N… N… 1947-04-28 — Orquesta Osvaldo Pugliese

Osvaldo Ruggiero.

La de los dos Osval­dos est un des surnoms de l’orchestre d’Osvaldo Pugliese. En effet, Osval­do Rug­giero, l’auteur du tan­go du jour «N… N…» entra avant ses 17 ans dans l’orchestre de Pugliese et y res­ta 20 ans. Cette sym­biose des deux Osval­do a don­né dif­férents tan­gos comme «A mis com­pañeros», «Catu­zo», «Rezon­go tanguero», «Yun­ta de oro» et donc N… N…, notre tan­go du jour. Con­nais­sez-vous la sig­ni­fi­ca­tion du titre de ce tan­go? Vous la décou­vrirez en fin d’article.

Osvaldo Lino Ruggiero (23 septembre 1922 — 31 mai 1994)

Fils d’émigrés ital­iens (de la région de Naples), el Tano Rug­giero est un ban­donéon­iste et com­pos­i­teur. Comme beau­coup de ceux qui ont fait l’histoire du tan­go, ce dernier a com­mencé jeune, car à 17 ans, il inté­grait déjà l’orchestre d’un autre Osval­do, Osval­do Pugliese.
Son père, Sabati­no Rug­giero, lui a don­né le goût de la musique et notam­ment celui du ban­donéon dont il jouait égale­ment. Ce fut d’ailleurs lui qui fut son seul pro­fesseur, un pro­fesseur motivé, car il apprit le solfège unique­ment pour pou­voir assur­er une bonne édu­ca­tion musi­cale à son fils.
Cette for­ma­tion à base auto­di­dac­tique lui a per­mis d’avoir un style un peu par­ti­c­uli­er qu’il a affiné aux côtés de Pugliese qui lui dis­ait, « S’il faut tra­vailler, alors, tra­vaille ».
Il restera donc fidèle à l’orchestre de Pugliese, jusqu’à la créa­tion du Sex­te­to Tan­go, qu’il a accom­pa­g­né et ani­mé lors d’une tournée au Japon, Osval­do Pugliese étant retenu en Argen­tine pour des ques­tions de san­té. Vous pour­rez enten­dre sa ver­sion de N… N… enreg­istrée lors de cette tournée dans la par­tie « les ver­sions ».
Ce musi­cien dis­cret est un peu mécon­nu, car il n’a jamais souhaité se met­tre en avant et avoir un orchestre à son nom, mais ses com­po­si­tions et les dis­ques de Pugliese et du Sex­te­to Tan­go par­lent pour lui.
Si vous voulez en savoir plus sur cet artiste attachant, je vous invite à con­sul­ter ses « con­fi­dences » sur l’excellent site Todo Tan­go.
Ou son inter­view réal­isée par Daniel Ped­erci­ni le 11 juil­let 1993.

Inter­view d’Os­val­do Rug­giero réal­isée par Daniel Ped­erci­ni le 11 juil­let 1993.

Extrait musical

N… N… 1947-04-28 — Orques­ta Osval­do Pugliese. C’est le tan­go du jour.

Les versions

Osval­do Pugliese a enreg­istré deux fois ce titre. En 1947, le tan­go du jour et en 1952. Je vous laisse com­par­er les deux ver­sions, très proches. Je vous pro­pose d’é­couter ces deux ver­sions, car les titres partagés sur les plate­formes comme Spo­ti­fy ou Apple Music sont truf­fées d’er­reurs sur les ver­sions. YouTube n’est pas mieux et un DJ qui a pub­lié de très nom­breux tan­go a plus de 50% d’er­reurs dans ses attri­bu­tions de dates. La seule solu­tion, par­tir du disque orig­i­nal et véri­fi­er dans le cat­a­logue la date avec le numéro de matrice…
La ver­sion de l’auteur, Osval­do Rug­giero avec son Sex­te­to Tan­go est très dif­férente de celles de Pugliese. Bien sûr, elle a été réal­isée 16 ans plus tard que la dernière de Pugliese, mais elle est très intéres­sante.

N… N… 1947-04-28 — Orques­ta Osval­do Pugliese. C’est le tan­go du jour.
N… N… 1952-11-13 — Orques­ta Osval­do Pugliese.

Une ver­sion très proche de la pre­mière, au point que plusieurs CD pro­posent celle de 1947 au lieu de celle de 1952. Plus graves, cer­tains DJ qui parta­gent des musiques sur YouTube font cette erreur.

N… N… 1968-10 — Sex­te­to Tan­go.

Une ver­sion pro­posée par l’orchestre du com­pos­i­teur. Rug­giero étant l’un des arrangeurs et le leader dis­cret de la for­ma­tion.

D’où vient le nom du tango N… N… ?

Je n’ai pas trou­vé la source du nom, alors je vous pro­pose plusieurs hypothès­es.
Tout d’abord, N. N. est une abrévi­a­tion courante pour « Ningún Nom­bre », pas de nom.
Cette for­mu­la­tion est util­isée depuis l’époque romaine. Il y a plus de 2000 ans, elle était des­tinée aux vagabonds, les sans nom, les innom­ma­bles… Cette dénom­i­na­tion est tou­jours util­isée par exem­ple dans le cas de vic­times non iden­ti­fiées.
On peut donc penser que Rug­giero n’avait pas d’idée pour don­ner un titre à son tan­go, mais ce serait sans doute un peu léger. Beau­coup de tan­gos por­tent des noms qui n’ont rien à voir avec la musique, que ce soit à cause des besoins d’une dédi­cace, de la fan­taisie d’un paroli­er, ou tout sim­ple­ment, car la musique de tan­go n’est pas tou­jours descrip­tive, notam­ment dans ses ver­sions mod­ernes. La néces­sité de met­tre un nom sur une musique n’est pas absolue. En musique clas­sique, la majorité des œuvres ne por­tent pas de nom descrip­tif. Elles por­tent l’indication de leur forme (sym­phonie, sonate…) et un numéro, le nom étant sec­ondaire et très sou­vent absent. Il aurait été donc pos­si­ble, surtout au sein d’un orchestre comme celui de Pugliese, tant col­lab­o­ratif, un nom à appos­er à ce tan­go.
Je vais donc avancer une autre hypothèse. Ce tan­go est daté de 1947. On trou­ve par­fois l’indication de 1942 sur cer­tains dis­ques de créa­tion récente, mais je pense qu’il s’agit d’erreurs, ces ver­sions étant absol­u­ment iden­tiques à celles référencées en 1947. À cette époque (1947), on con­nais­sait les hor­reurs com­mis­es par les nazis et les mil­lions de « no name » qu’ils avaient faits. Floris B. Bakels, dans « Nacht und Nebel » (nuit et brouil­lard) décrit le sort des déportés qui étaient signés des let­tres N N par les nazis. En effet, le décret N N « Nacht und Nebel » (per­me­t­tait de déporter des per­son­nes sous cou­vert d’anonymat. Ain­si, elles ne gon­flaient pas les sta­tis­tiques et les pris­on­niers qui por­taient ces let­tres sur leurs vête­ments n’étaient pas con­sid­érés comme des humains ayant droit à un nom.

Je pense que mon hypothèse est prob­a­ble, dans la mesure où quelques années plus tard, la dic­tature argen­tine a repris la même for­mu­la­tion pour pou­voir met­tre du flou sur les dis­pari­tions. On con­naît bien cette par­tie de l’histoire argen­tine et le traf­ic des enfants de ces N N., car le gou­verne­ment argentin a mis en place une struc­ture pour iden­ti­fi­er ces exac­tions et on con­naît égale­ment l’immense courage des mères de la Place de Mayo.

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