La puñalada 1937-04-27 — Orquesta Juan D’Arienzo

Pintín Castellanos (Horacio Antonio Castellanos Alves) Letra: Celedonio Esteban Flores.

Pin­tín Castel­lanos a écrit plusieurs milon­gas comme ; A puño limpio, El potro, El tem­blor, La endi­a­bla­da ou Meta fier­ro et quelques milon­gas can­dombe, comme Bronce, Can­dombe ori­en­tal ou Can­dombe rio­platense. Vous aurez recon­nu de nom­breux suc­cès. Notre milon­ga du jour, La puñal­a­da est sans doute la plus célèbre. Lais­sez-moi planter le décor.

Gardez le rythme…

Le cas de la puñal­a­da est un peu dif­férent, sans être une excep­tion. En effet, la puñal­a­da a été écrite comme un tan­go milon­ga par Pin­tín Castel­lanos en 1933. Le tan­go milon­ga, men­tion que l’on trou­ve sur les par­ti­tions de l’époque, indique un tan­go de danse, éventuelle­ment un peu joueur, type canyengue.
Dans la ver­sion du jour, on est plutôt sur un rythme de milon­ga lente. Les par­ti­tions de l’époque par­lent de Milon­ga tanguea­da.
Ce type de trans­for­ma­tion est assez courant. De nom­breux titres anciens ont été rejoués de façon plus rapi­de et syn­copée.
Sur cette trans­for­ma­tion, il y a deux ver­sions.
Selon la pre­mière, Fir­po aurait apporté la par­ti­tion à Feli­ciano Brunel­li en 1933 et celui-ci l’aurait adap­tée en milon­ga.
Selon l’autre ver­sion, lors d’une presta­tion à Mon­te­v­idéo, D’Arienzo a promis à Pin­tín Castel­lanos de jouer le tan­go qu’il lui a con­fié, mais Rodol­fo Bia­gi, le pianiste et Domin­go Moro, un des ban­donéon­istes de D’Arienzo, chargés de faire les arrange­ments pour l’orchestre sug­gérèrent de mod­erniser le tan­go en le trans­for­mant dans un rythme plus soutenu et surtout en ajoutant les syn­copes qui lui ont don­né un car­ac­tère de milon­ga. La descente de gamme au piano et la mon­tée, auraient été rajoutées par D’Arienzo, ce qui aurait fait dire à celui-ci que la Puñal­a­da était un peu de lui.
Dif­fi­cile de choisir entre ces deux ver­sions. Je vous pro­pose d’y revenir lors de l’écoute des dif­férentes ver­sions.

Extrait musical

La par­ti­tion est dédi­cacée ain­si :
«Dedi­co esta milon­ga tanguea­da a la queri­da muchacha­da ami­ga que for­ma el Juven­tus del Club Ban­co de la Repúbli­ca O. (ori­en­tale, l’Urugay est la “Province de l’Est”) del Uruguay y La Pelusa del Club Ban­co de la Repúbli­ca Argenti­na, como tam­bién a su gran creador é inter­prete Juan D’Arien­zo. – Pintin

La puñal­a­da 1937-04-27 — Orques­ta Juan D’Arienzo. En milon­ga lente (milon­ga tanguea­da).

Remar­quez la grande descente au début de la portée, puis la remon­tée et en bout de pre­mière ligne, le gros accord (Ploum!) avec un point d’orgue qui indique qu’on peut le faire dur­er le temps souhaité… Le ploum serait de D’Arienzo, la descente et la mon­tée de Bia­gi et Moro, mais rien n’est moins sûr.
On notera la dédi­cace qui prou­ve en tous cas que Pitin n’était pas fâché avec D’Arienzo pour avoir changé le car­ac­tère de sa com­po­si­tion. Il lui recon­naît même le car­ac­tère de créa­teur, alors que c’est lui, Pitin, qui a inau­guré le morceau en 1933…

Les paroles

Men­tían los que saben
que un male­vo
muy de agal­las
y de fama
bien sen­ta­da
por el bar­rio
de Paler­mo
cayó un día
tacone­an­do
pre­po­tente
a un bai­lon­go
donde había
pun­tos bravos
pa’l facón.

Lo empezaron a mirar
con un aire sobrador
pero el mozo, sin chis­tar,
a una puer­ta se arrimó.

Los dejó sobrar.
Los dejó decir.
Y pa’ no pelear
tuvo que sufrir.

Pero la pebe­ta
más boni­ta,
la que esta­ba
más meti­da
en el alma
de los tauras,
esa noche
con la vista
lo incita­ba
a que saliera
a dar­les dique
y a jugarse
en un tan­go
su car­tel.

Se cruzó
un gran ren­cor y otro ren­cor
a la luz
de un faroli­to a querosén
y un puñal
que parte en dos un corazón
porque así
lo quiso aque­l­la cru­el mujer.

Cuen­tan los que vieron
que los gua­pos
cule­brearon
con sus cuer­pos
y bus­caron
afanosos
el des­cui­do
del con­trario
y en un claro
de la guardia
hundió el mozo
de Paler­mo
has­ta el man­go
su facón.

Pin­tín Castel­lanos (Hora­cio Anto­nio Castel­lanos Alves) Letra: Cele­do­nio Este­ban Flo­res.

Traduction libre

Ils men­tirent, ceux qui savent qu’un homme mau­vais avec beau­coup de courage et d’une renom­mée bien établie dans le quarti­er de Paler­mo est tombé un jour, talon­nant avec arro­gance à un bal où il y avait des Pun­tos Bravos (des gau­chos bagar­reurs. Voir le tan­go Pun­to Bra­vo de Canaro, sans paroles et le Pun­to Bra­vo d’Alberto Ben­i­to Cima dont les paroles d’Enrique Cil­lan Pare­des décrivent le per­son­nage. Il ne sem­ble pas avoir été enreg­istré).
Ils com­mencèrent à le regarder avec un air supérieur, mais le serveur, sans un mot, s’agrippa à une porte.
Ils com­mencèrent à le regarder avec un air supérieur, mais le serveur, sans un mot, s’agrippa à une porte.
Il les a lais­sé fan­faron­ner. Il les lais­sa dire.
Et pour ne pas se bat­tre, il a dû souf­frir.
Mais la plus jolie pépète, celle qui était la plus aimée dans l’âme des tauras (caïds), cette nuit-là, l’incita du regard à sor­tir et à leur rabat­tre le caquet et à met­tre en jeu leur (sa) répu­ta­tion dans un tan­go.
Une grande ran­cune et une autre ran­cune se croisèrent à la lumière d’un réver­bère à pét­role et un poignard qui partage un cœur en deux parce que cette femme cru­elle l’a voulu ain­si.
Ceux qui l’ont vu racon­tent que les gua­pos (hommes beaux) frémis­saient avec leurs corps et cher­chaient sournoise­ment l’inattention de l’adversaire, et dans une baisse de la garde, le serveur de Paler­mo plongea jusqu’à la garde, son couteau.

Les versions

La puñal­a­da 1937-04-27 — Orques­ta Juan D’Arienzo. En milon­ga lente (milon­ga tanguea­da). C’est le tan­go du jour.
La puñal­a­da 1937-06-12 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro. En tan­go milon­ga.

Canaro reste dans la tra­di­tion de l’ancien tan­go (qui par ailleurs béné­fi­ci­ait d’un regain de pop­u­lar­ité). Cette ver­sion est beau­coup plus lente et n’a rien d’une milon­ga. Elle est con­sid­érée comme étant fidèle à la ver­sion d’origine. Cela peut per­me­t­tre de douter, à mon avis, de l’hypothèse d’une trans­for­ma­tion en milon­ga par Fir­po et Brunel­li. Si la trans­for­ma­tion était un grand suc­cès, pourquoi Canaro aurait-il pris le risque d’enregistrer une ver­sion désuète ? Même en ten­ant compte de sa ten­dance à être sou­vent plus con­ser­va­teur et de sa volon­té de surfer sur la vague de regain pour les tan­gos anciens, il me sem­ble qu’il aurait a min­i­ma fait une milon­ga tanguea­da, du type de Milon­ga de mis amores, qui tout en con­ser­vant un rythme très lent fait usage de la syn­cope. Il reste l’hypothèse que Canaro souhaitait offrir à son com­pa­tri­ote une ver­sion témoin de l’écriture orig­i­nale.

La puñal­a­da 1937-12-02 — Alber­to Gómez con acomp. de orques­ta, en chan­son.

Impens­able de danser cette ver­sion en milon­ga, voire de la danser tout court. Il y a des doutes sur l’orchestre, car sur le disque il est juste indiqué avec orchestre. Deux orchestres sont pro­posés, celui de la Vic­tor (il a chan­té pour l’orchestre de 1930 à 1935 et celui de Fir­po. Je pour­rai rajouter celui de Cara­bel­li, Gomez a beau­coup enreg­istré avec lui, que ce soit en tan­go ou avec son Jazz-Band et je pense donc que cet orchestre est plus prob­a­ble que celui de Fir­po pour lequel on ne con­naît pas d’autres enreg­istrements avec lui (à moins qu’ils soient tous anonymes, ce qui n’est pas dans l’habitude de Fir­po qui était un orchestre renom­mé). Gomez aura son pro­pre orchestre plus tard (enreg­istrements de 1947).

La puñal­a­da 1943-11-23 — Orques­ta Juan D’Arienzo. En milon­ga rapi­de. Le pli était pris.

Cet enreg­istrement a été dif­fusé en disque 78 tours avec la Cumpar­si­ta de 1943, 17 mil­lions de ce disque airaient été ven­dus. C’est encore un record aujourd’hui pour le tan­go. Le cou­plage avec la Cumpar­si­ta a sans doute fait beau­coup pour le suc­cès de cette milon­ga.

La puñal­a­da 1946-10-08 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro.

Si Canaro a pu ignor­er le suc­cès en milon­ga du titre, il ne le fait pas après l’immense suc­cès de D’Arienzo et donne sa ver­sion en milon­ga du titre.

La puñal­a­da 1950-12-19 — Orques­ta Osval­do Frese­do.

Une belle ver­sion joueuse par Frese­do, sans doute trop mécon­nue.

La puñal­a­da 1951-09-12 — Orques­ta Juan D’Arienzo.

Du D’Arienzo 50, sans sur­prise, qui pour­rait éventuelle­ment être rem­placée par celles, con­tem­po­raines, de Frese­do ou Canaro…

La puñal­a­da 1951-11-29 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro.

À couteaux tirés avec D’Arienzo, Canaro, relance quelques semaines après D’Arienzo… Une ver­sion tonique et euphorique, qui sera agréable­ment dan­sée par tous les danseurs.

Il existe énor­mé­ment d’autres ver­sions de La puñal­a­da. J’espère que ce petit texte vous aura don­né envie de vous y plonger au cœur… (Humour noir).

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.