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Pastorcita de Amancay

Pastorcita de Amancay 1960-11-28 — Orquesta Alfredo De Angelis con Lalo Martel

Chito Galindo (Juan Carlos Speciali)

À divers­es repris­es, j’ai présen­té des liens entre le folk­lore et le tan­go. Notre valse du jour est égale­ment à cheval sur ces deux domaines. Chi­to Galin­do avec sa belle his­toire d’amour tirée d’une légende andine a ému De Ange­lis et Lalo Mar­tel qui l’ont ajoutée à leur réper­toire. C’est notre ver­sion du jour.

Extrait musical

Chito Galindo (Juan Carlos Speciali) (1924-1984), auteur, compositeur, chanteur, acteur né à Salto en Uruguay et véritable globe-trotter.
Chi­to Galin­do (Juan Car­los Spe­ciali) (1924–1984), auteur, com­pos­i­teur, chanteur, acteur né à Salto en Uruguay et véri­ta­ble globe-trot­ter.
Pas­torci­ta de Aman­cay 1960-11-28 — Orques­ta Alfre­do De Ange­lis con Lalo Mar­tel.

Paroles

No hay ningún juez en el mun­do
Que te pue­da con­denar,
María Tere­sa Tor­res
Pas­torci­ta de Aman­cay.

Sola­mente a ti, tu madre
Ella te podrá juz­gar,
María Tere­sa Tor­res
Si has peca­do por amar.

Si el (Al) hom­bre que tu creíste
Y que se portó tan mal,
No lo maldigas tú nun­ca
Que ese maldito ya está.

Cómo pudo a ti engañarte
Pas­torci­ta de Aman­cay,
Con tus oji­tos de cielo
Y tu cara angel­i­cal.

Según dicen que una tarde
Triste te vieron pasar,
Con tu maja­da de ove­jas
Rum­bo hacia el cañav­er­al.

Cómo pueden con­denarte
Pas­torci­ta de Aman­cay,
Si has­ta las flo­res te admi­ran
Cuan­do a ti te ven pasar.

Cuan­do lle­ga­da la noche
(Y) Al no verte regre­sar,
Todos fueron a bus­carte
Para implo­rarte piedad.

Pero tan sólo encon­traron
En la inmen­sa oscuri­dad,
Tu maja­di­ta de ove­jas
Y tu per­ri­to guardián.

Todas las noches yo miro
Una estrel­la parpadear,
Según cuen­ta la leyen­da
Que allí llo­ran­do tú estás.

Cómo pudo a ti engañarte
Pas­torci­ta de Aman­cay,
Si has­ta las flo­res te llo­ran
Porque no te ven pasar.

María Tere­sa Tor­res
Nun­ca te voy olvi­dar…
Chi­to Galin­do (Juan Car­los Spe­ciali)

Traduction libre

Il n’y a aucun juge au monde qui puisse te con­damn­er
María Tere­sa Tor­res, bergère d’A­man­cay, seule­ment ta mère peut te juger, María Tere­sa Tor­rres, si tu as péché pour avoir aimé…

Si l’homme en qui tu croy­ais et qui s’est si mal com­porté, tu ne le maud­is jamais, car c’est un mis­érable.
Com­ment a‑t-il pu te tromper, petite bergère d’A­man­cay, avec tes yeux bleu ciel et ton vis­age angélique ?

Selon ce qu’ils racon­tent : un triste après-midi ils t’ont vue pass­er avec ton trou­peau de mou­tons en route vers le champ d’églantiers (les paroles par­lent de roseau, mais c’est en fait le roseau de Bar­iloche, autre nom de la rosa mos­que­ta, c’est-à-dire l’églantier…) com­ment pour­raient-ils te con­damn­er, bergère d’A­man­cay, si même les fleurs ont souri en te voy­ant pass­er…

Et c’est que, lorsque la nuit tom­ba et qu’ils ne te virent pas revenir, que tout le monde alla te chercher pour implor­er ta pitié, mais ils ne trou­vèrent dans l’im­mense obscu­rité que ton trou­peau de mou­tons et ton chien de garde…

Chaque nuit je regarde une étoile scin­tiller, selon ce que dit la légende, c’est là que tu pleures, com­ment peu­vent-ils te con­damn­er, bergère d’A­man­cay si même les fleurs pleurent pour toi parce qu’elles ne te voient pas pass­er…

Autres versions

Ce qui frappe à l’écoute de ce titre, c’est la puis­sance des paroles et le fait que le nom de l’héroïne soit men­tion­né, María Tere­sa Tor­res.

D’ailleurs on trou­ve aus­si cette chan­son de Chi­to Galin­do avec comme titre, ce nom.

Pas­torci­ta de Aman­cay 1955-08-15 — Nina Miran­da con acomp. de Gra­ciano Gómez
María Tere­sa Tor­res 1958 — Los 4 Her­manos Sil­va
Maria Tere­sa Tor­res 1959 — Mary Sánchez y Los Ban­dama
Pas­torci­ta De Aman­cay 1960 — Los Andarie­gos
Pas­torci­ta de Aman­cay 1960-11-28 — Orques­ta Alfre­do De Ange­lis con Lalo Mar­tel. C’est notre ver­sion du jour.
Pas­torci­ta de Aman­cay 1961 — Raúl Naran­jo acom­paña­do por Migueli­to Rodríguez
Maria Tere­sa Tor­res 1964 — Ginette Aceve­do
Pas­torci­ta de Aman­cay 1974 — Beto Orlan­do
Pas­torci­ta De Aman­cay 1980 — Los Niños Rio­jano

Vous aurez remar­qué que plusieurs ver­sions intro­duisent des sonorités asi­a­tiques, notam­ment dans les intro­duc­tions. La rela­tion entre le tan­go et le Japon est une affaire de très longue date, depuis les années 20. Dans les années 50, ce lien se ren­force avec notam­ment des tournées d’orchestres argentins au Japon, comme notam­ment celui de Juan Canaro en 1954. Peut-être que ces sonorités asi­a­tiques étaient à la mode ?

À la fin de la guerre, le Japon a favorisé l’émigration, notam­ment en sig­nant des traités avec les pays d’Amérique du Sud. Le cas par­ti­c­uli­er de l’île d’Okinawa est à soulign­er. Lorsque les réfugiés ont voulu retourn­er sur leur ter­res, elle n’étaient plus disponibles et ces Japon­ais migrèrent donc inten­sé­ment dans les années 50–60.

On trou­ve encore aujourd’hui un lien amu­sant entre les deux ter­ri­toires, un restau­rant argentin sur l’île d’Okinawa qui s’appelle juste­ment « Aman­cay »…

Restaurant argentin « Amancay » sur l'île d'Okinawa au Japon…

Qui était la Pastorcita de Amancay ?

Il est nor­mal de rechercher qui était cette María Tere­sa Tor­res, même si cette recherche risque de porter aus­si peu de fruit que celle sur les sonorités asi­a­tiques…

La chan­son nous informe qu’elle était bergère et qu’elle a souf­fert d’être trompée par l’homme qu’elle aimait. Cepen­dant, ces détails sont un peu faibles pour retrou­ver d’éventuels pro­tag­o­nistes réels.

Des Maria Tere­sa Tor­res ayant été trompées par leur amour, il doit y en avoir quelques-unes.

L’auteur, Juan Car­los Spe­ciali, alias Chi­to Galin­do, est uruguayen, mais, comme il fut un véri­ta­ble globe-trot­ter et que rien de par­ti­c­uli­er ne rat­tache son pays de nais­sance à ce titre, il ne sem­ble pas pos­si­ble d’y trou­ver une piste.

On pour­rait penser qu’Amancay est un nom de lieu. Google Maps donne une rue, située à prox­im­ité de la Feria de Mat­edero, un des hauts lieux du folk­lore à Buenos Aires. Cela peut laiss­er penser que le nom de cette minus­cule voie, au milieu d’un espace vert, a été nom­mé ain­si en référence juste­ment à cette chan­son.

Google Maps con­naît aus­si, dans la région de Cor­do­ba, Vil­la Aman­cay, un vil­lage qui est con­nu pour son Sendero del Bam­bú (sen­tier de bam­bous qui pour­raient être les cannes évo­quées dans la chan­son). Il s’agit d’un lieu de vacances vertes de dimen­sion très mod­este, dif­fi­cile toute­fois d’y rat­tach­er une his­toire plus ou moins trag­ique met­tant en scène une bergère, d’autant plus que le vil­lage a été fondé en 1947 et qu’il n’a pas de voca­tion pas­torale.

Ces élé­ments ne por­tent pas vrai­ment au rêve et il me sem­ble qu’il est préférable de rat­tach­er la chan­son, même si elle ne cor­re­spond pas exacte­ment, à une légende née en Patag­o­nie. Née dans la région de Bar­iloche. Cette légende con­te l’histoire d’Amancay, qui a don­né son nom à cette fleur, sym­bole d’amour et nous allons voir pourquoi.

La légende d’Amancay

Dans la région du Cer­ro Tron­ador (imposante mon­tagne près de Bar­iloche), vivait la tribu Vuriloch, dont le nom défor­mé don­nera Bar­iloche.

Quin­tral, fils du cacique local, a, par sa beauté et sa vail­lance, provo­qué chez la jeune Aman­cay, une femme de basse con­di­tion, un amour pro­fond pour lui.

Si cet amour secret était réciproque, la dif­férence de con­di­tion des deux amoureux fai­sait qu’une union n’était pas envis­age­able.

Un jour, une épidémie com­mença à ren­dre malades plusieurs mem­bres de la tribu. Quin­tral était l’un d’eux et dans sa fièvre déli­rante, il ne ces­sait de répéter le nom de sa bien-aimée au point que son père con­sul­ta son con­seiller qui lui con­fir­ma l’amour pro­fond et silen­cieux qui unis­sait les deux jeunes gens.

Le père dés­espéré envoya des meilleurs guer­ri­ers à la recherche d’Amancay, qui avait quit­té le vil­lage, à la recherche d’un remède pour sauver les siens et, plus par­ti­c­ulière­ment, Quin­tral.

Elle avait con­sulté la Machi (autorité religieuse et médi­cale du peu­ple mapuche).

La Machi lui avait pre­scrit de réalis­er une infu­sion à par­tir des fleurs jaunes qui poussent sur le Cer­ro Tron­ador.

Aman­cay s’est livrée à la dif­fi­cile ascen­sion et a finale­ment trou­vé la fleur con­voitée. Mal­heureuse­ment, le Grand Con­dor qui l’observait se posa à côté d’elle et la rép­ri­man­da d’avoir dérobé la fleur des Dieux et qu’en sa qual­ité de gar­di­en il ne pou­vait pas tolér­er ce sac­rilège.

Devant les larmes d’Amancay, qui jus­ti­fi­ait son larcin par son désir de sauver son amour, le Grand Con­dor, ému par le cha­grin d’Amancay, lui fit une offre. Il lui offrirait la fleur en échange de son cœur.

Aman­cay accep­ta le don. À quoi lui aurait servi son cœur si elle n’avait plus l’être aimé ?

Elle s’agenouilla devant le Grand Con­dor, qui prit dans son bec le cœur de la jeune fille dont les derniers mots furent le nom de son amour.

Le Grand Con­dor, ému, s’envola avec le cœur et la fleur vers le domaine des Dieux pour leur deman­der d’exaucer le dernier vœu d’Amancay, apporter le remède à Quin­tral, son amour. Durant le tra­jet, des gouttes de sang tombaient sur la fleur et sur la mon­tagne.  

Les Dieux accordèrent la faveur que la fleur pou­vait être apportée à Quin­tral pour le sauver.

Aman­cay avait don­né sa vie et son cœur pour sauver son amour et, depuis, celui qui vous offre une fleur d’A­man­cay vous donne son cœur.

De chaque goutte de sang tombée dans les val­lées et les mon­tagnes naquit une belle fleur jaune aux gouttes rouges qui devint donc le sym­bole d’un amour incon­di­tion­nel. On la trou­ve donc main­tenant dans d’autres endroits, même si les rivages du Lac Nahuel Huapi sont leur refuge favori.

Des fleurs Amancay dans Vallée de Challhuaco(près de Bariloche)
Des fleurs Aman­cay dans Val­lée de Challhuaco(près de Bar­iloche)