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La rumbita candombe 1942-12-29 – Orquesta Juan D’Arienzo con Héctor Mauré

Osvaldo Novarro; Letra: Mario Battistella

Pourquoi une femme noire tenant un bongo sur plan de surfeurs hawaïens ? Comme vous vous en doutez, j’ai une explication. Alors partons à la découverte de la Rumbita candombe, un curieux mariage qui a fêté ses noces de chêne et qui continue de faire bouger les danseurs d’aujourd’hui.

Extrait musical

La rumbita candombe 1942-12-29 – Orquesta Juan D’Arienzo con Héctor Mauré.

Comme l’indique le titre, on reconnaît rapidement un rythme de rumba. J’écris « un » rythme de rumba, car il y a en a des dizaines. Historiquement, la rumba est originaire de Cuba où elle a été mêlée avec diverses danses, notamment d’origine africaine. Cela se reconnaît par la complexité des rythmes qui sont loin des rythmes codifiés en Europe. Il n’est qu’à demander à un danseur européen moyen de faire sonner le clave de la salsa en rythme, pour voir à quel point c’est hors de sa culture.
N’étant pas moi-même un spécialiste de la rumba, j’ai essayé de déterminer le type de rumba utilisée dans cette composition. Parmi la centaine de possibilités, je trouve que la rumba yambu (une des trois principales rumbas cubaines) est un assez bon candidat.

La rumbita candombe de D’Arienzo et Mauré que j’ai mixé avec un rythme de rumba yambu.

Bien sûr, la version de D’Arienzo est un peu particulière et il a mis en avant le plaisir des danseurs de en prenant plus de libertés par rapport au rythme original que les autres interprétations. On notera, par exemple, une cadence bien plus rapide.

Le Général Juan Manuel de Rosas assistant à une manifestation de candombe vers 1838 assistant à une manifestation de candombe vers 1838.

De Rosas avait une trentaine d’esclaves, mais il était plutôt sympa avec eux et les esclaves qui avaient fui le Brésil le considéraient comme un libérateur. On voit qu’il a un homme noir sur le siège à son côté, ce qui doit probablement témoigner de sa proximité. On remarquera les tambours du candombe. Le peintre, s’est représenté avec son épouse, debout à l’arrière de De Rosas. La fille du couple (Manuelita) est en rouge au côté de l’homme noir assis.

Paroles de la version de Juan D’Arienzo et Héctor Mauré

Les différentes versions disposent de paroles légèrement différentes. Celles de l’enregistrement de D’Arienzo et Mauré sont les plus divergentes par rapport aux paroles originales. J’indiquerai, en fin d’article, les paroles originales et donnerai quelques indications pour les autres versions.

Presten todos atención
Que ya empezó
Y a virutear esta milonga
Que el rey negro bautizo

No es su cuna el arrabal
Negro y cumbe

Por eso es que
Todos le dicen
La

Ae ae ae ae
Ae ae ae ae

A bailar a cantar
A seguir sin parar

Ae ae ae ae
Ae ae ae ae

Que se va y se fue
La milonga candombe.

Osvaldo Novarro; Tito Luar (Raúl Fortunato) Letra: Mario Battistella

Traduction libre de la version de Juan D’Arienzo et Héctor Mauré

Prêtez tous attention.
Ça a déjà commencé et pour virutear (référence à et l’usure du plancher) cette milonga que le roi noir a baptisée.
Ce n’est pas son berceau les faubourgs
Noir et cumbe (esclaves noirs ayant fui et vivant libres)
C’est pourquoi tous l’appellent la milonga candombe
Ae ae ae ae
À danser, à chanter
À continuer sans s’arrêter,
Ae ae ae ae
Car elle s’en va et est partie
La milonga candombe.

Autres versions

Je commence par les auteurs de la musique, Osvaldo Novarro et Tito Luar.

La rumbita candombe 1942-06-02 – Hawaiian Serenaders con Osvaldo Novarro.

Les Hawaiian Serenaders est un groupe argentin, malgré ce que pourrait laisser penser son nom. Il fut actif durant une vingtaine d’années après sa création en 1940 par le chanteur associé à Tito Luar (Raúl Fortunato) (Directeur d’orchestre, tromboniste et violoniste) et auteurs de la musique de notre titre du jour.
Les deux hommes étaient d’origine vénézuélienne, pas l’ombre d’un Hawaïen dans l’histoire.

À l’origine du groupe Hawaiian serenaders, un groupe de musique hawaïenne mené par Osvaldo Novarro dans les années 30.

À ce sujet, il est amusant de noter qu’il y a eu un autre groupe nommé The Hawaiian Serenaders, mais qu’ils étaient Grecs et étaient dirigés par Felix Mendelssohn (probablement un …). Je ne résiste pas à la tentation de vous présenter une de mes 600 cumparsitas par ces Grecs « hawaïens »…

La cumparsita 1941 – Felix-Mendelssohn & His Hawaiian Serenaders.

Les sonorités sont beaucoup plus hawaïennes que pour le groupe argentin…

La rumbita candombe 1942-12-29 – Orquesta Juan D’Arienzo con Héctor Mauré. C’est notre titre du jour.
La rumbita candombe 1943-06-28 – Orquesta con Oscar Serpa.

Oscar Serpa et surtout l’interprétation magnifique de Fresedo fait que cette version peut très bien être proposée en bal, même si peu de DJ s’y risquent.

La negrita candombe (La rumbita candombe) 1943-07-16 – Orquesta Francisco Canaro con Carlos Roldán.

La version de Canaro est sans doute celle qui est la plus connue. Son rythme assez calme respecte mieux, que la version de D’Arienzo, le rythme de la rumba. Comme il en a l’habitude et grâce à ses percussionnistes de son orchestre de jazz, Canaro peut proposer une introduction au tambour et une orchestration un peu différente.

Paroles de la version originale

Presten todos atención
Que va a empezar,
Esta será la nueva danza
Que tendremos que bailar…
Fue su cuna la ilusión
El cabaré
Por eso es que la llamamos
La rumbita candombe.

(Estribillo)
Ae, ae, ae, ae
Ae, ae, ae, ae (coro)
A bailar, a cantar
A seguir sin parar,
Ae, ae, ae, ae
Ae, ae, ae, ae (coro)
Ya se va, ya se fue
La rumbita candombe.

El autor de su compás
Es un bongó,
Que se enamorado de una milonga
Un domingo se casó
Y es por eso que al vibrar,
Sentimental su ritmo es
Mezcla de rumba
Y candombe federal.
Osvaldo Novarro; Tito Luar (Raúl Fortunato) Letra: Mario Battistella

Traduction libre des paroles de la version originale

Prêtez tous attention.
Ça va commencer,
Ce sera la nouvelle danse que nous devrons danser…
Son berceau était l’illusion, le cabaret, c’est pour ça qu’on l’appelle, la rumbita candombe.

(Refrain)
Ae, ae, ae, ae
Ae, ae, ae, ae (chœur)
À danser, à chanter
À continuer sans s’arrêter,
Ae, ae, ae, ae (chœur)
Déjà elle s’en va, déjà elle est partie
La rumbita candombe.

L’auteur de son rythme est un bongo, qui est tombé amoureux d’une milonga.
Un dimanche, il s’est marié et c’est pourquoi, lorsqu’il vibre, sentimental, son rythme est un mélange de rumba et de candombe fédéral.

Paroles de la version de Canaro et Roldán

Presten todos atención
Que va a empezar,
Esta será la nueva danza
Que tendremos que bailar…
Fue su cuna la ilusión
Que le dio fe,
Por eso es que la llamamos
La negrita candombe.

Así, así, así, así
Así, así, así, así (coro)
A bailar, a cantar
A seguir sin parar,
Así, así, así, así (coro)
Ya se va, ya se fue
La negrita candombe.

El autor de su compás
Es un bongó,
Que al arribar a la Argentina
De una criolla se prendó…
Y es por eso que al vibrar,
Sentimental su ritmo es
Mezcla de rumba
Y candombe federal.

Osvaldo Novarro; Tito Luar (Raúl Fortunato) Letra: Mario Battistella (y?)

Traduction libre de la version de Canaro et Roldán

C’est pourquoi nous l’appelons
La negrita candombe.
(La rumbita est passée de la musique, petite rumba à une negrita, petite femme noire).
Comme ceci, comme cela, comme cela
(contrairement aux autres versions, Roldán chante « así » et pas « ae »).
Comme ceci, comme ça, comme ça
Danser, chanter
Pour continuer sans s’arrêter,
Comme ceci, comme ça, comme ça
Déjà elle s’en va, déjà elle est partie
La negrita candombe.
L’auteur de son rythme est un bongo, qui à son arrivée en Argentine, d’une créole, est tombé amoureux…
(la localisation en Argentine et la mention d’une créole ancrent la chanson. Canaro était Uruguayen de naissance et les esclaves étaient en grande partie originaires du Brésil, et bien sûr d’Afrique avant).
Et c’est pourquoi, quand il vibre, sentimental, son rythme est un mélange de rumba et de candombe fédéral.

Quelques éléments sur la milonga candombe

Même si le propos de Osvaldo Novarro et Tito Luar était de créer un nouveau rythme à base de rumba en le mixant avec des rythmes de candombe, cette expérimentation qui n’a pas donné d’autres musiques est contemporaine de l’apparition de la milonga candombe.
En effet, on attribue à Sebastián Piana la mise en forme de la milonga candombe.
Sa première milonga candombe est Pena mulata (écrite en 1940).

Pena mulata 1941-02-18 – Orquesta Carlos Di Sarli con Roberto Rufino (Sebastián Piana Letra: Homero Manzi).

C’est le plus ancien enregistrement de milonga candombe. Amis DJ, si vous avez une milonga candombe d’avant 1940, c’est sûrement un candombe ou un autre rythme… Ce n’est pas interdit de le passer, mais prenez vos précautions pour ne pas mettre en difficulté les danseurs qui sont souvent moins à l’aise avec les milongas candombe et qui peuvent être totalement perdus avec des candombes.

Aleluya 1943-12-15 – Orquesta Francisco Canaro con Carlos Roldán (Sebastián Piana Letra: ).

Et une version par Piana lui-même :

Aleluya 1944 – Sebastián Piana con Jorge Demare.

Une version brute, un peu rugueuse, mais qui fait bien sentir les origines de l’inspiration de Piana.

Les titres apparentés au candombe, composés par Sebastián Piana

• Juan Manuel 1934 – Sebastián Piana Letra: Homero Manzi (Milonga federal)
• Pena mulata 1940 – Sebastián Piana Letra: Homero Manzi (Marcha candombe)
• Carnavalera 1941 – Sebastián Piana Letra: Homero Manzi (Milonga candombe)
• Papá Baltasar 1942 – Sebastián Piana Letra: Homero Manzi (Milonga candombe)
• Aleluya 1944 – Sebastián Piana Letra: Cátulo Castillo (Milonga negra)
• Ahí viene el negro Raúl 1973 – Sebastián Piana Letra: León Benarós (Tango candombe)
• Calabú 1973 – Sebastián Piana Letra: León Benarós (Canción de cuna candombe)
• El vendedor de velas 1973 – Sebastián Piana Letra: León Benarós (candombe pregón)
• Huevitos de olor 1973 – Sebastián Piana Letra: León Benarós (candombe pregón)
• La aceituna del negro 1973 – Sebastián Piana – Letra: León Benarós (candombe pregón)
• La criada de misia Jovita 1973 – Sebastián Piana Letra: León Benarós (candombe)
• La mulecona 1973 – Sebastián Piana Letra: León Benarós (candombe)
• Lorenzo Barcala 1973 – Sebastián Piana Letra: León Benarós (candombe)
• Marychambá -1973 – Sebastián Piana Letra: León Benarós (candombe)
• Matando hormigas 1973 – Sebastián Piana Letra: León Benarós (candombe pregón)
• Soldao, pelo colorao 1973 – Sebastián Piana Letra: León Benarós (candombe)
• Tomá pa’ shuca 1973 – Sebastián Piana Letra: León Benarós (candombe)
• Carumbaié – Sebastián Piana Letra: Julián Centeya (Milonga candombe)
• Jacinto retinto – Sebastián Piana Letra: Maria Luisa Carnelli (Milonga candombe)
• Pastelera – Sebastián Piana Letra: Cátulo Castillo (Milonga negra)
• Se casa el negrito – Sebastián Piana Letra: Maria Luisa Carnelli (Milonga candombe)

Pour terminer, un peu de théorie musicale du candombe avec les jeux des tambours.
Pour la partie candombe, c’est un peu plus facile, car nous sommes plus accoutumés à ces rythmes.
Le candombe utilise trois types de tambours :
Tambor chico
https://youtu.be/p2CL5-Ok4SI

https://www.youtube.com/watch?v=VwxzY1fgrUw&t=96s
Tambor piano
https://youtu.be/K77E_k0S_q8
Les trois tambours jouant ensemble :

Les trois types de tambours du candombe, de gauche à droite : Tambor repique, tambor chico, tambor piano et un autre tambor chico.

Et les surfeurs ?

Ah oui, j’allais oublier. Mais vous avez sans doute deviné.
La femme noire, c’est la negrita de Canaro, le tambor chico qu’elle tient dans les mains, c’est le candombe et les surfeurs et l’exocet, c’est une partie d’une affiche de 1940 pour Hawaï.

Une affiche publicitaire pour Hawaï de la Pan American Airways.

Le surf à Hawaï semble être une très vieille activité, comme en témoigne James Cook en 1779.

Duke Kahanamoku en 1910.

À l’époque, les îles s’appelaient Îles Sandwich, nom qu’avait donné Cook en l’honneur de John Montagu de Sandwich, l’inventeur du sandwich. Attention, il ne faut pas les confondre avec les Îles Sandwich du Sud, revendiquées, comme les Îles Malouines, par l’Argentine…

Le dernier état des USA (Hawaï) dans l’hémisphère Nord et les Îles Sandwich du Sud, revendiquées par l’Argentine.

À bientôt les amis !