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Luz y sombra 1956-08-08 — Orquesta Alfredo De Angelis con Carlos Dante y Oscar Larroca

Alfredo De Angelis Letra: Gervasio López

Luz y som­bra, de lumière et d’ombre, de Ange­lis, Lar­ro­ca et Dante peignent un tableau ravis­sant que je vais vous présen­ter. Les ombres sont unique­ment présentes pour don­ner du relief à la lumière. Cette valse pais­i­ble, mais entraî­nante, nous fait décou­vrir un aspect du tan­go, bien loin de la seule tristesse qu’y voient cer­tains. Met­tons cela en lumière.

Extrait musical

Luz y som­bra 1956-08-08 — Orques­ta Alfre­do De Ange­lis con Car­los Dante y Oscar Lar­ro­ca.

Dès les pre­mières notes, la gaîté du morceau appa­raît, les pre­miers temps de la valse sont bien mar­qués. Après 50 sec­on­des, Oscar Lar­ro­ca com­mence de sa voix de bary­ton, suivi de peu par la voix de ténor de Car­los Dante. Les deux voix vont se mêler ain­si jusqu’à la dernière mesure. On sent bien qu’il ne se déroule pas un drame dans cette valse. Les paroles vont nous le con­firmer.

Paroles

Los tri­nos se der­ra­man
Y emer­gen los arrul­los
Ese jardín flori­do
Que tienen por man­sión
Jilgueros y gor­riones
Alon­dras y zorza­les
Que ento­nan him­nos bel­los
Como una ben­di­ción
Via­jeras golon­dri­nas
Salu­dan a su pasó
Y como gen­tileza
Con­tes­ta el ruiseñor
Elab­o­ra el hornero
Su rús­ti­ca mora­da
Y un pavo rear­rum­broso
Crit­i­ca con­struc­tor

Concier­to de per­fume
De can­tos y de ale­grías
De la nat­u­raleza
Ofrece al soñador
Male­ta de col­ores
Enjam­bre deli­cioso
Que alu­cinó lle­va­do
Jamás algún pin­tor

Y cuan­do cae la tarde
Los pájaros palmeros
Retor­nan a sus nidos
En bus­ca de calor
Entor­nan las camelias
Sus péta­los celosos
Por miedo que el rocío
Les quite su esplen­dor

Enmudece el ambi­ente
La noche se aprox­i­ma
Ensaya un gril­lo el can­to
Monótono y tristón
Palide­cen las rosas
Se esfu­ma la ale­gría
Y llo­ra la cig­a­r­ra
Porque se ha puesto el Sol
Y llo­ra la cig­a­r­ra
Porque se ha puesto el Sol
Alfre­do De Ange­lis Letra: Ger­va­sio López

Traduction libre et indications

Les trilles se répan­dent et les roucoule­ments émer­gent.
Ce jardin fleuri qui est le manoir des chardon­nerets et des moineaux, des alou­ettes et des grives qui chantent de beaux hymnes comme une béné­dic­tion.
Les hiron­delles voyageuses les salu­ent au pas­sage et, par cour­toisie, le rossig­nol répond, le hornero éla­bore sa demeure rus­tique et une dinde revêche cri­tique le con­struc­teur.
Un con­cert de par­fums, de chants et de joies, offre la nature au rêveur, une mal­lette de couleurs, un déli­cieux essaim qui a hal­lu­ciné et que n’a jamais porté un pein­tre. (la mal­lette, on pour­rait dire la palette de couleurs est si riche qu’aucun pein­tre n’en a jamais eu de pareille).
Et quand tombe le soir, les oiseaux de palmiers retour­nent à leurs nids à la recherche de chaleur.
Les camélias envelop­pent jalouse­ment leurs pétales de peur que la rosée ne leur enlève leur splen­deur.
L’am­biance est muette, la nuit approche, un gril­lon répète le chant monot­o­ne et triste, les ros­es pâlis­sent et la joie s’é­vanouit et la cigale pleure parce que le soleil s’est couché.
Et la cigale pleure parce que le soleil s’est couché.

Les duos et trios de chanteurs de De Angelis

Si plusieurs orchestres, j’hésite à dire beau­coup, ont réal­isé des duos de chanteurs, De Ange­lis a eu une prédilec­tion pour le genre. Nous avons vu hier que Edgar­do Dona­to avait enreg­istré de nom­breux chanteurs et avait prof­ité de la pro­fu­sion pour enreg­istr­er même des trios.

Les duos de chanteurs de De Angelis

De Ange­lis a fait de même en enreg­is­trant beau­coup de duos et même un quatuor… Voici une liste des asso­ci­a­tions qu’il a util­isées pour ses enreg­istrements. D’autres ont existé, mais sans avoir été immor­tal­isée par le disque :

  • Car­los Aguirre et Alber­to Cuel­lo
  • Car­los Aguirre et Julián Ros­ales
  • Car­los Dante et Julio Mar­tel (sans doute le duo le plus con­nu de De Ange­lis)
  • Car­los Dante et Oscar Lar­ro­ca (c’est celui de notre valse du jour)
  • Juan Car­los Godoy et Oscar Lar­ro­ca
  • Juan Car­los Godoy et Lalo Mar­tel
  • Juan Car­los Godoy et Rober­to Manci­ni
  • Isabel “Gigí” De Ange­lis et Car­los Bole­di (Gigi est la fille de De Ange­lis)
  • Isabel “Gigí” De Ange­lis et Ricar­do “Chiqui” Pereyra (Exer­ci­ce de pronon­ci­a­tion Gigi y Chiqui).
  • Rubén Linares et Marce­lo Bion­di­ni

Sur la com­po­si­tion des duos. En général, les orchestres essayaient d’avoir deux chanteurs. Un qui jouait le rôle de l’Espagnol (Oscar Lar­ro­ca pour cette valse) et un qui jouait le rôle de l’Italien (Car­los Dante pour cette valse). Il y avait aus­si la néces­sité d’association de voix com­pat­i­bles et générale­ment de reg­istres dif­férents (ténor et bary­ton, par exem­ple). De Ange­lis ou Troi­lo ont par­ti­c­ulière­ment bien réus­si leurs « mariages », d’autres chefs ont eu du mal à con­tracter les voix qui vont bien ensem­ble, comme Di Sar­li ou D’Arienzo.
Une autre rai­son qui fait que De Ange­lis a util­isé des duos est que c’est une car­ac­téris­tique de la musique tra­di­tion­nelle et De Ange­lis a, par exem­ple, enreg­istré pas mal de vals criol­los. Pour Troi­lo, il me sem­ble que c’est plus son goût pour les voix, même s’il a aus­si inves­tigué du côté du folk­lore.

Le quatuor de chanteur de De Angelis

  • Ricar­do “Chiqui” Pereyra, Jorge Guiller­mo, Marce­lo Bion­di­ni et Isabel “Gigí” De Ange­lis

Comme les quatuors de chanteurs sont tout de même assez rares en tan­go, je vais vous faire écouter celui-ci dans un titre qui va faire rire cer­tains. La cale­si­ta (le manège).

La cale­si­ta 1981 — Orques­ta Alfre­do De Ange­lis con Ricar­do “Chiqui” Pereyra, Jorge Guiller­mo, Marce­lo Bion­di­ni y Isabel “Gigí” De Ange­lis (Mar­i­ano Mores Letra: Cátu­lo Castil­lo).

Avec La cale­si­ta, on est assez loin du tan­go auquel nous a habitué De Ange­lis, mais le titre vaut une expli­ca­tion.
La cale­si­ta, c’est le manège. Celui qu’aiment les enfants. À Buenos Aires, ils étaient mus par des moteurs de sang (des chevaux) avant de pass­er à des motori­sa­tions moins cru­elles pour les ani­maux.
Cer­tains qual­i­fi­aient De Ange­lis de orques­ta de cale­si­ta, orchestre pour les manèges. Mais con­traire­ment au dédain qu’affichent ceux qui l’affublent de ce nom, ce n’est pas à cause d’un manque de qual­ité, bien au con­traire. Si De Ange­lis était si joué dans les manèges, c’était que sa musique atti­rait les femmes qui décidaient de plac­er leur progéni­ture sur la machine tour­nante afin de pou­voir savour­er la musique de De Ange­lis. Les femmes n’étaient pas les seules à être attirées par la musique, cer­tains danseurs prof­i­taient de cette musique « gra­tu­ite » pour danser autour du manège. Peut-être que le manège était égale­ment prop­ice pour se met­tre en ménage (jeu de mot en français, je suis désolé pour ceux qui lisent dans une autre langue).

Autres versions

La valse enreg­istrée par De Ange­lis est unique, mais le titre avait aupar­a­vant été util­isé pour d’autres œuvres.

Luz y som­bra 1930-09-11 — Orques­ta Julio De Caro con Luis Díaz (Alfre­do Oscar Gen­tile; Atilio Sup­paro, musique et paroles).

Bon, ce n’est pas vilain, mais cela manque tout de même d’un peu d’euphorie et d’intérêt pour la danse. Je vous pro­pose de met­tre ce titre de côté.

Luz y som­bra 1955 — Astor Piaz­zol­la y su Orques­ta Típi­ca (Astor Piaz­zol­la).

De l’excellent Piaz­zol­la, mais à 1000 lieues de ce qu’enregistrera l’année suiv­ante, De Ange­lis. La musique de Piaz­zol­la est rel­a­tive­ment descrip­tive. On peut assez facile­ment iden­ti­fi­er les alter­nances de lumière et d’ombre. De la musique à écouter, dans l’ombre d’un salon cos­su.

Luz y som­bra 1993-12 — Georges Rabol (Astor Piaz­zol­la).

Luz y som­bra 1993-12 — Georges Rabol (Astor Piaz­zol­la). Une inter­pré­ta­tion impres­sion­nante, au piano, de Luz y som­bra de Piaz­zol­la. Le piano est un mer­veilleux instru­ment, capa­ble, comme le prou­ve Georges Rabol, de rem­plac­er un orchestre.
Nous sommes en 1993, mais ras­surez-vous, je vous pro­pose main­tenant, pour vous diver­tir, la ver­sion de Luz y som­bra de De Ange­lis, notre valse du jour qui est net­te­ment antérieure de 37 années.

Luz y som­bra 1956-08-08 — Orques­ta Alfre­do De Ange­lis con Car­los Dante y Oscar Lar­ro­ca.

Notre valse du jour est le seul enreg­istrement de cette anec­dote pass­able dans une milon­ga, mais sa bonne humeur per­met de com­penser cela.

La nuit est en train de tomber sur ce joli jardin.

On remar­quera le hornero et sa mai­son faîte de boue qui lui vaut le titre d’ar­chi­tecte. Le chardon­neret élé­gant, cité dans la chan­son, est égale­ment présent. Les camélias et les ros­es pâlis­santes. C’est ce beau jardin que j’imagine en enten­dant cette valse. En pas­sant l’arche, on trou­vera un espace dégagé pour danser la valse.

Alors, val­sons jusqu’à demain, les amis !

Tu melodía 1945-05-25 — Orquesta Rodolfo Biagi con Jorge Ortiz / Tu melodía 1944-12-27 — Orquesta Domingo Federico con Carlos Vidal

Alberto Suárez Villanueva Letra: Oscar Rubens (Oscar Rubistein)

Tu melodía est un superbe titre que deux orchestres ont enregistré à 5 mois d’intervalle. Je vous invite donc à écouter non pas une, mais deux versions. Je pense que certains auront une surprise en comparant les deux titres… Puis nous nous lancerons dans un sujet polémique, la SACEM à propos des paroles en français de ce tango.

Extraits musicaux

Si c’est aujourd’hui l’anniversaire de la ver­sion de Bia­gi qui fête ses 79 ans, je vous pro­pose de com­mencer par sa grande sœur enreg­istrée par Domin­go Fed­eri­co, le 27 décem­bre 1944.

Tu melodía 1944-12-27 — Orques­ta Domin­go Fed­eri­co con Car­los Vidal.

Le tan­go par des ban­donéons incisifs puis les vio­lons s’ajoutent, beau­coup plus suaves, et très rapi­de­ment la voix de Car­los Vidal (dès 20 sec­on­des, ce qui est très tôt et excep­tion­nel pour un tan­go de danse). Ensuite, c’est une alter­nance du chanteur et des instru­ments qui repren­nent l’air en solo. C’est donc un tan­go de danse avec une présence par­ti­c­ulière­ment impor­tante du chanteur, ce qui n’était pas fréquent avant que Troi­lo s’en mêle.

Tu melodía 1945-05-25 — Orques­ta Rodol­fo Bia­gi con Jorge Ortiz.

Je pense que dès les pre­mières sec­on­des vous aurez remar­qué qu’il s’agissait d’une valse. En effet, Bia­gi inter­prète ain­si la com­po­si­tion de Suárez Vil­lanue­va. Là on est moins en présence d’une alter­nance, les vio­lons chantent en har­monie avec Ortiz. Le piano, Bia­gi n’a pas de rai­son de s’en priv­er, car c’est lui le chef, a son solo en plus de ses habituelles ponc­tu­a­tions de 2:03 2:33. Vous remar­querez les notes dou­blées dans la sec­onde par­tie de son solo. Comme avec Fed­eri­co et Vidal, le chanteur va jusqu’aux dernières notes.

Paroles

Tu melodía siem­pre la escu­cho,
Y donde vaya, me per­sigue noche y día…

Buscán­dote, amor, amor
Ansiosa está el alma mía,
Y dónde voy oyen­do estoy,
Tu dulce voz, tu melodía.

Cada lugar que recor­rí
Me habló de ti, de tu emo­ción,
Por eso siem­pre te está bus­can­do
Con­fian­do hal­larte mi corazón.

Tu melodía,
Siem­pre la escu­cho
Y donde vaya
Me per­sigue noche y día.

Tu melodía
Vive en mi alma,

Y al evo­car­la
Me devuelve tu visión.

Alber­to Suárez Vil­lanue­va Letra: Oscar Rubens (Oscar Rubis­tein)

Vidal com­mence par ce qui est en couleur (bleu, rouge). Puis il repart du début et chante tout jusqu’à la fin et reprend même les deux vers en rouge et gras…
Dans le cas de Ortiz on est dans une struc­ture plus clas­sique. La mélodie est présen­tée une fois par les vio­lons avant d’être con­fiée au chant. Ortiz chante tout ce qui est en gras. Il omet donc les deux pre­miers vers.

Traduction libre

Ta mélodie, je l’entends tou­jours, et partout où je vais, elle me hante nuit et jour…
En te cher­chant, amour, amour anx­ieux jusqu’à l’âme, et où que j’aille, j’entends, ta douce voix, ta mélodie.
Chaque endroit que j’ai vis­ité m’a par­lé de toi, de ton émo­tion, c’est pourquoi, tou­jours, je te cherche, en espérant te trou­ver, mon cœur.
Ta mélodie, je l’entends tou­jours et partout où je vais, elle me hante nuit et jour…
Ta mélodie vit dans mon âme, et quand je l’évoque, elle me rend ta vision.

Histoire de droits d’auteurs

Tout d’abord, une autre ver­sion des paroles. Par Framique (Eugénie Mic­sunesco) (1896–1991). Elle était l’épouse de Fran­cis Sal­abert, édi­teur et auteur-com­pos­i­teur de nom­breux titres que l’on peut voir sur le site de la BNF (Bib­lio­thèque Nationale de France) et on la trou­ve donc aus­si sur le site de la BNF avec la liste de ses œuvres. Tu melodía n’est pas dans cette liste, mais on la trou­ve dans celle de son pseu­do­nyme, Framique sur le site de la BNF.
Cette ver­sion a été éditée par son mari, à Paris, en 1948, comme on peut le voir sur la fiche de l’œuvre sur le site de la BNF. Sur la même fiche, on peut trou­ver l’incipit que voilà :

1.1.1 C’est le plus beau des chants d’amour
2.1.1. Bus-can­dote amor amor

Dans le Cat­a­log of copy­right entries Third Series, on trou­ve dans le vol­ume 3, Part 5 A, Num­ber 1 de jan­vi­er à juin 1949 de la Library of Con­gress, la pré­ci­sion de la date, le 10 sep­tem­bre 1948. Dans ce reg­istre est égale­ment con­signé le nom de Suarez Vil­lanue­va en référence à la ver­sion orig­i­nale. On remar­que le copy­right des édi­tions Sal­abert, celles du mari de Framique.

Dans cet extrait du reg­istre des copy­rights, on trou­ve la pré­ci­sion du 10 sep­tem­bre 1948

Il y a donc des paroles français­es de ce tan­go ou valse, écrites par Framique et éditées par son mari. On touche ici du doigt le monde de l’édition musi­cale. Imprimer une par­ti­tion, peut-être une source de revenus non nég­lige­able, cela don­nera des idées au cours du temps, comme nous allons l’évoquer main­tenant à pro­pos de la société des Auteurs, Com­pos­i­teurs et Édi­teurs de musique, la SACEM.

La SACEM et les droits d’auteur

Les organ­isa­teurs de man­i­fes­ta­tion tan­go râlent sou­vent en France à cause des coûts énormes de la SACEM qui grèvent les bud­gets de leurs événe­ments. La SACEM est une société de col­lecte des droits d’auteurs et « avoisi­nants ». Société des Auteurs, Compos­i­teurs et Éditeurs de Musique.
Ce serait un moin­dre mal si l’argent col­lec­té ser­vait réelle­ment aux ayants droit, mais on va voir que c’est un peu moins rose que cela…


Prenons l’exemple de la Cumpar­si­ta.
Ger­ar­do Matos Rodriguez en est con­sid­éré comme l’auteur. Il est mort en 1948. Donc, depuis 2018 (la pro­tec­tion court jusqu’à 70 ans après la mort de l’auteur pour la France), la Cumpar­si­ta est tombée dans le domaine pub­lic. Elle ne devrait donc plus faire l’objet de prélève­ments. Pour éviter cela, la SACEM et les sociétés affil­iées ont inven­té de nou­veaux droits per­me­t­tant aux édi­teurs de con­tin­uer à touch­er des sommes con­séquentes même pour les œuvres tombées dans le domaine pub­lic.

Les « revenus » de la SACEM :

La SACEM ne con­necte pas seule­ment les sommes qui vont per­me­t­tre aux pau­vres com­pos­i­teurs de manger. Cette activ­ité est même mar­ginale et plus qu’insignifiante en vol­ume. Voici le panora­ma de ce que gère la SACEM…

  • La SACEM récupère les droits d’auteurs des com­pos­i­teurs et auteurs de musique, mais aus­si des édi­teurs de musique (le E de SACEM).
  • Elle col­lecte la rémunéra­tion pour copie privée (taxe prélevée sur tous les sup­ports d’enregistrements vierges, même s’ils ne ser­vent pas à la musique (Loi du 3 juil­let 1985, dite Loi Lang).
  • Elle col­lecte pour SESAM, sur les œuvres mul­ti­mé­dias (Société du droit d’auteur dans l’univers mul­ti­mé­dia et inter­net)
  • Elle col­lecte pour SDRM, les droits de repro­duc­tion mécaniques des auteurs, com­pos­i­teurs, édi­teurs, réal­isa­teurs et dou­bleurs, sous-titreurs.
  • La SPRÉ, la rémunéra­tion équitable au prof­it des musi­ciens inter­prètes et des pro­duc­teurs phono­graphiques.

J’ai mis en gras ceux qui rece­vaient la plus grosse part du gâteau, après bien sûr le « prélève­ment » de la SACEM. Il s’agit, vous vous en seriez douté, des édi­teurs et pro­duc­teurs. Rien que pour les droits d’auteur, la clef de répar­ti­tion est en théorie de 25 % pour l(es) auteur(s) 25 % pour le(s) compositeur(s) 50 % pour l(es) éditeur(s).
Donc, quand vous écoutez la Cumpar­si­ta dans une milon­ga, vous pou­vez penser que c’est une musique « libre de droits ».
En fait, non. Les édi­teurs de musique exis­tent tou­jours, les pro­duc­teurs de dis­ques, égale­ment et phénomène intéres­sant de nou­veaux ayants droit se gref­fent sur les œuvres à suc­cès. J’ai com­pilé ci-dessous la liste des ayants droit pour la Cumpar­si­ta que l’on trou­ve dans les reg­istres de la SACEM.
Vous allez y décou­vrir bien plus que les trois auteurs com­muné­ment cités dans le domaine du tan­go, mais surtout, vous allez voir une liste d’éditeurs et de sous-édi­teurs, qui sont donc des ayants droit, juste, car ils ont imprimé, au moins une fois La Cumpar­si­ta et qu’ils l’ont déclaré à la SACEM ou à une société affil­iée.
La SPRÉ étant des­tinée aux inter­prètes, la liste de ces derniers devient très longue. Donc, même si vous jouez une Cumpar­si­ta dans une ver­sion où tous les mem­bres de l’orchestre sont morts avant 1954, il y a des droits à pay­er. N’oublions pas que la SPRÉ n’est pas essen­tielle­ment des­tinée aux musi­ciens, mais aux édi­teurs…
Je vous laisse méditer sur les ayants droit de la SACEM à par­tir de son reg­istre, mais avant, je tiens à vous com­mu­ni­quer une infor­ma­tion.
La SADAIC, l’équivalent argentin de la SACEM, reçoit des sommes for­faitaires de la France, mais rien de par­ti­c­uli­er en matière de tan­go. En effet, cette musique est con­sid­érée comme mar­ginale en ter­mes de droits d’auteurs par la SADAIC et il n’y a pas de reven­di­ca­tion par­ti­c­ulière.
Je pense que vous com­prenez que quand vous déclarez à la SACEM la musique d’un événe­ment, même si le DJ dresse une liste avec le nom des com­pos­i­teurs et que vous la trans­met­tez, cela n’a aucune inci­dence sur les flux entre la France et l’Argentine. Ce n’est pas géré.
L’argent qui reste après que ce soit servi la SACEM, les édi­teurs et les pro­duc­teurs, va aux musi­ciens et aux auteurs, mais vous allez le voir, d’une façon assez étrange.
Si vous êtes une grosse vedette du top 50, vous allez recevoir votre dû et même bien plus, car les sommes qui ne sont pas dis­tribuées sont répar­ties à l’ensemble des auteurs inscrits (à not­er que l’inscription d’un auteur à la SACEM n’est pas oblig­a­toire) La SACEM est une société, pas un organ­isme pub­lic, offi­ciel.
Ain­si, Tartem­pi­on Glinglin, qui s’est inscrit à la SACEM, recevra un petit quelque chose, pro­por­tion­nelle­ment à son statut. Les gros reçoivent beau­coup, les petits, très peu. Pour la France, le plus gros, c’est Jean-Jacques Gold­man. Quand vous organ­isez une milon­ga, vous enrichissez Jean-Jacques Gold­man et des édi­teurs et pro­duc­teurs, mais pas Rodriguez ou ses petits-enfants éventuels.
Mais ce n’est pas la seule sur­prise. Je vous pro­pose de regarder main­tenant le réper­toire de la SACEM pour La Cumpar­si­ta. Cette œuvre étant très con­nue et beau­coup jouée, elle attire la con­voitise de ceux qui vivent des sub­sides de la SACEM.

LE RÉPERTOIRE DE LA SACEM

LA CUMPARSITA

Com­pos­i­teur : ARCH DAVID GWYN, BERNARD DEWAGTERE, Cyprien KATSARIS, GARANCE MICHELE, GERARDO MATOS RODRIGUEZ, Giulio Gd D’AGOSTINO, JEFE E L, PUBLIC DOMAIN, TRAD.

Com­pos­i­teur-Auteur : Augustin CASTELLON CAMPOS, CALANDRELLI JORGE M, DP, GERARDO MATOS RODRIGUEZ, GONZALO FI, Igor OUTKINE, INCONNU COMPOSITEUR AUTEUR, KALETH JAMES PATRICK, MAX BRONCO, Pub­lic DOMAINE, ROGERS MILTON (US 1), Roland Mar­tin ROBERTS, ROSE DAVID D, Sam­my WETSTEIN, TERRANO ANDREA.

Auteur : BEYTELMANN GUSTAVO, CONNER DAVID A, David John HOWELL, Fabi­en PACKO, LLOYD JACK, LOVE GEOFFREY, Marie-Stéphane VAUGIEN, MARONI ENRIQUE PEDRO, Pas­cual CONTURSI, PASERO STEVAN, RUNSWICK DARYL BERNARD, STAZO LUIS ANTONIO.

Arrangeur : ARCH DAVID GWYN, Robert DUGUET.

Inter­prète : Alain MUSICHINI, Andre BROCOLETTI, Armand PAOLI, Arnaud THORETTE, Astor PIAZZOLLA, BARIMAR, BASSO JOSE HIPOLITO, Bernard MARLY, BERTRAND DE KERMADEC, BONAZ FERNAND, BRUNELLI FELICIANO, CAHAN JACQUES, CANARO FRANCISCO, CARLOS RODRIGUEZ LUNA, CARRIL HUGO (DEL), CHABLOZ MARTIN, Char­ly OLEG, Christo­pher FRONTIER, CLEMENT DOUCET, CO FRANCO ERNESTO FRANCIS, CORENZO ALFREDO, Corinne ROUSSELET, CUGAT XAVIER, D ARIENZO JUAN, Daniel COLIN, DELERUE GEORGES, DELPHINE LEMOINE, DI SARLI CARLOS, Eduar­do BIANCO, Eduar­do Oscar ROVIRA, Eric BOUVELLE, Eric CERBELLAUD, Eti­enne LORIN, EVEN JO, Fabi­en PACKO, FABRICE PELUSO, FARRART VINCENT, FEDERICO DOMINGO S, FERNANDEZ JOSE ESTEBAN, FIESCHI JOSE, Franck POURCEL, GARANCE MICHELE, GARCIA DIGNO, GARDEL CARLOS, Georges RABOL, Gilbert DIAS, Hervé DESARBRE, HIRSCHFELDER DAVID, HORNER YVETTE, James GRANGEREAU, Jean HARDUIN, JEAN VILLETORTE, JEROME RICHARD, Joseph PERON, Juan CARRASCO, JULIO IGLESIAS, KAASE CHRISTOPHER, KALLISTE EDITIONS MUSICALES, LANDER MONICA, LAZZARI CARLOS ANGEL, LO MANTOVANI ANNUNZIO PAO, LOMUTO FRANCISCO J, Louis CAMBLOR, Louis CORCHIA, Luis (louis) TUEBOLS, MAGALI PERRIER, MAHJUN JEAN LOUIS, MALANDO DANNY, Mar­cel AZZOLA, MARCEL DUVAL, MARCELLO JOSE, Mario CAVALLERO, Mar­tial COHEN-SOLAL, Mau­rice LARCANCHE, Michel FUGAIN, MICHEL PRUVOST, Michel PRUVOT, MORINO JACQUES, NEUMAN ALBERTO, Olivi­er MANOURY, Olivi­er MARTEL, OMAR KHORCHID, Pas­cal TERRIBLE, Patrick BELLAIZE, PIERRE BOUIX, Pierre PARACHINI, PIZARRO MANUEL, PONSERME JACQUES, Pri­mo CORCHIA, Ramon Alber­to GONZALES, Ray­mond BOISSERIE, RENAUD LINE, RIVERO EDMUNDO, Robert TRABUCCO, Rober­to ALAGNA, ROMERO PEPE, ROSSI TINO, S FRESEDO OSVALDO NICOLA, SCALA TANI, SCHIFRIN LALO, SEMINO ROSSI, SEVILLA LUIS MIGUEL, SONY JO, STEPHANE REBEYROL, Tapio KARI, Thier­ry BONNEFOUS, Thier­ry CAENS, TIRAO CACHO, TONY MURENA PRODUCTIONS, TROILO ANIBAL CARMELO, TROVESI GIANLUIGI, VERCHUREN ANDRE, VINCENT INCHINGOLO, WUNDERLICH KLAUS, Yvan CASSAR.

Réal­isa­teur : Julien BLOCH.

Édi­teur : AUSTRALIAN MUSIC EXAMINATIONS BOARD LTD, BMG RICORDI EX RICORDI G C SPA, CALA TUENT MUSIC, CALANDRELLI MUSIC, CD BABY BETA, D A MUSIC LTD, DAVAL MUSIC COMPANY, GD SEVENTY-EIGHT MUSIC, LA PALMERA EDICIONES INH MATTHIAS MOEBIUS, MORRO MUSIC, NEN MUSIC, PATTERDALE MUSIC LTD, PRIMARY WAVE ROSE, RUECKBANK MUSIKVERLAG MARK CHUNG EK, SCHOTT MUSIC GMBH CO KG, SESAME STREET INC, SHUTTERSTOCK MUSIC CANADA ULC, SONY ATV MILENE MUSIC, SWEET CITY SONGS LTD, TUNECORE DIGITAL MUSIC, ZONE MUSIC PUBLISHING LLP.

Sous Édi­teur : BECAUSE EDITIONS, BMG RIGHTS MANAGEMENT (FRANCE), BUDDE MUSIC FRANCE, DAVID PLATZ MUSIC EDITIONS, EDITIONS DURAND, KOBALT MUSIC PUBLISHING FRANCE, MUSICJAG, PARIGO, PEERMUSIC FRANCE, PREMIERE MUSIC GROUP, RDB CONSEIL RIGHTS MANAGEMENT, SCHOTT MUSIC, SENTRIC MUSIC LIMITED, SONY MUSIC PUBLISHING (FRANCE), ST MUSIC INTERNATIONAL INC, UNIVERSAL MUSIC PUBLISHING, WARNER CHAPPELL MUSIC FRANCE.

Cela fait beau­coup de per­son­nes que nous n’aurions pas soupçon­nées d’être liées à la Cumpar­si­ta.

Extrait de l’en­trée Cumpar­si­ta dans les reg­istres de la SACEM. En gras ceux qui sont légitimes, plus domaine pub­lic ou incon­nu.

La Cumpar­si­ta tombera réelle­ment dans le domaine pub­lic quand le dernier des petits malins qui a fait inscrire son nom sera mort depuis plus de 70 ans. Mais ras­surez-vous, les maisons d’édition et pro­duc­teurs trou­veront une astuce et cela n’arrivera donc jamais.
De toute façon, la SPRÉ court tou­jours, car il y a tou­jours des musi­ciens qui jouent la Cumpar­si­ta. C’est une tac­tique bien ficelée et la SACEM a encore de beaux jours pour con­tin­uer de prospér­er, car si même des musi­ciens déci­dent de ne pas adhér­er, de pub­li­er de la musique libre de droits, la SACEM vous réclam­era une somme for­faitaire, à moins que vous puissiez prou­ver que vous ne passez que de la musique libre de droits (on a vu que c’était impos­si­ble avec le réper­toire argentin).

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