El pollo Ricardo 1946-03-29 – Orquesta Carlos Di Sarli

Luis Alberto Fernández Letra : Gerardo Adroher

Je dédi­cace cet arti­cle à mon ami Ricar­do Salusky, DJ de Buenos Aires, ce tan­go étant une his­toire d’amitié, c’était logique. Pol­lo, le poulet, est un surnom assez courant, les Argentins et Uruguayens sont friands de cet exer­ci­ce qui con­siste à ne jamais dire le véri­ta­ble prénom de per­son­nes…

Reste à savoir qui était le poulet de Luis Alber­to Fer­nán­dez, l’auteur et le paroli­er de ce tan­go qu’il a dédi­cacé à un de ses amis.
Ricar­do est un prénom courant. Il nous faut donc inves­tiguer.
Luis Alber­to Fer­nán­dez (c’est son véri­ta­ble nom) est né à Mon­te­v­ideo le 29 mars 1887. Il était pianiste, com­pos­i­teur et paroli­er d’au moins deux tan­gos, celui dont nous par­lons aujourd’hui et Inter­va­lo. El Pol­lo Ricar­do est indiqué dans les reg­istres de la AGADU (Aso­ciación Gen­er­al de Autores del Uruguay) comme étant de 1911, ce que con­fir­ment d’autres sources, comme les plus anci­ennes exé­cu­tions con­nues par Car­los War­ren, puis Juan Maglio Pacho (mal­heureuse­ment sans enreg­istrement) et un peu plus tar­di­ve­ment (1917), celle de Celesti­no Fer­rer que vous pour­rez écouter à la fin de cet arti­cle.
De Fer­nán­dez, on ne con­naît que deux com­po­si­tions, El pol­lo Ricar­do et Inter­va­lo.
En cher­chant dans les amis de Fer­nán­dez on trou­ve un autre Uruguayen ayant juste­ment écrit un tan­go sur les cartes,

Une par­ti­tion de Ricar­do Scan­droglio du tan­go  En Puer­ta  louverture sur le thème des jeux de cartes On notera que lauteur se fait appel­er El Pol­lo Ricar­do

On retrou­ve ce Ricar­do Scan­droglio sur une pho­to où il est au côté de Luis Alber­to Fer­nán­dez.

Pho­to prise dans les bois de Paler­mo en 1912 Par­que Tres de Febrero à Buenos Aires

Assis, de gauche à droite : El pol­lo Ricar­do qui a bien une tête de poulet, non ? Au cen­tre, Luis Alber­to Fer­nán­dez et Curbe­lo. Debouts, Arturo Presti­nari et Fer­nán­dez Castil­la. Cette pho­to a été repro­duite dans la revue La Mañana du 29 sep­tem­bre 1971.
Et pour clore le tout, on a une entre­vue entre Alfre­do Tas­sano et Ricar­do Scan­droglio où ce dernier donne de nom­breuses pré­ci­sions sur leur ami­tié.
Vous pou­vez écouter cette entre­tien (à la fin de la ver­sion de Canaro de El pol­lo Ricar­do) ici:
https://bhl.org.uy/index.php/Audio:_Entrevista_a_Ricardo_Scandroglio_a_sus_81_a%C3%B1os,_1971
Mais je vous con­seille de lire tout le dossier qui est pas­sion­nant :
https://bhl.org.uy/index.php/Scandroglio,_Ricardo_-_El_Pollo_Ricardo

Extrait musical

Il s’agit du deux­ième des trois enreg­istrements de El pol­lo Ricar­do par Car­los Di Sar­li. Nous écouterons les autres dans le chapitre « autres ver­sions ».

El pol­lo Ricar­do 1946-03-29 — Orques­ta Car­los Di Sar­li.
Cou­ver­ture de la deux­ième édi­tion et par­ti­tion pour piano de El pol­lo Ricar­do

Les paroles

Per­son­ne ne con­naît les paroles que Ger­ar­do Adro­her, encore un Uruguayen, a com­posées, mais qu’aucun orchestre n’a enreg­istrées.
Ce tan­go a été récupéré par les danseurs qui ont moins besoin des paroles. Toute­fois, il me sem­ble intéres­sant de les men­tion­ner, car il mon­tre l’atmosphère d’amitié entre Ricar­do Scan­droglio et Luis Alber­to Fer­nán­dez.

Tu pin­ta de bacán
tu estam­pa de varón
tu clase pura para el baile
cuan­do te flo­reás
te han dis­tin­gui­do
entre los buenos gua­pos con razón
porque entran­do a tal­lar
te hiciste respetar.
Pol­lo Ricar­do
vos fuiste ami­go fiel
y yo he queri­do con un tan­go
bra­vo y com­padrón
dar lo mejor de mi amis­tad
a quien me abrió su corazón.
La bar­ra fuerte del café
mucha­chos bravos de ver­dad
forma­ban rue­da cuan­do vos
mar­avil­l­abas al tanguear.
Y siem­pre fue tu juven­tud
el sol que a todos alum­bró
bor­ran­do som­bras con la luz
que tu bon­dad nos dio.
Y cuan­do pasen los años
oirás en el com­pás de este tan­go
un des­fi­lar de recuer­dos
largo… largo.
Puede que entonces
me fui yo a via­jar
con rum­bo por una estrel­la.
Mira hacia el cielo
es ella, la que bril­la más.

Ger­ar­do Adro­her

Traduction libre et indications

Ton élé­gance de noceur, ton allure de mec, ta pure classe pour la danse quand tu brilles t’ont dis­tin­gué par­mi les beaux élé­gants, à juste titre, parce que quand tu entres en taille (fig­ure de tan­go, comme dans le ocho cor­ta­do. Ne pas oubli­er que la forme anci­enne du tan­go de danse avait des atti­tudes pou­vant rap­pel­er le com­bat au couteau) ; tu t’es fait respecter.
Poulet Ricar­do tu étais un ami fidèle et moi j’ai aimé avec un tan­go, courageux, et com­père, don­ner le meilleur de mon ami­tié à qui m’a ouvert son cœur.
La bande du café, des garçons vrai­ment bons (vail­lants, bons danseurs dans le cas présent).
For­mant le cer­cle quand tu émer­veil­lais en dansant le tan­go.
Et ça a tou­jours été ta jeunesse, le soleil qui a illu­miné tout le monde, effaçant les ombres avec la lumière que ta bon­té nous a don­née.
Et quand les années passeront, tu enten­dras au rythme de ce tan­go un défilé de sou­venirs
long… long.
Il se peut qu’ensuite, je sois par­ti en voy­age,
En route vers une étoile. Lève les yeux vers le ciel, c’est celle qui brille le plus.
Fer­nan­dez est décédé en 1947, et il avait trois ans de plus que Ricar­do, ces paroles peu­vent paraître pré­moni­toires, mais avec beau­coup d’a­vance…

Autres versions

Les premières versions

Le pre­mier orchestre à avoir joué El pol­lo Ricar­do en 1912 serait l’orchestre uruguayen de Car­los War­ren, mais il ne sem­ble pas y avoir d’enregistrement. Même chose pour la ver­sion par Juan Maglio Pacho. La par­ti­tion aurait été éditée en 1917, mais si on prend en compte que Fer­nán­dez jouait d’oreille et n’écrivait pas la musique, on peut penser que les pre­mières inter­pré­ta­tions soient passées par un canal dif­férent.

El pol­lo Ricar­do 1917-01-17 — Orques­ta Típi­ca de Celesti­no Fer­rer.

C’est, a pri­ori, la plus anci­enne ver­sion exis­tante en enreg­istrement. Fer­rer était réputé pour sa par­tic­i­pa­tion aux nuits parisi­ennes autour des orchestres comme celui de Pizarro. On lui doit un tan­go comme com­pos­i­teur, El Gar­rón, qui célèbre le salon parisien qui fut un des pre­miers lieux de tan­go à Paris. Il faut atten­dre un peu pour trou­ver des ver­sions dansantes du tan­go.

El pol­lo Ricar­do 1938-05-09 — Quin­te­to Don Pan­cho dir. Fran­cis­co Canaro.

Une ver­sion bien ronde et qui avance avec une cadence régulière qui pour­ra plaire aux danseurs milongueros. J’aime bien les petits « galops » qu’on entend par­ti­c­ulière­ment bien vers 43 sec­on­des et à divers­es repris­es. Cepen­dant, on ne pense pas for­cé­ment à un poulet ou à un danseur de tan­go.

Les trois enregistrements de Di Sarli

J’ai choisi de regrouper les trois enreg­istrements de Di Sar­li pour qu’il soit plus facile à com­par­er. La ver­sion inter­mé­di­aire de D’Arienzo de 1947 sera placée après celle de 1951 de Di Sar­li, ce qui vous per­me­t­tra de com­par­er égale­ment les deux enreg­istrements de D’Arienzo (1947 et 1952).

El pol­lo Ricar­do 1940-09-23 Orques­ta Car­los Di Sar­li.

C’est la pre­mière ver­sion de ce thème par Di Sar­li. À divers­es repris­es le son du ban­donéon peut faire penser au caquète­ment d’un poulet (0 : 26 ou 1 : 26 par exem­ple).

El pol­lo Ricar­do 1946-03-29 — Orques­ta Car­los Di Sar­li. C’est notre tan­go du jour.

Le tem­po est plus mod­éré que dans la ver­sion de 1940 et le caquète­ment de poulet est plus accen­tué, en con­traste avec les vio­lons en lega­to. Comme le tem­po est un peu plus lent, les caquète­ments sont décalés à 0 : 30 et 1 : 30. En six ans on remar­que bien l’évolution de l’orchestre, même si le style reste encore très ryth­mé et les vio­lons s’expriment moins que dans des ver­sions plus tar­dives comme celle de 1951.

El pol­lo Ricar­do 1951-07-16 — Orques­ta Car­los Di Sar­li.

La sonorité de cette ver­sion est plus famil­ière aux afi­ciona­dos de Di Sar­li des années 50. Les vio­lons sont beau­coup plus présents, y com­pris dans les caquète­ments qui toute­fois sont plus dis­crets que dans les deux autres ver­sions. Le piano s’exprime égale­ment plus et rajoute les fior­i­t­ures qui sont une des car­ac­téris­tiques du Di Sar­li des années 50.

Les deux enregistrements de D’Arienzo

Les deux enreg­istrements de D’Arienzo sont à com­par­er aux deux enreg­istrements qua­si con­tem­po­rains de Di Sar­li (46–47 et 51–52).
Comme nous l’avons vu, l’évolution de Di Sar­li est allée en direc­tion des vio­lons. Celles de D’Arienzo serait plutôt de favoris­er les ban­donéons et de les engager dans le mar­quage du tem­po, comme d’ailleurs tous les instru­ments de l’orchestre. Il n’est pas El Rey del Com­pas pour rien… Le piano a tou­jours une grande place chez D’Arienzo qui n’oublie pas que c’est aus­si un instru­ment à per­cus­sion…

El pol­lo Ricar­do 1947-05-20 — Orques­ta Juan D’Arienzo
El pol­lo Ricar­do 1952-11-12 — Orques­ta Juan D’Arienzo

Retour en Uruguay

Le héros, le com­pos­i­teur et le paroli­er de ce tan­go étant uruguayens, il me sem­ble logique de don­ner la parole en dernier à trois orchestres de ce pays.

El pol­lo Ricar­do 1972 — Orques­ta Orques­ta Dona­to Rac­ciat­ti.

Une ver­sion énergique et au tem­po soutenu. Quelques illu­mi­na­tions du piano de Rac­ciat­ti répon­dent aux vio­lons (jouant lega­to mais aus­si en pizzi­cati) . Le style haché et joueur peut être intéres­sant à pro­pos­er aux danseurs.

El pol­lo Ricar­do 1985 – Miguel Vil­las­boas y su Orques­ta Típi­ca.

Un peu moins tonique que la ver­sion de Rac­ciat­ti et avec la sonorité par­ti­c­ulière de cet orchestre, on trou­ve tout de même un air de famille, le son uruguayen 😉 Les vio­lons un peu plus lyriques, le piano plus sourd ren­dent sans doute cette ver­sion moins intéres­sante, mais elle devrait tout de même plaire aux danseurs notam­ment dans la dernière par­tie qui est plutôt très réus­si et entraî­nante.

El pol­lo Ricar­do 2005-10 – Orques­ta Matos Rodríguez.

Bien que l’orchestre se réfère à Matos Rodríguez (le com­pos­i­teur uruguayen de la Cumpar­si­ta), on est plus dans une impres­sion à la Di Sar­li. Cepen­dant, le résul­tat est un peu mièvre et ne se prête pas à une danse de qual­ité, même s’il reprend des idées des orchestres uru­gayens et des trucs à la Sas­sone.

La dédicace à El Pollo Ricardo

Comme Fer­nan­dez a réal­isé un hom­mage à son ami Ricar­do je fais de même avec Ricar­do lexcellent DJ de Buenos Aires Jai emprun­té la pho­to au tal­entueux pho­tographe celui qui avait réal­isé la grande fresque du salon

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