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El espiante 1932-01-17 — Orquesta Osvaldo Fresedo

Osvaldo Fresedo

Le dix-neu­vième siè­cle a vu le développe­ment du fer­rovi­aire et du ciné­ma. On se sou­vent que l’un des pre­mier films, L’ar­rivée d’un train en gare de La Cio­tat (film n° 653 de Louis Lumière), a été tourné durant l’été 1895 et présen­té au pub­lic le 25 jan­vi­er 1896. Mon grand-père, né qua­tre ans après les faits, me con­tait que les spec­ta­teurs furent pris de panique. L’œuvre d’aujourd’hui est à sa manière, une glo­ri­fi­ca­tion des deux nou­veautés. Le chemin de fer argentin, le plus dévelop­pé d’Amérique du Sud, et le ciné­ma où les orchestres pro­po­saient la musique man­quant aux films de l’époque…

L’ar­rivée d’un train en gare de La Cio­tat (film n° 653 de Louis Lumière) — Musique el Espi­ante 1932-01-17 Osval­do Frese­do.

L’espiante peut désign­er en lun­far­do une arnaque ou le départ, par exem­ple, pour met­tre fin à une rela­tion me tomo el espi­ante. Dans le cas présent, vous allez le com­pren­dre à l’écoute, il s’agit d’un train, que nous allons pren­dre ensem­ble. En voiture !

Extrait musical

Par­ti­tions de El espi­ante. On notera que l’on ne voit pas de train. Peut-être que le cou­ple se fait l’e­spi­ante en sor­tant d’une milon­ga ennuyeuse…
El espi­ante 1932-01-17 — Orques­ta Osval­do Frese­do con can­to.

Tout com­mence par la cloche suiv­ie par le sif­flet du chef de gare. Le souf­fle bruyant des pis­tons aide au démar­rage du train. Le voy­age se déroule ensuite les sons d’imitation et ceux de l’orchestre se mélangeant. Le bruit de la vapeur suit le train sur une bonne par­tie du tra­jet.
À 1:00 et 2:00, en entend l’annonce de la voiture-restau­rant.
Le tra­jet se fait par des suc­ces­sions de mon­tées et descentes, et la musique pour­suit son par­cours, jusqu’au final où les pas­sagers s’interpellent et où le train s’arrête dans l’annonce de la gare, Rosario…
Ce titre est sans doute à class­er dans la rubrique des tan­gos ludiques et à réserv­er aux ama­teurs de canyengue, mais d’autres pas­sagers, par­don, danseurs peu­vent le danser avec entrain.

Autres versions

Même si c’est une com­po­si­tion de Frese­do, le plus ancien enreg­istrement disponible est par Rober­to Fir­po. Ce n’est pas très éton­nant, c’est le grand orchestre du moment et Fir­po aime bien les titres aux sons réal­istes.
On pensera par exem­ple à El amanecer où il intro­duit des chants d’oiseaux joués au vio­lon. Mais il a sans doute un attache­ment au train, égale­ment, puisqu’il écrira le tan­go El rápi­do qui évoque égale­ment le même train, celui de Rosario…

El rápi­do 1931-08-27 — Orques­ta Rober­to Fir­po con estri­bil­lo core­a­do.

Ce titre est sig­nalé comme tan­go humoris­tique et est donc de la même veine que celui de Frese­do. Il est ponc­tué de voix de « pas­sagers ». Comme la ver­sion de Frese­do de 1932 (notre tan­go du jour, l’annonce finale est égale­ment « Rosario ».

On peut imag­in­er que Fir­po répond à son com­père. L’espiante et El rápi­do désig­nent égale­ment les trains. On notera qu’à l’époque, il fal­lait seule­ment trois heures pour ral­li­er Retiro (gare de Buenos Aires) à Rosario, soit presque trois fois moins que main­tenant…
Fir­po avait déjà enreg­istré ce titre en 1927 et je rap­pelle que Bia­gi a aus­si enreg­istré, El rápi­do ain­si que Rodriguez, Piaz­zol­la, Vil­las­boas et Varel­la.
Revenons main­tenant aux espi­antes, on pren­dra le rapi­de une autre fois…

El espi­ante 1916 — Sex­te­to Rober­to Fir­po. Il s’agit d’un enreg­istrement acous­tique.

Pas de bruitage de train, ce que les musi­ciens de l’époque auraient pu pro­duire sans prob­lème, car ils le fai­saient pour le ciné­ma qui était muet à l’époque. J’imagine que cet ajout de bruitages s’est fait au fur et à mesure des con­certs. Fir­po n’est pas hos­tile à cela, bien au con­traire si on écoute ce qu’il a fait dans El rápi­do de 1931.

El espi­ante 1927-12-01 — Orques­ta Osval­do Frese­do.

Si le car­ac­tère du train qui alterne les mon­tées pous­sives et les descentes de pente pré­cip­itées est bien présent, les bruitages ne sont pas encore à l’ordre du jour. Il fau­dra peut-être atten­dre le délire de Fir­po en 1931 avec El rápi­do, pour que cela devi­enne une habi­tude chez Frese­do égale­ment. Même si on n’est pas fan du canyengue, il faut recon­naître à cette œuvre, de belles trou­vailles musi­cales, que Frese­do exploit­era tout au long de sa car­rière comme ses fameuses descentes et chutes.

El espi­ante 1932-01-17 — Orques­ta Osval­do Frese­do con can­to (Rosario). C’est notre tan­go du jour.
El espi­ante 1933-03-16 — Orques­ta Osval­do Frese­do.

On pour­rait con­fon­dre cette ver­sion avec la précé­dente, mais elle se dis­tingue prin­ci­pale­ment de son aînée par l’absence des paroles finales et une fin dif­férente. On notera aus­si une accen­tu­a­tion moin­dre du car­ac­tère fer­rovi­aire de cet enreg­istrement. Il y a tout de même le sif­flet et la cloche au début, des sons de pis­tons (souf­fles à la voix) et le sif­flet à env­i­ron 1:00, 2:10 et 2:30. Et un dernier souf­fle des pis­tons ter­mine l’œuvre.

El espi­ante 1939-07-07 — Orques­ta Julio De Caro.

Julio De Caro n’allait pas laiss­er ses copains s’amuser avec la musique du train sans par­ticiper. Lui aus­si aime pro­pos­er des musiques descrip­tives. On notera que son train est plus un rapi­de qu’un espi­ante. Cette ver­sion très joueuse est sans doute dans­able par les danseurs allergiques au canyengue, car elle est vrai­ment très sym­pa et le train qui n’a rien de pous­sif devrait les entraîn­er jusqu’à Rosario (ou ailleurs) sans prob­lème.

El espi­ante 1954-11-25 — Orques­ta Héc­tor Varela.

À part un sem­blant de cloche, au début, les bruitages fer­rovi­aires sont absents de cette ver­sion. L’arrivée en gare se fait avec un ban­donéon nerveux, peut-être celui de Varela. En effet, en 1954, Varela est venu grossir les rangs de son orchestre comme ban­donéon­iste en plus de Anto­nio March­ese et Alber­to San Miguel. Trois autres ban­donéon­istes s’adjoindront à l’orchestre à cette époque : Luis Pinot­ti, Sal­vador Alon­so et Eduar­do Otero. Le freinage final se fait au vio­lon.

El espi­ante 1955-12-29 — Orques­ta Osval­do Frese­do.

En 1955, Frese­do remet sur les rails son espi­ante. On retrou­ve dans cette ver­sion la cloche, le sif­flet et la trompe du train. Cepen­dant la musique va vers plus de joliesse. Le train sem­ble tra­vers­er de beaux paysages, même si par moment, le rythme retrou­ve la res­pi­ra­tion des pis­tons.

El espi­ante 1974 — Orques­ta Héc­tor Varela.

Comme dans la ver­sion de 1954, le car­ac­tère fer­rovi­aire sous forme de bruitages est absent, mais on reste tout de même dans l’ambiance avec la musique qui évoque irré­sistible­ment le déplace­ment d’un train. L’arrivée est ici, entière­ment réal­isée par le ban­donéon nerveux qui ne laisse pas la place au vio­lon, comme en 1954. Varela priv­ilégie son instru­ment…

El espi­ante 1979-11-06 — Orques­ta Osval­do Frese­do.

En 1979, Frese­do fait par­tir son train avec un sif­flet ini­tial et lui fera émet­tre ses célèbres coups de trompes, mais on sent qu’il file comme le vent, au moins dans cer­tains pas­sages qui alter­nent avec des pas­sages plus pous­sifs, rap­pelant le train des débuts. Comme en 1955 et sans doute encore plus, le train sem­ble tra­vers­er d’élégants paysages. Le résul­tat décevra sans doute les ama­teurs du « vieux » Frese­do, mais ravi­ra ceux qui aiment Sas­sone ou Varela. Le titre se ter­mine par un jin­gle au vibra­phone.

Et pour ter­min­er notre voy­age, prenons deux trains tirés par des loco­mo­tives à vapeur « Pacif­ic 231 ». 231 pour 2 roues à l’avant (direc­tri­ces), Trois grandes roues motri­ces et 1 dernière roue à l’arrière pour l’équilibre. 2–3‑1 (4–6‑2) si on envis­age les deux côtés de la loco­mo­tive. La musique est celle d’Arthur Honeg­ger, qui, comme Fir­po et Frese­do, était fan des trains.

Pacif­ic 231 1931- Mijaíl Tsekhanovsky – Arthur Honeg­ger (film russe).

Ce court métrage mag­nifique fait le par­al­lèle entre les mécan­ismes de la loco­mo­tive et le jeu des instru­ments, l’utilisation des surim­pres­sions et des fon­dus enchaînés fait que la bête humaine (nom d’un film de Jean Renoir en 1938 ayant pour thème le chemin de fer à vapeur) et l’orchestre se mélan­gent.

Pacif­ic 231 1949 — Jean Mit­ry — Arthur Honeg­ger (film français).

L’esthétique du film de Jean Mit­ry est bien dif­férente. De belles images de trains accom­pa­g­nent la musique. C’est cer­taine­ment beau­coup moins créatif que le film de Tsekhanovsky, mais intéres­sant tout de même, ne serait-ce que par l’aspect doc­u­men­taire qui fait revivre ses mon­stres se nour­ris­sant de char­bon.

Ter­mi­nus, tout le monde descend !
À bien­tôt, les amis !

Fantasma 1939-12-28 — Orquesta Roberto Firpo con Alberto Diale

Mario Maurano Letra: José Roberto De Prisco

En Ital­ie, il y a une dizaine d’années, il y a eu un intérêt mar­qué pour notre tan­go du jour, Fan­tas­ma (fan­tôme) par Rober­to Fir­po. Comme vous allez l’entendre, cette œuvre mérite en effet l’écoute par son orig­i­nal­ité. Mais atten­tion, il y a fan­tôme et fan­tôme et un fan­tôme peut en cacher un autre.

Extrait musical

Fan­tas­ma 1939-12-28 — Orques­ta Rober­to Fir­po con Alber­to Diale.

Dès les pre­mières notes, mal­gré le mode mineur employé, on note l’énergie dans la musique.
On peut donc s’imaginer que l’on par­le d’un fan­tôme au sens de per­son­ne van­i­teuse et pré­somptueuse, d’un fan­faron.
Écoutez donc le début avec cette idée. La par­tie A est tonique, en stac­ca­to. J’imagine tout à fait un fan­faron gam­bad­er dans les rues de Buenos Aires. À 28″ com­mence la par­tie B qui dévoile régulière­ment un mode majeur, le fan­faron épanoui sem­ble se réjouir, prof­iter de sa suff­i­sance.
Lorsque la par­tie A revient, elle est jouée en lega­to mais tou­jours avec le rythme pres­sant et bien mar­qué qui pousse à danser de façon tonique. On notera la vir­tu­osité de Juan Cam­bareri, le mage du ban­donéon qui réalise un solo épous­tou­flant.

Les musi­ciens du cuar­te­to “Los de Antes” de Rober­to Fir­po. De gauche à droite, Juan Cam­bareri (ban­donéon), Fer­nan­do Por­cel­li (con­tre­basse), Rober­to Fir­po (piano) et José Fer­nán­dez (vio­lon).

Le ténor, Alber­to Diale, inter­vient à 1:25 pour une inter­ven­tion de moins de 30 sec­on­des, ce qui n’est pas gênant, car il me sem­ble qu’il n’apporte pas une plus-val­ue extra­or­di­naire à l’interprétation. Cepen­dant, comme il énonce les paroles écrites par José Rober­to De Prisco, on est bien obligé de com­pren­dre que l’on ne par­le plus d’un fan­faron, même si la dernière par­tie avec ses envolées ven­teuses peut faire penser à une bau­druche qui se dégon­fle.
Avec le sens des paroles, on peut imag­in­er que ce sont les fan­tômes que l’on chas­se avec son allé­gresse, allé­gresse exprimée par les pas­sages en mode majeur qui s’intercalent entre les pas­sages en mode mineur.
Je suis sûr que vous imag­inez les fan­tômes qui volè­tent dans tous les sens à l’écoute de la dernière par­tie. On se sou­vient que Fir­po a écrit plusieurs titres avec des sons réal­istes, comme El amanecer et ses oiseaux mer­veilleux, El rápi­do (le train rapi­de), Fue­gos arti­fi­ciales (feu d’artifice) ou La car­ca­ja­da (l’éclat de rire). Cette com­po­si­tion l’a donc cer­taine­ment intéressé pour la pos­si­bil­ité d’imiter les fan­tômes volants. N’oublions pas que les musi­ciens avant les années 30 inter­ve­naient beau­coup pour faire la musique dans les ciné­mas, les films étant muets, ils étaient vir­tu­os­es pour faire les bruitages.

Paroles de Fantasma de Mario Maurano et José Roberto De Prisco

Y si al verme, tú lo vieras,
Que te muerde la con­cien­cia,
No los temas.
Los fan­tas­mas de tu pena están en ti.

Yo soy vida, vida entera.
Que can­tan­do su ale­gría,
Va sigu­ien­do su camino,
De ven­turas. Que no dejan,
Que se acerquen los fan­tas­mas ter­ro­rosos de otro ayer.
Mario Mau­ra­no Letra: José Rober­to De Prisco

Traduction libre de Fantasma de Mario Maurano et José Roberto De Prisco

Et si, quand tu me vois, tu le voy­ais qui te mord la con­science, ne les crains pas, les fan­tômes de ton cha­grin sont en toi.
Je suis une vie, une vie entière.
Que chan­tant sa joie, il pour­suit son chemin d’aven­tures. Qu’ils ne lais­sent pas s’approcher les fan­tômes ter­ri­fi­ants d’un autre hier.

Mario Maurano et José Roberto De Prisco

Quelques mots sur les auteurs, qui sont peu, voire très peu con­nus.

Mario Maurano (1905 à Rio de Janeiro, Brésil ‑1974)

Mario Mau­ra­no était pianiste, arrangeur, directeur d’orchestre et com­pos­i­teur.

Il sem­ble abon­né aux fan­tômes, car il a écrit la musique du film Fan­tas­mas en Buenos Aires dirigé par Enrique San­tos Dis­cépo­lo et qui est sor­ti le 8 juil­let 1942. Peut-être qu’on lui a con­fié la com­po­si­tion de la musique du film à cause de notre tan­go du jour.
Cepen­dant, l’histoire n’a rien à voir avec le tan­go et la musique du film, non plus. La présence de Dis­cépo­lo, n’implique pas for­cé­ment que ce soit un film de tan­go… Vous pou­vez voir le film ici… https://youtu.be/xtFdlXh4Vpc

L’af­fiche du film Fan­tas­mas en Buenos Aires, dirigé par Enrique Dis­ce­po­lo et qui est sor­ti en 1942. Zul­li Moreno est l’héroïne et pré­ten­due fan­tôme. Pepa Arias, la vic­time d’une arnaque.

Par­mi ses com­po­si­tions, en plus de la musique de ce film, on peut citer :

  • • Can­ción de navi­dad (Chan­son) (Mario Mau­ra­no Letra: Luis César Amadori)
  • • Cua­tro cam­panadas (Mario Mau­ra­no Letra: Lito Bayardo — Manuel Juan Gar­cía Fer­rari)
  • • El embru­jo de tu vio­lín (Mario Mau­ra­no Letra: Arman­do Tagi­ni — Arman­do José María Tagi­ni)
  • • Fan­tas­ma (Mario Mau­ra­no Letra: José Rober­to De Prisco)
  • • Por la señal de la cruz (Mario Mau­ra­no; Pedro Vesci­na Letra:Antonio Pom­ponio)
  • • Rien­do (Alfre­do Maler­ba; Mario Mau­ra­no; Rodol­fo Sci­ammarel­la, musique et paroles)
  • • Un amor (Mario Mau­ra­no; Alfre­do Anto­nio Maler­ba Letra: Luis Rubis­tein)
  • • Una vez en la vida (Valse) (Ricar­do Maler­ba; Mario Mau­ra­no Letra: Home­ro Manzi (Home­ro Nicolás Manzione Prestera)

José Roberto De Prisco

Je n’ai pas grand-chose à dire de l’auteur des paroles, si ce n’est qu’il a écrit les paroles ou com­posé la musique de quelques titres en plus de Fan­tas­ma.

  • • Che, no hay dere­cho (Arturo César Senez Letra: José de Prisco) – Enreg­istré par Fir­po.
  • • Desamor (Alber­to Gam­bi­no y Jose De Prisco)
  • • Fan­tas­ma (Mario Mau­ra­no Letra: José Rober­to De Prisco)
  • • Negri­to (Milon­ga) (Alber­to Soifer Letra: José De Prisco)
  • • Vac­ilación (Anto­nio Moli­na, José Rober­to De Prisco Letra: Rafael Iri­arte)
Deux cou­ver­tures de par­ti­tion d’œu­vres de José De Prisco.

Autres versions

Notre tan­go du jour sem­ble orphe­lin en ce qui con­cerne les enreg­istrements, mais il y a un autre fan­tôme qui rôde, com­posé par Enrique Delfi­no (Enrique Pedro Delfi­no — Delfy) avec des paroles de Cátu­lo Castil­lo (Ovidio Cátu­lo González Castil­lo).

Fan­tas­ma 1939-12-28 — Orques­ta Rober­to Fir­po con Alber­to Diale. C’est notre tan­go du jour.

Intéres­sons-nous main­tenant au fan­tôme de Delfy et Cátu­lo Castil­lo.

Paroles de Fantasma de Cátulo Castillo

Regre­sa tu fan­tas­ma cada noche,
Tus ojos son los mis­mos y tu voz,
Tu voz que va rodan­do entre sus goznes
La vie­ja can­ti­nela del adiós.
Qué pál­i­da y qué triste resuci­ta
Vesti­da de recuer­dos, tu can­ción,
Se afer­ra a esta tris­teza con que gri­tas
Lla­man­do, en la dis­tan­cia, al corazón.

Fan­tas­ma… de mi vida ya vacía
Por la gris melan­colía…
Fan­tas­ma… de tu ausen­cia, sin reme­dio
En la copa de mis­te­rio…
Fan­tas­ma… de tu voz que es una som­bra
Regre­san­do sin cesar,
¡Cada noche, cada hora!
Tan­ta sed abrasado­ra…
A esta sed abrasado­ra… de olvi­dar.

Ya no tienes las pupi­las boni­tas
Se apa­garon como una oración,
Tus manos, tam­bién ya mar­chi­tas
No guardaron mi can­ción.
Som­bras que acom­pañan tu reproche
Me nublan, para siem­pre, el corazón…
Olvi­dos que se encien­den en la noche
Agotan en alco­hol, mi deses­peración.

Enrique Delfi­no (Enrique Pedro Delfi­no — Delfy) avec des paroles de Cátu­lo Castil­lo – (Ovidio Cátu­lo González Castil­lo)

Traduction libre de la version de Cátulo Castillo

Ton fan­tôme revient chaque nuit, tes yeux sont les mêmes et ta voix, ta voix qui roule entre ses gonds (Les goznes sont les charnières, gonds… mais aus­si des propo­si­tions énon­cées sans jus­ti­fi­ca­tion, ce qui sem­ble être l’acception à con­sid­ér­er ici), le vieux refrain d’au revoir.
Que de pâleur et tristesse ton chant ressus­cite, vêtu de sou­venirs, s’ac­crochant à cette tristesse avec laque­lle tu cries, appelant au loin, le cœur.
Fan­tôme… de ma vie déjà vide par une mélan­col­ie grise…
Fan­tôme… de ton absence, dés­espéré dans la coupe du mys­tère…
Fan­tôme… de ta voix, qui est une ombre qui revient sans cesse,
chaque soir, chaque heure !
Tant de soif brûlante…
À cette soif brûlante… d’oublier.
Déjà, tu n’as plus les pupilles jolies, elles se sont éteintes comme une prière.
Tes mains, égale­ment déjà desséchées, n’ont pas gardé ma chan­son.
Les ombres qui accom­pa­g­nent ton reproche embru­ment pour tou­jours le cœur…
Les oub­lis qui s’al­lu­ment dans la nuit s’épuisent dans l’al­cool, mon dés­espoir.

Ce thème de Delfy et Cátu­lo Castil­lo a été enreg­istré plusieurs fois et notam­ment dans les ver­sions suiv­antes.

Fan­tas­ma 1944-10-24 — Orques­ta Miguel Caló con Raúl Iri­arte.

L’interprétation sem­ble en phase avec les paroles. Si c’est cohérent d’un point de vue styl­is­tique, le résul­tat me sem­ble moins adap­té au bal que notre tan­go du jour.

Fan­tas­ma 1944-12-28 — Orques­ta Osval­do Frese­do con Oscar Ser­pa.

Oscar Ser­pa n’est pas un chanteur pour la danse et il le con­firme dans cet enreg­istrement.

Fan­tas­ma 2013 — Orques­ta Típi­ca Sans Souci con Wal­ter Chi­no Labor­de.

L’orchestre Sans Souci s’est don­né comme mis­sion de per­pétuer le style de Miguel Calo. Ce n’est donc pas un hasard si vous trou­vez un air de famille entre les deux enreg­istrements.

Arthur le fan­tôme par Cezard

El amanecer 1950-05-29 — Orquesta Domingo Federico

Roberto Firpo

El amanecer (l’aube) est un thème très, très sou­vent passé en milon­ga, notam­ment quand celles-ci durent jusqu’à l’aube. En effet, quoi de plus agréable que d’entendre le chant des oiseaux aux pre­miers rayons du soleil? Fir­po qui adore évo­quer des sons réal­istes nous a fait cadeau de cette belle com­po­si­tion et Fed­eri­co va éveiller nos sens avec une ver­sion mécon­nue et sub­lime.

On oublie par­fois que l’un des filons pour les musi­ciens de tan­go au début du XXe siè­cle était de jouer en direct dans les ciné­mas à l’époque où les films étaient muets. Cer­tains ont donc dévelop­pé des tal­ents de brui­teurs et imiter des sons de la nature ou autre est un petit jeu que pra­tiquent de nom­breux musi­ciens. Ici, l’objet de l’imitation, ce sont les oiseaux. Avec ce thème et le tal­ent des orchestres, de nom­breuses milon­gas se sont trans­for­mées en volières.
Envolons-nous sur les ailes de l’aube.

Extrait musical

El amanecer 1950-05-29 — Orques­ta Domin­go Fed­eri­co.

J’imagine que vous avez dans l’oreille une des ver­sions de Di Sar­li ou de Fir­po. Cette ver­sion est assez dif­férente, mais on retrou­ve des élé­ments com­muns. Je vous pro­pose de les iden­ti­fi­er en écoutant quelques-unes des autres ver­sions.

Par­ti­tion pour vio­lon et piano de El amanecer de Rober­to Fir­po

Autres versions

À tout seigneur, tout hon­neur, com­mençons par l’auteur, Rober­to Fir­po, le com­pos­i­teur de l’œuvre.

El amanecer 1913 – Sex­te­to Rober­to Fir­po.

Quelques temps (1 à 3 ans) après la com­po­si­tion, Fir­po l’enregistre.

El amanecer 1928-05-28 (ou 31) — Orques­ta Rober­to Fir­po.

Des claque­ments, prob­a­ble­ment sen­sés représen­ter quelque chose, mais quoi ? D’après Fir­po, il se serait inspiré de la ligne 43 de tran­via (tramway) qu’il pre­nait pour ren­tr­er chez lui après une nuit de tra­vail. Puis, arrivé, il était émer­veil­lé par les chants des oiseaux. Les vio­lons de Cayetano Puglisi et Octavio Scaglione sont totale­ment sub­limes. Les oiseaux sont très dis­crets au début, mais s’exposent joli­ment en sec­onde par­tie.

El amanecer 1937-08-14 — Orques­ta Típi­ca Vic­tor.

L’orchestre est alors dirigé par Fed­eri­co Scor­ti­cati. Remar­quez l’intervention dès le début « d’oiseaux » très réal­istes.

El amanecer 1938-01-04 — Orques­ta Rober­to Fir­po.

Les oiseaux arrivent aus­si dès le début, c’est une ver­sion mag­nifique, pleine de poésie, mais avec de la vigueur, une alter­nance des instru­ments, dont un très beau solo de vio­lon­celle.

El amanecer 1942-06-23 — Orques­ta Car­los Di Sar­li.

Une ver­sion en tous points, superbe. Du grand Di Sar­li. Les oiseaux sont réal­isés par Rober­to Guisa­do, au vio­lon.

El amanecer 1945-09-14 – Rober­to Fir­po y su hijo (Dúo de piano).

Le fils ayant le même prénom que le père, on l’identifie par un H pour Hijo, qui veut dire fils. Là, le fis­ton joue avec son papa. Des trilles et d’impressionnants arpèges à la fin de l’œuvre essayent de recréer les oiseaux. C’est moins réal­iste que les vio­lons, mais c’est intéres­sant à écouter.

El amanecer 1948-08-10 — Juan Cam­bareri y su Gran Cuar­te­to Típi­co Ayer y hoy.

S’il vous prend de met­tre ce thème en réveil, c’est sûr que vous allez vous réveiller en un instant. Fidèle à son style (vice ?) nous pro­pose une ver­sion en vitesse débridée. On a un peu de mal à imag­in­er une douce aube qui s’élève.

Encore Fir­po, encore El Amanecer. Là, il s’agit de El Can­tor Del Pueblo, un film de 1948 réal­isé par Anto­nio Ber Ciani. Rober­to Fir­po joue sa com­po­si­tion, El amanecer, avec son cuar­te­to.

Rober­to Fir­po joue sa com­po­si­tion, El amanecer, avec son cuar­te­to dans El Can­tor Del Pueblo, un film de 1948 réal­isé par Anto­nio Ber Ciani.
El amanecer 1950 — Orques­ta Joaquín Do Reyes.

Cet orchestre plus rare nous offre une ver­sion clas­sique. Une belle présence de la con­tre­basse devrait faciliter la tâche des danseurs.

El amanecer 1950-05-29 — Orques­ta Domin­go Fed­eri­co. C’est notre tan­go du jour.

Avec les exem­ples précé­dents, je pense que vous avez cerné la con­struc­tion de cette œuvre et que l’originalité de l’interprétation de Fed­eri­co vous sera per­cep­ti­ble.
Les vio­lons du début font penser à Vival­di. Tou­jours les vio­lons, dans les pizzi­cati, sont légers et pré­cis. Le piano est tou­jours présent et avec la con­tre­basse, donne le com­pas. À 1:30, un pas­sage par­ti­c­ulière­ment tonique. Prob­a­ble­ment une évo­ca­tion du tramway. Puis, les oiseaux nous enchantent. La fin ralen­tit, comme si le tramway freinait. Une ver­sion orig­i­nale, mag­nifique et qui devrait ravir cer­tains danseurs et faire râler, les ron­chons. Ne vous éton­nez donc pas si un jour, je vous la passe.

El amanecer 1950-11-28 — Orques­ta Ricar­do Pedev­il­la.

Encore une belle ver­sion, avec les oiseaux qui arrivent en sec­onde par­tie.

El amanecer 1951-09-26 — Orques­ta Car­los Di Sar­li.

Pas de sur­prise, vous avez déjà usé vos chaus­sures dans la rosée de cette aube de Di Sar­li­enne, mais si c’est peut-être moins que dans la ver­sion suiv­ante.

El amanecer 1953-12-11 — Rober­to Fir­po y su Nue­vo Cuar­te­to.

Vous repren­drez bien un petit peu de Fir­po, non ? Le voici de nou­veau, quar­ante ans après son pre­mier enreg­istrement.

El amanecer 1954-08-31 — Orques­ta Car­los Di Sar­li.

C’est sans doute la ver­sion que vous avez la plus dan­sée, mais main­tenant, vous allez peut-être l’écouter dif­férem­ment.

El amanecer 1964 — Orques­ta Osval­do Pugliese.

Je suis presque sûr que vous n’avez jamais dan­sé cette ver­sion. Il n’y a de toute façon aucune rai­son de le faire en milon­ga.

Depuis 1913, quel par­cours pour les lève-tôt ou couche très tard, comme Fir­po.

Pour ter­min­er avec une ver­sion à peu près dansante et venue de l’autre côté du Rio. Je vous pro­pose cette vidéo avec Miguel Vil­las­boas. Elle est un peu pré­cip­itée, mais elle présente l’intérêt de voir l’orchestre de Vil­las­boas à l’œuvre, d’autant plus que vous pour­rez voir com­ment le vio­loniste Pedro Sev­eri­no fait chanter son vio­lon avec des oiseaux et d’autres ani­maux, de quoi com­mencer la journée avec le sourire.

À demain, les amis !

 Pedro Sev­eri­no fait chanter son vio­lon avec des oiseaux et d’autres ani­maux

Quelles sont les dates de l’âge d’or en tango de danse ?

What are the dates of the golden age of dance tango?

Pour un DJ, l’âge d’or, c’est prin­ci­pale­ment l’époque ou le tan­go de danse était à la mode. Mais pour qu’un âge d’or arrive, il faut dif­férents élé­ments précurseurs et pour qu’il se ter­mine, il faut que l’élan s’épuise. Nous allons voir l’évolution de ce phénomène.

For a DJ, the gold­en age is main­ly the time when dance tan­go was in fash­ion. But for a gold­en age to come, there must be dif­fer­ent pre­cur­sors, and for it to end, the momen­tum must be exhaust­ed. We will see how this phe­nom­e­non evolves.

L’âge d’or du tan­go

Le prototango, le tango d’avant le tango

Dans l’article sur les styles du tan­go, vous trou­verez des traces de l’histoire musi­cale, mais la musique n’est qu’un des aspects. Pour que l’âge d’or se man­i­feste, il faut égale­ment que la pra­tique de cette cul­ture sorte des cer­cles restreints où elle est née.
L’Europe et par­ti­c­ulière­ment la France ont joué un rôle cer­tain dans cette nais­sance. L’exposition uni­verselle de 1900 a été l’occasion pour de nom­breux Argentins argen­tés, de faire de Paris, leur point de chute, ou de plaisir.
Un cer­tain nom­bre d’entre eux qui avaient goûté aux charmes du tan­go à la fin du 19e siè­cle l’ont encour­agé à Paris. Un des exem­ples les plus con­nus est celui de Beni­no Macias, auquel on attribue le lance­ment de la furie du tan­go à Paris. Que ce soit cette his­toire ou d’autres, il est cer­tain que dès 1911, le tan­go était entré dans les mœurs à Paris. On pou­vait le danser tous les jours dans plusieurs lieux, ce qui a attiré les orchestres argentins, même s’ils devaient se pro­duire déguisés en gau­chos, car les orchestres étrangers n’étaient autorisés qu’à la con­di­tion d’être «folk­loriques». Le cos­tume était réservé aux orchestres européens.

Prototango, the tango before the tango

In the arti­cle on tan­go styles, you will find traces of musi­cal his­to­ry, but music is only one aspect. In order for the gold­en age to man­i­fest itself, the prac­tice of this cul­ture must also come out of the restrict­ed cir­cles in which it was born.

Europe and par­tic­u­lar­ly France played a cer­tain role in this birth. The Uni­ver­sal Exhi­bi­tion of 1900 was an oppor­tu­ni­ty for many sil­ver-lov­ing Argen­tini­ans to make Paris their place of stay, or of plea­sure. A num­ber of them who had tast­ed the charms of tan­go at the end of the 19th cen­tu­ry encour­aged him in Paris. One of the best-known exam­ples is that of Beni­no Macias, who is cred­it­ed with launch­ing the Tan­go Fury in Paris. Whether it is this sto­ry or oth­ers, it is cer­tain that by 1911, tan­go had become part of the cus­toms in Paris. It could be danced every day in sev­er­al venues, which attract­ed Argen­tine orches­tras, even if they had to per­form dis­guised as gau­chos, as for­eign orches­tras were only allowed on the con­di­tion that they were “folk­loric”. The cos­tume was reserved for Euro­pean bands.

Pourquoi Pas, revue wal­lonne de Louis Dumont-Wilden, George Gar­nir et Léon Souguenet (les « trois mous­ti­quaires ») du 4 octo­bre 1929.

La nais­sance du tan­go

Le chan­son­nier Fursv affirme, dans ses mémoires, avoir assisté, vers 1900, à la nais­sance du tan­go, l’Abbaye Albert », à Mont­martre.
— Par­mi les Argentins qui venaient là, con­te-t-i1, il y avait un cer­tain Beni­no Macias, for­mi­da­ble­ment riche, très nos­tal­gique.
» Un soir, ayant payé l’orchestre pour le sec­on­der dans son pro­jet, il se mit à danser, pour la galerie, une sorte de pas lent, et traîné, coupé de repos ryth­més, et accom­pa­g­né par une mélodie en mineur, d’une infinie mélan­col­ie.
~ Ce fut, sur le moment, de l’étonnement, mieux, de la stu­peur.
» Mais on applau­dit Beni­no Macias, qui dan­sait avec une cer­taine Loulou Christy, fort jolie.
» Huit jours après, il y avait vingt cou­ples qui fai­saient comme eux.» C’est ain­si que le tan­go a fait sa toute pre­mière appari­tion à Paris. »

Pourquoi Pas, revue wal­lonne de Louis Dumont-Wilden, George Gar­nir et Léon Souguenet (les « trois mous­ti­quaires ») du 4 octo­bre 1929.

The birth of tan­go

In his mem­oirs, the chan­son­nier Fursv claims to have wit­nessed, around 1900, the birth of the tan­go, the “Abbaye Albert” in Mont­martre.
“Among the Argen­tini­ans who came there,” he said, “was a cer­tain Beni­no Macias, tremen­dous­ly rich, very nos­tal­gic.
One evening, hav­ing paid the orches­tra to assist him in his project, he began to dance, for the gallery, a sort of slow, drawn-out step, inter­rupt­ed by rhyth­mic rests, and accom­pa­nied by a melody in minor, of infi­nite melan­choly.
~ It was, at the time, aston­ish­ment, or rather, amaze­ment.
But we applaud Beni­no Macias, who danced with a cer­tain Loulou Christy, who was very pret­ty.
Eight days lat­er, there were twen­ty cou­ples doing the same.This is how tan­go made its very first appear­ance in Paris. »

Pourquoi Pas, Wal­loon mag­a­zine by Louis Dumont-Wilden, George Gar­nir and Léon Souguenet (the “three mos­qui­to nets”) of 4 Octo­ber 1929.

Lorsque ces orchestres sont retournés en Argen­tine, auréolés de leurs suc­cès européens, cela a aidé à sor­tir le tan­go de ses lieux mal famés en Argen­tine.
Dans l’article « Une enquête sur le tan­go », vous trou­verez des élé­ments intéres­sants si vous vous intéressez à la ques­tion des débuts du tan­go en France. Vous pou­vez aus­si con­sul­ter le site milon­gaophe­lia, riche en doc­u­ments icono­graphiques.
Donc, pour la France, l’âge d’or se situe dans les années 1910–1935. Cepen­dant, ce tan­go s’y est figé dans le temps et s’est abâ­tar­di pour devenir le tan­go musette qui est une loin­taine réminis­cence du tan­go de style canyengue. Il con­vient donc de retra­vers­er l’Atlantique pour décou­vrir le véri­ta­ble âge d’or.

When these orches­tras returned to Argenti­na, bask­ing in the glo­ry of their Euro­pean suc­cess­es, it helped to bring tan­go out of its dis­rep­utable places in Argenti­na.
In the arti­cle “A sur­vey on tan­go “, you will find inter­est­ing ele­ments if you are inter­est­ed in the ques­tion of the begin­nings of tan­go in France. You can also con­sult the milon­gaophe­lia web­site, rich in icono­graph­ic doc­u­ments.
So, for France, the gold­en age is in the years 1910–1935. How­ev­er, this tan­go has been frozen in time and has bas­tardized to become the tan­go musette which is a dis­tant rem­i­nis­cence of the tan­go of the Canyengue style. It is there­fore appro­pri­ate to cross the Atlantic again to dis­cov­er the true gold­en age.

Les premiers orchestres dorés

Pas de musique sans orchestre.
Le phénomène tan­go se développe donc à Buenos Aires et dans sa jumelle rio­platense.
De nom­breux orchestres se créent, se ren­for­cent et pour accom­pa­g­n­er cette vague, les enreg­istrements se mul­ti­plient. Mal­heureuse­ment, les tech­niques rudi­men­taires de l’époque oblig­ent à jouer d’une façon mar­tiale, de crier plus que de chanter et la musique qui en résulte a du mal à sor­tir du bruit du disque pour don­ner de l’émotion.
On peut con­sid­ér­er que ces pre­miers enreg­istrements ne ren­dent pas jus­tice à ce que jouaient réelle­ment les orchestres devant le pub­lic. On se reportera à l’article sur les pro­grès de l’enregistrement pour en savoir plus.
Ce n’est qu’en 1926 que la qual­ité des enreg­istrements rend enfin jus­tice aux presta­tions des orchestres. Ce biais fait que l’on peut nég­liger le phénomène tan­go antérieur et que par con­séquent, on peut « louper » la détec­tion d’un âge d’or, faute d’enregistrements de qual­ité.
Cepen­dant, lorsque la qual­ité devient sat­is­faisante, la musique est pour sa part assez dif­férente de celle qui sera déployée dans les décen­nies suiv­antes. Des orchestres anciens, comme ceux de Cara­bel­li, Frese­do, Canaro font de fort belles choses, mais l’arrivée d’une nou­velle vague va révo­lu­tion­ner la musique.
Les orchestres devi­en­nent plus vir­tu­os­es à force de pra­ti­quer tous les jours et de se con­cur­rencer dans une vive ému­la­tion.

The First Golden Orchestras

There is no music with­out an orches­tra. The tan­go phe­nom­e­non is there­fore devel­op­ing in Buenos Aires and its Rio­platen­sian twin.
Many orches­tras were cre­at­ed, strength­ened, and to accom­pa­ny this wave, record­ings mul­ti­plied. Unfor­tu­nate­ly, the rudi­men­ta­ry tech­niques of the time forced you to play in a mar­tial way, to shout more than to sing and the result­ing music had dif­fi­cul­ty get­ting out of the noise of the record to give emo­tion.
It can be argued that these ear­ly record­ings do not do jus­tice to what the orches­tras actu­al­ly played in front of the audi­ence. Refer to the arti­cle on the progress of reg­is­tra­tion for more infor­ma­tion.
It was not until 1926 that the qual­i­ty of the record­ings final­ly did jus­tice to the orches­tras’ per­for­mances. This bias means that the pre­vi­ous tan­go phe­nom­e­non can be neglect­ed and that con­se­quent­ly, the detec­tion of a gold­en age can be “missed” due to a lack of qual­i­ty record­ings.
How­ev­er, when the qual­i­ty becomes sat­is­fac­to­ry, the music is quite dif­fer­ent from the one that will be deployed in the fol­low­ing decades. Old orches­tras, such as those of Cara­bel­li, Frese­do, Canaro did very beau­ti­ful things, but the arrival of a new wave rev­o­lu­tion­ized music. Orches­tras become more vir­tu­oso by dint of prac­tic­ing every day and com­pet­ing with each oth­er in live­ly emu­la­tion.

El Mun­do du dimanche 1er octo­bre de 1944.

Les quatre piliers

Le pre­mier orchestre à décoller est sans con­teste celui de Juan D’Arienzo, grâce à l’apport prov­i­den­tiel de Rodol­fo Bia­gi (arrangeur et pianiste) à par­tir de décem­bre 1935. Le départ rapi­de de Bia­gi de l’orchestre en 1938 ne rompt pas le nou­veau style de l’orchestre de D’Arienzo qui évoluera dans cette direc­tion jusqu’à la mort de son directeur en 1976.

The Four Pillars

The first orches­tra to take off was undoubt­ed­ly that of Juan D’Arien­zo, thanks to the prov­i­den­tial con­tri­bu­tion of Rodol­fo Bia­gi (arranger and pianist) from Decem­ber 1935. Biag­i’s rapid depar­ture from the orches­tra in 1938 did not break the new style of D’Arien­zo’s orches­tra, which would evolve in this direc­tion until the death of its con­duc­tor in 1976.

Juan d’Arien­zo — Gran Hotel Vic­to­ria (Hotel Vic­to­ria) 1935-07-02, avant Bia­gi.
Juan d’Arien­zo — El flete 1936-04-03, après Bia­gi. On entend les ding ding du piano de Bia­gi.

Peu après, Car­los Di Sar­li qui était à la tête d’un sex­te­to jusqu’au début des années 30 se lance avec un orchestre qui prend sa dimen­sion dans les décades des années 40 et 50.

Short­ly after­wards, Car­los Di Sar­li, who was at the head of a sex­tet until the ear­ly 1930s, launched him­self with an orches­tra that took on its dimen­sion in the 1940s and 1950s.

Car­los Di Sar­li (Sex­te­to) — T.B.C. 1928-11-26
Car­los Di Sar­li — El amanecer 1942-06-23
Car­los Di Sar­li — El amanecer 1951-09-26 — La ver­sion de 1954-08-31 aurait égale­ment pu être prise comme exam­ple.

Troi­lo arrive au début des années 40, suivi de près par Pugliese.

L’âge d’or peut être défi­ni comme la péri­ode d’activité max­i­male de ces qua­tre orchestres. Celle où l’on pou­vait danser chaque semaine avec des orchestres épous­tou­flants.

Troi­lo arrived in the ear­ly 1940s, close­ly fol­lowed by Pugliese.

The Gold­en Age can be defined as the peri­od of max­i­mum activ­i­ty of these four orches­tras. The one where you could dance every week with breath­tak­ing orches­tras.

La fin de l’âge d’or

The End of the Golden Age

Le rock et d’autres musiques vont chang­er les habi­tudes des danseurs et amorcer le déclin du tan­go.

Les années 40 voient les qua­tre piliers dans leur péri­ode de gloire. Dans les années 50, ils con­tin­u­ent leur évo­lu­tion, mais en par­al­lèle, l’arrivée de nou­veaux goûts chez les danseurs, notam­ment le rock, fait que la pra­tique com­mence à baiss­er est que les orchestres se tour­nent vers des formes plus con­cer­tantes.
Troi­lo et Pugliese pro­duisent dans leurs dernières années des titres nova­teurs et nos­tal­giques, à la recherche d’un sec­ond souf­fle, plus ori­en­té vers le con­cert que la danse.
Car­los Di Sar­li, peut-être plus dans l’air du temps qui demandait une musique plus roman­tique a con­tin­ué dans son style jusqu’à la fin des années 50, sans sac­ri­fi­er à la danse.
Quant à d’Arienzo, son style énergique en a fait une bête de scène qui lui per­me­t­tait d’animer des con­certs eupho­risants jusqu’à sa mort en 1976. Ses musi­ciens (sous la direc­tion de Car­los Laz­zari, ban­donéiste et arrangeur de D’Arienzo) puis de nom­breux orchestres con­tem­po­rains per­pétuent ce style fes­tif et énergique jusqu’à nos jours qui con­tin­u­ent d’enchanter les danseurs, comme les audi­teurs.
Cepen­dant, il est cer­tain que le rock et d’autres modes ayant éloigné les danseurs du tan­go, il est dif­fi­cile de faire con­tin­uer l’âge d’or après les années 50.

The 1940s saw the four pil­lars in their hey­day. In the 1950s, they con­tin­ued to evolve, but at the same time, the arrival of new tastes among dancers, espe­cial­ly rock, meant that the prac­tice began to decline and that orches­tras turned to more con­cer­tante forms.
In their last years, Troi­lo and Pugliese pro­duced inno­v­a­tive and nos­tal­gic tracks that were more ori­ent­ed towards con­cert than dance in search of a sec­ond wind.
Car­los Di Sar­li, per­haps more in tune with the times who demand­ed more roman­tic music, con­tin­ued in his style until the end of the 50s, with­out sac­ri­fic­ing dance.
As for d’Arien­zo, his ener­getic style made him a beast of the stage, allow­ing him to host euphor­ic con­certs until his death in 1976. Its musi­cians (under the direc­tion of Car­los Laz­zari, D’Arien­zo’s ban­doneist and arranger) and many con­tem­po­rary orches­tras per­pet­u­ate this fes­tive and ener­getic style to this day, which con­tin­ues to enchant dancers and lis­ten­ers alike. How­ev­er, rock and oth­er fash­ions have cer­tain­ly kept dancers away from tan­go, mak­ing it dif­fi­cult to con­tin­ue the gold­en age after the 1950s.

Le lancement du disque, ou la seconde mort du tango de danse

The launch of the LP, or the second death of dance tango

Le disque LP et la stéréo­phonie ont changé la musique de tan­go.

Un autre phénomène se développe dans les années 50, le microsil­lon et en 1958, le son stéréo. Cette inven­tion avec l’augmentation de la qual­ité de la musique, la plus grande durée de musique par disque (env­i­ron 8 fois plus par disque), fait que l’on peut pos­séder beau­coup plus de musique sans que cela devi­enne trop envahissant, d’autant plus que les dis­ques microsil­lons sont plus légers et fins que les anciens 78 tours en shel­lac.
Le son stéréo a rapi­de­ment for­mé les oreilles des audi­teurs, reléguant les anciens enreg­istrements au ray­on des antiq­ui­tés. Pour essay­er de con­tr­er ce mou­ve­ment et « mod­erniser » leur fond ancien, les édi­teurs de musique ont réédité les tan­gos des années 30 et 40 en vinyle (microsil­lon) en rajoutant de la réver­béra­tion. Cela donne une impres­sion d’espace et per­met de faire du « stéréo like » à peu de frais. Aujourd’hui ces vinyles sont très mal vus, car la réver­béra­tion nuit au mes­sage sonore.

Anoth­er phe­nom­e­non devel­oped in the 1950s, the LP, and in 1958, stereo sound. This inven­tion with the increase in the qual­i­ty of music, and the longer dura­tion of music per record (about 8 times more per record), means that one can own much more music with­out it becom­ing too intru­sive, espe­cial­ly since LP records are lighter and thin­ner than the old shel­lac 78s.
The stereo sound quick­ly trained lis­ten­ers’ ears, rel­e­gat­ing old record­ings to the antique shelf. To try to counter this move­ment and “mod­ern­ize” their old back­ground, music pub­lish­ers have reis­sued tan­gos from the 30s and 40s on vinyl (LP) by adding reverb. This gives the impres­sion of space and allows you to “stereo like” at lit­tle cost. Today, these vinyls are very frowned upon, because the reverb detracts from the sound mes­sage.

La valse de Juan D’Arien­zo — No llores madre de 1936-07-03 a été dif­fusée dans un pre­mier temps sur disque shel­lac. Lors de la réédi­tion en microsil­lon (LP), pour lui don­ner un air de “stéréo”, les ingénieurs du son ont rajouté de la réver­béra­tion, ce qui a pol­lué la musique orig­i­nale.

Ces deux don­nées expliquent aus­si le déclin des orchestres de bal. En effet, il deve­nait pos­si­ble de jouer de la musique de tan­go pen­dant une demi-heure, sans aucune manip­u­la­tion et sans avoir à pay­er un orchestre.

These two fac­tors also explain the decline of ball­room bands. Indeed, it became pos­si­ble to play tan­go music for half an hour, with­out any manip­u­la­tion and with­out hav­ing to pay for an orches­tra.

Le petit âge d’or, le moyen âge d’or et le grand âge d’or

The Little Golden Age, the Golden Age and the Great Golden Age

L’âge d’or du tan­go. Illus­tra­tion libre, ne pas y chercher une vérité his­torique… / The gold­en age of tan­go. Free illus­tra­tion, do not look for his­tor­i­cal truth…

Une déf­i­ni­tion très stricte de l’âge d’or est par­fois don­née et qui est bornée par la péri­ode où les 4 piliers jouaient, donc de 1943 (arrivée sur le marché du disque de Pugliese), jusqu’à l’arrivée du microsil­lon, aux alen­tours de 1955.
Comme on aime bien arrondir, on définit cette péri­ode comme courant de 1940 à 1955.
Cepen­dant, cela enlève les mer­veilleux enreg­istrements de D’Arienzo de la sec­onde moitié des années 30. Il est donc plus courant de définir un « moyen âge d’or » de 1935 à 1955. Les comptes sont ronds, vingt ans tout juste. En Europe, la nos­tal­gie et la famil­iar­ité avec le tan­go musette et ital­ien, font que la vieille garde est égale­ment appré­ciée. Cela per­met d’inclure des orchestres qui ont beau­coup de suc­cès dans les « encuen­tros milongueros », comme Canaro, Dona­to, Cara­bel­li ou Frese­do. Tou­jours pour favoris­er les comptes justes, on étend par­fois l’âge d’or de 1930 à 1955.

A very strict def­i­n­i­tion of the gold­en age is some­times giv­en which is lim­it­ed by the peri­od when the 4 pil­lars were play­ing, i.e. from 1943 (arrival on the mar­ket of the Pugliese record), until the arrival of the LP, around 1955.
Since we like to round up, we define this peri­od as cur­rent from 1940 to 1955.
How­ev­er, this takes away from the won­der­ful D’Arien­zo record­ings from the sec­ond half of the 1930s. It is there­fore more com­mon to define a “gold­en mid­dle” from 1935 to 1955. The accounts are round, just twen­ty years. In Europe, nos­tal­gia and famil­iar­i­ty with musette and Ital­ian tan­go mean that the old guard is also appre­ci­at­ed. This makes it pos­si­ble to include orches­tras that are very suc­cess­ful in the “encuen­tros milongueros”, such as Canaro, Dona­to, Cara­bel­li, or Frese­do. Also in order to pro­mote fair accounts, the gold­en age is some­times extend­ed from 1930 to 1955.

Le support de l’âge d’or

The support of the Golden Age

Un disque 78 tours en shel­lac. Ici, une valse de D’Arien­zo, En tu corazón. / A 78 rpm shel­lac record. Here, a waltz from D’Arien­zo, En tu corazón.

C’est le réper­toire qu’utilisent les DJ les plus « tra­di­tion­nels ».
Sig­nalons que dans ce mou­ve­ment « tra­di­tion­nel » cer­tains DJ revendiquent la dif­fu­sion en milon­ga à par­tir de dis­ques vinyle, un sup­port anachronique. Mais les modes ont-elles à se jus­ti­fi­er ? Quelques DJ utilisent des dis­ques shel­lac par souci de vérité his­torique. Mais là, c’est jouer avec le pat­ri­moine et cette pra­tique me sem­ble non recom­mand­able, car nuis­i­ble avec notre héritage, sans aucune valeur ajoutée en ter­mes de musique. Les véri­ta­bles col­lec­tion­neurs respectent ces tré­sors et ne les exposent pas à la ruine.

This is the reper­toire used by the most “tra­di­tion­al” DJs.
It should be not­ed that in this “tra­di­tion­al” move­ment, some DJs claim to broad­cast in milon­ga from vinyl records, an anachro­nis­tic medi­um. But do fash­ions have to be jus­ti­fied? Some DJs use shel­lac records for the sake of his­tor­i­cal truth. But in this case, it’s play­ing with her­itage and this prac­tice seems to me to be rec­om­mend­able, because it is harm­ful to our her­itage, with­out any added val­ue in terms of music. True col­lec­tors respect these trea­sures and do not expose them to ruin.

Vers un nouvel âge d’or ?

Towards a new golden age?

Vers un nou­v­el âge d’or du tan­go ? / Towards a new gold­en age?

Le tan­go est né et est ressus­cité à dif­férentes repris­es, sous des aspects légère­ment dif­férents à chaque fois.
Peut-être sommes-nous à l’aube d’un nou­v­el âge d’or du tan­go de danse ? Les avions n’ont jamais trans­porté autant de tangueros à Buenos Aires. En Europe, il n’y a pas une ville de quelque impor­tance sans une com­mu­nauté tanguera.
Cette com­mu­nauté est inter­na­tionale. Il est pos­si­ble de danser avec des parte­naires venus du monde entier et de s’entendre dès la pre­mière tan­da com­mune. C’est un des mir­a­cles du tan­go. Cepen­dant, ce pat­ri­moine est frag­ile, comme les dis­ques shel­lac. Il con­vient de le préserv­er et de ne pas le déna­tur­er en s’éloignant de ce qui fait la par­tic­u­lar­ité de la danse.

Tan­go was born and res­ur­rect­ed on dif­fer­ent occa­sions, in slight­ly dif­fer­ent aspects each time.
Maybe we are at the dawn of a new gold­en age of dance tan­go? Planes have nev­er car­ried so many tangueros to Buenos Aires. In Europe, there is not a city of any impor­tance with­out a tanguera com­mu­ni­ty.
This com­mu­ni­ty is inter­na­tion­al. It is pos­si­ble to dance with part­ners from all over the world and to hear each oth­er from the first tan­da togeth­er. This is one of the mir­a­cles of tan­go. How­ev­er, this her­itage is frag­ile, like shel­lac records. It should be pre­served and not dis­tort­ed by dis­tanc­ing one­self from what makes dance so spe­cial.

Épilogue

Epilogue

Dif­fi­cile d’imag­in­er ce que sera le tan­go dans un siè­cle. Espérons qu’il sera dans un nou­v­el âge d’or. / It’s hard to imag­ine what tan­go will be like in a cen­tu­ry. Hope­ful­ly it will be in a new gold­en age.

Un DJ actuel a le choix de qua­si­ment un siè­cle de musique pour ani­mer ses milon­gas. Il con­vient cepen­dant qu’il ne sépare pas les danseurs de ce qui est le plus pré­cieux, le tan­go de l’âge d’or. Il devra donc veiller à tou­jours don­ner à écouter et danser cette référence, les grands tan­gos de bals des années 35–55, ou 30–55, ou 40–55.
Charge aux danseurs et à leurs pro­fesseurs, de com­pren­dre ce qui fait du tan­go une danse si par­ti­c­ulière et pourquoi il est impor­tant de la reli­er à une musique par­faite pour lui. Pour ter­min­er, je souhaite rap­pel­er que le tan­go de danse n’est qu’une par­tie de la cul­ture tan­go et que je n’ai par­lé d’âge d’or que pour le DJ. Des ama­teurs de tan­go à écouter pour­raient plac­er leur âge d’or dans les années Piaz­zol­la. En effet, celui-ci crée son octe­to en 1955 et ses propo­si­tions musi­cales débuteront le cli­vage entre tra­di­tion et moder­nité. On pour­rait donc par­ler d’un âge d’or du tan­go d’écoute de 1955 à 1990…

A today DJ has the choice of almost a cen­tu­ry of music to liv­en up his milon­gas. How­ev­er, he should not sep­a­rate the dancers from what is most pre­cious, the tan­go of the gold­en age. He will there­fore have to make sure that he always gives to lis­ten to and dance to this ref­er­ence, the great balls of the years 35–55, or 30–55, or 40–55.
It is up to the dancers and their teach­ers to under­stand what makes tan­go such a spe­cial dance and why it is impor­tant to con­nect it to music that is per­fect for them. To con­clude, I would like to remind you that dance tan­go is only one part of the tan­go cul­ture and that I have only spo­ken of a gold­en age for the DJ. Tan­go lovers to lis­ten to could place their gold­en age in the Piaz­zol­la years. Indeed, he cre­at­ed his octe­to in 1955 and his musi­cal pro­pos­als began the divide between tra­di­tion and moder­ni­ty. We could there­fore speak of a gold­en age of lis­ten­ing tan­go from 1955 to 1990…