On disait de Aníbal Troilo qu’il savait faire pleurer son bandonéon, mais ce caractère est souvent attribué à cet instrument, bien qu’il dispose d’un répertoire d’interprétation bien plus vaste qui va de la colère la plus noire à la joie la plus légère. Cette partition de Tanturi avec des paroles de Cadícamo explore le côté triste de l’instrument, ce que sait rendre avec une rare émotion, Enrique Campos au chant. Un magnifique tango, sans doute trop méconnu. La vedette de cette anecdote sera le bandonéon et ses sentiments.
Extrait musical
Sollozo de bandoneón 1943-12-16 – Orquesta Ricardo Tanturi con Enrique Campos.
Le mode de sol mineur annonce la tristesse du morceau. Il continuera durant toute l’œuvre, sans passage en mode majeur, ce qui donne mieux l’idée de l’oppression subie par le narrateur. L’orchestre de Tanturi, à l’époque de cet enregistrement, comportait quatre bandonéonistes : Francisco Ferraro, Raúl Iglesias, Héctor Gondre et Juan Saettone.
Paroles
Ven a bailar, que quiero hablarte, aparte de tus amigas. Quiero que escuches mi fracaso y que en mis brazos el tango sigas. Después de un año vuelvo a hallarte y al verte me pongo triste, porque esta noche he de contarte que por perderte sufro de amor.
Quien sufre por amor comprende este dolor, este dolor que nos embarga. Quien sufre por amor comprenderá el dolor que viene a herir como una daga. Te tuve y te perdí y yo qué soy sin ti. Quien sufre por amor comprenderá mejor por qué solloza el bandoneón.
Con su gemir de corazones los bandoneones lloran su pena, igual que yo sollozan ellos, porque en sus notas hay amores y por amores hoy sufro yo. Ricardo Tanturi Letra: Enrique Cadícamo
Traduction libre et indications
Viens danser, je veux te parler, à part de tes amis. Je veux que tu entendes mon échec et que, dans mes bras, tu continues le tango. Au bout d’un an, je te retrouve, et, quand je te vois, je suis triste, car ce soir, je dois te dire que de t’avoir perdue, je souffre d’amour. Celui qui souffre par amour comprend cette douleur, cette douleur qui nous submerge. Celui qui souffre par amour comprendra la douleur qui vient blesser comme un poignard. Je t’avais et je t’ai perdue et moi, que suis-je sans toi. Celui qui souffre par amour comprendra mieux pourquoi le bandonéon sanglote. Avec leurs gémissements de cœur, les bandonéons pleurent leur chagrin, comme moi, ils sanglotent, parce que, dans leurs notes il y a des amours et, pour les amours, aujourd’hui je souffre.
Bandonéons sentimentaux
Il est intéressant de voir que parmi les instruments du tango, c’est le bandonéon qui se partage la vedette en ce qui concerne les titres où il est présent. Voici quelques statistiques pour le tango (pas milonga ou valse). Le piano, cet instrument majeur, n’est cité que dans une dizaine de titres. Le violon, cet autre instrument essentiel n’atteint qu’à peine le double du piano. La guitare, instrument des premiers temps, héritier des payadores, fait à peine mieux que le violon. Le bandonéon se taille la part du tigre (hommage au Tigre du bandonéon, Eduardo Arolas). J’ai recensé plus de 80 titres mentionnant son nom (bandó, bandoneón, fuelle ou fueye). J’aurais pu rajouter des milongas et des poèmes à sa gloire, mais avec les titres que j’ai oubliés, on pourrait bien atteindre les 100, soit 10 fois plus que pour le piano… Si on entre dans le détail des paroles, la suprématie du bandonéon est encore plus forte, mais contentons-nous de lister les titres où le bandonéon est mentionné.
A la sombra del fueye
A mi hermano fueyero
A seguirla bandoneón
Alegre bandoneón
Alma del bandoneón
Aníbal Bandoneón (Aníbal Troilo en symbiose avec son instrument)
Arrullos de bandoneón
Bandó (composé et interprété par Astor Piazzolla au bandonéon)
Bandoneón (au moins 4 tangos différents portent ce nom)
Bandoneón amigo
Bandoneón arrabalero
Bandoneón cadenero
Bandoneón campañero
Bandoneón de fuego
Bandoneón de mi ciudad
Bandoneón de mis amores
Bandoneón fuiste testigo
Bandoneón, guitarra y bajo (petite apparition de la contrebasse, dans un trio de Piazzolla, un autre géant du bandonéon)
Bandoneón milonguero (composé par le bandonéoniste Ernesto Baffa)
Buénas noches che bandonéon (par le bandonéoniste Juan José Mosalini)
Bandoneón…para vos
Bandoneón, por qué llorás? (une référence explicite aux pleurs du bandonéon)
Bandoneón solo (du bandonéoniste Rodolfo Nerone)
Bandoneón trasnochado (du bandonéoniste Alberto San Miguel)
Calla bandoneón (Carlos Lazzari et Oscar Rubens pour les paroles demandent au bandonéon de se taire, à cause de sa tristesse).
Candencia de Bandoneón de Astor Piazzolla (c’est un solo de bandonéon exécuté par son auteur, Mauricio Jost, un des bandonéonistes du Sexteto Milonguero)
Che bandoneón (por el bandoneón mayor de Buenos Aires, Aníbal Troilo)
Compañero bandoneón
Con letra de bandoneón
Concerto para bandoneón y orquesta (Piazzolla)
Concierto Para Bandoneón (encore Piazzolla)
Cuando llora el bandoneón
Cuando talla un bandoneón (un titre d’un fameux bandonéoniste, Armando Pontier)
La danza del fueye (du bandonéoniste Raúl Miguel Garello, un titre jeu de mot évoquant la composition de Manuel de Falla, La danza del fuego ?)
De mi bandoneón (par le bandonéoniste Roberto Pérez Prechi)
Este bandoneón (d’Ernesto Rossi, encore un bandonéoniste)
Este bandoneón sentimental
Firuletear de bandoneón
Fuelle azul (par le bandonéoniste Domingo Federico)
Fuelle querido
Fueye…! (Fuelle)
Fueye amigo (Fuelle amigo)
Fueye querido
El hombre del bandoneón
Igual que un bandoneón (interprété par les mêmes que notre tango du jour et également en mode mineur intégral, ré mineur. On pourrait être tenté d’en faire une tanda. Pour ma part j’évite de composer les tandas avec des titres un peu trop tristes à la suite).
Más allá bandoneón (composé par deux bandonéonistes Ernesto Baffa et Raúl Miguel Garello, on n’est jamais si bien servi que par soi-même)
Mientras quede un solo fuelle (Mientras quede un solo fueye)
Mi bandoneon y yo (Crecimos juntos) (de Rubén Juárez, chanteur et… bandonéoniste)
Mi fuelle rezonga
Mi loco bandoneón (par Piazzolla…)
Mi viejo bandoneón
Mientras gime el bandoneón (encore une fois, Enrique Cadícamo, l’auteur des paroles du tango d’aujourd’hui, fait résonner la tristesse du bandonéon. Dans ce tango, il est également le compositeur).
No la llores bandoneón (Deux des compositeurs sont bandonéonistes Jorge Caldara et Alberto Caracciolo. Víctor Lamanna est plutôt parolier, mais le titre est signé des trois, que ce soit pour les paroles et la musique).
Mientras rezonga un fuelle
Mistongo bandoneón (dans les paroles, El fueye revient au début des vers du couplet :
Fuelle… que viniste de tan lejos. / Fuelle… que te hiciste tan, tan nuestro. / Fuelle… santo, endiablado y siniestro, / vos que haces dormir al cielo / abrazado del infierno. / Fuelle… vos… mistongo bandoneón.
Música de bandoneón
Nocturnal bandoneón
Notas de bandoneón (avec Cadícamo aux paroles…)
Nuestro bandoneón
Pa’ que te oigan bandoneón
Pamentos del bandoneón
Perdoname fuelle querido
Perfume de bandoneón (de Luis Stazo, un autre grand du bandonéon)
Pichuco le canta a su bandoneón (En hommage, bien sûr à Pichuco, Aníbal Troilo)
Quejas de bandoneón (le gros succès de Juan De Dios Filiberto qui reprend le thème de la plainte du bandonéon)
Se lo conté al bandoneón
Sollozo de bandoneón (notre tango du jour)
Solo de bandoneón (musique et paroles de Cadícamo qui a décidément un faible pour cet instrument)
Son cosas del bandoneón (Enrique Rodríguez, l’auteur était également bandonéoniste…)
Suite Punta del Este for Bandoneón Solo, Instrumental Ensemble and String Orchestra: Coral (encore un truc de Piazzolla mettant en valeur le bandonéon, donc, lui…)
Susurro de bandoneón (Carlos Ángel Lázzari, encore un fameux bandonéoniste, associé à D’Arienzo, mais qui parle ici de murmure, chose qu’il ne devait pas souvent avoir l’occasion de faire avec El Rey del compás).
Te llamaremos bandoneón
Tocá el bandoneón, Pedrito! (encore un titre composé par le bandonéoniste Raúl Miguel Garello)
Tres movimientos concertantes para bandoneón y orquesta (Daniel Binelli, le compositeur était également… Oui, vous avez trouvé ! Bandonéoniste).
Un sueño bandoneón (une autre composition du bandonéoniste Domingo Federico)
Un fueye en París (Leopoldo Federico, cet attachant bandonéoniste et chef d’orchestre a composé ce titre).
La voz del bandoneón (La voix du bandonéon) (par José Lucchesi qui était accordéoniste. Un clin d’œil au cousin, donc).
Yo soy el bandoneón (De Piazzolla)
Yo te adoro bandoneón
Autres versions
Comme il n’était pas question de vous présenter la centaine de titres mentionnant le bandonéon, je vous propose de terminer avec le seul enregistrement de ce titre, notre tango du jour.
Sollozo de bandoneón 1943-12-16 – Orquesta Ricardo Tanturi con Enrique Campos. C’est notre tango du jour.
Bonus
Un groupe Facebook sur le bandonéon. J’ai utilisé leur photo de page pour mon illustration de couverture. Le livre de Gabriel Merlino, Una Arqueología del bandoneón La version papier est à commander à charlas.concierto@gmail.com. Les versions électroniques se trouvent ici. Merci à Gérard Cardonnet, de m’avoir fait penser à signaler ce livre. À bientôt les amis !
La nostalgie et l’orgueil pour la pauvreté de da jeunesse est un thème fréquent dans le tango. « Yo soy de Parque Patricios » est de cette veine… Je vous invite à faire quelques pas dans la boue, les souvenirs et un passé à la fois lointain et tant proche, que les deux anges, D’Agostino et Vargas nous évoquent de si belle façon. Nous découvrirons l’origine du nom et verrons quelques images de ce quartier qui a toujours un charme certain et que je peux voir de mon balcon.
Extrait musical
Yo soy de Parque Patricios 1944-12-05 – Orquesta Ángel D’Agostino con Ángel Vargas.Partition de Yo soy de Parque Patricios de Victor Felice et Carlos Lucero.
Quelques notes de piano, égrenées, comme jetées au hasard, démarrent le titre. L’orchestre reprend d’un rythme bien marqué avec des alternances de piano, des passages puissants et d’autres plus rêveurs chantés par les violons. Un peu avant la moitié du titre, Ángel Vargas commence à chanter, presque a capela. Il annonce qu’il est de ce quartier et qu’il y est né. La séance de nostalgie démarre, ponctuée de variations marquées par l’orchestre, tantôt marchant et rythmique, tantôt glissant et suave. Comme toujours chez ce « couple » des anges, une parfaite réalisation, à la fois dansante, prenante et d’une grande simplicité dans l’expression des sentiments. En l’écoutant, on pense aux autres titres comme Tres esquinas qui, si le début est constitué de longs glissandos des violons, procèdent de la même construction par opposition. On remarquera dans les deux titres, comme dans de nombreux autres, de cette association qui enregistra près d’une centaine de titres (93 ?), ces petites échappées musicales qui libèrent la pression de la voix de Vargas, ces petites notes qui s’échappent au piano, violon ou bandonéon et qui montent légèrement dans un parcours sinueux et rapide.
Paroles
Yo soy de Parque Patricios he nacido en ese barrio, con sus chatas, con su barro… En la humildad de sus calles con cercos de madreselvas aprendí a enfrentar la vida… En aquellos lindos tiempos del percal y agua florida, con guitarras en sus noches y organitos en sus tardes. Yo soy de Parque Patricios vieja barriada de ayer…
Barrio mío… tiempo viejo… Farol, chata, luna llena, viejas rejas, trenzas negras y un suspiro en un balcón… Mayorales… cuarteadores… muchachadas de mis horas, hoy retornan al recuerdo que me quema el corazón.
Hoy todo, todo ha cambiado en el barrio, caras nuevas y yo estoy avejentado… (Mil nostalgias en el alma) Mis cabellos flor de nieve y en el alma mil nostalgias soy una sombra que vive… Recordando aquellos tiempos que su ausencia me revive, de mi cita en cinco esquinas… y de aquellos ojos claros. Yo soy de Parque Patricios evocación de mi ayer… Victor Felice Letra: Carlos Lucero
Vargas change ce qui est en gras. La phrase en rouge remplace la plus grande partie du dernier couplet. Elle n’est pas dans le texte original de Carlos Lucero.
Traduction libre
Je suis de Parque Patricios, je suis né dans ce quartier, avec ses chariots, avec sa boue… Dans l’humilité de ses rues aux haies de chèvrefeuille, j’ai appris à affronter la vie… En ces beaux temps de percale et d’eau de Cologne (agua florida), avec des guitares dans leurs nuits et des organitos (orgues ambulants) dans leurs après-midis. Je viens de Parque Patricios, vieux quartier d’hier… Mon quartier… le bon vieux temps… Réverbère, chariots, pleine lune, vieux bars, tresses noires et un soupir sur un balcon… Les mayorales (préposé aux billets du tramway)… cuarteadores (cavaliers aidant à sortir de la boue les chariots embourbés)… Les bandes de mes heures, aujourd’hui, elles reviennent à la mémoire qui me brûle le cœur. Aujourd’hui, tout, tout a changé dans le quartier, de nouveaux visages et je suis vieux… Mes cheveux, fleur de neige et dans mon âme mille nostalgies, je suis une ombre qui vit… Me souvenir de ces moments que son absence ravive, de mon rendez-vous aux cinq angles (de rues)… et de ces yeux clairs. (Ce passage n’est pas chanté par Vargas qui fait donc l’impasse sur l’histoire d’amour perdue). Je suis de Parque Patricios évocation de mon passé…
Autres versions
La version de Vargas et D’Agostino n’a pas d’enregistrement par d’autres orchestres, mais le quartier de Parque Patricios a suscité des nostalgies et plusieurs titres en témoignent.
Yo soy de Parque Patricios 1944-12-05 – Orquesta Ángel D’Agostino con Ángel Vargas. C’est notre tango du jour.
Voici quelques titres qui parlent du quartier :
Parque Patricios de Antonio Oscar Arona
Parque Patricios 1928-09-12 – Orquesta Francisco Canaro con Charlo (Antonio Oscar Arona (Música y letra)
Paroles de la version de Oscar Arona
Cada esquina de este barrio es un recuerdo de lo mágica y risueña adolescencia; cada calle que descubre mi presencia, me está hablando de las cosas del ayer… ¡Viejo barrio! … Yo que vengo del asfalto te prefiero con tus calles empedradas y el hechizo de tus noches estrelladas que en el centro no se sabe comprender.
¡Parque Patricios!… Calles queridas hondas heridas vengo a curar…
Sonreís de mañanita por los labios de las mozas que en bandadas rumorosas van camino al taller; sos romántico en las puertas y en las ventanas con rejas en el dulce atardecer; que se adornan de parejas te ponés triste y sombrío cuando algún muchacho bueno traga en silencio el veneno que destila la traición y llorás amargamente cuando en una musiquita el alma de Milonguita cruzó el barrio en que nació.
¡Viejo Parque!… Yo no sé qué airada racha me alejó de aquella novia dulce y buena que ahuyentaba de mi lado toda pena con lo magia incomparable de su amor… Otros barrios marchitaron sus ensueños… ¡Otros ojos y otras bocas me engañaron el tesoro de ilusiones me robaron hoy mi vida, encadenado está al dolor!…
Oscar Arona
Traduction libre de la version de Oscar Arona
Chaque recoin de ce quartier est un rappel de l’adolescence magique et souriante ; Chaque rue que découvre ma présence me parle des choses d’hier… Vieux quartier… Moi, qui viens de l’asphalte, je vous préfère avec vos rues pavées et le charme de vos nuits étoilées qu’au centre-ville, ils ne peuvent pas comprendre. Parque Patricios… Chères rues, blessures profondes, je viens guérir… Tu souris dès l’aube sur les lèvres des filles qui, en troupeaux bruyants, se rendent à l’atelier ; Tu es romantique dans les portes et dans les fenêtres avec des barreaux dans le doux coucher de soleil ; qui se parent de couples. Tu deviens triste et sombre quand un bon garçon avale en silence le poison que la trahison distille et tu pleures amèrement quand, dans une petite musique, l’âme de Milonguita a traversé le quartier où elle est née. Vieux parc (Parque Patricios)… Je ne sais pas quelle trainée de colère m’a éloigné de cette douce et bonne petite amie qui avait chassé tout chagrin de mon côté avec la magie incomparable de son amour… D’autres quartiers ont flétri ses rêves… D’autres yeux et d’autres bouches m’ont trompé, ils m’ont volé le trésor des illusions, ma vie, enchaîné, c’est la douleur…
Honnêtement, je ne suis pas certain que ce tango ait pour thème le même quartier, en l’absence de paroles. Cependant, Juan Pecci est né dans le Sud du quartier San Cristobal à deux cuadras du quartier de Parque Patricios, l’attribution est donc probable. Pecci était violoniste de Bianco avec qui il avait fait une tournée en Europe.
Barrio porteño (Parque Patricios) de Ernesto Natividad de la Cruz et Héctor Romualdo Demattei)
Barrio porteño (Parque Patricios) 1942-08-07 – Osvaldo Fresedo Y Oscar Serpa (Ernesto Natividad de la Cruz Letra: Héctor Romualdo Demattei).
Fresedo est plutôt de la Paternal, un quartier situé bien plus au Nord, mais il enregistre également ce tango sur Parque Patricios. Après le départ de Ricardo Ruiz, l’orchestre de Fresedo semble avoir cherché sa voie et sa voix. Je ne suis pas sûr qu’Oscar Serpa soit le meilleur choix pour le tango de danse, mais l’assemblage n’est pas mauvais si on tient en compte que l’orchestration de Fresedo est également renouvelée et sans doute bien moins propice à la danse que ses prestations de la décennie précédente. Il a voulu innover, mais cela lui a sans doute fait perdre un peu de son âme et la décennie suivante et accélèrera cet éloignement du tango de danse. Fresedo avait la réputation d’être un peu élitiste, disons qu’il s’est adapté à un public plus « raffiné », mais moins versé sur le collé-serré des milongueros.
Paroles de la version de Ernesto Natividad de la Cruz et Héctor Romualdo Demattei
Perdoná barrio porteño Que al correr tu vista tanto, Voy vencido por la vida Y en angustias sé soñar. Vuelvo atrás y tú en mis sienes Marcarás las asechanzas, De esta noche tormentosa De mi loco caminar.
Han pasado muchos años Y es amargura infinita, La que traigo dentro del pecho Desangrado el corazón. Apagada para siempre De su cielo, mi estrellita, El regreso es un sollozo Y una profunda emoción.
Mi acento ya no tiene Tus tauras expresiones, Con que cantaba al barrio En horas del ayer. Por eso mi guitarra Silencia su armonía, En esta noche ingrata De mi triste volver.
Ernesto Natividad de la Cruz Letra: Héctor Romualdo Dematte
Traduction libre de la version de Ernesto Natividad de la Cruz et Héctor Romualdo Demattei
Pardonne-moi quartier portègne (de Buenos Aires) de courir autant à ta vue, je vais vaincu par la vie et dans l’angoisse je sais rêver. Je reviens et toi, dans mes tempes, tu marqueras les pièges, de cette nuit d’orage, de ma folle marche. De nombreuses années ont passé et c’est une amertume infinie, celle que je porte dans ma poitrine saignant mon cœur. Éteinte à jamais de son ciel, ma petite étoile, le retour est un sanglot et une émotion profonde. Mon accent n’a plus tes expressions bravaches, avec lesquelles je chantais au quartier aux heures d’hier. C’est pourquoi ma guitare fait taire son harmonie, en cette nuit ingrate de mon triste retour.
Parque Patricios de Antonio Radicci et Francisco Laino (Milonga)
Cette géniale milonga est une star des bals. Deux versions se partagent la vedette, celle de Canaro avec Famá et celle, contemporaine de l’autre Francisco, Lomuto avec Díaz. Pour ma part, je n’arrive pas à les départager, les deux portent parfaitement l’improvisation en milonga, comportent des cuivres pour une sonorité originale et si on n’est sans doute un peu plus accoutumés à la voix de Famá, celle de Díaz ne démérite pas.
Parque Patricios 1940-10-03 – Orquesta Francisco Canaro con Ernesto Famá (Antonio Radicci y Francisco Laino, Música y letra).Parque Patricios 1941-06-27 – Orquesta Francisco Lomuto con Fernando Díaz (Antonio Radicci y Francisco Laino, Música y letra)
Paroles de la version en milonga de Antonio Radicci et Francisco Laino
Mi viejo Parque Patricios querido rincón porteño, barriada de mis ensueños refugio de mi niñez. El progreso te ha cambiado con su rara arquitectura, llevándose la hermosura de tu bondad y sencillez. Cuántas noches de alegría al son de una serenata, en tus casitas de lata se vio encender el farol. Y al sonar de las vigüelas el taita de ronco acento, hilvanaba su lamento sintiéndose payador (trovador en la versión de Famá).
Antonio Radicci Letra: Francisco Laino
Traduction libre de la version de Antonio Radicci et Francisco Laino
Mon vieux Parque Patricios, cher recoin de Buenos Aires, quartier de mes rêves, refuge de mon enfance. Le progrès t’a changé avec son architecture étrange, t’enlevant la beauté de la bonté et de ta simplicité. Combien de nuits de joie au son d’une sérénade, dans tes petites maisons de tôle se voyait allumer la lanterne. Et au son des vigüelas [sortes de guitares] le taita [caïd] avec un accent rauque, tissait sa complainte en se sentant payador.
Viejo Parque Patricios de Santos Bazilotti et Antonio Macchia
Une version plutôt jolie, mais qui ne devrait pas satisfaire les danseurs. Contentons-nous de l’écouter. On pourra s’intéresser à la jolie prestation au bandoneón de Edgardo Pedroza.
Viejo Parque Patricios 1955-04-15 – Gerónimo Bongioni y su Auténtico Cuarteto « Los Ases » (Santos Bazilotti Letra: Antonio Macchia)
La version proposée par Bongioni est bien différente de celle de Pugli et Pedroza. On y retrouvera une inspiration de Firpo et des Uruguayens comme Racciatti et Villasboas). Même si c’est très joueur, à la limite de la milonga, le résultat est sans doute assez difficile à danser par la plupart des danseurs.
Paroles de la version de Santos Bazilotti et Antonio Macchia
Bien que les deux enregistrements soient instrumentaux, il y a des paroles qui ne semblent cependant pas avoir été gravées. Les voici tout de même.
Por los corrales de ayer Mis años yo pasé, Barrio florido Yo fui el primero Que te canté. En Alcorta y Labardén, Caseros y Arena, Bordé mi nido de amor. Y en una cuadrera Supe ser buen ganador, El Pibe, El Chueco y El Inglés Por una mujer, Se trenzaron en más de una vez Con este cantor.
Porteño soy De las tres esquinas, Pinta cantora Para un querer. Nací en el Parque Patricios Sobre los viejos corrales de ayer. Porteño soy De las tres esquinas, Y en mi juventud florida El lecherito del arrabal, Y como también Un bailarín sin rival. Santos Bazilotti Letra: Antonio Macchia
Traduction libre de la version de Santos Bazilotti et Antonio Macchia
À travers les corrales d’hier. Mes années j’ai passé. Quartier fleuri, j’ai été le premier qui t’a chanté. À Alcorta et Labardén, Caseros et Arena, j’ai brodé mon nid d’amour. Et dans une course de chevaux (peut-être aussi écurie), j’ai su être un bon gagnant. El Pibe, El Chueco et El Inglés, pour une femme, ils se sont crêpés plus d’une fois avec ce chanteur (l’auteur du texte). Je suis Porteño, des Tres Esquinas, L’allure chantante pour un amour. Je suis né à Parque Patricios sur les anciens corrales d’hier. Porteño je suis, des Tres esquinas, et, dans ma jeunesse fleurie, le petit laitier des faubourgs, et aussi bien, un danseur sans rival.
Parque Patricios de Mateo Villalba et Maura Sebastián
Et pour terminer avec les versions, Parque Patricio 2008 (Valse) par le Cuarteto de MateoVillalba avec la voix de Maura Sebastián. C’est une composition de Martina Iñíguez et de Mateo Villalba. C’est une version légère, doucement valsée et chantée avec des paroles différentes.
Parque Patricio 2008 (Valse) par le Cuarteto de MateoVillalba avec la voix de Maura Sebastián
El Parque de los Patricios
Ce quartier porte le nom d’un parc créé en 1902 par un paysagiste français, Charles Thays. Né à Paris en 1849, cet architecte, naturaliste, paysagiste, urbaniste, écrivain et journaliste français a déroulé l’essentiel de sa carrière en Argentine, notamment en dessinant et aménageant la plupart des espaces verts de Buenos Aires, mais aussi d’autres lieux d’Amérique du Sud. Il fut à l’origine du second parc naturel argentin, celui d’Iguazú, et il participa également à l’amélioration de la culture industrielle de yerba mate (germination), cet arbuste qui fait que l’Uruguay et l’Argentine ne seraient pas pareils sans lui.
Le Parque Patricios tel qu’il a été créé à l’origine. Dessin de 1902.
Mais avant le parc, cette zone avait une tout autre destination. Nous en avons parlé à diverses reprises. C’étaient les abattoirs et la décharge d’ordures. Beaucoup y voient le berceau du tango, voire de Buenos Aires. En fait, tout le territoire actuel de la « Comuna 4 » constitue le Sud (Sur), zone particulièrement propice à la nostalgie et notamment chez D’Agostino et Vargas, qui ont produit plusieurs titres évoquant les quartiers de cette commune. Le nom de Parque Patricios ou Parque de los Patricios a été donné au parc par l’Intendant Bulrich en l’honneur des Patricios, ce prestigieux bataillon de l’armée argentine.
Les Patricios continuent aujourd’hui à animer la vie argentine, même si leur dernier engagement a été pour les Malouines. À droite, l’uniforme au début du régiment (1806-1807). À l’extrême droite, un officier.La commune 4 de Buenos Aires, correspond sensiblement au Sur « mythique » avec les quartiers très populaires de Parque Patricios, Nueva Pompeya, Barracas et La Boca. On pourrait rajouter la zone inférieure de Boedo qui appartient à la commune 5, cette zone chère à Homero Manzi.
Voici à quoi ressemblait le quartier de Parque Patricios au début du 20e siècle. On comprend son surnom de barrio de las latas évoqué dans le tango dont nous avons déjà parlé.
Mais outre cet habitat particulièrement pauvre, la zone était également une immense décharge à ciel ouvert, où, toute la journée, on brûlait les détritus de Buenos Aires. Les ordures étaient transportées avec un petit train à voie métrique « El tren de la basura », le train des ordures.
Un mural reproduisant le parcours du train des ordures rue Oruro 1400.El tren de la basura.
L’autre spécialité de la zone était les abattoirs, Los Corrales, qui à la suite de la construction de nouveaux abattoirs à Abasto, sont devenus Los Corrales Viejos…
Deux détails du mural du train des ordures de la rue Oruro. On remarquera que de véritables « détritus » ont été utilisés, mais avec une intention artistique évidente.
Ceux qui aiment les milongas dynamiques se ruent en général sur la piste aux premières notes de Milonga querida interprétés par D’Arienzo et Echagüe et ils ont bien raison. Malgré un rythme qui semble soutenu, cette milonga aide les danseurs à s’amuser, ce qui n’est pas autant le cas avec ces milongas que l’on met trop souvent en pensant que les danseurs ne sont pas au niveau… Au contraire, il faut ce type de milonga pour les faire progresser et danser avec joie. Le canyengue n’est pas de la milonga…
Extrait musical
Milonga querida 1938-11-09 – Orquesta Juan D’Arienzo con Alberto Echagüe.
Le piano incisif de Juan Polito qui venait de reprendre la main (je devrais dire les deux mains, puisqu’il s’agit de piano) après l’exclusion de Rodolfo Biagi de l’orchestre. Deux accords posent le tempo et le piano lance la milonga immédiatement. Des passages traspies (staccato) alternent avec des passages lisses (legato), ce qui permet aux danseurs, à la fois de varier les improvisations et de se reposer un peu, ou pour le moins de prendre leur marque dans le flot de la milonga pour s’intégrer dans l’harmonie du bal. La vitesse semble très rapide, mais elle est suffisamment modérée pour pouvoir parfaitement jouer avec la musique. L’attention est soutenue par l’alternance des parties et quand Echagüe commence à chanter, il reste totalement dans le rythme, ce rythme cher à D’Arienzo et qu’il ne sacrifiera surtout pas pour une milonga. Les instruments, notamment les cordes et les bandonéons, semblent lancer des piques. Les accords sont brefs, nerveux. On se représente bien D’Arienzo, penché en avant avec l’avant-bras dont le poing est serré, encourageant ses musiciens à donner ces accords, un par un ou par salves nettes dans un staccato très intense, jusqu’aux délivrances des passages liés. Si vous êtes danseur et intéressé par la musicalité, vous trouverez sans doute pas mal d’inspiration dans cette milonga ponctuée par les fioritures du piano de Polito dans la lignée de Biagi. La diction de Echagüe, sans doute à son apogée dans cette interprétation, permet de capter les paroles, tout en utilisant la voix comme un instrument rythmique, favorisant la continuité stylistique avec les parties orchestrales. La fin arrive de façon abrupte, comme si D’Arienzo après avoir lancé les danseurs dans une danse effrénée, voulait les pousser à la faute en les faisant continuer de bouger alors que la musique s’est arrêtée. Bien sûr, cet enregistrement est tellement connu que les danseurs ne se laissent pas surprendre, mais on peut imaginer l’ambiance que le titre provoquait lors de ses premières exécutions.
Paroles
No la pintaron los poetas en sus versos seductores, ni conocieron su vida ni el amor de sus amores. Fue la más linda del barrio y por linda, codiciada, y más de cien entreveros su belleza provocó.
Pero ella bien conocía quién en silencio la amaba y a nadie al fin comprendía pues con ninguno se daba; por verla sola, muy sola, mil comentarios se hicieron y difamaron su nombre al no conseguir su amor.
Aquel muchacho tan triste, tan humilde y tan sencillo, se fue en silencio una noche del alegre conventillo. Y aquella piba bonita por bonita codiciada, cargó una tarde sus cosas, y a su barrio no volvió.
Juan Larenza Letra: Lito Bayardo
Traduction libre
Les poètes ne l’ont pas peinte dans leurs vers séducteurs ni ne connurent sa vie ni l’amour de ses amours. C’était la plus belle du quartier et parce qu’elle était belle, convoitée, et plus d’une centaine de bagarres, sa beauté a provoqué. Mais elle savait bien qui l’aimait en silence, et elle ne comprenait personne à la fin, car à aucun elle se donnait ; À la voir seule, très seule, mille commentaires se firent et diffamèrent son nom, car ils n’avaient pas obtenu son amour. Ce garçon, si triste, si humble et si simple, sortit en silence une nuit du joyeux conventillo (logement collectif pauvre). Et cette jolie fille, convoitée pour sa beauté, une après-midi, a emporté ses affaires, et elle n’est pas revenue dans son quartier.
Autres versions
Milonga querida 1938-11-09 – Orquesta Juan D’Arienzo con Alberto Echagüe. C’est notre milonga du jour.Milonga querida 1990c – Miguel Villasboas y su Orquesta Típica.
Avec l’Uruguayen Villasboas, on reste dans une dimension joueuse. On reconnaît son style et ses arrangements particuliers. Son piano est sans doute moins présent que celui de Polito, cela laisse plus de clarté pour les violons et bandonéons. On pourra peut être moins apprécier la trop grande régularité qui peuvent engendrer de la monotonie. Je pense qu’écouter cette version après celles de D’Arienzo qui lui est antérieure d’un demi-siècle montre bien la différence d’une musique parfaite pour la danse par rapport à une musique sympathique, mais qui ne porte pas aussi bien.
Et un titre identique, mais totalement différent. C’est une création de Eduardo Pereyra (El Chon) qui est encore dans l’esprit canyengue.
Milonga querida 1931-11-23 – Orquesta Edgardo Donato con Teófilo Ibáñez.
On ne peut pas dire que ce soit vilain, mais sauf pour les amateurs d’encuentros, difficile de résister (dans le sens supporter) à une tanda de ce type… La fin un peu plus vivante ne sauve pas forcément l’ensemble…
Vous aurez compris que si on me demande « Milonga querida » je proposerai systématiquement la version de D’Arienzo et Echagüe.
Paroles du tango « Milongua querida » de Eduardo Pereyra
Milonguita querendona Mi más vieja compañera, Te llevo en el corazón Como al más fiel de mis amores.
Tu canción es el recuerdo De mi vida aventurera, Que me embriaga de dolor Al recordar aquel tiempo mejor.
Eduardo Pereyra (El Chon) (Paroles et musique)
Traduction libre du texte de Eduardo Pereyra (El Chon)
Petite milonga amoureuse (qui s’énamoure facilement) Ma plus vieille compagne, Je te porte dans mon cœur Comme le plus fidèle de mes amours. Ta chanson est le souvenir De ma vie aventureuse, Qui m’enivre de douleur Au souvenir de ces temps meilleurs. Le texte fait sans doute plus penser aux textes des milongas des payadores qu’au rythme allègre qui en reprendra le nom.
Les auteurs
La collaboration entre Juan Larenza et Lito Bayardo a donné la très célèbre zamba, Mama vieja, que De Angelis enregistrera en forme de valse, comme la magnifique valse Flores del alma (dont les paroles ont été coécrites avec Alfredo Lucero).
Juan Larenza (1911-1980), pianiste et compositeur
Juan Larenza
Les compositions de Larenza ont été enregistrées par de nombreux orchestres, dont De Angelis, D’Arienzo, Aníbal Troilo (avec le fameux Guapeando) et même Di Sarli. Sa plus célèbre biographie a été écrite ; justement par Lito Bayardo dans son ouvrage « Mis 50 años con la canción argentina »
Le livre de Lito Bayardo “50 años con la canción argentina” dans lequel il parle de son ami Juan Larenza. À droite, Larenza est le deuxième en partant de la droite et Bayardo le troisième.
Manuel Juan García Ferrari (1905-1986), plus connu comme Lito Bayardo, guitariste, chanteur, compositeur et parolier
Bayardo a écrit à la fois des textes de tangos et a composé des tangos dont il était également le parolier. Un des plus connus est sans doute Cuatro lágrimas enregistré, notamment, par Ricardo Tanturi avec Enrique Campos, Francisco Canaro avec Alberto Arenas et Rodolfo Biagi avec Alberto Amor.
Aujourd’hui, nous allons nous intéresser aux hommages. C’est en effet un thème récurrent du tango. On célèbre l’ami, le maître, le grand homme ou la grande femme, la mère, souvent. Voici quelques hommages et le dernier va sans doute vous étonner.
Je n’évoquerai pas les dédicaces que l’on trouve notamment sur les partitions. Ce ne sont pas toujours à proprement parler des hommages, car souvent les personnes payaient pour être mentionnées. Je n’évoquerai pas non plus les disques d’hommage à…, puisqu’il s’agit de compilations et pas de titres créés spécialement. J’évoque donc ici, les thèmes musicaux et les paroles qui rendent hommage, évoquent, citent, des personnes, au sens large.
Hommage avec le nom dans le titre
Une première forme est de tout simplement déclarer dans le titre le nom de la personne à qui on souhaite rendre hommage. Attention toutefois à ne pas commettre d’erreurs. En effet, les noms de personnalités publiques font le plus souvent référence à un lieu, à une rue, et pas au personnage qui a donné son nom à cet endroit. Par exemple, Rodriguez Peña ou Te espero en Rodriguez Peña ne parlent pas du président argentin, mais de la rue et plus particulièrement du salon qui y était fameux. Très souvent, ces hommages commencent par A pour indiquer la dédicace, mais ce n’est pas toujours le cas. Voici une petite liste, bien sûr très incomplète, notamment, je n’évoque pas les tangos qui n’ont pas l’objet dans le titre, ou ceux dont le titre vient d’une dédicace postérieure, comme El Entrerriano.
A Alfredo Belusi
A Ángel Amadeo Labruna
A Belisario Roldán
A Don Agustín Bardi
A Don Guillermo
A Don Javier
A Don Juan Manuel
A Don Nicanor Paredes
A Don Pedro Maffia
A Don Pedro Santillán
A Don Pirincho Canaro
A Ernesto Sábato
A Evaristo Carriego
A Firpo
A Francini-Pontier
A Francisco
A Francisco de Caro
A Gabino Sosa
A Homero
A Homero Manzi
A Horacio Salgan
A Orlando Goñi
A Ireneo Leguisamo (« El Pulpo » o « El Maestro »)
A Juan Carlos Copes,
A Leopoldo Federico
A Lo Pirincho
A Lucina y Joe
A Luis Luchi
A Magaldi
A Mancuso
A Marta Rosa
A Martin Fierro
A Mercedes
A Natalio Pescia
A Orlando Goñi (Orlando Goñi)
A Pedro Maffia
A Quinquela Martin
A Raúl Berón
A Ricardo Catena
A Roberto Ari
A Roberto Grela
A Roberto Peppe
A Roberto Perfumo
A Rosalía
A Salvador Allende
Adiós Arolas (Se llamaba Eduardo Arolas)
Ángel Vargas (El ruiseñor)
Aníbal Troilo
Arolas
Callejas solo (A Alfredo Callejas)
Celedonio
Con T de Troilo
Cumbrera (Carlos Gardel)
D’Arienzo vos sos el rey
D’Arienzo y Palito
Discos de Gardel
Don José Maria
Don Juan
Don Orlando
El fueye de Arolas
El pollo Ricardo
El Tigre
El Yakaré (Elías Antúnez)
Gardel
Gardel que estas en los cielos
Gardel – Razzano (El morocho y el Oriental)
Gerardo Matos Rodriguez
Gricel
La negrita María
Luís maría
Margo
Margot
María
María Barriento
María Cristina
María de Buenos Aires
María Del Carmen
María Dolores
María Esther
María Lando
María Remedios
María Trinia
Mariana
Mariángel
Marianito
Madame Ivone
Mi Ana María
Mi maría Rosa
Mi Marianela
Milonga para Gardel
Negra María
Para Eduardo Arolas
Pericon por María
Pirincho (Canaro)
Que le parece Dona María
Retrato de Alfredo Gobbi
Rincón por María Tango a Pugliese
Un ADN a Gardel
Violín
Zorro plateado (Máximo Acosta)
Personnes difficiles à identifier
On parle d’une personne précise, mais il est difficile d’être sûr de la personne évoquée, il s’agit parfois d’un être imaginé à partir de plusieurs personnes, comme Zorro Gris.
A lo Magdalena
A lo Megata
A mi mariucho
Griseta
La Marianella
María celosa
María la del portón
María morena
Mariposa (papillon)
Otario que andas penando
Pobre Margot
Señorita María
Tu nombre es María
Yo soy María
Zorro gris
Dédicaces génériques
Elles peuvent être utilisées pour différentes personnes, par exemple, les mères en général
A la mujer argentina
A los amigos
A los artistas plásticos
A los maestros
A los míos
A los muchachos
A los obreros gráficos
A los payadores
A los que se fueron
A mi esposa
A mi madre
A mi madrecita
A mi padre
A mi vieja
A mis compañeros
A mis tíos
A mis viejos
A su memoria
A un semejante
El ingeniero (ingénieurs diplômés dans les universités argentines).
Les dédicaces à Canaro
A Don Pirincho Canaro (déjà cité)
A lo Pirincho
Canaro
Canaro en Córdoba
Canaro en Japón
Canaro en Paris
Pirincho
Les sélections
Les selecciones sont des titres qui mélangent plusieurs morceaux. On les appelle aussi Popurri (Pots-pourris). Il en existe de différents auteurs et/ou compositeurs, par exemple Arolas, Canaro, De Caro, Delfino, Di Sarli, Discepolo, Gardel, Mariano Mores, Piazzolla, Troilo… C’est une forme d’hommage qui consiste à mettre en valeur des compositions ou textes d’un compositeur ou auteur particulier. Sans le titre seleccion ou popurri, on trouve également
Homenaje a Carlos Gardel
Recordando a Discepolo
Homenaje a Eduardo Rovira
Les à la manière de
Il s’agit d’œuvres où on imite le style de la personne à qui on souhaite rendre hommage. Je parle de compositions, pas des orchestres qui jouent à la manière de…
Engobbiao (Alfredo Gobbi)
Pichuqueando (Canaro)
Puglieseando (Pugliese)
Tango a Pugliese (Pugliese)
San Pugliese
Vous vous êtes peut-être demandé pourquoi on disait « San Pugliese », ce qui veut dire Saint Pugliese. Don Osvaldo était athée, communiste de surcroît et donc, difficilement canonisable, du moins par le Vatican, même avec un Pape d’origine argentine. Mais les Argentins ont de la ressource et l’idée de créer une image « pieuse » (Estampita) à l’image de Pugliese est venue à Carlos Villaba à la vue des images pieuses qui se distribuent dans les églises. Il confia le texte à Alberto Muñoz qui souhaita garder l’anonymat et c’est pour cette raison qu’il n’est pas signé. Ce qui est amusant, c’est que plusieurs personnes ont revendiqué l’écriture, ce qui, pour Alberto était la preuve que cela fonctionnait. L’image d’origine est constituée d’une photo de Pugliese sur laquelle un œillet a été ajouté. C’est l’œillet qui était placé sur le piano quand Pugliese était absent (généralement en prison…) lors des concerts.
San Pugliese. À gauche, Recto et verso de l’image « pieuse » originale (estampita). À droite, trois versions plus récentes.
La mention « San Pugliese », reprend le principe des images pieuses, comme celle de San Expedito, le saint des causes justes et urgentes…
Une image pieuse dédiée à San Exposito.
Un documentaire est sorti il y a quelques mois sur San Pugliese. Je vous invite à le voir, si vous en avez l’occasion, il est passionnant.
Protégenos de todo aquel que no escucha. Ampáranos de la mufa de los que insisten con la patita de pollo nacional. Ayúdanos a entrar en la armonía e ilumínanos para que no sea la desgracia la única acción cooperativa. Llévanos con tu misterio hacia una pasión que no parta los huesos y no nos deje en silencio mirando un bandoneón sobre una silla
Traduction libre de la prière à Saint Pugliese
« Protège-nous tous ceux qui n’écoutent pas. Protège-nous de la mufa (mauvaise humeur) de ceux qui insistent avec la cuisse de poulet nationale. Aide-nous à entrer en harmonie et éclaire-nous afin que le malheur ne soit pas la seule action coopérative. Emmène-nous avec ton mystère vers une passion qui ne brise pas les os et ne nous laisse pas en silence regardant un bandonéon sur une chaise ».
Comment utiliser la prière à San Pugliese
Les musiciens argentins, même ceux qui n’ont rien à voir avec le tango respectent San Pugliese et l’invoquent pour que tout se passe bien. Sur les scènes, on peut voir des images de San Pugliese et quand tout ne se passe pas pour le mieux, il convient de conjurer le mauvais sort en criant Pugliese – Pugliese – Pugliese. Ne croyez pas que c’est une superstition, cela fonctionne et beaucoup d’artistes et de techniciens ont la Estampita dans leur portefeuille, placée sur la console ou sur leur instrument.
Clin d’œil final…
Le principe des images pieuses détournées continue d’être utilisée en Argentine et je vous présente pour terminer une image qui me fait mourir de rire. Le nom de l’homme politique Santoro a été découpé en faire San Toro. Jajaja.
Santoro (en un seul mot) est un homme politique argentin, enseignant de formation. La prière demande à ce que les enfants puissent avoir une plave (vancante) à l’école publique.
José “Natalín” Felipetti ; Rosario Mazzeo Letra: Arturo Juan Rodríguez
Le tango du jour est instrumental, et en écoutant la musique sensuelle de Di Sarli, je suis sûr que la plupart de ceux qui ne sont pas uruguayens ont pensé que j’étais tombé sur la tête, une fois de plus, en proposant cette image de couverture. J’ai imaginé cette illustration en me référant à Géricault, un peintre qui a donné à la fois dans le militaire et l’orientalisme. Mais qui sont ces 33 orientales que Di Sarli célébrera trois fois par le disque ?
De l’importance de l’article
Il peut échapper aux personnes qui ne parlent pas bien espagnol, la différence entre las (déterminant pluriel, féminin) et los (déterminant pluriel, masculin). Las 33 orientales, ça pourrait-être ceci,
Los ou las ?
mais los 33 orientales, c’est plutôt cela :
El juramento de los 33 orientales Juan Manuel Blanes (1878).
Je vous raconterai l’histoire de ces 33 mecs en fin d’article, passons tout de suite à l’écoute.
Extrait musical
Les compositeurs sont José Felipetti (bandonéoniste et éditeur musical) et Alfredo Rosario Mazzeo, violoniste, notamment dans l’orchestre de Juan D’Arienzo, puis de Polito (qui fut pianiste également de D’Arienzo). Rosario Mazzeo avait la particularité d’utiliser un archet de violon alto, plus grand pour avoir un son plus lourd.
Los 33 orientales 1955-07-28 – Orquesta Carlos Di Sarli.
Je n’ai pas grand-chose à dire sur cette version que vous puissiez ne pas connaître. Je suis sûr que dans les cinq secondes vous aviez repéré que c’était Di Sarli, avec ses puissants accords sur son 88 touches (le piano) et les légatos des violons. Comme il est d’usage chez lui, les nuances sont bien exprimées. Les successions de fortissimos mourant dans des passages pianos (moins forts) et les accords finaux où dominent le piano font que c’est du 100% Di Sarli.
Il s’agit du troisième enregistrement de Los 33 orientales par Di Sarli. Comme d’habitude, vous aurez droit aux autres dans le chapitre dédié, Autres versions…
Les trois disques de Los 33 orientales par Carlos Di Sarli.
On notera que la version de 1952 est un 33 tours Long Play, c’est-à-dire qu’il y a deux tangos par face, ici La Cachila et Los 33 orientales. Sur la face A, il y a Cuatro vidas et Sueño de juventud. Le passage de 78 à 33 tours permettait de plus que doubler la durée enregistrable. Mais ce n’est que la généralisation du microsillon qui permet d’atteindre des durées plus longues de plus de 20 minutes par face. Ce disque est donc un disque de « transition » entre deux technologies.
Paroles
Bien qu’il soit instrumental dans les versions connues, il y a eu des paroles écrites par Arturo Juan Rodriguez. Au cas où elles seraient perdues, je vous propose un extrait de celles d’un autre tango appelé également los 33 orientales, à l’origine et rebaptisé par la suite La uruguyaita Lucia. Il a été écrit en 1933 par Eduardo Pereyra avec des paroles de Daniel López Barreto. Je vous le propose à l’écoute, dans la version de Ricardo Tanturi avec Enrique Campos (1945).
La uruguyaita Lucia 1945-04-12 – Ricardo Tanturi C Enrique Campos
Y mientras en el cerro; de los bravos 33 el clarín se oía y al mundo una patria nueva anunciaba un tierno sollozo de mujer, a la gloria reclamaba el amor de su gaucho, que más fiel a la patria su vida le entregó. Cabellos negros, los ojos azules, muy rojos los labios tenía. La Uruguayita Lucía, la flor del pago ‘e Florida. Hasta los gauchos más fieros, eternos matreros, más mansos se hacían. Sus ojazos parecían azul del cielo al mirar.
Ningún gaucho jamás pudo alcanzar el corazón de Lucía. Hasta que al pago llegó un día un gaucho que nadie conocía. Buen payador y buen mozo cantó con voz lastimera. El gaucho le pidió el corazón, ella le dio su alma entera.
Fueron felices sus amores jamás los sinsabores interrumpió el idilio. Juntas soñaron sus almitas cual tiernas palomitas en un rincón del nido. Cuando se quema el horizonte se escucha tras el monte como un suave murmullo. Canta la tierna y fiel pareja, de amores son sus quejas, suspiros de pasión.
Pero la patria lo llama, su hijo reclama y lo ofrece a la gloria. Junto al clarín de Victoria también se escucha una queja. Es que tronchó Lavalleja a la dulce pareja el idilio de un día. Hoy ya no canta Lucía, su payador no volvió.
Eduardo Pereyra Letra: Daniel López Barreto
Traduction libre et indications
Et pendant que tu étais sur la colline ; des braves du 33 le clairon a été entendu et au monde il annonça une nouvelle patrie, un tendre sanglot d’une femme, à la gloire il a revendiqué l’amour de son gaucho, qui le plus fidèle à la patrie lui a donné sa vie. Cheveux noirs, yeux bleus, lèvres très rouges, elle avait. La Uruguayita Lucía, la fleur du bled (pago, coin de campagne et la population qui l’habite) Florida. Même les gauchos les plus féroces, éternels matreros (bourrus, sauvages, qui fuient la justice), se faisaient apprivoiser. Ses grands yeux semblaient bleus de ciel quand elle regardait. Aucun gaucho ne put jamais atteindre le cœur de Lucia. Jusqu’au jour où un gaucho arriva dans le coin et que personne ne connaissait. Bon payador et bien beau, il chantait d’une voix pitoyable. Le gaucho lui demanda le cœur, elle lui donna son âme en entier. Leurs amours étaient heureuses, jamais les ennuis n’interrompirent l’idylle. Ensemble, leurs petites âmes rêvaient comme de tendres colombes dans un coin du nid. Lorsque l’horizon brûla, s’entendit derrière la montagne comme un doux murmure. Le couple tendre et fidèle chante, leurs plaintes sont d’amour, leurs soupirs de passion. Mais la patrie l’appelle, elle réclame son fils et lui offre la gloire. Jointe au clairon de victoire, une plainte s’entend également. C’est Lavalleja (voir en fin d’article) qui a coupé court à l’idylle du couple en une journée.
La version de José « Natalín » Felipetti ; Rosario Mazzeo et Arturo Juan Rodríguez n’a peut-être ou sans doute rien à voir, mais cela permet tout de même d’évoquer un autre titre faisant référence aux 33 orientales et même à Lavalleja, que je vous présenterai dans la dernière partie de l’article.
Autres versions
Je vous propose 5 versions. Trois par Di Sarli plus deux dans le style de Di Sarli…
Los 33 orientales 1948-06-22 – Carlos Di Sarli.
La musique avance à petits pas fermes auxquels succèdes des envolées de violons, le tout appuyé par les accords de Di Sarli sur son piano. C’est joli dansant, du Di Sarli efficace pour le bal.
Los 33 orientales 1952-06-10 – Carlos Di Sarli.
Cette version est assez proche de celles de 1948. Le piano est un tout petit plus dissonant, dans certains accords, accentuant, le contraste en les aspects doux des violons et les sons plus martiaux du piano.
Los 33 orientales 1955-07-28 – Orquesta Carlos Di Sarli.
Los 33 orientales 1955-07-28 – Orquesta Carlos Di Sarli. C’est notre tango du jour. La musique est plus liée, les violons plus expressifs. Le contraste piano un peu dissonant par moment et les violons, plus lyriques est toujours présent. C’est peut-être ma version préférée, mais les trois conviennent parfaitement au bal.
Los 33 orientales 1960 – Los Señores Del Tango.
En septembre 1955, des chanteurs et musiciens quittèrent, l’orchestre de Di Sarli et fondèrent un nouvel orchestre, Los Señores Del Tango, en gros, le pluriel du surnom de Di Sarli, El Señor del tango… Comme on s’en doute, ils ne se sont pas détachés du style de leur ancien directeur. Vous pouvez l’entendre avec cet enregistrement de 1960 (deux ans après le dernier enregistrement de Di Sarli).
Los 33 orientales 2003 – Gente De Tango (estilo Di Sarli).
Gente De Tango annonce jouer ce titre dans le style de Di Sarli. Mais on notera quand même des différences, qui ne vont pas forcément toute dans le sens de l’orchestre contemporain ? L’impression de fusion et d’organisation de la musique est bien moins réussie. Le bandonéon semble parfois un intrus. Le systématisme de certains procédés fait que le résultat est un peu monotone. N’est pas Di Sarli qui veut.
Qui sont les 33 orientales ?
Rassurés-vous, je ne vais pas vous donner leur nom et numéro de téléphone, seulement vous parler des grandes lignes.
J’ai évoqué à propos du 9 juillet, jour de l’indépendance de l’Argentine, que les Espagnols avaient été mis à la porte. Ces derniers se sont rabattus sur Montevideo et ont été délogés par les Portugais, qui souhaitaient interpréter en leur faveur le traité de Tordesillas.
Un peu d’histoire
On revient au quinzième siècle, époque des grandes découvertes, Christophe Colomb avait débarqué en 1492, en… Colombie, enfin, non, pas tout à fait. Il se croyait en Asie et a plutôt atteint Saint-Domingue et Cuba pour employer les noms actuels.
Colomb était parti en mission pour le compte de la Castille (Espagne), mais selon le traité d’Alcaçovas, signé en 1479 entre la Castille et le Portugal, la découverte serait plutôt à inclure dans le domaine de domination portugais, puisqu’au sud du parallèle des îles Canaries, ce que le roi du Portugal (Jean II) s’est empressé de remarquer et de mentionner à Colomb. Le pape est intervenu et après différents échanges, le Portugal et la Castille sont arrivés à un accord, celui de Tordesillas qui donnait à la Castille les terres situées à plus de 370 lieues à l’ouest des îles du Cap-Vert. Une lieue espagnole de l’époque valait 4180 m, ce qui fait que tout ce qui est à plus à l’ouest du méridien passant à 1546 km du Cap Vert est Espagnol, mais cela implique également, que ce qui moins loin est Portugais. La découverte de ce qui deviendra le Brésil sera donc une aubaine pour le Portugal.
À gauche, les délimitations des traités d’Alcaçovas et de Tordessillas. À droite, la même chose avec une orientation plus moderne, avec le Nord, au nord…
Je pense que vous avez suivi cette révision de vos cours d’histoire, je passe donc à l’étape suivante… Les Brésiliens Portugais et les Espagnols, tout autour, cherchaient à étendre leur domination sur la plus grande partie de la Terre nouvelle. Les Portugais ont défoncé la limite du traité de Tortessillas en creusant dans la partie amazonienne du continent, mais ils convoitaient également les terres plus au Sud et qui étaient sous dominance espagnole, là où est l’Uruguay actuel. Les Espagnols, qui avaient un peu négligé cette zone, établirent Montevidéo pour mettre un frein aux prétentions portugaises. La situation est restée ainsi jusqu’à la fin du 18e siècle, à l’intérieur de ces possessions espagnoles et portugaises, de grands propriétaires commençaient à bien prendre leurs aises. Aussi voyaient-ils d’un mauvais œil les impôts espagnols et portugais et ont donc poussé vers l’indépendance de leur zone géographique. Les Argentins ont obtenu cela en 1816 (9 juillet), mais les Espagnols se sont retranchés dans la partie est du Pays, l’actuel Uruguay qui n’a donc pas bénéficié de cette indépendance pourtant signée pour toutes les Provinces-Unies du Rio de la Plata. Le 12 octobre 1822, le Brésil (7 septembre) proclame son indépendance vis-à-vis du Portugal par la voix du prince Pedro de Alcântara qui se serait écrié ce jour-là, l’indépendance ou la mort ! Il est finalement mort, mais en 1934 et le brésil était « libre » depuis au moins 1825. Dans son Histoire du Brésil, Armelle Enders, remet en cause cette déclaration du prince héritier de la couronne portugaise qui s’il déclare l’indépendance, il instaure une monarchie constitutionnelle et Pedro de Alcântara devient le premier empereur du Brésil sous le nom de Pierre Ier. Révolutionnaire, oui, mais empereur… Donc, en Uruguay, ça ne s’est pas bien passé. Artigas qui avait fait partie des instigateurs de l’indépendance de l’Argentine a été contraint de s’exiler au Paraguay à la suite de trahisons, ainsi que des dizaines de milliers d’Uruguayens. Parmi eux, Juan Antonio Lavalleja et Manuel Oribe.
Juan Antonio Lavalleja (photos de gauche) et Manuel Oribe, les meneurs des 33 orientales. Ils seront tous les deux présidents de le la république uruguayenne.
Où on en vient, enfin, aux 33 orientales
Après de terribles péripéties, notamment de Lavalleja contre les Portugais-Brésiliens qui avaient finalement délogé les Espagnols de Montevideo en 1816, il fut fait prisonnier et exilé jusqu’en 1821. L’année suivante, le Brésil obtenait son indépendance, tout au moins son début d’indépendance. Lavalleja se rallia du côté de Pierre 1er, voyant en lui une meilleure option pour obtenir l’indépendance de son pays. En 1824, il est déclaré déserteur pour être allé à Buenos Aires. Son but était de reprendre le projet d’Artigas et d’unifier les Provinces du Rio de la Plata. Une équipe de 33 hommes a donc fait la traversée du Rio Uruguay. Une fois sur l’autre rive, ils ont prêté serment sur la Playa de la Agraciada (ou ailleurs, il y a deux points de débarquement potentiel, mais cela ne change rien à l’affaire).
El juramento de los 33 orientales sur la plage selon le peintre Juan Manuel Blanes et l’emplacement du débarquement (dans le cercle rouge). La pyramide commémore cet événement.
Ce débarquement et ce serment, le juramento de los 33 orientales marquent le début de la guerre d’indépendance qui se prolongera dans d’autres guerres surnommées Grande et Petite. Les Britanniques furent mis dans l’affaire, mais ils pensèrent plus aux leurs, d’affaires, que d’essayer d’aider, n’est-ce pas Monsieur Canning (qui a depuis perdu la rue qui portait son nom et qui s’appelle désormais Scalabrini Ortiz) ? Le salon Canning connu de tous les danseurs de tango est justement situé dans la rue Scalabrini Ortiz (anciennement Canning). Les Argentins, dont le président Rivadavia espérait unifier l’ancienne province orientale à l’Argentine, ils se sont donc embarqués dans la guerre, mais le coût dépassait sensiblement les ressources disponibles. Le Brésil recevait l’aide directe des Anglais, l’affaire était donc assez mal engagée pour les indépendantistes uruguayens. Un projet de traité en 1827 fut rejeté, jugé humiliant par les Argentins et futurs Uruguayens indépendants. La Province de Buenos Aires, dirigée par Dorrego, le Sénat et l’empereur du Brésil se mirent finalement d’accord en 1928. Juan Manuel de Rosas était également favorable au traité rendant l’Uruguay indépendant bien que Dorrego et Rosas ne faisaient pas bon ménage. L’exécution de Dorrego coïncide avec l’ascension au pouvoir de De Rosas et ce n’est pas un hasard… L’histoire ne se termine pas là. Nos deux héros, Juan Antonio Lavalleja et Manuel Oribe qui avaient fait la traversée des 33 sont tous les deux devenus présidents de l’Uruguay et de grande guerre à petite guerre, ce sont plusieurs décennies de pagaille qui s’en suivirent. L’indépendance et la mise en place de l’Uruguay n’ont pas été simples à mettre en œuvre. Les paroles du tango de Pereyra et Barreto nous rappellent que ces années firent des victimes. Les 33 orientales restent dans le souvenir des deux peuples voisins du Rio de la Plata. À Buenos Aires, une rue porte ce nom, elle va de l’avenue Rivadavia à l’avenue Caseros et semble se continuer par une des rues les plus courtes de Buenos Aires, puisqu’elle mesure 50 m, la rue Trole… Au nord, de l’autre côté de Rivadavia, elle prend le nom de Rawson, mais, si c’est aussi un tango, c’est aussi une autre histoire.
Alors, à demain, les amis !
Los 33 orientales. La traversée par les 33. Ne soyez pas étonné par le drapeau bleu-blanc-rouge, c’est effectivement celui des 33. Vous pouvez le voir sur le tableau de Juan Manuel Blanes.
Augusto Pedro Berto Letra: Juan Andrés Caruso (V1) — Jesús Fernández Blanco (V2)
La payanca par D’Arienzo dans la version de 1936 est un des très gros succès des milongas. Peut-être vous-êtes-vous demandé d’où venait le nom de ce tango ? Si ce n’est pas le cas, laissez-moi vous l’indiquer t vous faire découvrir une vingtaine de versions et vous présenter quelques détails sur ce titre.
Extrait musical
Partition pour piano de la Payanca. Couverture originale à gauche et Partition de piano à droite avec les paroles de Jesús Fernández Blanco (les plus récentes).La payanca 1936-06-09 — Orquesta Juan D’Arienzo.
C’est un des premiers enregistrements où Biagi se lâche. Le contrebassiste, Rodolfo Duclós marque un rythme à la « Yumba » qui deviendra une caractéristique de Pugliese. Les violons de Alfredo Mazzeo, León Zibaico, Domingo Mancuso et Francisco Mancini font des merveilles. Une version énergique, euphorisante, sans doute la toute première à utiliser pour faire plaisir aux danseurs. On remarque qu’il est indiqué « Sobre motivos populares ». En effet, on reconnaîtra des thèmes traditionnels, notamment de gato (une sorte de chacarera), mais modifié en tango. On remarquera également qu’il est indiqué « Tango Milonga », ce qui signifie que c’est un tango pour danser. Cependant, nous verrons que ce thème a également été basculé franchement du côté de la milonga pure et dure dans d’autres enregistrements.
Trois versions de couverture de la partition. À gauche, la plus ancienne, sans auteur de paroles. Au centre, avec les paroles de Caruso et à droite, avec les paroles de Blanco.
Origine du titre
Dans son livre, Así nacieron los tangos, Francisco García Jiménez, raconte que le tango est né lors d’une fête à la campagne en l’honneur d’une personnalité locale qui venait d’être élue triomphalement, des musiciens avaient joué des airs de l’intérieur, dont un gato (sorte de chararera) duquel il restait : « Laraira laralaila; laira laraira… ». Il est impossible de retrouver le gato à partir de cette simple indication, car laraira… c’est comme tralala. C’est ce que chantent les payadors quand ils cherchent leurs mots (ils chantaient en inventant les paroles à la volée). Certains textes de ces musiques ont été fixés et écrits par la suite et nombre d’entre eux comportent Laraira laralaila; laira laraira ou équivalent :
La,lara,laira,laira,la dans Pago viejo (chacarera, mais le rythme est proche du gato),
Lara lara laira larai ñarai lá dans Corazón alegre (bailecito)
Trala lará larala lará larala lará lará dans El pala pala (danse, danza)
Lará, larará, laraira, Lará, larará, laraira, dans Cabeza colorada
La ra lara la ra la la ra la ra la ra la dans La Sanlorencina (Cuenca)
La lalara la la la la la la La la lara la la la la la la La la lara la la lara la la dans Dios a la una (chanson).
Tra lara lara lara tra lara lero dans Que se vengan los chicos (Bailecito)
La lara la la la la La lara la la la la dans La chararera del adios (chacarera)
La lara lara larará… lara lara larará… lara lara larará… dans Cantar de coya (Carnavalito)
Lara lara lara lara dans Muchacha de mayo (Chanson).
Je n’ai pas trouvé de gato avec l’indication, mais il est fort probable que Berto ait entendu une improvisation, le lara lara étant une façon de meubler quand les paroles ne viennent pas. Donc Berto a entendu ce gato ou gato polqueado et il eut l’idée de l’adapter en tango. Lui à la guitare et Durand à la flûte l’ont adapté et joué. Ce titre a tout de suite été un succès et comme souvent à l’époque, il est resté sans être édité pendant onze années. Comme la plupart des orchestres jouaient le titre, il était très connu et les danseurs et divers paroliers lui ont donné des paroles, plus ou moins recommandables. N’oublions pas où évoluait le tango à cette époque. Deux de ces paroles nous sont parvenues, celles de Caruso et celles de Blanco. Les secondes sont plus osées et correspondent assez bien à cet univers. Il reste à préciser pourquoi il s’appelle payanca. Selon Jiménez, Berto aurait dit tout de go que ce tango s’appelait ainsi quand il fut sommé de donner un titre. Il semblerait que Berto ait donné sa propre version de l’histoire, en affirmant que le titre serait venu en voyant des gamins jouer avec un lasso à attraper des poules. Un adulte leur aurait crié « ¡Pialala de payanca!« , c’est-à-dire tire la avec un mouvement de payanca. Il indiquait ainsi la meilleure façon d’attraper la poule avec le lasso. L’idée du lasso me semble assez bonne dans la mesure où les trois partitions qui nous sont parvenues illustrent ce thème. Voici une vidéo qui montre la technique de la Payanca qui est une forme particulière de lancer du lasso pour attraper un animal qui court en le faisant choir.
Dans cette vidéo, on voit un pial (lancement du lasso) pour attraper un bovidé à l’aide de la technique « Payanca ». Elle consiste à lancer le lasso (sans le faire tourner) de façon à entraver les antérieurs de l’animal pour le déséquilibrer et le faire tomber. Âmes sensibles s’abstenir, mais c’est la vie du gaucho. Ici, un joli coup par le gaucho Milton Mariano Pino.
Pour être moins incomplet, je pourrai préciser que la payanca ou payana ou payanga ou payaya est un jeu qui se joue avec cinq pierres et qui est très proches au jeu des osselets. L’idée de ramasser les pierres en quechua se dit pallay, ce qui signifie collectionner, ramasser du sol. Que ce soit attraper au lasso ou ramasser, le titre joue sur l’analogie et dans les deux cas, le principe est de capturer la belle, comme en témoignent les paroles.
Paroles de Juan Andrés Caruso
¡Ay!, una payanca io quiero arrojar para enlazar tu corazón ¡Qué va cha che! ¡Qué va cha che ! Esa payanca será certera y ha de aprisonar todo tu amor ¡Qué va cha che ! ¡Qué va cha che ! Por que yo quiero tener todo entero tu querer.
Mira que mi cariño es un tesoro. Mira que mi cariño es un tesoro. Y que pior que un niño po’ ella « yoro »… Y que pior que un niño po’ ella « yoro »…
Payanca de mi vida, ay, io te imploro. Payanca de mi vida, ay, io te imploro, que enlaces para siempre a la que adoro… que enlaces para siempre a la que adoro… Augusto Pedro Berto Letra: Juan Andrés Caruso
Traduction libre des paroles de Juan Andrés Caruso
Yeh ! une payanca (payanca attraper au lasso). Moi, (Io pour yo = je), je veux lancer pour enlacer (enlacer du lasso…) ton cœur. Que vas-tu faire ! (¿Qué va cha ché ? ou Qué vachaché Est aussi un tango écrit par Enrique Santos Discépolo) Que vas-tu faire ! Cette payanca sera parfaite et emprisonnera tout ton amour. Que vas-tu faire ? Que vas-tu faire ? Parce que je veux avoir tout ton amour.
Regarde, mon affection est un trésor. Regarde, mon affection est un trésor. Et quoi de pire qu’un enfant qui pleure pour elle… Et quoi de pire qu’un enfant qui pleure pour elle…
Payanca de ma vie, oui, je t’en supplie (il parle à son coup de lasso pour attraper le cœur de sa belle). Payanca de ma vie, oui, je t’en supplie, que tu enlaces pour toujours celle que j’adore… que tu enlaces pour toujours celle que j’adore… La métaphore rurale et gauchesque est poussée à son extrémité. Il compare la capture du cœur de sa belle à une passe de lasso. Dans le genre galant, c’est moyen, mais cela rappelle que la vie du gaucho est une source d’inspiration pour le tango et en cela, je ne partage pas l’avis de Jorges Luis Borges pour quoi le tango est uniquement urbain et violent.
Paroles de Jesús Fernández Blanco
Con mi payanca de amor, siempre mimao por la mujer, pude enlazar su corazón… ¡Su corazón ! Mil bocas como una flor de juventud, supe besar, hasta saciar mi sed de amor… ¡Mi sed de amor !
Ninguna pudo escuchar los trinos de mi canción, sin ofrecerse a brindar sus besos por mi pasión… ¡Ay, quién pudiera volver a ser mocito y cantar, y en brazos de la mujer la vida feliz pasar !
Payanca, payanquita de mis amores, mi vida la llenaste de resplandores… ¡Payanca, payanquita ya te he perdido y sólo tu recuerdo fiel me ha seguido!
Con mi payanca logré a la mujer que me gustó, y del rival siempre triunfé. ¡Siempre triunfé! El fuego del corazón en mi cantar supe poner, por eso fui rey del amor… ¡Rey del amor!
Jesús Fernández Blanco
Traduction, libre des paroles de Jesús Fernández Blanco
Avec ma payanca d’amour (je ne sais pas quoi en penser, admettons que c’est son coup de lasso, mais il peut s’agir d’un autre attribut du galant), toujours choyée par les femmes, j’ai pu enlacer ton cœur… Ton cœur ! Mille bouches comme une fleur de jouvence, j’ai su embrasser, jusqu’à étancher ma soif d’amour… Ma soif d’amour !
Aucune ne pouvait entendre les trilles de ma chanson, sans offrir ses baisers à ma passion… Yeh, qui pourrait redevenir un petit garçon et chanter, et passer dans les bras de la femme, la vie heureuse !
Payanca, payanquita de mes amours (Payanca, petite payanca, on ne sait toujours pas ce que c’est…), tu as rempli ma vie de brillances… Payanca, payanquita Je t’ai déjà perdue et seul ton souvenir fidèle m’a suivi !
Avec ma payanca, j’ai eu la femme que j’aimais, et du rival, j’ai toujours triomphé. J’ai toujours triomphé ! J’ai su mettre le feu du cœur dans ma chanson (la payanca pourrait être sa chanson, sa façon de chanter), c’est pourquoi j’étais le roi de l’amour… Le roi de l’amour !
Autres versions
La payanca 1917-05-15 — Orq. Eduardo Arolas con Pancho Cuevas (Francisco Nicolás Bianco).
Probablement la plus ancienne version enregistrée qui nous soit parvenue. Il y a un petit doute avec la version de Celestino Ferrer, mais cela ne change pas grand-chose. Pancho Cueva à la guitare et au chant et le tigre du Bandonéon (Eduardo Arolas) avec son instrument favori. On notera que si le tango fut composé vers 1906, sans paroles, il en avait en 1917, celles de Juan Andrés Caruso.
La payanca 1918-03-25 (ou 1917-03-12) — Orquesta Típica Ferrer (Orquesta Típica Argentina Celestino).
Le plus ancien enregistrement ou le second, car il y a en fait deux dates, 1917-03-12 et 1918-03-25. Je pense cependant que cette seconde date correspond à l’édition réalisée à New York ou Camdem, New Jersey. On remarquera que l’orchestre comporte une guitare, celle de Celestino Ferrer qui est aussi le chef d’orchestre, une flûte, jouée par E. Santeramo et un accordéon par Carlos Güerino Filipotto. Deux violons complètent l’orchestre, Gary Busto et L. San Martín. Le piano est tenu par une femme, Carla Ferrara. C’est une version purement instrumentale. Après avoir été un des pionniers du tango en France, Celestino Ferrer s’est rendu aux USA où il a enregistré de nombreux titres, dont celui-ci.
La payanca 1926-12-13 — Orquesta Típica Victor, direction Adolfo Carabelli.
Une version un peu plus moderne qui bénéficie de l’enregistrement électrique. Mais on peut mieux faire, comme on va le voir bientôt.
La payanca 1936-06-09 — Orquesta Juan D’Arienzo. C’est notre tango du jour.
J’ai déjà dit tout le bien que je pensais de cette version, à mon avis, insurpassée, y compris par D’Arienzo lui-même…
Trío de Guitarras (Iriarte-Pagés-Pesoa).
Le trio de guitares de Iriarte, Pagés et Pesoa ne joue pas dans la même catégorie que D’Arienzo. C’est joli, pas pour la danse, un petit moment de suspension.
La payanca 1946-10-21 — Roberto Firpo y su Nuevo Cuarteto.
Pour revenir au tango de danse, après la version de D’Arienzo, cette version paraît fragile, notamment, car c’est un quartetto et que donc il ne fait pas le poids face à la machine de D’Arienzo. On notera tout de même une très belle partie de bandonéon. La transition avec le trio de guitares a permis de limiter le choc entre les versions.
La payanca 1949-04-06 — Orquesta Juan D’Arienzo.
On retrouve la grosse machine D’Arienzo, mais cette version est plus anecdotique. Cela peut passer en milonga, mais si je dois choisir entre la version de 1936 et 1949, je n’hésite pas une seconde.
La payanca 1952-10-01 — Enrique Mora y su Cuarteto Típico.
Encore un quartetto qui passe après D’Arienzo. Si cette version n’est pas pour la danse, elle n’est pas désagréable à écouter, sans toutefois provoquer d’enthousiasme délirant… Le final est assez sympa.
La payanca 1954-11-10 — Orquesta Juan D’Arienzo.
Eh oui, encore D’Arienzo qui décidément a apprécié ce titre. Ce n’est assurément pas un grand D’Arienzo. Je ne sais pas si c’est meilleur que la version de 49. Par certains côtés, oui, mais par d’autres, non. Dans le doute, je m’abstiendrai de proposer l’une comme l’autre.
La payanca 1957-04-12 — Orquesta Héctor Varela.
On est dans tout autre chose. Mais cela change sans être un titre de danse à ne pas oublier. On perd la dimension énergique du gaucho qui conquiert sa belle avec son lasso pour plonger dans un romantisme plus appuyé. Cependant, cette version n’est pas niaise, le bandonéon dans la dernière variation vaut à lui seul que l’on s’intéresse à ce titre.
La payanca 1958 — Los Muchachos de antes.
Avec la guitare et la flûte, cette petite composition peut donner une idée de ce qu’aurait pu être les versions du début du vingtième siècle, si elles n’avaient pas été bridées par les capacités de l’enregistrement. On notera que cette version est la plus proche d’un rythme de milonga et qu’elle pourrait remplir son office dans une milonga avec des danseurs intimidés par ce rythme.
La payanca 1959 — Miguel Villasboas y su Quinteto Típico.
Les Uruguayens sont restés très fanatiques du tango milonga. En voici une jolie preuve avec Miguel Villasboas.
La payanca 1959-03-23 — Donato Racciatti y sus Tangueros del 900.
Oui, ce tango inspire les Uruguayens. Racciatti en donne également sa version la même année.
La payanga 1964 — Orquesta Osvaldo Pugliese.
Pas évident de reconnaître notre thème du jour dans la version de Pugliese. C’est une version perdue pour les danseurs, mais qu’il convient d’apprécier sur un bon système sonore.
La payanca 1964-07-29 — Quinteto Pirincho dir. Francisco Canaro.
De la même année que l’enregistrement de Pugliese, on mesure la divergence d’évolution entre Pugliese et Canaro. Cependant, pour les danseurs, la version du Quinteto pirincho, dirigé pour une des toutes dernières fois par Canaro sera la préférée des deux…
La payanca 1966-07-25 — Orquesta Juan D’Arienzo.
D’Arienzo se situe entre Pugliese et Canaro pour cet enregistrement quasiment contemporain, mais bien sûr bien plus proche de Canaro. Ce n’est pas vraiment un titre de danse, mais il y a des éléments intéressants. Définitivement, je l’avoue, je reste avec la version de 1936.
La payanga 1984 — Orquesta Alberto Nery con Quique Ojeda y Víctor Renda.
Alberto Nery fut pianiste d’Edith Piaf en 1953. Ici, il nous propose une des rares versions chantées, avec les paroles de Jesús Fernández Blanco. Vous aurez donc les deux versions à écouter. Honnêtement, ce n’est pas beaucoup plus intéressant que l’enregistrement de Eduardo Arolas et Pancho Cuevas antérieur de près de 70 ans. On notera toutefois le duo final qui relève un peu l’ensemble.
La payanca 2005 — Cuarteto Guardia Vieja.
Pour terminer en fermant la boucle avec une version à la saveur début du vingtième siècle, je vous propose une version par le Cuarteto Guardia Vieja.
Il semble que tout a été dit sur les styles de tango. Je vous propose cependant un petit point, vu essentiellement sur l’aspect du tango de danse.
Ce qu’il convient de prendre en compte, c’est que les périodes généralement admises sont en fait toutes relatives.
Les orchestres ont, selon les cas, continué un style qui leur réussissait au-delà d’autres orchestres et a contrario, d’autres ont innové bien avant les autres, voire, sont revenus en arrière, remettant en avant des éléments disparus depuis plusieurs décennies.
On peut donc avoir deux enregistrements contemporains appartenant à des courants forts différents. C’est particulièrement sensible à partir des années 50, où la baisse de la pratique de danse a incité les orchestres à développer de nouveaux horizons, souvent en réchauffant des plats plus anciens.
Les origines (avant le tango)
Il ne s’agit pas ici de trancher dans un des nombreux débats entre spécialistes des origines. Du strict point de vue de la danse, les premiers tangos sont proche du style habanero et par conséquent, c’est plus du côté des habaneras qu’il convient de trouver la forme de danse.
La habanera
Vous connaissez ce rythme. DaaaTadaTaDaaa
Pour ceux qui ne sont pas lecteurs de la musique, les barres rouges (croches pointées) correspondent à 3 unités temporelles relatives (double croche), les barres bleues à une unité temporelle (double croche) et les barres vertes à deux unités temporelles (croche). Les barres sont donc proportionnelles à la durée des notes. Au début de la portée, il y a l’indication 2/4. Cela signifie qu’il y a deux noires par mesure (espace entre deux barres verticales). Les croches valent la moitié d’une noire en durée et les doubles croches la moitié d’une croche. Voilà, vous connaissez la lecture du rythme en musique (ou pas…).Rythme de la habanera au piano. retrouvez le DaaaTadaTaDaaa…
La habanera porte ce nom, car c’est une restitution d’un rythme cubain. L’inventeur du genre est Sebastián de Iradier qui a composé El arreglito (le petit arrangement) où il joue avec ce rythme. En voici un extrait et je suis sûr que cela va vous rappeler quelque chose.
Axivil Criollo – El Arreglito – Compositeur Sebastián de Iradier vers 1840.
Avez-vous trouvé ?
Oui, vous avez trouvé. Ce cher Georges Bizet a piqué la musique de Sebastián de Iradier.
Teresa Berganza chante la Habanera de Carmen de Bizet (le copieur 😉
Ce rythme, très présent dans les premiers tangos, est devenu plus discret, sauf pour les milongas qui l’ont largement exploité.
Dans la milonga criolla (ici par l’orchestre de Francisco Canaro 1936-10-06), on reconnait parfaitement le rythme de la habanera qui a été accélérée et est devenue une des pierres de construction des milongas.
Lorsque le tango de danse a perdu de son élan, les orchestres sont revenus à ces formes traditionnelles, au point que les compositeurs l’on réintroduit très largement.
Autres apports
En parallèle, des formes chantées, notamment par les payadors et des danses, traditionnelles, voire tribales, ont influencé ces prémices, donnant une grande richesse à ce qui deviendra le tango, notamment à travers ses trois formes dansées, le tango, la milonga et la valse.
Les payadors
On lit parfois que Gardel était un payador. Cependant, même s’il était ami de José Bettinotti, il n’a pas été directement l’un de ces chanteurs qui s’accompagnaient à la guitare en improvisant. Cependant, l’influence des payadors est indéniable pour le tango, comme vous pouvez en juger. Par cet extrait, qui avec ses relents d’habanera pourrait s’approcher d’une milonga lente ou d’un canyengue.
José Bettinotti, El cabrero circa 1913
Exemple d’influence africaine
Parmi les sources, on met en avant des origines africaines. Même si l’Argentine n’a pas été une terre d’esclavage très marquée, contrairement à beaucoup d’autres payés du continent américain, il y a eu une communauté d’origine africaine relativement importante au XIXe siècle. Celle-ci s’est atténuée par l’émigration, les mariages avec des populations d’autre origines et quelques faits guerriers où ils ont servi de chair à canon.
Même si l’Argentine a absorbé des éléments, c’est plutôt la province de l’Est, l’Uruguay qui a le plus été influencé par ces musiques, notamment les percussions.
Candombe solo para Uruguayos – Hugo Fattoruso – « Caminando » , Toma de Sonido Dario Ribeiro
Le candombe et la milonga candombe se retrouvent à la mode dans les années 50, bien avant que Juan Carlos Cacéres relance la mode.
Siga el baile 1953-10-28 – Alberto Castillo y su Orquesta Típica dirigé par Ángel Condercuri.
La dénomination « tango » est souvent associée à la déformation de « tambo » et désignait des lieux ou la communauté noire dansait. Il faut voir un jugement négatif par la bonne société blanche. Le terme est devenu synonyme de bamboche, de débauche, ou pour le moins de moeurs légères. La musique des faubourgs, même si elle n’était pas issue des Africains a hérité de ce vocable péjoratif, lorsque le tango s’est développé dans les bordels et autres lieux choquants pour la bonne société.
Les origines européennes
L’immigration européenne a apporté sa musique. Pour el vals, même criollo, on est très proche de la valse et des artistes comme Canaro ont même adopté des valses viennoises.
Pour la milonga, c »est un peu moins évident de retrouver des sources européennes, si ce n’est que la mode de la habanera en Europe et les échanges dans le monde latinoaméricain ont favorisé sa diffusion. La habanera symbolisait le marin pour l’Europe. La milonga, on devrait même écrire les milongas sont une salsa, un mélange d’influences.
Les débuts du tango dans les faubourgs et les milieux interlopes ont conduit celui-ci à des formes assez populaires, voire outrées que le canyengue d’aujourd’hui a du mal à retraduire en totalité.
La naissance européenne
Disons-le, tout bonnement, ce tango d’avant le tango n’est pas au sens strict du tango. À cela se rajoute que les rares enregistrements de l’époque ont été réalisés par voie acoustique et qu’ils ne sont donc pas du tout adaptés à nos oreilles contemporaines.
Vu les lieux où le tango était joué et malgré la fréquentation par des ninos bien (jeunes hommes de bonne famille), le tango ne s’est pas fait une place importante en Argentine avant d’acquérir ses lettres de noblesse en Europe et notamment en France. Il y a une théorie différente qui se base sur un film réalisé en 1900 à Buenos Aires par Eugene Py. Le problème est que si Py a bien réalise un film, on ne l’a pas retrouvé. Un film est considéré par certains comme le film de Py qui aurait été retrouvé.
Dans ce film, on voit deux danseurs dans un décor pratiquer une forme de tango. Ce film est parfois qualifié de premier film de tango qui correspondrait à un film enregistré en 1900 par Eugène Py. La qualité de l’image, le vêtement de la femme, le style de danse font plutôt dater ce film des années 1920. Les partisans de l’attribution à Eugène Py indique que le film original a été réalisé en extérieur, sur la terrasse de l’entreprise Casa Lepage À Buenos Aires. On peut voir qu’ici, il s’agit d’un décor qui peut avoir été placé en extérieur pour faire croire a un intérieur. Cela semble un peu exagéré pour ce type de film. En admettant que ce soit le cas, les danseurs seraient des gens de la haute société. Aussi, pourquoi serviraient-ils de figurants ? Il est plus simple d’imaginer que ce sont des danseurs qui jouent un rôle. Donc, si ce film est de 1900 (ce dont je doute), il peut s’agir de danseurs figurants. Si le film est de 1920, il peut s’agir de personnes plus fortunées qui présentent leurs performances de danse. Je propose donc de rester sur les témoignages écrits et nombreux et de ne pas suivre l’hypothèse qui ferait de ce film la preuve que le tango était dansé dans la haute société dès 1900.
Le style du tango, avant le tango… (Prototango)
Avant 1926, date des premiers enregistrements électriques, pas d’enregistrements utilisables en danse.
Comme vous pouvez vous en rendre compte, le style sommaire et monotone de la musique est renforcé par l’obligation de jouer de façon assez forte et peu nuancée pour que le pavillon puisse graver le support d’enregistrement. On retrouve cependant certains éléments « Canyengue » que l’on connaît par les enregistrements électriques.
Je vous propose à titre d’exemple, Zorro gris un enregistrement électrique de 1927 par Francisco Canaro.
Zorro gris 1927-08-22, Francisco Canaro (enregistrement électrique).
La vieille garde (Guardia vieja)
Gobbi et Canaro, dans la première partie de leur carrière, sont des représentants de ce que l’on a nommé la vieille garde. On ne peut pas réduire cela au canyengue, car dès les années 20 des rythmes différents avaient vu le jour. Se détachant progressivement du style claudicant du canyengue, les orchestres abandonnent la habanera, accélèrent le rythme. Des titres en canyengue deviennent des milongas, comme par exemple : Milonga de mis amores, ici dans la version de Canaro en 1937 et qui a encore des accents de canyengue :
Extrait de Milonga de mis amores 1937-05-26, Francisco Canaro
contrairement à la version de la même année par Pedro Laurenz :
Extrait de Milonga de mis amores 1937-07-14, Pedro Laurenz canta Héctor Farrel
Ou celle du même de 1944 :
Extrait de Milonga de mis amores 1944-01-14, Pedro Laurenz
Des orchestres anciens évoluent, comme Di Sarli ou d’Arienzo, notamment à l’arrivée de Biagi dans l’orchestre et on arrive à la grande période du tango, l’âge d’or.
L’âge d’or (Edad de oro)
C’est la période considérée comme la plus adaptée au tango de danse. C’est logique, car à l’époque, le tango était une danse à la mode et chaque semaine, plusieurs orchestres se produisaient.
El Mundo du dimanche 1er octobre de 1944. En rouge, les 4 piliers se produisent le même jour (Hoy). En bleu des orchestres de second plan, tout à fait dansables et en vert, des orchestres un peu moins pertinents pour la danse.
On voit l’énorme choix qui s’adressait aux danseurs. Les musiciens jouaient ensemble plusieurs fois par semaine et il y avait un climat d’émulation pour ne pas dire de compétition entre les orchestres.
On remarquera qu’en face de chacun des orchestres de tango, il y a un orchestre de « Jazz ». En effet, les bals de l’époque jouaient des genres variés et les orchestres se spécialisaient.
Certains comme Canaro avaient deux orchestres, ce qui lui permettait d’assurer les deux aspects de la soirée. D’ailleurs, Canaro utilise des cuivres dans son orchestre de tango, il jouait donc de la limite entre les deux formations. Vous avez pu écouter cela dans l’extrait de Milonga de mis amores, ci-dessus.
Chaque orchestre se distinguait par un style propre. Certains étaient plus intellectuels, comme Pugliese ou De Caro, d’autres plus joueurs, comme Rodriguez ou D’Arienzo, d’autres plus romantiques, comme Di Sarli ou Fresedo et d’autres plus urbains, comme Troilo.
Aujourd’hui, dans les milongas, le DJ s’arrange pour proposer ces quatre orientations pour éviter la monotonie et contenter les différentes sensibilités des danseurs.
Même si la production de l’époque est essentiellement tournée vers la danse, il y a également une production pour l’écoute.
Sur les disques de l’époque, il est facile de faire la différence, notamment pour les tangos avec chanteur. En effet, un tango à danser est indiqué : Nom de l’orchestrecanta ou estribillo cantado porNom du chanteur. Un tango à écouter est indiqué Nom du chanteury su orquesta dirigido por ou con (avec) Nom de l’orchestre.
Nous n’entrerons pas dans les détails en ce qui concerne les styles des orchestres de l’âge d’or, cela fait l’objet d’un de mes cycles de cours/conférence (mini 3 h, voire 6 h). Il convient seulement de savoir reconnaître le tango de danse et de savoir apprécier les différences de style entre les orchestres.
Pour les DJ, il est important de tenir compte de l’évolution des styles du même orchestre. Il est souvent moins grave de mélanger deux orchestres enregistrés à la même époque que de mélanger deux enregistrements d’époques stylistiquement différentes du même orchestre.
Tango Nuevo
C’est celui initié par De Caro, repris ensuite par Troilo, Pugliese et Piazzolla, par exemple. Il est encore très vivant, notamment chez les orchestres de concert.
À noter que Pugliese et Troilo sont bien sûr des piliers du tango de bal et que leurs incursions nuevos, pas toujours pour la danse, ne doivent pas masquer leur importance dans le bal traditionnel.
N’oublions pas que Pugliese a aussi bien enregistré du canyengue, que du tango classique avant de faire du Nuevo… Curieusement, le tango dit nuevo reprend souvent des motifs les plus anciens, notamment la habanera des tout premiers titres du XIXe siècle.
Tango Electronico
Style Gotan Project. Il se caractérise principalement par une batterie et l’utilisation d’instruments électroniques. Curieusement, il est parfois assez proche, d’un point de vue rythmique, du tango musette qui est l’évolution européenne et notamment franco-italienne, du tango du début du XXe siècle.
Comme DJ, j’évite et en tout cas je n’en abuse pas, car cette musique est très répétitive et ne convient pas aux danseurs avancés. Cependant, il faut reconnaître que cette musique a fait venir de nouveaux adeptes au tango.
Tango alternatif (neotango)
Le tango alternatif consiste à danser avec des repères « tango » sur des musiques qui ne sont absolument pas conçues comme telles.
Par exemple, la Colegiala de Ramirez est un tango alternatif, puisqu’on le danse en « milonga » alors que c’est un fox-trot.
Certains DJ européens placent des zambas que les danseurs dansent en tango. Quel dommage quand on sait la beauté de la danse.
N’oublions pas la dynamique « néotango » qui consiste à danser sur toute musique, chanson, de tout style et de toute époque. Cela ouvre des horizons immenses, car la très grande majorité de la musique actuelle est à 4 temps et permet donc de marcher sur les temps.
Ce qui manque souvent à cette musique, c’est le support à l’improvisation. On peut lui reconnaître une forme de créativité dans la mesure où elle permet / oblige de sortir des repères et donc d’innover. Mais est-t-il vraiment possible d’innover en tango ? C’est un autre débat.
Pourquoi l’âge d’or est bien adapté à la danse
Si on étudie un tango de l’âge d’or, on y découvrira plusieurs qualités favorisant la danse :
La musique a plusieurs plans sonores. On peut choisir de danser sur un instrument (dont le chanteur), puis passer à un autre. On peut aussi choisir de danser uniquement la marcation (tempo). Les instruments se répondent. On peut ainsi se répartir les rôles avec les partenaires en reconstituant le dialogue en le dansant.
La musique se répète plusieurs fois, mais avec des variations. Cela permet de découvrir le tango au cas où il ne serait pas connu et la seconde fois, l’oreille est plus familière et l’improvisation est plus confortable. Cette reprise est en général différente de la première exposition, mais reste tout à fait comparable. Par exemple, la première fois le thème est joué au violon ou au bandonéon et la seconde fois, c’est le rôle du chanteur ou d’un autre instrument. Si c’est le même instrument, il y aura de légères différences dans l’orchestration qui rendra l’écoute moins monotone.
Les changements de rythme, phrases, parties, sont annoncés. Un danseur musicien ou exercé sait reconnaître les parties et peut « deviner » ce qui va suivre, ce qui lui permet d’improviser plus facilement sans dérouter sa partenaire. Je devrais plutôt mettre cela au pluriel, car les deux membres du couple participent à l’improvisation. Si la personne guidée a envie d’appuyer, de marquer un élément qui va arriver, elle a le temps d’alerter le guideur pour qu’il lui laisse un espace. Les musiques alternatives ou des musiques d’inspiration pus classiques, comme certaines compositions de Piazzolla » proposent souvent des surprises qui font qu’elles ne permettent pas de deviner la suite, ou au contraire, sont tellement répétitives, que quand revient le même thème de façon identique et mécanique, les danseurs n’ont pas de nouvelles idées et finissent par tomber dans une routine. Évidemment, les danseurs qui n’écoutent pas la musique et qui se contentent de dérouler des chorégraphies ne verront pas de différences entre les différents types de tango. Ceci explique le succès des pratiques neotango auprès des débutants, même si ces bals ont aussi du succès auprès de danseurs plus affirmés. En revanche, on ne fera jamais danser, même sous la menace, un Portègne sur ce type de musique, en tout cas, en tango…
Ne faut-il danser que sur des tangos de l’âge d’or ?
Non, bien sûr que non. Les canyengues et la vieille garde comportent des titres sublimes et très amusants ou intéressants à danser. Certains danseurs sont prêts à danser plusieurs heures d’affilée sur ces rythmes. Cependant, un DJ qui passerait ce genre de musique de façon un peu soutenue à Buenos Aires se ferait écharper…
Quelques musiques modernes donnent des idées agréables à danser. Pour ma part, je propose souvent une tanda de valses « originales ». Le rythme à trois temps de la valse reste le même que pour les tangos traditionnels et le besoin d’improvisation est moins important, car il s’agit surtout de… tourner.
Même si les danseurs avancés aiment moins danser sur les d’Arienzo des années 50 ou postérieures, ils n’y rechignent pas toujours et l’énergie de ces musiques plaît à de très nombreux danseurs. C’est donc un domaine à proposer aux danseurs. D’ailleurs, les orchestres qui font à la manière de du d’Arienzo sont particulièrement nombreux. C’est bien le signe que c’est toujours dans l’air du temps.
Pour terminer, je précise que je suis DJ et que par conséquent, mon travail est de rendre les danseurs heureux. J’adapte donc la musique à leur sensibilité.
Pour un DJ résident, en revanche, il est important d’ouvrir les oreilles des habitués. Dans certains endroits, le DJ met toujours le même type de musique, pas forcément de la meilleure qualité pour la danse. Le problème est qu’il habitue les danseurs à ce type de musique et que quand ces derniers vont aller dans un autre endroit, ils vont être déroutés par la musique.
L’innovation, c’est bien, mais il me semble qu’il faut toujours garder un fond de culture « authentique » pour que le tango reste du tango.
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