Tehuana 1939-12-23 – Orquesta Típica Victor dirigé par Freddy Scorticati

Alfonso Esparza Oteo

Depuis quelques années, les valses de l’orchestre Típica Victor ont les faveurs des danseurs, notamment en Europe. Il faut dire qu’elles sont magnifiques et que, comme tous les enregistrements de cet orchestre, elles sont destinées à la danse. Vous vous demandez peut-être ce que Frida Kahlo vient faire dans la couverture d’un article sur une argentine, vous aurez la réponse 😉

Extrait musical

Tehuana 1939-12-23 – Orquesta Típica Victor dirigé par Freddy Scorticati.

La superbe introduction nous invite à découvrir un air nostalgique en do mineur. Enfin, en l’absence de la partition, il est difficile de savoir quelle est la tonalité, car si la version la plus courante est en Do# mineur et dure 3’03 », ma version qui est en Do mineur dure 3’15 ».
La tonalité plus grave est causée par une rotation moins rapide du disque. Ou plutôt, ce sont, à mon avis, les versions courantes qui sont plus rapides et à mon goût trop rapide.
J’ai fait la demande de la partition auprès du CENEDIM (Centro Nacional de Investigación, Documentación e Información Musical Carlos Chávez), je mettrai à jour si j’ai une réponse positive.
Cette tendance à accélérer la musique pour la rendre plus brillante n’est pas gênante en soi et en milonga, il m’arrive très souvent de changer la pour adapter le titre au besoin du moment en milonga. Par exemple, si je vois que les danseurs ont envie de danser sur un rythme rapide, je peux légèrement accélérer la valse et arriver à la durée de la version de 3’03 » éditée par Le dans son CD Orquesta Típica Victor Vol. 21 (1939-1941).
Cette version n’est pas d’une qualité optimale et je pense donc préférable d’utiliser un enregistrement depuis le disque original 38862 (78 tours) édité par la Victor (on s’en doute, vu que c’est son orchestre). Sur ce disque, la face B comporte un paso doble Amoríos composé par Alex Schneider, ce qui permet de rappeler la polyvalence des orchestres et la plus grande diversité des danses pratiquées dans les bals de l’époque.
Après cette (très) longue digression, revenons à notre valse.
La première partie, tout comme l’introduction, est en mode mineur.
À 43″ on remarque le pont qui permet d’assurer la transition avec la seconde partie, qui, elle, est en majoritairement mode majeur, tout au moins à partir d’une minute.
Le fait que le titre soit sans partie chantée (Alfonso Esparza Oteo avait écrit des paroles) peut donner une impression de monotonie, cependant, les jolis ornements du bandonéon, notamment dans la seconde partie (à partir de 2’11 ») font qu’on se laisse porter, un peu en transe, sans avoir l’impression de danser la même chose. Le final ralentit le rythme, pour que les danseurs puissent sortir de l’hypnose, sans danger.

Que vient faire Frida Kahlo dans cette  ?

Frida Kahlo peintre et modèle à gauche et 2 femmes à droite en costume de Tehuana

Comme vous le savez, Frida Kahlo est une peintre mexicaine avec une vie singulière, voire semi-tragique. Elle était d’origine Tehuana, une province du sud du . Elle s’est représentée avec ce costume traditionnel et notamment El resplandor, la coiffe que portent également les deux femmes sur la photo de droite. On remarquera sur son front le terrible , dont elle venait de divorcer (1940), mais qui reste dans ses pensées.

Frida Kahlo devant son autoportrait terminé donc après 1943 et à droite un médaillon où elle porte le resplandor 1948

Tehuana, le nom de notre valse du jour vient donc du Mexique. Alfonso Esparza Oteo, le compositeur et l’auteur des paroles, est également Mexicain.
Cette valse aurait pu rester purement mexicaine si Freddy Scorticati et la Típica Victor ne l’avaient pas enregistrée. Il se peut aussi que d’autres orchestres argentins l’aient jouée sans l’enregistrer.
La Tehuana n’étant probablement pas Frida Kahlo, j’ai essayé diverses pistes pour l’identifier. Ce n’est pas sa femme, qu’il a rencontrée en 1925 et épousée en 1926, car celle-ci était originaire de Arandas (Jalisco) et donc pas de la région de l’Isthme de Tehuantepec.

À gauche Blanca Torres Portillo à 17 ans un an avant de rencontrer Alfonso Esparza Oteo À droite les jeunes époux en 1926 Blanca a 17 ans et Alfonso 32 Ils auront 9 enfants

Tehuana date de la décennie suivant son mariage et comme il était heureux en ménage, contrairement à Frida, il est peu probable que le titre suggère une liaison de cette époque.

Peut être qu une des quatre femmes qui entourent Alfonso et Blanca sa femme a inspiré Tehuana Mais sans la tenue traditionnelle cest impossible à vérifier 😉

Si on consulte son catalogue, certaines femmes sont évoquées et il se peut donc que Tehuana soit une ancienne compagne, ou tout simplement un thème qui chante son pays, comme beaucoup de ses compositions.

Autres versions

Alfonso Esparza Oteo a composé environ 150 œuvres. Quelques-unes sont sorties du domaine de la musique mexicaine pour intégrer le répertoire argentin. C’est le cas de notre valse du jour et de quelques autres que je vous propose d’écouter.

Tehuana 1939-12-23 – Orquesta Típica Victor dirigé par Freddy Scorticati.

C’est notre valse du jour et bien qu’elle soit magnifique, elle ne semble pas avoir inspiré d’autres orchestres.

Carta de amor (Alfonso Esparza Oteo letra: Gustavo Ruiz Hoyos)

Carta de amor 1930-06-03 – Orquesta Francisco Canaro con Charlo.
Carta de amor 1930-06-13 – Charlo con acomp. de Francisco Canaro.

Cette version enregistrée seulement 10 jours après la première, par les mêmes, est une habitude chez Canaro. Il enregistre une version pour le bal et une version pour l’écoute.

Dime que sí (Alfonso Esparza Oteo letra: Alfonso Espriu Herrera)

Ce titre est un des gros succès, de Alfonso Esparza Oteo comme en témoignent divers enregistrements en tango, mais aussi sous d’autres formes…

Partition de Dime que sí Alfonso Esparza Oteo letra Alfonso Espriu Herrera
Dime que sí 1938-11-04 – Orquesta Francisco Lomuto con Jorge Omar.

Un rythme enjoué et entraînant. La voix de Jorge Omar, s’inscrit parfaitement dans le rythme. Je trouve que c’est une belle réalisation qui devrait pouvoir intéresser les danseurs, même si cette version est peu connue. Remarquez son final un peu théâtral, digne de la bande sonore d’un film…

Dime que sí 1938-11-29 – Orquesta Francisco Canaro con Francisco Amor.

Dime que sí 1938-11-29 – Orquesta Francisco Canaro con Francisco Amor. Canaro enregistre un autre titre de Alfonso Esparza Oteo. Contrairement à Lomuto, Canaro a choisi un tempo très lent. Je ne suis pas convaincu que ce soit parfait pour le bal et la voix de Francisco Amor, ne me semble pas au mieux. Il y a tant de valses plus efficaces, qu’il ne me semble pas utile de prendre des risques avec cette version.

Dime que sí 1938-12-30 – con orquesta.

Juan Arvizu est également d’origine mexicaine, ce qui l’a sans doute incité à enregistrer cette valse écrite par son compatriote. Il a également enregistré la Zandunga, cette valse traditionnelle originaire de Tehuantepec (tout comme Canaro). Pour parler de cette interprétation, elle ne manque pas d’enthousiasme mais est peut-être un peu trop brouillonne pour les danseurs.

Dime que sí 1939-08-14 (Avant) – con orquesta de .

Un enregistrement réalisé à Mexico, sans doute au début de 1939 (imprécision sur la date à cause d’une erreur dans les registres de la Victor). Le ténor Pedro Vargas est également Mexicain.
Il réenregistrera le titre 39 ans plus tard, toujours à Mexico…

Dime Que Sí (en vivo) 1978 · Pedro Vargas con Orquesta Sinfónica del Estado de México. Concierto en vivo en el Palacio de Bellas Artes – 50 Aniversario 1928 -1978 – Arrangements de Pocho Pérez
Dime que sí 2024 – Mariachi Imperial Azteca – Orquesta Sinfónica de Aguascalientes.

Aguascalientes est la ville de Alfonso Esparza Oteo. On s’est bien éloigné de la valse argentine. L’action de mémoire de sa ville natale n’est sans doute pas étrangère à la permanence du succès des œuvres de ce compositeur qui était en train de jouer une de ses œuvres, « Limoncito », quand José de León Tora, un caricaturiste, s’est approché du général Álvaro Obregón, président du Mexique qu’il a abattu de nombreuses balles de pistolet.
Alfonso et son orchestre ont continué de jouer l’œuvre, sans se rendre compte de ce qui s’était passé, ou, s’ils s’en sont rendu compte, ils sont restés drôlement professionnels…

La ville mexicaine de Aguascalientes eaux chaudes est fière de son compositeur et divers monuments le célèbrent dans la ville et une rue porte son nom

Pour terminer cette petite série, une curiosité, une version par un orchestre symphonique avec un joli duo, soprano et ténor.
En fait, ce n’est pas si rare, cette valse est souvent jouée en concert de musique classique et notamment sous forme piano plus chant.

Dime que sí 2014-11-15 – Verónica De Larrea (soprano) y , Orchestre symphonique de l’Université Frédéric Chopin de Varsovie.

À bientôt, les amis, en espérant que les problèmes d’attaque du site de cette semaine ne vont pas se reproduire.

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DJ BYC Bernardo DJ - VJ

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