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Milonga de los fortines 1937-09-28 — Típica Victor con Mariano Balcarce Direction Federico Scorticati

Sebastián Piana Letra: Homero Manzi

Les danseurs recon­nais­sent immé­di­ate­ment cette milon­ga qui s’annonce par un coup de cla­iron. Cepen­dant, ils ne savent peut-être pas tous pourquoi cet instru­ment inso­lite s’est invité dans l’orchestre pour cette courte presta­tion. Je vous pro­pose d’en décou­vrir la rai­son en nous plongeant dans l’histoire de la jeune nation argen­tine.

Extrait musical

Milon­ga de los fortines 1937-09-28 — Típi­ca Vic­tor con Mar­i­ano Bal­carce Direc­tion Fed­eri­co Scor­ti­cati
Milon­ga de los fortines — Disque Vic­tor 38285 — Face A.

Paroles

Milon­ga de cien rey­er­tas
tem­pla­da como el val­or.
Gri­to de pam­pa desier­ta
dicien­do su aler­ta
con voz de can­tor.
Milon­ga de qui­ta penas.
Nos­tal­gia de población.
Can­to qu’en noche ser­e­na
su rezo despe­na
detrás del fogón.

Diana de vie­jas vic­to­rias
en la pun­ta del tro­pel,
con tu van­guardia de glo­ria
serás en la his­to­ria
can­ción y lau­rel.
Son de queren­cia queri­da
en las noches del cuar­tel.
Pena de chi­na queri­da
que al fin afligi­da
dejó de ser fiel.

Resue­nan con tus acen­tos,
milon­ga del batal­lón,
gri­tos de viejos sar­gen­tos
car­gan­do en el vien­to
con el escuadrón.
Y vuel­ven en los sonidos
agu­dos del cor­netín,
ecos de mil alar­i­dos
que esta­ban per­di­dos
detrás del con­fín.

Gime el desier­to rodan­do
sus rumores de huracán…
Vienen las lan­zas car­gan­do
y están aguai­tan­do
la Cruz y el Puñal.
Glo­ria de aquel coman­dante
que jamás volvió al can­tón.
Besan su bar­ba cervu­na
la luz de la luna
y el fuego del sol.
Sebastián Piana Letra: Home­ro Manzi

Traduction libre et indications

Milon­ga de cent batailles, tem­pérée comme le courage.
Cri de la pam­pa déserte dis­ant son alerte d’une voix de chanteur.
Milon­ga qui ôte les cha­grins.
Nos­tal­gie de la pop­u­la­tion (de l’humanité com­mune ?).
Je chante pour que dans la nuit sere­ine, sa prière s’achève (despe­nar en lun­far­do, c’est achev­er un ani­mal mourant, ou couper les cheveux courts…) der­rière le feu.
Diane des anci­ennes vic­toires à la tête de la troupe, avec ton avant-garde de gloire tu seras dans l’his­toire chan­son et lau­ri­ers.
Vous serez très aimés les nuits de la caserne (quarti­er).
Cha­grin d’une com­pagne chérie qui, à la fin, affligée, a cessé d’être fidèle.
Ils réson­nent avec tes accents, milon­ga du batail­lon, les cris des vieux ser­gents chargeant au vent avec l’escadron.
Et ils revi­en­nent aux sons aigus du cor­net, échos de mille hurlements qui se sont per­dus der­rière les con­fins.
Le désert gémit en roulant ses rumeurs d’oura­gan…
Les lances vien­nent en chargeant et elles arrosent la Croix et le Poignard.
Gloire à ce com­man­dant qui n’est jamais revenu au can­ton­nement.
Ils embrassent sa barbe rousse (couleur de cerf), la lumière de la lune et le feu du soleil.

Autres versions

Milon­ga de los fortines 1937-09-28 — Típi­ca Vic­tor con Mar­i­ano Bal­carce Direc­tion Fed­eri­co Scor­ti­cati.
Milon­ga de los fortines 1981-06-23 — Nel­ly Omar con el con­jun­to de gui­tar­ras de José Canet.

Les forts (los fortines)

Cette milon­ga est ancrée pro­fondé­ment dans l’histoire de l’Argentine.

Ren­con­tre du gou­verneur Gerón­i­mo Mator­ras avec le Cacique Paykin — Tomás Cabr­era 1774 (Musée d’histoire de Buenos Aires). Com­po­si­tion com­plète à gauche, présen­tant en haut la jus­ti­fi­ca­tion religieuse des faits mil­i­taires.

En 1774, un accord a été trou­vé entre les Mocovies et les Espag­nols, ce que représente l’œuvre de Tomás Cabr­era. Cepen­dant, l’expansion des Européens ne va pas laiss­er les choses ain­si et il fut décrété une con­quête du désert (Con­quista del Desier­to).
Le terme de désert a été choisi pour nier l’existence de peu­ples pre­miers sur les ter­ri­toires. On con­naît mieux l’histoire Nord-améri­caine, notam­ment par les cen­taines de « west­erns » et Lucky Luke, mais il est facile d’imaginer que les exac­tions furent les mêmes en Argen­tine.
Pour con­solid­er leurs avancés et se pro­téger des pop­u­la­tions indi­ennes qui souhaitaient con­serv­er la jouis­sance de leurs espaces, les mil­i­taires ont mon­té des forts, con­struc­tions som­maires qui se sont par la suite ren­for­cées et qui sont aujourd’hui des villes.

Évo­lu­tion des forts. En haut, sim­ples palis­sades et baraque­ments en bois. Au cen­tre, le fort Codi­hue. En bas, des con­struc­tions en dur appa­rais­sent. En bas à droite, c’est la mai­son des com­man­dants du fort « Général Roca ».
Cam­paña del Desier­to 1879 — Par Anto­nio Poz­zo. Un siè­cle plus tard, les prob­lèmes avec les Indi­ens sont tou­jours au cœur des préoc­cu­pa­tion de cer­tains comme le Général Roca qui prô­nait l’extermination de tous les peu­ples pre­miers.
La vuelta del malón 1892 — Angel Del­la Valle. Les peu­ples pre­miers sont présen­tés comme des sauvages qui raptent les femmes et les objets saints. Ce type de pein­ture que l’on trou­ve au musée des Beaux-Arts de Buenos Aires sert de jus­ti­fi­ca­tion aux exac­tions visant à exter­min­er les peu­ples pre­miers.

Nous arrivons au bout de ce petit par­cours his­torique, pas for­cé­ment en faveur de la fierté de l’Argentine, mais quel peu­ple colonisa­teur n’a pas com­mis son lot d’horreurs ?

La prochaine fois que vous enten­dez le cla­iron, vous aurez peut-être une pen­sée pour ces indi­ens décimés et vous danserez une milon­ga endi­a­blée en hom­mage à leurs souf­frances.

Lucky Luke de Mor­ris, ici sur le cou­ver­cle d’une boîte con­tenant le fort Canyon en bois (1985, Coman­si, Dar­gaud).

Dif­fi­cile de ne pas faire le lien entre l’Amérique du Nord et celle du Sud. James Huth s’est sans doute fait la même réflex­ion, car c’est en Argen­tine (Men­doza, Salta et Jujuy), qu’il a tourné le film Lucky Luke.

N’oublions pas égale­ment que René Goscin­ny, le scé­nar­iste de Lucky Luke (et Astérix) a égale­ment vécu en Argen­tine de 1928 à 1945.

À bien­tôt, les amis, je m’en vais sur mon blanc cheval, musi­calis­er une milon­ga où je passerai peut-être la Milon­ga de los fortines.

I’m a poor lone­some cow­boy (Lucky Luke Theme) 1971 — Claude Bolling. Générique du dessin ani­mé sor­ti en 1971.