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Salud… dinero y amor 1939-07-25 – Orquesta Enrique Rodríguez con Roberto Flores

Rodolfo Aníbal Sciammarella (paroles et musique)

Voilà que le tango et plus précisément la (mais on verra que ce n’est pas si simple) vous prodigue des conseils de vie. Chers amis, je vous enjoins de les suivre et de chanter avec Roberto Flores le refrain de cette valse entraînante composée et mise en paroles par Rodolfo Aníbal Sciammarella et interprété par l’orchestre chéri de mon ami Christian, Enrique Rodriguez.

Selon Mariano Mores, aurait composé une zamba (voir l’anecdote du 7 avril sur la zamba). Comme il n’était pas très doué pour écrire la musique, il a demandé à Mariano de la transcrire pour lui. Celui-ci a trouvé que c’était plus joli en valse et aurait donc adapté la musique à ce rythme…

Une édition de Julio Korn de en zamba

Extrait musical

Salud… dinero y amor 1939-07-25 – Orquesta Enrique Rodríguez con Roberto Flores.

Pas de doute, notre version du jour est parfaitement une valse, sans trace de zamba. Je me demande toutefois si la version en zamba n’a pas été utilisée dans d’autres occasions. Nous y reviendrons avec la liste des versions.

Avis de recherche

Le 7 mars 1939, un film est sorti. Son titre était Mandiga en la sierra. Ce film a été réalisé par Isidoro Navarro sur un scénario de Arturo Lorusso et Rafael J. de Rosas. Ce film était basé sur la pièce de théâtre homonyme. Parmi les acteurs, Luisa Vehil, Eduardo Sandrini, et Pedro Quartucci, mais celui qui m’intéresse est Francisco Amor qui y interprète Salud…dinero y amor.

Luisa Vehil, Nicolás Fregues et Pedro Quartucci dans Mandinga en la sierra (1939)

Dans ce film, en plus de Francisco Amor, il y a Myrna Mores et sa sœur Margot. Depuis 1938, Mariano Mores, celui qui a couché sur la partition l’idée musicale de Rodolfo Sciammarella faisait un trio avec les deux sœurs Mores. En 1943, il épousera Myrna. On voit comme ce film est assez central autour des Mores et de cette valse.
Si vous savez où trouver ce film, je suis preneur…
Vous pouvez trouver sa fiche technique ici : https://www.imdb.com/title/tt0316217/?ref_=nm_knf_t_1

La pièce de théâtre était jouée en 1938. Est-ce que la version chantée ou jouée dans la pièce était sous forme de zamba, je ne le sais pas. En ce qui concerne le film, même si je ne l’ai pas encore trouvé, j’imagine que c’est en valse, car le succès du thème qui a été enregistré majoritairement sous cette forme. Je vous réserve deux surprises dans les « autres versions » qui pourraient faire mentir ou confirmer cette histoire.

Paroles

Tres cosas hay en la vida:
salud, dinero y amor.
El que tenga esas tres cosas
que le dé gracias a Dios.
Pues, con ellas uno vive
libre de preocupación,
por eso quiero que aprendan
el refrán de esta canción.

El que tenga un amor,
que lo cuide, que lo cuide.
La salud y la platita,
que no la tire, que no la tire.
Hay que guardar, eso conviene
que aquel que guarda, siempre tiene.
El que tenga un amor,
que lo cuide, que lo cuide.
La salud y la platita,
que no la tire, que no la tire.

Un gran amor he tenido
y tanto en él me confié.
Nunca pensé que un descuido
pudo hacérmelo perder.
Con la salud y el dinero
lo mismo me sucedió,
por eso pido que canten
el refrán de esta canción.

Rodolfo Aníbal Sciammarella (paroles et musiques)

Traduction libre des paroles

Il y a trois choses dans la vie :
la santé, l’argent et l’amour.
Quiconque possède ces trois choses devrait remercier Dieu.
Eh bien, avec eux, on vit sans souci, c’est pourquoi je veux que vous appreniez le dicton de cette chanson.

Celui qui a un amour, qu’il en prenne soin, qu’il en prenne soin.
La santé et la monnaie, ne la jetez pas, ne la jetez pas.
Il faut garder, il convient que celui qui garde, toujours a.
Celui qui a un amour, qu’il en prenne soin, qu’il en prenne soin.
La santé et la monnaie, ne la jetez pas, ne la jetez pas.

J’ai eu un grand amour et j’ai tellement cru en lui.
Je n’ai jamais pensé qu’un manque d’attention pouvait me le faire perdre.
La même chose m’est arrivée avec la santé et l’argent, alors je vous demande de chanter le dicton de cette chanson.

Autres versions

Salud, dinero y amor 1930 – Duo Irusta-Fugazot accomp. de Orquesta Argentina (Barcelona).

Je pensé que vous avez remarqué plusieurs points étranges avec cette version. Le son a beaucoup d’écho, ce qui ne faisait pas à l’époque. Je pense donc que c’est une édition « trafiquée ». Mon exemplaire vient de l’éditeur El Bandoneón qui a édité entre 1987 et 2005 différents titres dont certains assez rares. Cet est sur leur CD El Tango en Barcelona CD 2 – (EBCD-046) de 1997. Je n’en connais pas d’autre. Sur la date d’enregistrement de 1930, en revanche, c’est très probable, car cela correspond à l’époque où le trio était actif en France et Barcelone.
L’autre point étrange est qu’il s’agit d’une valse et pas d’une zamba. Si Sciammarella a « écrit » une zamba et que Mariano Mores l’a transformé en valse seulement en 1938, il y a un problème. Cet enregistrement devrait être une zamba. Je pense donc que Sciammarella a fait vivre conjointement les deux versions et que c’est la version valse qu’a adaptée le tout jeune Mariano Mores. Mais on va revenir sur ce point plus loin…

Salud… dinero y amor 1939-07-25 – Orquesta Enrique Rodríguez con Roberto Flores.

C’est notre valse du jour. Vos chaussures, si vous êtes danseur, doivent être désormais capables de la danser seules. Le rythme est assez rapide et le style haché de Rodríguez fait merveille pour inciter à donner de l’énergie dans la danse. La voix de Flores, plus élégante de celle de Moreno, l’autre chanteur vedette de Rodríguez est agréable. L’orchestration de la fin de la valse est superbe, même si Rodríguez décide, une fois de plus, d’y placer un chœur, habitude qui peut susciter quelques réticences.

Salud, dinero y amor 1939-08-08 – C Jorge Omar.

Une version assez piquée et pesante. Elle est moins connue que la version de Rodriguez. On comprend pourquoi, sans toutefois qu’elle soit à mettre au rebut. Comme chez Canaro, Lomuto fait intervenir une clarinette, scorie de la vieille garde. La fin est cependant assez intéressante, donc si un DJ la passe, cette valse ne devrait pas laisser une mauvaise impression.

Salud, dinero y amor 1939-09-11 – Francisco Canaro y Francisco Amor.

Sur le même rythme que Lomuto, Canaro propose une version plus légère. Les vents (instruments à vent) auxquels Canaro reste fidèle donnent la couleur particulière de l’orchestre. Francisco Amor chante de façon décontractée avec un peu de gouaille.

Salud, dinero y amor 1939-09-27 – con orquesta.

L’accent mexicain d’Arvizu, surprend, on est plus accoutumé à l’entendre dans des boléros. L’orchestre où les guitares ont une présence marquée est un peu léger après l’écoute des versions précédentes. Buenos Aires lui aurait donné le surnom de ténor à la voix de soie (El Tenor de la Voz de Seda). Je vous laisse en juger…

Salud… dinero y amor 1939-11-03 – Charlo con guitarras (zamba ).

Ce titre n’est pas une valse, on reconnaît le rythme de la cueca à la guitare dans la première partie, puis le rythme s’apaise et passe en zamba avec des roucoulements étranges.
Finalement, ce n’est pas une zamba, pas une cueca. C’est un ovni.
Le nom de zamba cueca existe et couvre différentes variétés de danses, notamment du Chili.
La distinction de la vingtaine de variétés de cuecas, le fait que la zamba cueca serait aussi dénommée zambacueca, zamacueca ou zambaclueca, ce dernier terme évoquerait encore plus clairement la poule pondeuse, la cueca se référant à la parade d’oiseaux, font que pour moi, cela reste assez mystérieux.
Le témoignage de Mario Mores, appuyé par la partition qui mentionne zamba et cette interprétation de Charlo prouve que Salud… dinero y amor n’est pas seulement une valse.

Salud… dinero y amor 1940-07-02 – Agustín Irusta acc. Orquesta de Terig Tucci.

Salud… dinero y amor 1940-07-02 – Agustín Irusta acc. Orquesta de Terig Tucci. On retrouve Irusta qui a enregistré pour Decca à New York, accompagné de l’orchestre de Terig Tucci. Ce n’est pas vilain et si ce n’est pas le top de la danse, c’est plus dansable que la version du duo de 1930.

Après la « folie » accompagnant la sortie du fameux film que je n’ai pas trouvé, l’intérêt pour cette valse s’atténue. On la retrouve cependant un peu plus tard dans quelques versions que voici.

Salud… dinero y amor 1955 c — Inesita Pena — La Orquesta y coro.

Pour un enregistrement des années 1950, ça fait plutôt vieillot. Ne comptez pas sur moi pour vous la proposer en milonga.

Salud… dinero y amor 1966 – Típica Sakamoto con Ikuo Abo.

On connaît l’engouement incroyable du Japon pour le tango, la Típica Sakamoto nous en donne un exemple. Vous aurez facilement reconnu la voix très typée de Ikuo Abo. Les chœurs sont assez élégants. Il me semble entendre une partie de soprano dans le chœur tenue par une femme.

Salud… dinero y amor 1969 – Alberto Podestá con Orquesta .

Bon, il faut bien du tango à écouter, aussi. Et la voix de Podestá est tout de même une merveille, non ?

À demain, les amis, je vous souhaite santé, argent et amour.

Horas de pasión 1956-05-02 — Roberto Firpo y su Cuarteto Típico

Roberto Firpo Letra : José A. Bugliot ;

Le tango est une passion, mais la passion est aussi objet de tango. Cette jolie valse a été écrite par Firpo qui l’a enregistrée à deux reprises. Je vous invite donc à entrer dans la valse (Heures de passion). Un sujet léger, à la limite du mystique.

Cette valse a été écrite par Roberto Firpo pour la comédie lyrique Hoy te llaman milonguita qui a été interprétée au Teatro Apolo de Buenos Aires durant l’année 1932.
Les protagonistes, acteurs et chanteurs, membres de la compagnie Olinda Bozán, étaient les suivants :
Olinda Bozán (qui assurait aussi la mise en scène), Eloy Alvarez, Arrieta, Francisco Charmiello, Pedro Fiorito, Tita Galatro, Miguel Ligero, Carlos Morales, Chola Osés, Leonor Rinaldi, Aída Sportelli, Susana Vargas. Principe Azul (Herberto Emiliano Costa) qui a enregistré le titre sur disque semble aussi avoir fait partie du spectacle.
Roberto Firpo a écrit et dirige la musique.

À gauche, le théâtre Apolo en 1949, 17 ans après la représentation de « Hoy te llaman Milonguita ». On remarquera que Olindan Bozan est toujours à l’affiche… En haut à droite, le théâtre dans les années 30 et en bas à droite, la représentation de « Hoy te llaman Milonguita » en 1932.

Extrait musical

Horas de pasión 1956-05-02 — Roberto Firpo y su .

Paroles

Fiebre del amor que ignoraba mi corazón
nubes de ilusión de un ensueño arrobador,
yo seré la fuente de tu noble inspiración
donde volcarse tus alegrías y tu dolor.
Si mi lirismo es tu fe
tu poesía es mi religión.

(recitado)
Noches de ilusión de un ensueño arrobador.

Del inmortal Dios amor
tal es el gran poder,
que nos conduce al placer
en brazos del dolor.

(recitado)
Sueños, placeres, dolor,
sigue cantando mi bien,
que la canción es también
caricia para el amor

En la noche larga de mi honda desolación
me llegó una vez que a la esperanza me despertó
de tan celestial como campana de nuevo son
la divina voz de Jesucristo me pareció,
Me descubriste al amor…
¡Y yo bendigo tu aparición!

(recitado)
Me llegó una voz que a la esperanza me despertó.

Roberto Firpo Letra: José A. Bugliot ; Rafael José De Rosa

Principe Azul ne chante et dit que ce qui est en gras. Il est probable que dans le spectacle, la partie chantée était plus longue. Faute d’, on ne le saura pas…

Traduction libre

Fièvre de l’amour que mon cœur a ignorée, nuages d’illusion d’un rêve enchanteur, je serai la source de ta noble inspiration où déverser tes joies et ta douleur.
Si mon lyrisme est ta foi, ta poésie est ma religion.
(récitatif)
Nuits d’illusion d’un rêve enchanteur.
De l’immortel Dieu Amour, tant est grand le pouvoir, qu’il nous mène au plaisir dans les bras de la douleur.
(récitatif)
Rêves, plaisirs, douleurs, continue à chanter ma bonne, car la chanson est aussi, caresse pour l’amour.
Dans la longue nuit de ma profonde désolation, une fois que la voix divine de Jésus-Christ m’a semblé m’éveiller à l’espérance, aussi céleste que le son de la cloche, tu m’as ouvert à l’amour…
Et je bénis ton apparition!
(récitatif)
Une voix m’est parvenue qui m’a éveillé à l’espoir.

Autres versions et pièces complémentaires

Horas de pasión 1932-09-27 – Orquesta Roberto Firpo con Príncipe Azul.

C’est la version de la comédie lyrique « Hoy te llaman Milonguita”. Principe Azul ne chante que l’estribillo et dit un récitatif (en gras dans les paroles). Cette forme est un intermédiaire entre la version théâtrale et la version de danse.

On notera, comme pour beaucoup d’œuvres de l’époque, une introduction assez longue. Comme DJ, on les coupe ou on les raccourcit souvent, sauf parfois en début de tanda ou de longues introductions permettent aux d’aller tranquillement sur la piste.
Vous vous êtes peut-être demandé quelle mouche piquait les compositeurs pour faire des introductions qui duraient parfois une minute. Si oui, vous avez peut-être déjà la réponse. Sinon, voici la mienne. Ces compositions étant destinées à la scène ou au cinéma, elles s’inscrivent dans la continuité de l’action et il convient donc « d’amener » la partie musicale de façon harmonieuse. Les acteurs/chanteurs se mettent en place, on change l’ambiance par rapport à la scène précédente. Ceux qui pratiquent l’opéra connaissent ce principe.
Lorsque l’on souhaite adapter ce type de composition à une milonga, il nous faut couper l’introduction. Les logiciels spécialisés pour les DJ le permettent facilement en permettant de repérer le début souhaité (c’est une des raisons des écoutes au casque, pour caler les musiques). On place des « Points CUE » qui permettent d’accéder directement à la partie souhaitée. Si le titre a été préparé à l’avance, on peut avoir supprimé directement l’introduction. C’est ce que font les « DJ » qui utilisent des playlists, car ils ne peuvent pas intervenir sur les points d’entrée à partir des logiciels pour playlist (type iTunes).

Hoy te llaman milonguita 1932-09-27 — Orquesta Roberto Firpo con Príncipe Azul.

Le nom de ce tango, qui est celui de la comédie lyrique où elle a été créée, vient bien sûr des paroles de « Milonguita » (paroles de Samuel Linning, sur une musique d’Enrique Pedro Delfino). Cette œuvre contient des motifs de « Cabaret de Cristal », comme vous pourrez en juger vous-même.

Cabaret de cristal 1932-09-15 — Orquesta Roberto Firpo.

Il s’agit d’un tango sinfónico, donc a priori, pas destiné à la danse, mais il est tout de même sympa et je pense que certains danseurs apprécieront.  Bien sûr, la très longue introduction de 45 secondes devra être amputée pour éviter que les danseurs s’endorment sur la piste.

Horas de pasión 1956-05-02 — Roberto Firpo y su Cuarteto Típico.

La reprise du titre par le Cuarteto de Firpo, 24 ans plus tard. C’est notre valse du jour. L’introduction qui faisait 22 secondes est ici réduite à une dizaine de secondes, ce qui la rend compatible avec les milongas actuelles.
Voici maintenant, Milonguita, qui a inspiré les paroliers de la comédie lyrique. Ici en version instrumentale, par Firpo en 1920. La première à avoir chanté le titre était María Esther Podesta, de la famille qui possédait le théâtre Apolo… C’était le 12 mai 1920 avec le guitariste , le disque de Firpo doit donc être un peu postérieur, comme les autres de la même année, qui prouvent que ce tango (surnommé également Esthercita) a eu beaucoup de .

Une petite fantaisie

Pour terminer cette histoire d’amour, deux autres titres totalement différents et qui ne sont liés à notre valse du jour que par le titre. Il s’agit du , Horas de pasión composé par Francisco Paredes Herrera (Équateur) avec des paroles de Juan de Dioz Peza ().
Il a été enregistré par le Dúo Benítez-Valencia.

Horas de pasión – Dúo Benítez-Valencia.

Mais surtout, je vous propose la magnifique version de Julio Jaramillo (Équateur) avec en prime les paroles en karaoké.

Horas de pasión – Julio Jaramillo

Fin du cours accéléré d’espagnol…
À demain, les amis !