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El bajel 1948-06-24 — Orquesta Osmar Maderna

Francisco De Caro; Julio De Caro

Le bateau à voiles, el bajel et ses com­pagnons plus tardifs à char­bon, ont été les instru­ments de la décou­verte des Amériques par les Européens. Notre tan­go du jour lui rend hom­mage. C’est un tan­go plutôt rare, écrit par deux des frères De Caro. Si les deux sont nés à Buenos Aires, leurs par­ents José De Caro et Mar­i­ana Ric­cia­r­di sont nés en Ital­ie et donc venus en bateau. Mais peut-être ne savez-vous pas qu’on vous mène en bateau quand on vous vante les qual­ités de com­pos­i­teur et de nova­teur de Julio De Caro. Nous allons lever le voile et hiss­er les voiles pour nous lancer à a décou­verte de notre tan­go du jour.

Ce week-end, j’ai ani­mé une milon­ga organ­isée par un cap­i­taine de bateau. Je lui dédie cette anec­dote. Michel, c’est pour toi et pour Del­phine, que vous puissiez voguer, comme les pio­nniers à la ren­con­tre des mer­veilles que recè­lent la mer et les ter­res loin­taines au com­pas y al com­pás de un tan­go.

Sex­te­to de Julio De Caro vers 1927.

Au pre­mier plan à gauche, Émilio de Caro au vio­lon, Arman­do Blas­co, ban­donéon, Vin­cent Scia­r­ret­ta, Con­tre­basse, Fran­cis­co De Caro, piano; Julio De Caro, vio­lin à Cor­net et Pedro Lau­renz au ban­donéon. Emilio est le plus jeune et Fran­cis­co le plus âgé des trois frères présents dans le sex­te­to. Julio avec son vio­lon à cor­net domine l’orchestre

Extrait musical

Par­ti­tion de El bajel signée Fran­cis­co et Julio De Caro… Notez qu’il est désigné par le terme “Tan­go de Salon” et qu’il est dédi­cacé à Pedro Maf­fia et Luis Con­sen­za.
El bajel 1948-06-24 — Orques­ta Osmar Mader­na.

Ce n’est assuré­ment pas un tan­go de danse. Il est d’ailleurs annon­cé comme tan­go de salon. Con­traire­ment aux tan­gos de danse où la struc­ture est claire, par exem­ple du type A+B, ou A+A+B ou autre, ici, on est devant un déploiement musi­cal comme on en trou­ve en musique clas­sique. Pour des danseurs, il manque le repère de la pre­mière annonce du thème, puis celle de la reprise. Ici, le développe­ment est con­tinu et donc il est impos­si­ble de devin­er ce qui va suiv­re, sauf à con­naître déjà l’œuvre.
C’est une des car­ac­téris­tiques qui per­met de mon­tr­er que la part de Fran­cis­co et bien plus grande que celle de son petit frère dans l’affaire, ce dernier étant plus tra­di­tion­nel, comme nous le ver­rons ci-dessous, par exem­ple dans le tan­go 1937 qui est de con­cep­tion « nor­male ». Entrée musi­cale, chanteur qui reprend le thème avec le refrain…

Autres versions

El bajel 1948-06-24 — Orques­ta Osmar Mader­na. C’est notre tan­go du jour.
El bajel Hora­cio Sal­gán au piano. C’est un enreg­istrement de la radio, la qual­ité est médiocre et de plus, le pub­lic était enrhumé.
El bajel — Hora­cio Sal­gán (piano) et Ubal­do De Lío (gui­tare). Une ver­sion de bonne qual­ité sonore avec en plus la gui­tare de Ubal­do De Lío.
El bajel 2013 — Orques­ta Típi­ca Sans Souci.

L’orchestre Sans Souci sort de sa zone de con­fort qui est de jouer dans le style de Miguel Caló. Le résul­tat fait que c’est le seul tan­go de notre sélec­tion qui soit à peu près dans­able. On notera en fin de musique, le petit chapelet de notes qui est la sig­na­ture de Miguel Caló, mais que l’on avait égale­ment dans l’enregistrement de Mader­na…

El bajel 2007 — Trio Peter Brein­er, Boris Lenko y Stano Palúch.

Une ver­sion tirant forte­ment du côté de la musique clas­sique. Mais c’est une ten­dance de beau­coup de musi­ciens que de tir­er vers le clas­sique qu’ils trou­vent par­fois plus intéres­sant à jouer que les arrange­ments plus som­maires du tan­go de bal.

Julio ou Francisco ?

Si le prénom de Julio a été retenu dans les his­toires de tan­go, c’est qu’il était, comme Canaro, un entre­pre­neur, un homme d’affaires qui savait faire marcher sa bou­tique et se met­tre en avant. Son frère Fran­cis­co, aîné d’un an, n’avait pas ce tal­ent et est resté toute sa vie au sec­ond plan, mal­gré ses qual­ités excep­tion­nelles de pianiste et com­pos­i­teur. Il a fail­li créer un sex­te­to avec Clausi, mais le pro­jet n’a pas abouti, juste­ment, par manque de capac­ité entre­pre­neuri­ale. Nous évo­querons en fin d’article un autre sex­te­to dont il est à l’origine, sans lui avoir don­né son prénom.
En tan­go comme ailleurs, ce n’est pas tout que de bien faire, encore faut-il le faire savoir. C’est dom­mage, mais ceux qui tirent les mar­rons du feu ne sont pas tou­jours ceux qui les man­gent.
Julio, était donc un homme avec un car­ac­tère plutôt fort et il savait men­er sa bar­que, ou son bajel dans le cas présent. Il a su utilis­er les tal­ents de son grand frère pour faire marcher sa bou­tique.
Fran­cis­co est mort pau­vre et Pedro Lau­renz qui, comme Fran­cis­co a beau­coup don­né à Julio, a aus­si con­nu une fin économique­ment dif­fi­cile.
Julio a signé ou cosigné des titres avec Maf­fia, Fran­cis­co (son frère) et Lau­renz, sans tou­jours faire la part des par­tic­i­pa­tions respec­tives, qui pou­vaient être nulles dans cer­tains cas, mal­gré son nom en vedette.
Par exem­ple ; El arranque, Boe­do ou Tier­ra queri­da sont signés par Julio Caro alors qu’ils sont de Pedro Lau­renz qui n’est même pas men­tion­né.

Sex­te­to De Caro — Julio de Caro (vio­loniste et directeur d’orchestre, Emilio De Caro (vio­loniste), Pedro Maf­fia (ban­donéon­iste), Leopol­do Thomp­son (con­tre­bassiste), Fran­cis­co De Caro (pianiste), Pedro Lau­renz (ban­donéon­iste).

Sur cette image tirée de la cou­ver­ture d’une par­ti­tion de La revan­cha de Pedro Lau­renz on trou­ve l’équipe de com­pos­i­teurs asso­ciée à Julio De Caro :

  • Emilio De Caro, le petit frère qui a com­posé une dizaine de titres joués par l’orchestre de Julio.
  • Fran­cis­co De Caro, le grand frère qui est prob­a­ble­ment le com­pos­i­teur prin­ci­pal de l’orchestre de Julio, que ce soit sous son nom, en col­lab­o­ra­tion de Julio ou comme com­pos­i­teur « caché ».
  • Pedro Maf­fia, qui « don­na » quelques titres à Julio quand il tra­vail­lait pour le sex­te­to
  • Pedro Lau­renz, qui fut égale­ment un four­nisseur de titres pour l’orchestre.
  • Je pour­rais rajouter Ruper­to Leopol­do Thomp­son (le con­tre­bassiste) qui a don­né Cati­ta enreg­istré par l’orchestre de Julio de Caro en 1932. Con­traire­ment aux com­po­si­tions des frères de Julio, de Maf­fia et de Lau­renz, c’est un tan­go tra­di­tion­nel, pas du tout nova­teur.

Quelques indices proposés à l’écoute

Avancer que Julio De Caro n’est pas for­cé­ment la tête pen­sante de l’évolution decari­enne, mérite tout de même quelques preuves. Je vous pro­pose de le faire en musique. Voici quelques titres inter­prétés, quand ils exis­tent, par l’orchestre de Julio de Caro pour ne pas fauss­er la com­para­i­son… Vous en recon­naîtrez cer­tains qui ont eu des ver­sions pres­tigieuses, notam­ment par Pugliese.

Tangos écrits par Julio de Caro seul :

Viña del mar 1936-12-13 – Orques­ta Julio De Caro con Pedro Lau­ga.

Après l’annonce, le thème qui sera repris ensuite par le chanteur, Pedro Lau­ga. Une com­po­si­tion clas­sique de tan­go.

1937 (Mil nove­cien­tos trein­ta y siete) 1938-01-10 — Orques­ta Julio de Caro con Luis Díaz.

Le tan­go est encore com­posé de façon très tra­di­tion­nelle, sans les inno­va­tions que son frère apporte, comme dans Flo­res negras que vous pour­rez enten­dre ci-dessous.

Ja, ja, ja 1951-06-01 — Orques­ta Julio De Caro con Orlan­do Ver­ri. Des rires que l’on retrou­vera dans Mala jun­ta.

Je vous laisse méditer sur l’intérêt de ces enreg­istrements.

Atten­tion, pour ces titres, comme pour les suiv­ants, il ne s’agit pas de musique de danse. Ce n’est donc pas l’aune de la dans­abil­ité qu’il faut les appréci­er, mais plutôt sur leur apport à l’évolution du genre musi­cal, ce qui per­met de voir que l’apport de Julio dans ce sens n’est peut-être pas aus­si impor­tant que ce qu’il est con­venu de con­sid­ér­er.

Tangos cosignés avec Francisco De Caro (en réalité écrits par Francisco)

Mala pin­ta (Mala estam­pa) 1928-08-27 — Orques­ta Julio De Caro.

Si on con­sid­ère que c’est un enreg­istrement de 1928, on mesure bien la moder­nité de cette com­po­si­tion. Pugliese l’enregistrera en 1944.

La mazor­ca 1931-01-07 — Orques­ta Julio De Caro
El bajel 1948-06-24 — Orques­ta Osmar Mader­na. C’est notre tan­go du jour,

Tangos écrits seulement par Francisco De Caro

Sueño azul 1926-11-29 — Orques­ta Julio De Caro.

On pensera à la mag­nifique ver­sion de Osval­do Frese­do (celle de 1961, bien sûr, pas celle de 1937 écrite par Tibor Bar­czy (T. Bare­si) avec des paroles de Tibor Bar­czy et Rober­to Zer­ril­lo et qu’a si mer­veilleuse­ment inter­prété Rober­to Ray.
La ver­sion de 1961 n’est pas pour la danse, c’est plutôt une œuvre “sym­phonique” et qui s’in­scrit dans la lignée de Fran­cis­co De Caro, objet de mon arti­cle. Mer­ci à Fred, TDJ, qui m’incite à don­ner cette pré­ci­sion que j’au­rais dû faire, d’au­tant plus que l’u­nivers de De Caro est sou­vent moins con­nu, voire méprisé par les danseurs.

Flo­res negras 1927-09-13 — Orques­ta Julio De Caro.

S’il fal­lait une seule preuve du tal­ent de Fran­cis­co, je con­vo­querai à la barre ce titre. On peut enten­dre com­ment com­mence le titre, avec ces élans des cordes que l’on retrou­vera chez Pugliese bien plus tard, tout comme les sols de pianos de Fran­cis­co seront ressus­cités par Pugliese en son temps. La con­tre­basse de Thomp­son mar­que le com­pas, mais avec des éclipses, tout comme le fera Pugliese dans ces alter­nances de pas­sages ryth­mées et d’autres glis­sés. Si vous faites atten­tion, vous pour­rez dis­tinguer la dif­férence entre le vio­lon d’Emilio et celui de son grand frère Julio qui utilise encore le cor­net de l’époque acous­tique.
Cette dif­férence de sonorité per­met d’attribuer avec cer­ti­tude les traits plus vir­tu­os­es à Emilio. Même si on n’est pas vrai­ment dans la danse, ce titre pour­ra curieuse­ment plaire aux ama­teurs des tan­gos de Pugliese des années 50, ce qui démon­tre l’avancée de Fran­cis­co par rap­port à ses con­tem­po­rains.
Par rap­port à notre tan­go du jour, il reste un peu de la struc­ture tra­di­tion­nelle, mais avec de telles vari­a­tions que cela rendrait la tâche des danseurs très com­pliquée s’ils leur pre­naient l’envie de le danser en impro­vi­sa­tion.
Cette mag­nifique mélodie fait par­tie de la bande-son du film La puta y la bal­lena (2004). De Ange­lis, et Frese­do en ont des ver­sions intéres­santes et fort dif­férentes. Celle de De Ange­lis est même tout à fait dansante.

Je rajoute un enreg­istrement de qual­ité très moyenne, mais qui est un excel­lent témoignage de l’admiration d’Osval­do Pugliese pour Fran­cis­co De Caro.

Flo­res negras — Osval­do Pugliese (solo de piano).

Encore une ver­sion enreg­istrée à la radio et avec un pub­lic enrhumé.

Loca bohemia 1928-09-14 — Orques­ta Julio De Caro
Un poe­ma 1930-01-08 Sex­te­to Julio De Caro.

Si on com­pare avec une com­po­si­tion de Julio, même plus tar­dive, comme Viña del mar (1936), on voit bien qui est le nova­teur des deux.

Tangos cosignés par Francisco De Caro et Pedro Laurenz

Esque­las 1932-04-07 — Orques­ta Julio De Caro con Luis Díaz

Tangos écrits par Pedro Laurenz et signés Julio De Caro

Tier­ra queri­da 1927-09-12 — Orques­ta Julio De Caro
Boe­do 1928-11-16 — Orques­ta Julio De Caro
Boe­do, une com­po­si­tion de Pedro Lau­renz, signée Julio de Caro et inter­prété par son orchestre en novem­bre 1928.

Sur les dis­ques, c’est le nom de l’orchestre qui prime. S’il c’é­taiSur les dis­ques, c’est le nom de l’orchestre qui prime. S’il c’était appelé Her­manos De Caro ou tout sim­ple­ment De Caro, peut-être que la con­tri­bu­tion majeure de Fran­cis­co De Caro serait plus con­nue aujourd’hui. Sur le disque, seul le nom de Julio De Caro appa­raît pour la com­po­si­tion, alors que c’est une œuvre de Pedro Lau­renz. On com­prend qu’à un moment ce dernier ait égale­ment quit­té l’orchestre.

El arranque 1934-01-04 — Orques­ta Julio De Caro

Tan­go cosigné avec Pedro Lau­renz (avec apports de Lau­renz majori­taires, voire totaux)

Orgul­lo criol­lo 1928-09-17 — Orques­ta Julio De Caro
Mala jun­ta 1927-09-13 — Orques­ta Julio De Caro

Tangos cosignés avec Pedro Maffia (en réalité écrits par Maffia)

Chi­clana 1936-12-15 — Quin­te­to Los Vir­tu­osos.

Quin­te­to Los Vir­tu­osos (Fran­cis­co De Caro (piano), Pedro Maf­fia et Ciri­a­co Ortiz (ban­donéon), Julio De Caro et Elvi­no Var­daro (vio­lon)

Tiny 1945-12-18 Orques­ta Osval­do Pugliese.

Pas de ver­sion enreg­istrée par Julio de Caro.

Tangos co-écrits avec Maffia et Laurenz mais signés par Julio de Caro

Buen ami­go 1925-05-12 — Orques­ta Julio De Caro.

On pensera aux ver­sions de Troi­lo ou Pugliese pour se ren­dre compte de la moder­nité de la com­po­si­tion de Maf­fia et Lau­renz. L’enregistrement acous­tique rend toute­fois dif­fi­cile l’appréciation de la sub­til­ité de la com­po­si­tion.

Pho­tographiés en 1927, de gauche à droite : Fran­cis­co De Caro, Man­lio Fran­cia, Julio De Caro et Pedro Lau­renz.

Le vio­loniste Man­lio Fran­cia com­posa deux tan­gos qui furent joués par l’orchestre de Julio De Car­ro, Fan­tasias (1929) et Pasion­ar­ia (1927).

Mais alors, pourquoi on parle de Julio et pas de Francisco ?

J’ai évo­qué la per­son­nal­ité forte de Julio. En fait, l’orchestre ini­tial a été for­mé par Fran­cis­co qui a demandé à ses deux frères de se join­dre à son sex­te­to, en décem­bre 1923. Le suc­cès aidant, l’orchestre a obtenu dif­férents con­trats per­me­t­tant à l’orchestre de grossir, notam­ment pour le car­naval (oui, encore le car­naval) jusqu’à devenir une com­po­si­tion mon­strueuse d’une ving­taine de musi­ciens. Ceci explique que le sex­te­to est générale­ment appelé orques­ta típi­ca, même si ce terme est générale­ment réservé aux com­po­si­tions ayant plus d’instrumentistes (ban­donéon­istes et vio­lonistes).
Au départ, cet orchestre mon­té par Fran­cis­co n’ayant pas de nom, il s’annonçait juste « sous la direc­tion de Julio De Caro. Mais un jour, dans une pub­lic­ité du club Vogue ou se pro­dui­sait l’orchestre, l’orchestre était annon­cé comme l’orchestre « Julio De Caro. Cela n’a pas plut à Maf­fia et Petru­cel­li qui décidèrent alors d’abandonner l’orchestre ne sup­por­t­ant plus le car­ac­tère, fort, de Julio et sa volon­té de domin­er.
Ceux qui con­nais­sent les Dal­tons penseront sans doute à la per­son­nal­ité de Joe Dal­ton pour la com­par­er à celle de Julio De Caro.

Joe, c’est assuré­ment Julio. Fran­cis­co était-il Averell ?

Plus tard, Gabriel Clausi et Pedro Lau­renz quit­teront l’orchestre à cause du car­ac­tère de Julio. Ces derniers ont gardé des attach­es avec Fran­cis­co et lorsque Osval­do Pugliese s’est chargé de faire pass­er à la postérité l’héritage des frères De Caro, c’est à Fran­cis­co qu’il se référait.
Donc, ce qui était clair à l’époque, est un peu tombé dans l’oubli, notam­ment à cause des dis­ques qui por­tent unique­ment le nom de Julio De Caro, puisque tous les orchestres étaient à son nom, ce dernier ayant tou­jours refusé le partage, Maf­fia-De Caro ou De Caro-Lau­renz, même pas en rêve pour lui.

Orchestre De Caro sur un bateau ?

Cette pho­to est en général éti­quetée comme étant l’orchestre de Julio De Caro en route pour l’Europe en mars 1931. Cepen­dant on recon­naît Thomp­son, mort en août 1925.
La pho­to est donc à dater entre 1924 et cette date si c’est l’orchestre De Caro.
Je pro­pose de plac­er cette pho­to sur un bateau se ren­dant en Uruguay ou qui en revient. Julio de Caro avait, à divers­es repris­es, tra­vail­lé en Uruguay, avec Eduar­do Aro­las, Enrique Delfi­no et Minot­to Di Cic­co (dans l’orchestre duquel Fran­cis­co était pianiste).
Comme Thom­son était avec Juan Car­los Cobián en 1923 et aupar­a­vant avec Osval­do Frese­do, cela con­firme que cette pho­to est au plus tôt de décem­bre 1923.
Lorsque Fran­cis­co du mon­ter son orchestre (qui prit le prénom de son frère), il fit appel out­re à ses frères, Emilio et Julio, à Thomp­son, Luis Petru­cel­li (ban­donéon) puis Pedro Láurenz en sep­tem­bre 1924 Pedro Maf­fia (ban­donéon) rem­placé en 1926 par Arman­do Blas­co et Alfre­do Cit­ro (vio­lon). Il y a peu de pho­tos des artistes en 1924 et les por­traits que j’ai trou­vés ne per­me­t­tent pas de garan­tir les noms des autres per­son­nes présentes.
Quoi qu’il en soit, je ter­mine cette anec­dote avec une pho­to prise sur un bateau, même si ce n’est prob­a­ble­ment pas un bajel…

Rodríguez Peña 1952-04-08 — Orquesta Carlos Di Sarli

Vicente Greco Letra : Ernesto Temes (Julián Porteño) ; Juan Miguel Velich ; Rafael (Ralph) Velich; Chamfleury & Liogar…

Il s’agit de la deux­ième ver­sion du thème Rodríguez Peña, enreg­istrée par Di Sar­li, celle du 8 avril 1952. Comme il l’a enreg­istré trois fois en 1945, 1952 et 1956, nous allons voir com­ment il a évolué durant ces onze années… Ce thème a eu beau­coup de suc­cès et les paroliers se sont bat­tus pour apporter leurs pro­pres paroles. Mais là, on s’en moque, car c’est une ver­sion instru­men­tale…

Extrait musical

Rodríguez Peña 1952-04-08 — Orques­ta Car­los Di Sar­li

Les trois versions de Di Sarli

Rodríguez Peña 1945-01-03 — Orques­ta Car­los Di Sar­li
Rodríguez Peña 1952-04-08 — Orques­ta Car­los Di Sar­li
Rodríguez Peña 1956-02-23 — Orques­ta Car­los Di Sar­li

On remar­que, dans la par­tie verte, que les répar­ti­tions des for­tis­si­mi et des piani sont égales. Dans la qua­trième vignette, en bas à droite, c’est la ver­sion de 1956, en MP3. Alors que, dans la vignette en bas à gauche, on a des fréquences supérieures à 15 kHz, à droite, en MP3, c’est à peine si on atteint les 10 kHz. C’est la rai­son pour laque­lle je préfère utilis­er la musique que je numérise moi-même à par­tir des dis­ques 78 tours.

Les trois débuts

Je vous laisse com­par­er les trois ver­sions, si pos­si­ble dans des ver­sions de bonne qual­ité, mais dès le début, les dif­férences sont énormes entre les ver­sions. C’est d’ailleurs éton­nant de voir les erreurs dans les partages de cer­tains « DJ » qui con­fondent les trois ver­sions, voire des édi­teurs qui indi­quer 2e ver­sion, tan­tôt pour celle de 1952 ou celle de 1953.
Voici visuelle­ment les trois débuts :

On voit facile­ment que la ver­sion de 1956 dure plus longtemps que celle de 1952, qui dure plus longtemps que celle de 1945. En effet, entre les trois ver­sions, le tem­po se ralen­tit et c’est très net à l’écoute. Car­los Di Sar­li baisse énor­mé­ment la vitesse entre 1945 et 1956.
On voit aus­si que les attaques de 1952 et 1953 sont plus fortes que celle de 1945. Celle de 1956 est forte, mais démarre de façon moins abrupte que celle de 1952, par un ZOOOOM qui monte en force pro­gres­sive­ment et qui est typ­ique de Di Sar­li de la sec­onde par­tie des années 50.
On n’a presque pas besoin d’écouter la musique, tout est dans l’audiogramme 😉
Si, si, il faut écouter. Je vous pro­pose donc ici les trois débuts enchaînés et par ordre chronologique.

Rodríguez Peña, mix­age des trois intro­duc­tions. 1945, puis 1952, puis 1956

Paroles

Il s’agit d’une ver­sion instru­men­tale, mais il y a des paroles qui per­me­t­tent de lever le doute. Ce tan­go ne par­le pas du prési­dent argentin, mais d’un étab­lisse­ment où se jouait le tan­go et qui était dans la rue Rodríguez Peña au 344. Son véri­ta­ble nom était Salón San Martín. Nous l’avons évo­qué récem­ment à pro­pos du tan­go Pasado-florido-1945–04-04.
Les paroliers se sont mis à trois, mais ce ne sont pas des textes inou­bli­ables…

Julián Porteño (Ernesto Temes)Juan Miguel VelichJuan Miguel Velich et Rafael (Ralph) Velich
Noches del salón Rodriguez Peña,
donde bailé
lle­van­do en bra­zos un buen quer­er
que hoy año­ra mi corazón,
recuerdos…nostalgias
de volver a aque­l­los tiem­pos bravos
de juven­tud
y entrever­arme en el vaivén
del tan­go aquel.
 
Fue en Rodriguez Peña
que por ella me jugué
la vida, y con­quisté
feliz su corazón.
 
Fue en Rodriguez Peña
que una noche la dejé
arrul­la­do por otra pasión.
 
Lle­gan tus com­pas­es
viejo tango,a reprocharme,
aho­ra que estoy solo
año­ran­do su quer­er,
ella fue mi dicha
y mi ilusión,
Rodriguez Peña,
en noches porteñas
que ya nun­ca olvi­daré.
Llo­ra mi corazón
en el silen­cio del arra­bal
al ver que todo cam­bi­a­do está.
Hon­da recor­dación
del romancesco pasa­do aquel
que tan­to amé.

Adiós, Rodríguez Peña de mi ale­gre juven­tud.
Rincón que al evo­car me acer­ca al tier­no bien
que fuera como un astro del her­moso ensueño azul
que en mi rodar incier­to no olvidé
y mi tan­go que se her­mana con mi gran sen­tir
sus­pi­ra al com­pren­der que ya no volverán
las tardes y las noches que con­tento com­partí
con los mucha­chos de ese tiem­po ide­al.

Tan­go de mis glo­rias,
que repi­to con mi fiel can­ción,
tan­go que son­rien­do
con mi diosa lo bailé.
Quiero, tan­go lin­do,
que me arrulles con tu dulce voz,
como aque­l­los días
ven­tur­osos del ayer.
Suelta has­ta el zorzal
su hon­da cen­tinela, y su can­ción
es tétri­co gemi­do que al corazón
oprime de pena.
Músi­ca dos com­pas­es.
Vien­do cómo se fue
el tiem­po tan flori­do que ayer vivió
el arra­bal.

El Rodríguez Peña, tem­p­lo bra­vo, espir­i­tu­al,
en la trans­mutación del lin­do tiem­po aquel
ha per­di­do de las paicas el tanguear sen­su­al
y al taita­je que bril­ló en él.
Hoy sólo que­da el recuer­do que can­tan­do va
el sin igual val­or de nues­tra tradi­ción,
y jamás del alma el pro­gre­so bor­rará
aquel pasa­do de empu­je y de acción.

Te hir­ió el pro­gre­so,
mi Rodríguez Peña div­inal,
pero es triste orgul­lo
el quer­er prevale­cer,
si su alma es tuya,
que es el tan­go him­no de arra­bal,
que con sus notas can­ta
las purezas del ayer.

Tra­duc­tion libre de la ver­sion de Julián Porteño (Ernesto Temes)
Les nuits du salon Rodríguez Peña, où j’ai dan­sé ten­ant un bon amour dans les bras
Que mon cœur désire ardem­ment aujourd’hui, sou­venirs… Nos­tal­gies de revenir à ces temps de la jeunesse et me laiss­er emporter par le bal­ance­ment
de ce tan­go.

Ce fut au Rodríguez Peña que, pour elle j’ai joué ma vie, et con­quis, heureux, son cœur.

Ce fut au Rodríguez Peña qu’une nuit je l’ai quit­tée bercé par une autre pas­sion.

Tes com­pas arrivent, vieux tan­go, pour me faire des reproches, main­tenant que je suis seul, désir­ant ardem­ment son amour. Elle était mon bon­heur et mon illu­sion, Rodríguez Peña, dans les nuits portègnes que jamais j’oublierai.