Sueño imaginado 1932-01-05 — Orquesta Típica Los Provincianos con Carlos Lafuente. Dir. Ciriaco Ortiz

Cieto Minocchio Letra: Francisco Brancatti

C’est sym­pa de faire des rêves, mais par­fois le retour à la réal­ité est ter­ri­ble. C’est ce qui arrive au héros de cette mag­nifique valse, sans doute un peu trop rare dans les milon­gas. Ciri­a­co Ortiz, à la tête de l’orchestre Los Provin­cianos, l’a enreg­istrée, il y a exacte­ment 93 ans…

Sueño imag­i­na­do 1932-01-05 — Orques­ta Típi­ca Los Provin­cianos con Car­los Lafuente. Dir. Ciri­a­co Ortiz.

Dès le début on remar­que que le titre est conçu sous forme de ques­tions-répons­es. L’orchestre lance une ques­tion et un soliste donne la réponse.
Si les vio­lons avec Elvi­no Var­daro sont majori­taire­ment les solistes, les ban­donéons, dont celui de Ciri­a­co Ortiz et peut-être celui du jeune Aníbal Troi­lo ont égale­ment leurs répar­ties. Pour les danseurs, ces dia­logues sont très intéres­sants, car cela leur per­met de vari­er l’improvisation. La répéti­tiv­ité de la struc­ture per­met de pré­par­er une « réponse » au cas où les pre­miers dia­logues auraient été loupés dans l’improvisation.
Pour les danseurs moins avancés, les pre­miers temps de chaque mesure sont mar­qués par la con­tre­basse de Man­fre­do Lib­er­a­tore. C’est le Poum du Poum-Tchi-Tchi de la valse (Temps fort-Temps faible-Temps faible). On n’entend pas vrai­ment le piano, en revanche, on a l’impression qu’une caisse claire sonne les temps faibles.
C’est donc une valse facile pour les danseurs qui ont besoin d’un repère tem­porel bien mar­qué.
À 1:58, Car­los Lafuente chante le refrain. Sa voix peut un peu sur­pren­dre, mais, comme l’intervention est courte, cela ne devrait pas trop per­turber les danseurs. On remar­quera que l’orchestre fait la place au chanteur en l’accompagnant en sour­dine par un dis­cret Poum-Tchi-Tchi, ce qui per­met aux danseurs de garder le rythme.
On remar­quera la com­plex­ité modale de l’œuvre, avec de nom­breux change­ments de tonal­ité, ce qui peut par­fois don­ner une impres­sion de dis­so­nance si on reste sur l’élan de la tonal­ité précé­dente.

Il est dif­fi­cile d’authentifier les instru­men­tistes de l’orchestre, car les orchestres de la Vic­tor étaient à géométrie vari­able. Comme ces orchestres se lim­i­taient aux enreg­istrements, ils se con­stru­i­saient à chaque ses­sion avec des musi­ciens de pre­mier plan, disponibles.
On con­sid­ère générale­ment que les prin­ci­paux musi­ciens de Los Provin­cianos dirigés par Ciri­a­co Ortiz étaient :
Ciri­a­co Ortiz, Aníbal Troi­lo, Hora­cio Golli­no (ban­donéon­istes)
Orlan­do Cara­bel­li (pianiste)
Elvi­no Var­daro, Manuel Núñez, Anto­nio Rossi (vio­lonistes)
Man­fre­do Lib­er­a­tore (con­tre­bassiste)

Un des orchestres de la Vic­tor

Cette pho­to générale­ment légendée comme étant de Los Provin­cianos, sans doute à cause de la présence de Ciri­a­co Ortiz. Cepen­dant, Mer­cedes Simone n’est pas inter­v­enue dans cet orchestre. Il me sem­ble donc qu’il faut plutôt con­sid­ér­er que c’est une com­po­si­tion mixte, notam­ment avec l’orchestre Típi­ca Vic­tor de Cara­bel­li dont Ciri­a­co Ortiz était égale­ment mem­bre. On notera la présence du jeune Aníbal Troi­lo. Sur la droite, le vio­loniste Ben­jamín Hol­ga­do Bar­rio qui est à l’origine de la pre­mière scis­sion de l’orchestre de D’Agostino. Il récla­mait 17 pesos, pour lui et les autres mem­bres de l’orchestre, au lieu des 15 pesos qui étaient octroyés pour les enreg­istrements, et D’Agostino a viré tout l’orchestre, Var­gas com­pris. Celui-ci est revenu un peu plus tard, mais la magie fut un peu brisée.
Je pro­pose pour cette pho­to, la date du 13 août 1931, car c’est celle qui per­met de réu­nir le plus de pro­tag­o­nistes. Mer­cedes Simone a enreg­istré ce jour Cir­co criol­lo avec la Tipi­ca Vic­tor (Cara­bel­li). Sur cette pho­to, il manque Cara­bel­li et, Lesende, qui n’a jamais enreg­istré avec la Vic­tor est plutôt un intrus. En effet, il enreg­is­trait à l’époque avec deux com­pag­nies con­cur­rentes de la Vic­tor, la Brunswick (avec la Orques­ta Típi­ca Brunswick) et avec la Colum­bia (avec l’orchestre de Anto­nio Bonave­na).
Hora­cio Golli­no est générale­ment indiqué comme ayant fait par­tie des pre­miers ban­donéon­istes de Los Provin­cianos. Il était né le 5 févri­er 1911, il aurait donc eu qua­si 20 ans, ce qui sem­ble cor­re­spon­dre à l’âge du troisième ban­donéon­iste de la pho­to.
José María Otero, qui est tou­jours très bien doc­u­men­té, indique que ce serait en fait Toto (Juan Miguel Rodríguez). Si on observe la pho­to suiv­ante, représen­tant l’orchestre de Troi­lo en 1941, il sem­blerait que l’on puisse valid­er l’hypothèse de Toto.

De gauche à droite en bas David Díaz Toto Juan Miguel Rodríguez Ani­bal Troi­lo Eduar­do Mari­no et Hugo Bar­alis À larrière Pedro Sapoc­hnik Orlan­do Goñi Fran­cis­co Fiorenti­no Kicho Díaz et Astor Piaz­zol­la qui fit le forc­ing auprès de Troi­lo pour rem­plac­er Toto qui était malade Hugo Bar­alis a appuyé sa can­di­da­ture

Cepen­dant, selon Toto Tan­go qui est égale­ment une source de haute qual­ité, Toto serait né en 1919. Il aurait donc eu 12 ans si ma data­tion de la pho­to est bonne, ce qui sem­ble tout de même un peu jeune et ne cor­re­spond pas à l’image. Si on regarde l’âge prob­a­ble des dif­férents musi­ciens de la pre­mière pho­to, la date de 1931 est fort plau­si­ble ; Troi­lo fait vrai­ment jeune (il est né en 1914 et aurait donc 17 ans), sur la sec­onde, il a 27 ans, il sem­ble dif­fi­cile de con­sid­ér­er qu’il y a beau­coup moins de 10 ans entre les pho­tos.
Je pro­pose donc d’identifier Hora­cio Golli­no sur cette pho­to, ce qui nous per­me­t­tra d’avoir enfin un vis­age à met­tre sur ce musi­cien de grande qual­ité, qui ter­mi­na sa vie en don­nant des cours de musique sans pou­voir pra­ti­quer le ban­donéon à cause de la paralysie d’un de ses bras.

Paroles

Que sueño aquel tan hon­do y cru­el
Me vi en la glo­ria de tu pecho amante
Y a al instante todo se acabo
Fue mi Sueño imag­i­na­do
Nada más que un sop­lo de plac­er
Que se fumó y una ilusión hecha can­ción que se apagó
Cieto Minoc­chio Letra: Fran­cis­co Bran­cat­ti

Traduction libre

Quel rêve si pro­fond et cru­el.
Je me suis vu dans la gloire de ta poitrine aimante et, instan­ta­né­ment, tout fut ter­miné.
C’é­tait mon rêve imag­iné,
rien de plus qu’un souf­fle de plaisir
qui par­tit en fumée et une illu­sion faite chan­son qui s’éteignait.

Autres versions…

Il n’y a pas d’autre ver­sion enreg­istrée de cette valse, même si le titre a inspiré de nom­breux auteurs de tous types de musique. Je vous pro­pose donc de ter­min­er en réé­coutant cette valse.

Sueño imag­i­na­do 1932-01-05 — Orques­ta Típi­ca Los Provin­cianos con Car­los Lafuente. Dir. Ciri­a­co Ortiz. C’est notre valse du jour.

À bien­tôt, les amis. Faîtes de beaux rêves qui se réalis­eront.

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