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Homenajes

Aujourd’hui, nous allons nous intéress­er aux hom­mages. C’est en effet un thème récur­rent du tan­go. On célèbre l’ami, le maître, le grand homme ou la grande femme, la mère, sou­vent. Voici quelques hom­mages et le dernier va sans doute vous éton­ner.

Je n’évoquerai pas les dédi­caces que l’on trou­ve notam­ment sur les par­ti­tions. Ce ne sont pas tou­jours à pro­pre­ment par­ler des hom­mages, car sou­vent les per­son­nes payaient pour être men­tion­nées. Je n’évoquerai pas non plus les dis­ques d’hommage à…, puisqu’il s’agit de com­pi­la­tions et pas de titres créés spé­ciale­ment.
J’évoque donc ici, les thèmes musi­caux et les paroles qui ren­dent hom­mage, évo­quent, citent, des per­son­nes, au sens large.

Hommage avec le nom dans le titre

Une pre­mière forme est de tout sim­ple­ment déclar­er dans le titre le nom de la per­son­ne à qui on souhaite ren­dre hom­mage.
Atten­tion toute­fois à ne pas com­met­tre d’erreurs. En effet, les noms de per­son­nal­ités publiques font le plus sou­vent référence à un lieu, à une rue, et pas au per­son­nage qui a don­né son nom à cet endroit. Par exem­ple, Rodriguez Peña ou Te espero en Rodriguez Peña ne par­lent pas du prési­dent argentin, mais de la rue et plus par­ti­c­ulière­ment du salon qui y était fameux.
Très sou­vent, ces hom­mages com­men­cent par A pour indi­quer la dédi­cace, mais ce n’est pas tou­jours le cas. Voici une petite liste, bien sûr très incom­plète, notam­ment, je n’évoque pas les tan­gos qui n’ont pas l’objet dans le titre, ou ceux dont le titre vient d’une dédi­cace postérieure, comme El Entr­erri­ano.

  • A Alfre­do Belusi
  • A Ángel Amadeo Labruna
  • A Belis­ario Roldán
  • A Don Agustín Bar­di
  • A Don Guiller­mo
  • A Don Javier
  • A Don Juan Manuel
  • A Don Nicanor Pare­des
  • A Don Pedro Maf­fia
  • A Don Pedro San­til­lán
  • A Don Pir­in­cho Canaro
  • A Ernesto Sába­to
  • A Evaris­to Car­riego
  • A Fir­po
  • A Franci­ni-Pon­tier
  • A Fran­cis­co
  • A Fran­cis­co de Caro
  • A Gabi­no Sosa
  • A Home­ro
  • A Home­ro Manzi
  • A Hora­cio Sal­gan
  • A Orlan­do Goñi
  • A Ire­neo Leguisamo (“El Pulpo” o “El Mae­stro”)
  • A Juan Car­los Copes,
  • A Leopol­do Fed­eri­co
  • A Lo Pir­in­cho
  • A Luci­na y Joe
  • A Luis Luchi
  • A Mag­a­l­di
  • A Man­cu­so
  • A Mar­ta Rosa
  • A Mar­tin Fier­ro
  • A Mer­cedes
  • A Natalio Pes­cia
  • A Orlan­do Goñi (Orlan­do Goñi)
  • A Pedro Maf­fia
  • A Quin­quela Mar­tin
  • A Raúl Berón
  • A Ricar­do Cate­na
  • A Rober­to Ari
  • A Rober­to Grela
  • A Rober­to Peppe
  • A Rober­to Per­fumo
  • A Ros­alía
  • A Sal­vador Allende
  • Adiós Aro­las (Se llam­a­ba Eduar­do Aro­las)
  • Ángel Var­gas (El ruiseñor)
  • Aníbal Troi­lo
  • Aro­las
  • Calle­jas solo (A Alfre­do Calle­jas)
  • Cele­do­nio
  • Con T de Troi­lo
  • Cum­br­era (Car­los Gardel)
  • D’Arienzo vos sos el rey
  • D’Arienzo y Pal­i­to
  • Dis­cos de Gardel
  • Don José Maria
  • Don Juan
  • Don Orlan­do
  • El fueye de Aro­las
  • El pol­lo Ricar­do
  • El Tigre
  • El Yakaré (Elías Antúnez)
  • Gardel
  • Gardel que estas en los cie­los
  • Gardel – Raz­zano (El moro­cho y el Ori­en­tal)
  • Ger­ar­do Matos Rodriguez
  • Gri­cel
  • La negri­ta María
  • Luís maría
  • Mar­go
  • Mar­got
  • María
  • María Bar­ri­en­to
  • María Cristi­na
  • María de Buenos Aires
  • María Del Car­men
  • María Dolores
  • María Esther
  • María Lan­do
  • María Reme­dios
  • María Trinia
  • Mar­i­ana
  • Mar­ián­gel
  • Mar­i­an­i­to
  • Madame Ivone
  • Mi Ana María
  • Mi maría Rosa
  • Mi Mar­i­anela
  • Milon­ga para Gardel
  • Negra María
  • Para Eduar­do Aro­las
  • Peri­con por María
  • Pir­in­cho (Canaro)
  • Que le parece Dona María
  • Retra­to de Alfre­do Gob­bi
  • Rincón por María
    Tan­go a Pugliese
  • Un ADN a Gardel
  • Vio­lín
  • Zor­ro platea­do (Máx­i­mo Acos­ta)

Personnes difficiles à identifier

On par­le d’une per­son­ne pré­cise, mais il est dif­fi­cile d’être sûr de la per­son­ne évo­quée, il s’agit par­fois d’un être imag­iné à par­tir de plusieurs per­son­nes, comme Zor­ro Gris.

  • A lo Mag­dale­na
  • A lo Mega­ta
  • A mi mar­i­u­cho
  • Grise­ta
  • La Mar­i­anel­la
  • María celosa
  • María la del portón
  • María more­na
  • Mari­posa (papil­lon)
  • Otario que andas penan­do
  • Pobre Mar­got
  • Señori­ta María
  • Tu nom­bre es María
  • Yo soy María
  • Zor­ro gris

Dédicaces génériques

Elles peu­vent être util­isées pour dif­férentes per­son­nes, par exem­ple, les mères en général

  • A la mujer argenti­na
  • A los ami­gos
  • A los artis­tas plás­ti­cos
  • A los mae­stros
  • A los míos
  • A los mucha­chos
  • A los obreros grá­fi­cos
  • A los payadores
  • A los que se fueron
  • A mi esposa
  • A mi madre
  • A mi madrecita
  • A mi padre
  • A mi vie­ja
  • A mis com­pañeros
  • A mis tíos
  • A mis viejos
  • A su memo­ria
  • A un seme­jante
  • El inge­niero (ingénieurs diplômés dans les uni­ver­sités argen­tines).

Les dédicaces à Canaro

  • A Don Pir­in­cho Canaro (déjà cité)
  • A lo Pir­in­cho
  • Canaro
  • Canaro en Cór­do­ba
  • Canaro en Japón
  • Canaro en Paris
  • Pir­in­cho

Les sélections

Les selec­ciones sont des titres qui mélan­gent plusieurs morceaux. On les appelle aus­si Pop­urri (Pots-pour­ris).
Il en existe de dif­férents auteurs et/ou com­pos­i­teurs, par exem­ple Aro­las, Canaro, De Caro, Delfi­no, Di Sar­li, Dis­ce­po­lo, Gardel, Mar­i­ano Mores, Piaz­zol­la, Troi­lo… C’est une forme d’hommage qui con­siste à met­tre en valeur des com­po­si­tions ou textes d’un com­pos­i­teur ou auteur par­ti­c­uli­er.
Sans le titre selec­cion ou pop­urri, on trou­ve égale­ment

  • Hom­e­na­je a Car­los Gardel
  • Recor­dan­do a Dis­ce­po­lo
  • Hom­e­na­je a Eduar­do Rovi­ra

Les à la manière de

Il s’agit d’œuvres où on imite le style de la per­son­ne à qui on souhaite ren­dre hom­mage. Je par­le de com­po­si­tions, pas des orchestres qui jouent à la manière de…

  • Engob­biao (Alfre­do Gob­bi)
  • Pichuque­an­do (Canaro)
  • Pugliese­an­do  (Pugliese)
  • Tan­go a Pugliese (Pugliese)

San Pugliese

Vous vous êtes peut-être demandé pourquoi on dis­ait « San Pugliese », ce qui veut dire Saint Pugliese.
Don Osval­do était athée, com­mu­niste de sur­croît et donc, dif­fi­cile­ment canon­is­able, du moins par le Vat­i­can, même avec un Pape d’origine argen­tine.
Mais les Argentins ont de la ressource et l’idée de créer une image « pieuse » (Estampi­ta) à l’image de Pugliese est venue à Car­los Vil­l­a­ba à la vue des images pieuses qui se dis­tribuent dans les églis­es.
Il con­fia le texte à Alber­to Muñoz qui souhai­ta garder l’anonymat et c’est pour cette rai­son qu’il n’est pas signé. Ce qui est amu­sant, c’est que plusieurs per­son­nes ont revendiqué l’écriture, ce qui, pour Alber­to était la preuve que cela fonc­tion­nait.
L’image d’origine est con­sti­tuée d’une pho­to de Pugliese sur laque­lle un œil­let a été ajouté. C’est l’œillet qui était placé sur le piano quand Pugliese était absent (générale­ment en prison…) lors des con­certs.

San Pugliese. À gauche, Rec­to et ver­so de l’im­age « pieuse » orig­i­nale (estampi­ta). À droite, trois ver­sions plus récentes.

La men­tion « San Pugliese », reprend le principe des images pieuses, comme celle de San Expe­d­i­to, le saint des caus­es justes et urgentes…

Une image pieuse dédiée à San Expos­i­to.

Un doc­u­men­taire est sor­ti il y a quelques mois sur San Pugliese. Je vous invite à le voir, si vous en avez l’occasion, il est pas­sion­nant.

Bande annonce de San Pugliese

https://filmfreeway.com/SanPugliese
Le site et la bande annonce de San Pugliese.

https://www.facebook.com/sanpugliesedocumental
La page Face­book est égale­ment intéres­sante

Texte de la prière à Saint Pugliese

Pro­tégenos de todo aquel que no escucha. Ampára­nos de la mufa de los que insis­ten con la pati­ta de pol­lo nacional. Ayú­danos a entrar en la armonía e ilumí­nanos para que no sea la des­gra­cia la úni­ca acción coop­er­a­ti­va. Llé­vanos con tu mis­te­rio hacia una pasión que no par­ta los hue­sos y no nos deje en silen­cio miran­do un ban­doneón sobre una sil­la

Traduction libre de la prière à Saint Pugliese

« Pro­tège-nous tous ceux qui n’écoutent pas. Pro­tège-nous de la mufa (mau­vaise humeur) de ceux qui insis­tent avec la cuisse de poulet nationale. Aide-nous à entr­er en har­monie et éclaire-nous afin que le mal­heur ne soit pas la seule action coopéra­tive. Emmène-nous avec ton mys­tère vers une pas­sion qui ne brise pas les os et ne nous laisse pas en silence regar­dant un ban­donéon sur une chaise ».

Comment utiliser la prière à San Pugliese

Les musi­ciens argentins, même ceux qui n’ont rien à voir avec le tan­go respectent San Pugliese et l’invoquent pour que tout se passe bien. Sur les scènes, on peut voir des images de San Pugliese et quand tout ne se passe pas pour le mieux, il con­vient de con­jur­er le mau­vais sort en cri­ant Pugliese – Pugliese – Pugliese. Ne croyez pas que c’est une super­sti­tion, cela fonc­tionne et beau­coup d’artistes et de tech­ni­ciens ont la Estampi­ta dans leur porte­feuille, placée sur la con­sole ou sur leur instru­ment.

Clin d’œil final…

Le principe des images pieuses détournées con­tin­ue d’être util­isée en Argen­tine et je vous présente pour ter­min­er une image qui me fait mourir de rire. Le nom de l’homme poli­tique San­toro a été découpé en faire San Toro. Jaja­ja.

San­toro (en un seul mot) est un homme poli­tique argentin, enseignant de for­ma­tion. La prière demande à ce que les enfants puis­sent avoir une plave (van­cante) à l’é­cole publique.

Ana María y Lilián 1944-05-17 — Orquesta Juan D’Arienzo con Héctor Mauré

Fulvio Salamanca – Nolo López y Héctor Varela – Luis Rafael Caruso

Cer­tains ont dû faire des bonds en voy­ant le titre de l’anecdote du jour. Quoi, un tan­go que je ne con­nais pas ? J’espère qu’ils ne se sont pas cognés au pla­fond. En effet, aujourd’hui, je vais vous par­ler de deux titres enreg­istrés le même jour et par les mêmes artistes. J’ai donc créé cette ami­tié entre Ana María, la noire et Lil­ián la blonde qui dure depuis 80 ans.
Le 17 mai 1944, Juan D’Arienzo enreg­istre qua­tre thèmes très dif­férents, dont trois avec Héc­tor Mau­ré. J’ai choisi deux d’entre eux, car ce sont des por­traits de femmes, des femmes très dif­férentes, mais aux des­tins par­al­lèles.
Vous aurez tout de même droit aux deux autres titres, dont l’un qui va vous faire dress­er les cheveux sur la tête.

Extraits musicaux

Lil­ián 1944-05-17 – Orques­ta Juan D’Arienzo con Héc­tor Mau­ré (Musique Héc­tor Varela, paroles de Luis Rafael Caru­so).

Lil­ián est un titre sou­vent passé. C’est un D’Arienzo plutôt calme, mais très expres­sif. On notera l’utilisation de Lil­ián en leit­mo­tiv, en évo­ca­tion et son rem­place­ment finale­ment par amor. Comme on le ver­ra avec les paroles, il s’agit ici, espoir de reprise d’une rela­tion d’une nuit.

Ana María 1944-05-17 – Orques­ta Juan D’Arienzo con Héc­tor Mau­ré (Musique de Ful­vio Sala­man­ca, paroles de Nolo López [Manuel Nor­ber­to López]).

Il s’agit, ici, d’une milon­ga can­dom­bé. Comme nous le ver­rons, les paroles vont égale­ment dans ce sens. C’est presque un pon­cif, lorsque l’on par­le de per­son­nes noires, c’est sou­vent à tra­vers une milon­ga can­dom­bé. C’est une des raisons pour lesquels cer­tains revendiquent une orig­ine noire pour le tan­go, par exem­ple Juan Car­los Cac­eres qui fait des milon­gas can­dombe, même s’il les nomme « tan­go », comme Tan­go negro, Tocá Tangó, Tan­go retan­go, ou Cum­tan­go

Paroles de Ana María

Ana María, la rosa mula­ta
Bajo su bata esconde un dolor,
Nació con luna de pla­ta
Por los Cuar­te­les del sol.

Novia queri­da de aquel tam­borero
Un entr­erri­ano de corazón,
Los dos col­maron sus sueños
Con un romance de amor.

Cuán­tos par­dos se sin­tieron
Pri­sioneros por su amor,
Dos mulatos la quisieron
Pero ella dijo: No.
A sus ojos, un poeta
Le can­tó su madri­gal,
Flo­recía la more­na
Entre rosas de un ros­al.

Ful­vio Sala­man­ca –  Nolo López (Manuel Nor­ber­to López)

Traduction libre de Ana María

Ana Maria, la rose noire (mula­ta désigne des femmes d’origine noire, ou métisse de noirs, con­traire­ment à Negra, qui sig­ni­fie sim­ple­ment à la peau plus som­bre et qui peut témoign­er d’origines des peu­ples pre­miers d’Argentine), cache une douleur sous son peignoir.
Elle est née avec une lune d’argent près de la caserne du Soleil.

Petite amie bien-aimée de ce tam­borero (joueur de tam­bour. On con­naît l’affection des Uruguayens pour les per­cus­sions), un entr­erri­ano (de la province d’Entre Rios) de cœur.
Les deux ont réal­isé leurs rêves avec une romance amoureuse.

Com­bi­en de noirs se sen­taient, pris­on­niers de son amour.
Deux mulâtres l’aimaient, mais elle a dit : « Non ».
Dans ses yeux, un poète lui chan­tait son madri­gal.
La noire fleuris­sait par­mi les ros­es d’un rosier.

Paroles de Lilián

Lil­ián,
rubia y dulce, Lil­ián.
Pasión,
de un romance casu­al…
Esa noche yo esta­ba tan solo
y tú llenaste mi soledad.
Lil­ián,
rubia y dulce, Lil­ián.
No estás.
Esta noche no estás.
Y me sien­to más solo que nun­ca
sin el azul de tus ojos, Lil­ián.

Que tris­teza hay en mi cuar­to.
Que amar­gu­ra en mi inte­ri­or.
He lle­ga­do a amarte tan­to,
que no vivo sin tu amor.
Con el beso siem­pre joven,
mi quer­er te esper­ará
y a la luz de tus can­ciones,
mis ilu­siones revivirán.
Porque hay algo que me dice,
que no olvi­daste, mi amor, Lil­ián…

Lil­ián,
rubia y dulce, Lil­ián.
Amor.
Que hizo triste un adiós,
cuan­do todo era un can­to a la vida,
la mis­ma vida nos sep­a­ró.

Lil­ián,
rubia y dulce, Lil­ián.
Mi amor,
esperán­dote está,
y esperan­do me ven las auro­ras,
sin el azul de tus ojos, Lil­ián.

Héc­tor Varela — Luis Rafael Caru­so

Mau­ré ne chante pas ce qui est en orange.

Traduction libre de Lilián

Lil­ián, blonde et douce, Lil­ián.
Pas­sion, d’une romance occa­sion­nelle…
Cette nuit-là, j’étais si seul et tu as comblé ma soli­tude.
Lil­ián, blonde et douce, Lil­ián.
Tu n’es pas là.
Ce soir, tu n’es pas ici.
Et je me sens plus seul que jamais sans le bleu de tes yeux, Lil­ián.

Quelle tristesse il y a dans ma cham­bre !
Quelle amer­tume en moi !
J’en suis venu à t’aimer telle­ment que je ne peux pas vivre sans ton amour.
Avec le bais­er tou­jours jeune, mon amour t’attendra et à la lumière de tes chants, mes illu­sions seront ravivées.
Parce qu’il y a quelque chose qui me dit que tu n’as pas oublié mon amour, Lil­ián…

Lil­ián, blonde et douce, Lil­ián.
Amour.
Comme fut triste un adieu, alors que tout était un hymne à la vie, la même vie nous sépara.
Lil­ián, blonde et douce, Lil­ián.
Mon amour t’attend, et les aurores me voient atten­dre, sans le bleu de tes yeux, Lil­ián.

Les enregistrements de D’Arienzo du 17 mai 1944

El apache argenti­no 1944-05-17 – Orques­ta Juan D’Arienzo (Musique Manuel Gre­go­rio Aróztegui).

C’est un tan­go instru­men­tal. Les Apach­es, sont, en Argen­tine, aus­si, des déli­quants, mem­bres de ban­des sou­vent vio­lentes. Ils n’ont rien de com­mun avec les Indi­ens des USA. D’Arienzo avait étren­né ce tan­go en 1930, lors du car­naval. On repar­lera un jour des car­navals, car ce sont des événe­ments très impor­tants pour les orchestres de tan­go…

Las doce 1944-05-17 – Orques­ta Juan D’Arienzo con Héc­tor Mau­ré (Musique Juan D’Arienzo, paroles de Nolo López [Manuel Nor­ber­to López]).

Cette musique com­mence par une cita­tion du célèbre chant de Noël Jin­gle bells. On imag­ine quelques flo­cons de neige, un hiv­er qui débute. Bien sûr, Buenos Aires étant dans l’hémisphère sud, les Noëls sont chauds. Je pense que c’est surtout pour apporter une note « enfan­tine » au thème qui com­mence donc très légère­ment. Nous allons avoir avec les paroles que cela se gâte rapi­de­ment :

Paroles de Las doce

Llueve y hace frío
Crudo es el invier­no
Cru­jen los por­tales
Sil­ba el ven­daval

Pasa preg­o­nan­do
El viejo diarero
Car­reras y fobal
La guer­ra mundi­al

Tiem­blan los cristales
De un café noc­turno
Sue­na la pianola
Un boni­to vals

Mien­tras en mí cuar­to
Mi lecho sin man­tas
Me acosa el invier­no
Aumen­ta mi mal

Las doce, medi­anoche
Don Mateo con su coche
Va camino al cor­ralón
Las doce
Y la llu­via
Arrimán­dose a su paso
El per­fume del malvón
Las doce se agi­gan­ta
Y va exten­di­en­do su man­to
En los vidrios de un farol

Juan D’Arienzo Letra : Nolo López (Manuel Nor­ber­to López)

Traduction libre de Las doce (âmes sensibles s’abstenir)

Minu­it (12 heures)

Il pleut et il fait froid. L’hiver est rude. Les por­tails grin­cent. La bise sif­fle. (Rien d’étonnant jusque-là, on s’imagine avec Jin­gle bells que l’on est en hiv­er de l’hémisphère nord).

Passe en annonçant, le vieux vendeur de jour­naux, cours­es et foot­ball (fobal est la forme de Fút­bol en lun­far­do), la guerre mon­di­ale (Là, l’évocation du con­flit mon­di­al jette un autre froid, la fable du tan­go de Noël com­mence à se fendiller. On pense par­fois que l’Argentine était loin de la guerre, en fait, même si elle est restée neu­tre, le sort des familles qui n’avaient pas émi­gré fai­sait que les Argentins se sen­taient con­cernés).

Les fenêtres d’un café de nuit trem­blent, le pianola joue une belle valse (le pianola est un piano qui peut jouer seul des airs à l’aide d’un mécan­isme lisant des cartes per­forées. Nous l’avons déjà évo­qué à pro­pos de Loren­zo. Là, si l’histoire de la guerre nous a échap­pé, on se ras­sure, on s’imagine danser la valse dans le bistro­quet).

Dans ma cham­bre, ma litière sans cou­ver­tures, l’hiver m’assaille, il aug­mente mon mal. (Là, nou­veau coup de froid, le tan­go n’a plus l’air d’un con­te de Noël, tout au plus on pour­rait penser à la petite marchande d’allumettes d’Andersen).

12 heures, minu­it. (12 heures, en fait, 24 h ou 0 h, minu­it, l’heure du crime selon le dic­ton).

Don Mateo (Il existe au moins deux tan­gos nom­més Don Mateo, dont un avec des paroles de José Ponzio, dénonçant un crim­inel ayant tué 6 per­son­nes de sa famille et 2 employés de ferme. Il s’agit en fait d’un notable, pro­prié­taire ter­rien, Mateo Banks. C’était un fils d’émigrés irlandais, qui ayant per­du aux jeux, arnaque sa famille et les tue pour obtenir leur argent. La scène décrite dans ce tan­go doit donc se dérouler le 18 avril 1822, date des faits) avec sa voiture va au cor­ralón (ce terme est poly­sémique, ici, cela peut être un endroit où on entre­pose des matéri­aux de con­struc­tion, un des lieux de ses crimes).

Minu­it et la pluie. S’accroche à ses pas, le par­fum de l’homme mau­vais. (Non seule­ment il tue huit per­son­nes et devient donc le pre­mier ser­i­al killer argentin, mais il essaye de faire accuser un de ses péones, employés de ferme. Il est con­damné à per­pé­tu­ité, mais sort finale­ment de prison. L’ironie de cette his­toire est qu’il se tue en glis­sant sur une savon­nette en se cog­nant la tête sur sa baig­noire. Je vous avais prévenu, l’histoire est ter­ri­ble).
Minu­it s’agrandit et étend son man­teau sur les vit­res d’un lam­padaire. (On a fait mieux en matière de con­te de Noël).


Avec Ironie, D’Arienzo qui a fait chanter l’intégralité de l’histoire à Mau­ré reprend avec le motif de Jin­gle bells, comme s’il ne s’était rien passé qu’une petite chan­son de Noël.
Je crois que ce tan­go est assez rare, sans doute à cause de l’évocation de Mateo Banks. Cepen­dant, si les danseurs n’écoutent pas avec atten­tion les paroles, il doit être util­is­able. C’est un titre qui peut faire un milieu de tan­da sat­is­faisant.
Si vous voulez en savoir plus sur cette his­toire, je vous pro­pose deux sites :
La macabra his­to­ria del estanciero argenti­no que mató a san­gre fría a toda su famil­ia para quedarse con su for­tu­na — Infobae qui vous don­nera des détails sur les faits.
https://web.archive.org/web/20200813025004/https://ana-turon.blogspot.com/2016/05/el-tango-en-la-provincia-de-buenos-aires.html Je vous pro­pose la ver­sion archivée en 2020, car le site a depuis été cor­rompu. Vous y trou­verez notam­ment des textes de tan­go ou chan­sons par­lant du crime.

Et nos deux titres du jour

Pour revenir à des sujets plus sym­pa­thiques, je vous pro­pose de ter­min­er par nos deux titres du jour. D’abord Lil­ián, puis Ana María pour finir dans un rythme plus joueur et nous laver la tête de l’horreur des crimes de Don Mateo.

Lil­ián 1944-05-17 – Orques­ta Juan D’Arienzo con Héc­tor Mau­ré (Musique Héc­tor Varela, paroles de Luis Rafael Caru­so). Un de nos titres du jour.
Ana María 1944-05-17 – Orques­ta Juan D’Arienzo con Héc­tor Mau­ré (Musique de Ful­vio Sala­man­ca, paroles de Nolo López [Manuel Nor­ber­to López]). Un de nos titres du jour.

Ces qua­tre œuvres, fort dif­férentes mon­tr­er la diver­sité dont peu­vent être capa­bles les grands orchestres de l’âge d’or.

À demain les amis !

Ana María y Lil­ián. Deux des­tins de femmes.