 2008, il a con­tin­ué son chemin avec un style proche sous le nom Típi­ca Mis­te­riosa Buenos Aires. Ce dernier orchestre s’annonce comme un orchestre de danse, mais cela reste tout de même à prou­ver…

Alors, avez-vous vu ? C’est fou, vrai­ment fou, tout cela.

El huracán 1950-04-14 – Orquesta Edgardo Donato instrumental y con Carlos Almada

Osvaldo Donato; Edgardo Donato Letra: Nolo López (Manuel López)

Ce 14 avril est un jour faste, je vous pro­pose deux tan­gos du jour. Ils por­tent le même nom, El huracán, ils sont com­posés par les mêmes frères Dona­to et ils ont été enreg­istrés le même jour. La seule dif­férence est que l’un des deux est chan­té par Car­los Alma­da.

Extrait musical

Voici les deux tan­gos enreg­istrés par Dona­to, le com­pos­i­teur, le 14 avril 1950, il y a 74 ans.

El huracán 1950-04-14 — Orques­ta Edgar­do Dona­to instru­men­tal
El huracán 1950-04-14 — Orques­ta Edgar­do Dona­to con Car­los Alma­da

Ces deux ver­sions sont incroy­able­ment dif­férentes. Les instru­ments s’amusent énor­mé­ment dans la pre­mière ver­sion, instru­men­tale. Les nuances sont plus mar­quées.

La ver­sion chan­tée par Car­los Alma­da a un rythme plus soutenu. La voix de Car­los Alma­da dit presque plus que chante les paroles. Cette ver­sion tonique décoiffe plus que la précé­dente, mais perd sans doute un peu de son inten­sité musi­cale. Il fau­dra écouter les deux.

Les paroles

El huracán desar­raigó con cru­el­dad
el ros­al que plan­té en el jardín
de mi amor que cuidé con afán
y, al nac­er una flor, la traición
le cortó sin piedad su raíz
y el ros­al nun­ca más flo­re­ció.
Como al ros­al mi ilusión la mató
un amor de mujer que mintió.
Cristo soy con mi cruz al andar,
com­pasión solo doy al pasar.
Ven­daval que arrasó mi quer­er,
huracán trans­for­ma­do en mujer.

Fueron sus cari­cias
llenas de mal y traición,
labios que mintieron despi­ada­dos
y al besar su fal­sa boca
se me hela­ba el corazón.
Ilusión que se fue,
amor que mató.
Una mala mujer que lle­va
el veneno escon­di­do
en su negro corazón.

Te per­doné porque odi­ar yo no sé,
ni ren­cor para ti guardaré
sólo sé que su mal der­rum­bó
el Edén que hil­vané con fer­vor,
luz de amor que jamás volverá
a alum­brar a mi fiel corazón.
Vago sin fe con mi cruz de dolor,
hoy vivir para mí es cru­el­dad
juven­tud que le di sin dudar
y jugó sin piedad con mi amor.
Ven­daval que arrasó mi quer­er,
huracán trans­for­ma­do en mujer.

Osval­do Dona­to; Edgar­do Dona­to Letra: Nolo López (Manuel López)

Traduction libre

L’ouragan a cru­elle­ment dérac­iné le rosier que j’avais plan­té dans le jardin de mon amour que j’ai entretenu avec empresse­ment, et quand une fleur est née, la trahi­son a impi­toy­able­ment coupé sa racine et le rosier n’a plus jamais fleuri.
Comme le rosier, mon illu­sion a été tuée par l’amour d’une femme qui a men­ti.
Christ je suis avec ma croix quand je marche, la com­pas­sion je ne donne qu’en pas­sant.
Un coup de vent qui a arasé mon amour, un oura­gan trans­for­mé en femme.


Ses caress­es étaient pleines de mal et de trahi­son, ses lèvres qui men­taient impi­toy­able­ment, et embrass­er sa bouche, fausse me glaçait le cœur. L’illusion qui s’en est allée, l’amour qui tua.

Une mau­vaise femme qui porte le poi­son caché dans son cœur noir.

Je t’ai par­don­né parce que je ne sais pas haïr, je ne garderai pas de rancœur envers toi, ce que je sais c’est que ta mau­vaiseté a fait s’effondrer l’Eden que j’avais arrosé avec fer­veur, une lumière d’amour qui n’illuminera plus jamais mon cœur fidèle.

J’erre sans foi avec ma croix de douleur, aujourd’hui vivre pour moi, est une cru­elle jeunesse que je lui ai don­née sans hési­ta­tion et que j’ai jouée sans pitié avec mon amour.
Un coup de vent qui a arasé mon amour, un oura­gan trans­for­mé en femme.

Autres versions par Donato

Dona­to a enreg­istré deux ver­sions en 1950, mais il nous a lais­sé égale­ment deux ver­sions en 1932. Voici cette dou­blette :

El huracán 1932-12-09 — Orques­ta Edgar­do Dona­to con Félix Gutiér­rez — Prise 1.
El huracán 1932-12-09 — Orques­ta Edgar­do Dona­to con Félix Gutiér­rez — Prise 2.

Pour infor­ma­tion, c’est la ver­sion inau­gu­rale qui a été jouée avant cet enreg­istrement au Salón San Martín (en 1928), plus con­nu sous le nom de Salón Rodríguez Peña et aujourd’hui, Teatro El Vit­ral.
Pour mémoire, voici nos deux tan­gos du jour :

El huracán 1950-04-14 — Orques­ta Edgar­do Dona­to instru­men­tal
El huracán 1950-04-14 — Orques­ta Edgar­do Dona­to con Car­los Alma­da

Dona­to l’enregistrera une dernière fois en 1961 avec la voix d’Andrés Galarce.

El huracán 1961-11-01 — Orques­ta Edgar­do Dona­to con Andrés Galarce

Autres versions par d’autres orchestres

El huracán 1943 — Tres Gui­tar­ras Argenti­nas Dir. Guiller­mo Neira.

Une ver­sion incroy­able, com­ment les gui­tares vir­tu­os­es arrivent à pro­duire le son de la tem­pête. Main­tenant, un orchestre dont on pour­rait qu’il soit à la mesure du défi de la tem­pête, celui de Juan D’Arienzo.

El huracán 1944-07-07 — Orques­ta Juan D’Arienzo. D’Arienzo pro­duit une belle presta­tion, notam­ment grâce au piano de Ful­vio Sala­man­ca.
El huracán 1948-09-21 — Orques­ta Alfre­do De Ange­lis.

De Ange­lis, avec son piano encore plus présent que dans la ver­sion de D’Arienzo de 1944 donne une belle ver­sion. Le ren­du de la tem­pête avec les cordes ren­dant l’ef­fet de vent en com­pag­nie du piano est assez dif­férent. Une ver­sion qui défile, emportée par le vent, jusqu’à la dernière note.

El huracán 1952 — Orques­ta Tito Martín.

Pour représen­ter les années 50, j’ai choisi l’orchestre de Tito Martín, rarement dif­fusé en milon­ga. Il faut dire qu’il s’inscrit dans la lignée de ces orchestres à la manière de D’Arienzo et que donc on peut (doit ?) préfér­er pass­er l’original. Cepen­dant, il ne démérite pas et je pense que beau­coup de danseurs ne remar­queront pas qu’il ne s’agit pas de D’Arienzo… Ah ! vous pensez que l’on ne peut pas tromper les danseurs ? Lisez cette anec­dote jusqu’au bout et vous serez sur­pris…

El huracán 1967 — Orques­ta Ful­vio Sala­man­ca.

L’ancien pianiste de D’Arienzo fait sa ver­sion per­son­nelle, assez orig­i­nale. Il récidi­vera avec une ver­sion sem­blable 8 ans plus tard.

El huracán 1973 — Orques­ta Florindo Sas­sone.

Sas­sone, tou­jours à la recherche du temps per­du. Sa recherche de joliesse nuit sans doute à la force du mes­sage. Pour moi, ce n’est pas une ver­sion con­va­in­cante. Le vent manque de con­vic­tion, dif­fi­cile de se faire emporter comme le rosier par son souf­fle.

El huracán 1987 — Los Solis­tas de D’Arienzo dir. by Car­los Laz­zari.

La majorité des DJ passent ce titre en annonçant qu’il est de D’Arienzo. C’est bien sûr faux, D’Arienzo étant mort en 1976, soit plus de 11 ans avant cet enreg­istrement… Cepen­dant, le chef d’orchestre est Car­los Laz­zari, ban­donéon­iste et arrangeur de D’Arienzo dans ses dernières années. Les musi­ciens sont égale­ment en grande par­tie ceux de l’orchestre. C’est donc un héritage et le men­songe n’est pas trop fort. Cela per­met de pro­pos­er une ver­sion plus énergique que celle de 1944, qui est un peu déce­vante sur ce point, bien que tout à fait con­ven­able pour la danse.

Je vous laisse donc tour­bil­lon­ner aux sons du ter­ri­fi­ant oura­gan qui déracine les rosiers.

Vous pou­vez con­tin­uer avec la plu­part des orchestres con­tem­po­rains qui con­tin­u­ent d’enregistrer de nou­velles ver­sions de ce titre, la plu­part dans l’esprit de D’Arienzo, mais le mieux, c’est de les danser en présence des orchestres, ce qui est pos­si­ble très sou­vent à Buenos Aires.