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Barrio de tango 1943-01-19 – Orquesta Miguel Caló con Jorge Ortiz

Aníbal Troilo Letra: Homero Manzi

Impossible que vous ne connaissiez pas Barrio de tango immortalisé par Aníbal Troilo et Francisco Fiorentino. Cependant, vous connaissez peut-être moins cette très intéressante version par Miguel Caló et Jorge Ortiz. D’ailleurs, il y a quelques ponts curieux entre ces deux directeurs d’orchestre.

Extrait musical

Barrio de tango 1943-01-19 – Orquesta Miguel Caló con Jorge Ortiz.

Paroles

Un pedazo de barrio, allá en Pompeya,
durmiéndose al costado del terraplén.
Un farol balanceando en la barrera
y el misterio de adiós que siembra el tren.
Un ladrido de perros a la luna.
El amor escondido en un portón.
Y los sapos redoblando en la laguna
y a lo lejos la voz del bandoneón.

Barrio de tango, luna y misterio,
calles lejanas, ¡cómo estarán!
Viejos amigos que hoy ni recuerdo,
¡qué se habrán hecho, dónde estarán!
Barrio de tango, qué fue de aquella,
Juana, la rubia, que tanto amé.
¡Sabrá que sufro, pensando en ella,
desde la tarde que la dejé!
Barrio de tango, luna y misterio,
¡desde el recuerdo te vuelvo a ver!

Un coro de silbidos allá en la esquina.
El codillo llenando el almacén.
Y el dramón de la pálida vecina
que ya nunca salió a mirar el tren.
Así evoco tus noches, barrio ‘e tango,
con las chatas entrando al corralón
y la luna chapaleando sobre el fango
y a lo lejos la voz del bandoneón.
Aníbal Troilo Letra: Homero Manzi

Traduction libre et indications

Un morceau de quartier, là-bas à Pompeya (quartier au sud de Buenos Aires), dormant sur le côté du talus (sans doute le terre-plein du chemin de fer qui coupe le quartier, voir plan en fin d’article).
Une lanterne qui se balance sur la barrière et le mystère d’un adieu que le train sème.
Un aboiement de chiens à la lune.
L’amour caché dans une porte cochère.
Et les crapauds redoublant dans le lac et au loin la voix du bandonéon.
Quartier du tango, lune et mystère, rues lointaines, comment seront-elles !
De vieux amis dont je ne me souviens même pas aujourd’hui, qu’ont-ils fait, où sont-ils !
Quartier de Tango, qu’est-il arrivé à celle-là, Juana, la blonde, que j’ai tant aimée.
Elle saura que je souffre, en pensant à elle, depuis l’après-midi où je l’ai quittée !
Quartier de tango, lune et mystère, depuis le souvenir, je te revois !
Un chœur de sifflements là-bas au coin de la rue.
Le codillo (articulation, coude, voire jeu de cartes) remplissant l’entrepôt (ou le magasin). Cette phrase est donc incertaine, au moins pour moi…
Et le drame de la pâle voisine qui n’est plus jamais sortie pour regarder le train.
C’est ainsi que j’évoque tes nuits, barrio de tango, avec les charrettes entrant dans le dépôt et la lune éclaboussant au-dessus de la boue et au loin la voix du bandonéon.

Autres versions

Barrio de tango 1942-12-14 – Orquesta Aníbal Troilo con Francisco Fiorentino.
Francesco Fiorentino et Aníbal Troilo
Barrio de tango 1942-12-30 – Orquesta Ángel D’Agostino con Ángel Vargas.
Ángel D’Agostino et Ángel Vargas
Barrio de tango 1943-01-19 – Orquesta Miguel Caló con Jorge Ortiz. C’est notre tango du jour.
Jorge Ortiz et Miguel Caló
Barrio de tango 1964-02-03 – Orquesta Aníbal Troilo con Nelly Vázquez.
Nelly Vázquez et Aníbal Troilo
Barrio de tango 1971 – Cuarteto Aníbal Troilo con Roberto Goyeneche.

Une capture à la radio, la qualité n’est pas au top, mais l’interprétation est intéressante.

Barrio de tango 1971-05-06 – Orquesta Aníbal Troilo con Roberto Goyeneche.

Les mêmes, enfin, pas tout à fait, car au lieu du cuarteto, c’est ici, l’orchestre de Troilo qui accompagne Goyeneche.

Aníbal Troilo con Roberto Goyeneche. Te acordás… Polaco ? Disque et photo

Pompeya, barrio de tango

Ou plutôt “Nueva Pompeya”, l’ancienne ayant eu des petits problèmes avec le Vésuve est un quartier du sud de Buenos Aires bordant le Riachuelo.

En jaune, Nueva Pompeya. On remarque la belle courbe et sa contrecourbe verte qui correspond au talus du chemin de fer, talus évoqué dans les paroles.
Pompeya, lors des inondations de 1912 et aujourd’hui. On remarque la voie ferrée sur son talus. Des entrepôts et usines au premier plan et au nord-est de la voie ferrée, quelques habitations.
Les touristes qui restent à Recoletta ou Palermo ne voient pas forcément la misère qui est toujours présente en Argentine. Sur la photo de gauche, la limite Barracas et Nueva Pompeya. On remarquera la présence de rails, ceux qui étaient utilisés pour le train des ordures. À droite, une habitation constituée de latas (bidons d’huile ou de pétrole lampant), ancêtre des logements actuels qui sont également créés à partir de matériaux de récupération comme on peut le voir sur la photo de gauche.

Je termine notre parcours dans un barrio de tango. Un parcours rapide et qui ne sera jamais dans les programmes des guides touristiques. C’est pourtant là un des berceaux du tango. Je vous invite à consulter mon anecdote sur le Barrio de las latas pour en savoir plus.

Un des ponts entre Aníbal Troilo et Miguel Caló

Aujourd’hui, je vais juste vous parler d’un petit pont, celui qui lie certains enregistrements de Troilo avec ceux de Caló.
Je m’amuse parfois à « tromper » les danseurs en leur proposant une fausse tanda de Caló qui est en fait 100 % Troilo. Je commence par un titre très proche de Caló et je dévie, ensuite, plus ou moins vers du pur Troilo. C’est un des avantages des tandas de quatre de pouvoir faire des transitions plus subtiles. Voici quelques titres enregistrés par Troilo qui peuvent, pour des oreilles peu averties, paraître proches de Caló. J’imagine que mes lecteurs qui sont des spécialistes ne vont pas adhérer à ces similitudes, mais je vous assure que l’illusion fonctionne assez bien comme j’ai pu le constater des dizaines de fois, notamment l’année du centenaire de Troilo où je passais beaucoup notre gordo favorito.
Corazón no le hagas caso
Lejos de Buenos Aires
Tristezas de la calle Corrientes
Percal
Después
Margarita Gauthier
Cada día te extraño mas
Fruta amarga
De barro
Gime el viento
La noche que te fuiste
Orquestas de mi ciudad
Il y a également des similitudes dans le choix des musiques, mais la plupart sont interprétées avec un style propre qui ne prête pas à confusion. Il y a aussi quelques Caló tardifs qui pourraient passer pour des Troilo de la décennie précédente.
On en reparlera…

À bientôt, les amis !

Mi cantar 1943-05-21 – Orquesta Miguel Caló con Jorge Ortiz

Héctor Stamponi (Luciano Héctor Stamponi) Letra: Homero Expósito (Homero Aldo Expósito)

On associe souvent Raúl Berón à Miguel Caló et on n’a pas tort. Berón commence vraiment sa carrière avec Caló et la termine avec lui. Cependant, il y a eu quelques séparations, notamment en 1943, date de notre tango du jour. Dans cet intervalle s’est glissé le talentueux Jorge Ortiz, un ténor alors que Caló privilégiait des voix plus graves de barytons. Je vous propose d’écouter Mi cantar par l’intérimaire de talent, Jorge Ortiz.

Extrait musical

Mi cantar 1943-05-21 — Orquesta Miguel Caló con Jorge Ortiz [Héctor Stamponi (Luciano Héctor Stamponi) Letra: Homero Expósito (Homero Aldo Expósito)].

Paroles

Mi cantar
es un canto de esperanza,
flor de yuyo, rabia mansa,
soledad.

Mi cantar
lo robé de las estrellas
en las horas de tristeza
que tu adiós me dejó.
Callejón
de caricias y sonidos
que, llegando del olvido
dan motivo a mi canción.

Mi cantar
es un canto de esperanza,
es un grito de dolor.
Un ayer de perfumes
y de flor,
y un adiós sin motivo,
y el rencor de esperar
y de esperar
escribió con olvido.

Mi cantar
gracia plena del fracaso,
con mi angustia, con tu acaso,
con tu adiós.

Mi cantar
cofre azul de lo imposible,
noche siempre, noche horrible,
noche así, como yo.
Corazón,
tú qué sabes de la angustia
de mi voz cansada y mustia,
no pretendas despertar.

Mi cantar
es la gracia del fracaso,
es el no saber llorar.

Héctor Stamponi (Luciano Héctor Stamponi) Letra: Homero Expósito (Homero Aldo Expósito)

Traduction libre

Ma chanson est une chanson d’espoir, une fleur sauvage (fleur de mauvaise herbe, voir Yuyo verde), une douce rage, une solitude.
J’ai volé mon chant aux étoiles dans les heures de tristesse que ton adieu m’a laissées.
Une ruelle de caresses et de sons qui, venus de l’oubli,
donnent raison à ma chanson.
Ma chanson est une chanson d’espoir, c’est un cri de douleur.
Un hier de parfums et de fleurs, et un adieu sans raison, et la rancœur de l’attente et de l’attente écrites dans l’oubli.
Mon chant de toute la grâce de l’échec, avec mon angoisse, avec tes hésitations, avec tes adieux.
Ma chanson, coffre bleu de l’impossible, nuit de toujours, nuit horrible, nuit ainsi, comme moi.
Mon cœur, toi qui connais l’angoisse de ma voix fatiguée et fanée (se dit aussi d’une fleur), n’essaye pas de te réveiller.
Mon chant est la grâce de l’échec, celui de ne savoir pas pleurer.

L’orchestre de Miguel Caló en 1943

Ce n’est pas pour rien que l’orchestre de Miguel Caló était appelé les Étoiles (Las Estrellas). Il avait monté un orchestre exceptionnel. Presque chaque exécutant pourrait faire l’objet d’une notice.
Bandonéons : Domingo Federico, Armando Pontier, José Cambareri, Felipe Ricciardi
Piano : Osmar Maderna
Violons : Enrique Francini, Aquiles Aguilar, Ariol Ghesaghi, Angel Bodas
Contrebasse : Ariel Pedernera
Chanteurs : Jorge Ortiz (ténor, celui de ce titre), Raúl Iriarte et Alberto Podestá (barytons). Signalons aussi pour mémoire Raúl Berón, un autre baryton qui est indissociable de l’orchestre de Miguel Caló. C’est qu’en 1943, Raúl Berón était avec l’orchestre de Lucio Demare. Il est retourné avec Caló seulement en 1944. Il y a donc un trou dans l’association avec Berón qui a duré de 1942 à 1963 (avec quelques trous, dont un grand en ce qui concerne les enregistrements entre 1950 et 1963…

Jorge Ortiz avec Miguel Caló

Curieusement, ce titre est encore un orphelin. Personne n’a, semble-t-il, eu l’idée de l’enregistrer à la suite de Caló et Ortiz.
Pour terminer en musique, je vous propose donc quelques exemples de tangos chantés par Jorge Ortiz avec l’orchestre de Calo :
La première session d’enregistrement, sur deux jours a donné trois titres parfaits :

Barrio de tango 1943-01-19 — Orquesta Miguel Caló con Jorge Ortiz (Aníbal Troilo Letra: Homero Manzi).
Pa’ qué seguir 1943-01-19 – Orquesta Miguel Caló con Jorge Ortiz (Francisco Fiorentino Letra: Pedro Lloret).
A las siete en el café 1943-01-20 — Orquesta Miguel Caló con Jorge Ortiz (Armando Baliotti Letra: Santiago Luis D. Adamini).

C’est une version bien plus intéressante que celle de Ángel D’agostino et Raúl Aldao, de la même année.
Cela commençait bien, non ?
Un mois plus tard, ils enregistrent :

Ya sale el tren 1943-02-25 — Orquesta Miguel Caló con Jorge Ortiz (Luis Rubistein, Musique et paroles).

Une des plus impressionnantes introductions liées au monde ferroviaire. Je vous laisse découvrir si vous ne connaissez pas.

De barro 1943-05-21 — Orquesta Miguel Caló con Jorge Ortiz (Sebastián Piana Letra: Homero Manzi).

Pour moi, c’est un ovni, une soucoupe volante que l’on aura bien du mal à caser dans une tanda de Caló.

Mi cantar 1943-05-21 — Orquesta Miguel Caló con Jorge Ortiz [Héctor Stamponi (Luciano Héctor Stamponi) Letra: Homero Expósito (Homero Aldo Expósito)].

C’est notre tango du jour. Il me rassure sur l’association de Caló et Ortiz.
Le dernier titre enregistré par ces deux-là, c’est une milonga candombe :

Pobre negra 1943-06-10 — Enrique Mario Francini; Héctor Stamponi [Héctor Luciano Stamponi) Letra: Homero Expósito (Homero Aldo Expósito)]

Le DJ qui veut faire une tanda Calo Ortiz a 6 titres au choix (la milonga est orpheline). Si on considère que De barro est à terre, il reste 5 titres… Pour une tanda de quatre, il faut en éliminer un et pour une tanda de trois, deux. C’est une des raisons où je trouve que les tandas de quatre sont plus intéressantes, car elles permettent de faire des parcours plus subtils que des tandas de trois. Mais c’est un autre débat. Voir mon article Tanda 5-4-3-2-1.

Mi cantar