Archives par étiquette : La Rosarina

9 de Julio (Nueve de Julio) 2009 — La Tuba Tango

1908 ou 1916 José Luis Padula Letra : 1916 ou 1919 Ricardo M. Llanes 1930 — 1931 Eugenio Cárdenas 1931 Lito Bayardo (Manuel Juan García Ferrari)

Le 9 juil­let pour les Argentins, c’est le 4 juil­let des Éta­suniens d’Amérique, le 14 juil­let des Français, c’est la fête nationale de l’Ar­gen­tine. Elle com­mé­more l’indépen­dance vis-à-vis de l’Es­pagne. José Luis Padu­la était assez bien placé pour écrire ce titre, puisque la sig­na­ture de la Déc­la­ra­tion d’indépen­dance a été effec­tuée à San Miguel de Tucumán, son lieu natal, le 9 juil­let 1816.

Padu­la pré­tend avoir écrit ce tan­go en 1908, à l’âge de 15 ans, sans titre par­ti­c­uli­er et qu’il a décidé de le dédi­er au 9 juil­let dont on allait fêter le cen­te­naire en 1916.
Dif­fi­cile de véri­fi­er ses dires. Ce qu’on peut en revanche affirmer c’est que Rober­to Fir­po l’a enreg­istrée en 1916 et qu’on y entend les cris de joie (étranges) des sig­nataires (argentins) du traité.

Sig­na­ture de la déc­la­ra­tion d’indépen­dance au Con­gre­so de Tucumán (San Miguel de Tucumán) le 9 juil­let 1816. Aquarelle de Anto­nio Gonzáles Moreno (1941).
José Luis Padu­la 1893 – 1945. Il a débuté en jouant de l’har­mon­i­ca et de la gui­tare dès son plus jeune âge (son père était mort quand il avait 12 ans et a donc trou­vé cette activ­ité pour gag­n­er sa vie). L’im­age de gauche est une illus­tra­tion, ce n’est pas Padu­la. Au cen­tre, Padu­la vers 1931 sur une par­ti­tion de 9 de Julio avec les paroles de Lito Bayardo et à droite une pho­to peu avant sa mort, vers 1940.

Extrait musical

Par­ti­tion pour piano de 9 de Julio. L’évo­ca­tion de l’indépen­dance est man­i­feste sur les deux cou­ver­tures. On notera sur celle de droite la men­tion de Car­de­nas pour les paroles.
Autre exem­ple de par­ti­tion avec un agran­disse­ment de la dédi­cace au procu­rador tit­u­lar Señor Ger­va­sio Rodriguez. Il n’y a pas de men­tion de paroli­er sur ces paroles.
9 de Julio () 2009 — La Tuba Tan­go.

Dès les pre­mières notes, on note la tru­cu­lence du tuba et l’am­biance fes­tive que crée cet instru­ment. J’ai choisi cette ver­sion pour fêter le 9 juil­let, car il n’ex­is­tait pas d’en­reg­istrement intéres­sant du 9 juil­let. C’est que c’est un jour férié et les orchestres devaient plutôt ani­mer la fête plutôt que d’en­reg­istr­er. L’autre rai­son est que le tuba est asso­cié à la fan­fare, au défilé et que donc, il me sem­blait adap­té à l’oc­ca­sion. Et la dernière rai­son et d’en­cour­ager cet orchestre créé en 1967 et qui s’est don­né pour mis­sion de retrou­ver la joie des ver­sions du début du vingtième siè­cle. Je trou­ve qu’il y répond par­faite­ment et vous pou­vez lui don­ner un coup de pouce en achetant pour un prix mod­ique ses albums sur Band­camp.

Paroles

Vous avez sans doute remar­qué que j’avais indiqué plusieurs paroliers. C’est qu’il y a en fait qua­tre ver­sions. C’est beau­coup pour un titre qui a surtout été enreg­istré de façon instru­men­tale… C’est en fait un phénomène assez courant pour les titres les plus célèbres, dif­férents auteurs ajoutent des paroles pour être inscrits et touch­er les droits afférents. Dans le cas présent, les héri­tiers de Padu­la ont fait un procès, preuve que les his­toires de sous exis­tent aus­si dans le monde du tan­go. En effet, avec trois auteurs de paroles au lieu d’un, la part de la redis­tri­b­u­tion aux héri­tiers de Padu­la était d’au­tant dimin­uée.
Je vous pro­pose de retrou­ver les paroles en fin d’ar­ti­cle pour abor­der main­tenant les 29 ver­sions. La musique avant tout… Ceux qui sont intéressés pour­ront suiv­re les paroles des rares ver­sions chan­tées avec la tran­scrip­tion cor­re­spon­dante en la trou­vant à la fin.

Autres versions

9 de Julio (Nueve de Julio) 1916 — Orques­ta Rober­to Fir­po.

On y entend les cris de joie des sig­nataires, des espèces de roucoule­ments que je trou­ve étranges, mais bon, c’é­tait peut-être la façon de man­i­fester sa joie à l’époque. L’in­ter­pré­ta­tion de la musique, mal­gré son antiq­ui­té, est par­ti­c­ulière­ment réussie et on ne ressent pas vrai­ment l’im­pres­sion de monot­o­nie des très vieux enreg­istrements. On entend un peu de cuiv­res, cuiv­res qui sont totale­ment à l’hon­neur dans notre tan­go du jour avec La Tuba Tan­go.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1927-06-03 — Orques­ta Rober­to Fir­po.

Encore Fir­po qui nous livre une autre belle ver­sion anci­enne une décen­nie après la précé­dente. L’en­reg­istrement élec­trique améliore sen­si­ble­ment le con­fort d’é­coute.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1928-10-11 — Guiller­mo Bar­bi­eri, José María Aguilar, José Ricar­do (gui­tar­ras).

Vous aurez recon­nu les gui­taristes de Gardel. Cet enreg­istrement a été réal­isé à Paris en 1928. C’est un plaisir d’en­ten­dre les gui­taristes sans la voix de leur « maître ». Cela per­met de con­stater la qual­ité de leur jeu.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1929-12-04 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro.

Je trou­ve cette ver­sion un peu pesante mal­gré les beaux accents du piano de Luis Ric­cardi. C’est un titre à réserv­er aux ama­teurs de canyengue, tout au moins les deux tiers, la dernière vari­a­tion plus allè­gre voit les ban­donéons s’il­lu­min­er. J’au­rais préféré que tout le titre soit à l’aune de sa fin. Mais bon, Canaro a décidé de le jouer ain­si…

9 de Julio (Nueve de Julio) 1930-04-04 — Orques­ta Luis Petru­cel­li.

Le décès à seule­ment 38 ans de Luis Petru­cel­li l’a cer­taine­ment privé de la renom­mée qu’il méri­tait. Il était un excel­lent ban­donéon­iste, mais aus­si, comme en témoigne cet enreg­istrement, un excel­lent chef d’orchestre. Je pré­cise toute­fois qu’il n’a pas enreg­istré après 1931 et qu’il est décédé en 1941. Ces dernières 10 années furent con­sacrées à sa car­rière de ban­donéon­iste, notam­ment pour Frese­do.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1931 — Agustín Mag­a­l­di con orques­ta.

Mag­a­l­di n’ap­pré­ciant pas les paroles de Euge­nio Cár­de­nas fit réalis­er une ver­sion par Lito Bayardo.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1931-08-15 — Orques­ta Típi­ca con Ernesto Famá.

Famá chante le pre­mier cou­plet de Bayardo.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1935-12-31 — Orques­ta Juan D’Arien­zo.

C’est une des ver­sions les plus con­nues, véri­ta­ble star des milon­gas. L’im­pres­sion d’ac­céléra­tion con­tin­ue est sans doute une des clefs de son suc­cès.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1939-07-04 – Char­lo (accordéon et gui­tare).

Je ne sais pas d’où vient cet ovni. Je l’avais dans ma musique, extrait d’un CD Colec­ción para enten­di­dos – Época de oro vol. 6 (1926–1939). Char­lo était pianiste en plus d’être chanteur (et acteur). Tout comme les gui­taristes de Gardel qui ont enreg­istré 9 de Julio sous le nom de Gardel (voir ci-dessus l’en­reg­istrement du 11 octo­bre 1928), il se peut qu’il s’agisse de la même chose. Le même jour, Char­lo enreg­is­trait comme chanteur avec ses gui­taristes Diva­gan­do, No hay tier­ra como la mía, Sola­mente tú et un autre titre accordéon et gui­tare sans chant, la valse Año­ran­do mi tier­ra.
On trou­ve d’autres titres sous la men­tion Char­lo avec accordéon et gui­tare. La cumpar­si­ta et Recuer­dos de mi infan­cia le 12 sep­tem­bre 1939, Pin­ta bra­va, , Ausen­cia et La pol­ca del ren­gui­to le 8 novem­bre 1940. Il faut donc cer­taine­ment en con­clure que Char­lo jouait aus­si de l’ac­cordéon. Pour le prou­ver, je verserai au dossier, une ver­sion éton­nante de La cumpar­si­ta qu’il a enreg­istrée en duo avec Sabi­na Olmos avec un accordéon soliste, prob­a­ble­ment lui…

9 de Julio (Nueve de Julio) 1948 — Orques­ta .

Une jolie ver­sion avec une mag­nifique vari­a­tion finale. On notera l’an­nonce, une pra­tique courante à l’époque où un locu­teur annonçait les titres.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1950-05-15 — Orques­ta Juan D’Arien­zo.

D’Arien­zo nous donne une autre ver­sion. Il y a de jolis pas­sages, mais je trou­ve que c’est un peu plus con­fus que la ver­sion de 1935 qui devrait être plus sat­is­faisante pour les danseurs. Ful­vio Sala­man­ca relève l’ensem­ble avec son piano, piano qui est générale­ment l’épine dor­sale de D’Arien­zo.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1950-07-20 — .

Chez De Ange­lis, le piano est aus­si essen­tiel, mais c’est lui qui en joue, il est donc libre de don­ner son inter­pré­ta­tion mag­nifique, sec­ondé par ses excel­lents vio­lonistes. Pour ceux qui n’ai­ment pas De Ange­lis, ce titre pour­rait les faire chang­er d’avis.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1957-04-08 — Orques­ta Héc­tor Varela.

Varela nous pro­pose une intro­duc­tion orig­i­nale.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1953 — Hora­cio Sal­gán y su Orques­ta Típi­ca.

Une ver­sion sans doute pas évi­dente à danser.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1953-03-03 — Ariel Ped­ern­era y su Quin­te­to Típi­co.

Une belle ver­sion, mal­heureuse­ment cette copie a été mas­sacrée par le « col­lec­tion­neur ». J’e­spère trou­ver un disque pour vous pro­pos­er une ver­sion cor­recte en milon­ga, car ce thème le mérite large­ment.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1953-09-10 — Orques­ta José Sala.

Pour l’é­coute, bien sûr, mais des pas­sages très sym­pas

9 de Julio (Nueve de Julio) 1954-05-13 — Orques­ta Osval­do Pugliese.

Pugliese a mis un peu de temps à enreg­istr­er sa ver­sion du thème. C’est une superbe réal­i­sa­tion, mais qui alterne des pas­sages sans doute trop var­iés pour les danseurs, mais je suis sûr que cer­tains seront ten­tés par l’ex­péri­ence.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1959 — Luis Macha­co.

Une ver­sion tran­quille et plutôt jolie par un orchestre oublié. Le con­tre­point entre le ban­donéon en stac­ca­to et les vio­lons en lega­to est par­ti­c­ulière­ment réus­si.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1964 — Alber­to Mari­no con la orques­ta de Osval­do Taran­ti­no.

Alber­to Mari­no chante les paroles de Euge­nio Cár­de­nas. Ce n’est bien sûr pas une ver­sion pour la danse.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1966-06-21 — Orques­ta Florindo Sas­sone.
9 de Julio (Nueve de Julio) 1966-08-03 — Orques­ta Juan D’Arien­zo.

Une ver­sion bien con­nue par D’Arien­zo, dans le style sou­vent pro­posé par les orchestres con­tem­po­rains. Spec­tac­u­laire, mais, y‑a-t-il un mais ?

9 de Julio (Nueve de Julio) 1967-08-10 (-Per­icón) — Orques­ta Enrique Rodríguez.

Sec­ond OVNI du jour, cette ranchera-Per­icón nacional avec ses flon­flons, bien prop­ice à faire la fête. Peut-être une corti­na pour demain (aujour­d’hui pour vous qui lisez, demain pour moi qui écrit).

9 de Julio (Nueve de Julio) 1968 — Cuar­te­to Juan Cam­bareri.

Une ver­sion vir­tu­ose et ent­hou­si­as­mante. Pensez à prévoir des danseurs de rechange après une tan­da de Cam­bareri… Si cela sem­ble lent pour du Cam­bareri, atten­dez la vari­a­tion finale et vous com­pren­drez pourquoi Cam­bareri était nom­mé le mage du ban­donéon.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1970 — Orques­ta Arman­do Pon­tier.

Une ver­sion orig­i­nale, mais pas for­cé­ment indis­pens­able, mal­gré le beau ban­donéon d’Arman­do Pon­tier.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1971 — Orques­ta Dona­to Rac­ciat­ti.

Même si la Provin­cia Ori­en­tale tombait en 1916 sous la coupe du Por­tu­gal / Brésil, les Uruguayens sont sen­si­bles à l’é­man­ci­pa­tion d’avec le vieux monde et donc, les orchestres uruguayens ont aus­si pro­posé leurs ver­sions du 9 juil­let.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1971 — Paler­mo Trío.

Avec un trio, for­cé­ment, c’est plus léger. Ici, la danse n’est pas au pro­gramme.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1971-08-04 — Miguel Vil­las­boas y su Sex­te­to Típi­co.

Dans le style hési­tant de Vil­las­boas entre tan­go et milon­ga qu’af­fec­tion­nent les Uruguayens. Le type de musique qui a fait dire que avait été inven­té par un indé­cis…

9 de Julio (Nueve de Julio) 1973-11-29 — Miguel Vil­las­boas y Wásh­ing­ton Quin­tas Moreno (dúo de pianos).

L’autre jour, au sujet de La rosa­ri­na 1975-01-06, un lecteur a dit qu’il avait appré­cié la ver­sion en duo de piano de Vil­las­boas et Wásh­ing­ton. Pour ce lecteur, voici 9 de Julio par les mêmes.

Et il est temps de clore cette longue liste avec notre orchestre du jour et dans deux ver­sions :

9 de Julio (Nueve de Julio) 1991 — Los Tubatan­go.

Cet orchestre orig­i­nal par la présence du tuba et sa volon­té de retrou­ver l’am­biance du tan­go des années 1900 a été créé par Guiller­mo Inchausty. C’est le même orchestre que celui de notre tan­go du jour qui est désor­mais dirigé par Lucas Kohan sous l’ap­pel­la­tion La Tuba Tan­go au lieu du nom orig­i­nal de Los Tubatan­go.

9 de Julio (Nueve de Julio) 2009 — La Tuba Tan­go.

C’est notre tan­go du jour. Les musi­ciens en sont : (tuba), Matias Rul­lo (ban­donéon), Gon­za­lo Braz (clar­inette) et Lucas Kohan (Direc­tion et gui­tare).

Cette longue liste de 29 titres, mais qui aurait pu être facile­ment deux fois plus longue mon­tre la diver­sité de la pro­duc­tion du tan­go.
En ce qui con­cerne la danse, nous nous sommes habitués à danser sur un ou deux de ces titres, mais je pense que vous aurez remar­qué que d’autres étaient aus­si intéres­sants pour le bal. La ques­tion est surtout de savoir les pro­pos­er au bon moment et aux bons danseurs. C’est toute la richesse et l’in­térêt du méti­er de DJ.
Pour moi, un bon DJ n’est pas celui qui met des titres incon­nus et étranges afin de recueil­lir les applaud­isse­ments des néo­phytes, mais celui qui met la bonne musique au bon moment en sachant pren­dre des risques mesurés afin d’aider les danseurs à mag­ni­fi­er leur impro­vi­sa­tion et leur plaisir de danser.

Je reviens main­tenant, comme promis aux qua­tre ver­sions des paroles…

Paroles de Lito Bayardo (1931)

Sin un solo adiós
dejé mi hog­ar cuan­do partí
porque jamás quise sen­tir
un sol­lozar por mí.
Triste amanecer
que nun­ca más he de olvi­dar
hoy para qué remem­o­rar
todo lo que sufrí.

Lejano Nueve de Julio
de una mañana div­ina
mi corazón siem­pre fiel quiso can­tar
y por el mun­do poder pere­gri­nar,
infati­ga­ble vagar de soñador
marchan­do en pos del ide­al con todo amor
has­ta que al fin dejé
mi y el quer­er
de la mujer que adoré.

Yo me prometi
lleno de glo­ria regre­sar
para podérsela brindar
a quien yo más amé
y al retornar
triste, ven­ci­do y sin fe
no hal­lé mi amor ni hal­lé mi hog­ar
y con dolor lloré.

Cual vagabun­do car­ga­do de pena
yo lle­vo en el alma la desilusión
y des­de entonces así me con­de­na
la angus­tia infini­ta de mi corazón
¡Qué puedo hac­er si ya mis horas de ale­gría
tam­bién se fueron des­de aquel día
que con las glo­rias de mis tri­un­fos yo soñara,
sueños lejanos de mi loca juven­tud!

José Luis Padu­la Letra: Lito Bayardo (Manuel Juan Gar­cía Fer­rari)

C’est la ver­sion que chante Mag­a­l­di, vu qu’il l’a demandé à Bayardo
Famá, chante égale­ment cette ver­sion, mais seule­ment le pre­mier cou­plet.

Traduction libre des paroles de Lito Bayardo

Sans un seul au revoir, j’ai quit­té ma mai­son quand je suis par­ti parce que je ne voulais jamais ressen­tir un san­glot pour moi.
Une triste aube que je n’ou­blierai jamais aujour­d’hui, pour qu’elle se sou­vi­enne de tout ce que j’ai souf­fert.
Loin­tain 9 juil­let, d’un matin divin, mon cœur tou­jours fidèle a voulu chanter et à tra­vers le monde faire le pèleri­nage,
infati­ga­ble errance d’un rêveur marchant à la pour­suite de l’idéal avec tout l’amour jusqu’à ce qu’en­fin je quitte ma mère et l’amour de la femme que j’ado­rais.
Je me suis promis une fois plein de gloire de revenir pour pou­voir l’of­frir à celle que j’aimais le plus et quand je suis revenu triste, vain­cu et sans foi je n’ai pas trou­vé mon amour ni ma mai­son et avec douleur j’ai pleuré.
Comme un vagabond acca­blé de cha­grin, je porte la décep­tion dans mon âme, et depuis lors, l’an­goisse infinie de mon cœur me con­damne.
Que pour­rais-je faire si mes heures de joie sont déjà par­ties depuis ce jour où j’ai rêvé des gloires de mes tri­om­phes, rêves loin­tains de ma folle jeunesse ?

Paroles de Ricardo M. Llanes (1916 ou 1919)

De un con­ven­til­lo mugri­en­to y fulero,
con un can­flinfero
te espi­antaste vos ;
aban­donaste a tus pobres viejos
que siem­pre te daban
con­se­jos de Dios;
aban­donaste a tus pobres her­manos,
¡tus her­man­i­tos,
que te querían!
Aban­donastes el negro laburo
donde gan­abas el pan con hon­or.

Y te espi­antaste una noche
escab­ul­l­i­da en el coche
donde esper­a­ba el bacán;
todo, todo el con­ven­til­lo
por tu espi­ante ha sol­loza­do,
mien­tras que vos te has mez­cla­do
a las far­ras del gotán;
¡a dónde has ido a parar!
pobrecita milonguera
que soñaste con la glo­ria
de ten­er un buen bulín;
pobre pebe­ta inocente
que engrup­i­da por la far­ra,
te metiste con la bar­ra
que vive en el cafetín.

Tal vez mañana, pia­doso,
un hos­pi­tal te dé cama,
cuan­do no brille tu fama
en el salón;
cuan­do en el “yiro” no hagas
más “sport”;
cuan­do se canse el cafi­sio
de tu amor ;
y te espi­ante rechi­fla­do
del bulín;
cuan­do te den el “oli­vo“
los que hoy tan­to te aplau­den
en el gran cafetín.

Entonces, triste con tu deca­den­cia,
per­di­da tu esen­cia,
tu amor, tu cham­pagne ;
sólo el recuer­do quedará en tu vida
de aque­l­la per­di­da
glo­ria del gotán;
y entonces, ¡pobre!, con puras,
tus amar­guras
der­ra­marás;
y sen­tirás en tu noche enfer­miza,
la ingra­ta risa
del primer bacán.

José Luis Padu­la Letra: Ricar­do M. Llanes

Traduction libre des paroles de Ricardo M. Llanes

D’un immeu­ble (le con­ven­til­lo est un sys­tème d’habi­ta­tion pour les pau­vres où les familles s’en­tassent dans une pièce desservie par un cor­ri­dor qui a les seules fenêtres sur l’ex­térieur) sale et vilain, avec un prox­énète, tu t’es enfuie ;
tu as aban­don­né tes pau­vres par­ents qui t’ont tou­jours prodigué des con­seils de Dieu ;
Tu as aban­don­né tes pau­vres frères, tes petits frères, qui t’aimaient !
Tu as aban­don­né le tra­vail noir où tu gag­nais ton pain avec hon­neur.
Et tu t’es enfuie une nuit en te fau­fi­lant dans la voiture où le bacán (homme qui entre­tient une femme) attendait ;
Tout, tout l’im­meu­ble à cause de ta fuite a san­gloté, tan­dis que toi tu t’es mêlée aux fêtes du Gotan (Tan­go) ;
Mais où vas-tu t’ar­rêter ?
Pau­vre milonguera qui rêvait de la gloire et d’avoir un bon logis ;
Pau­vre fille inno­cente qui, enflée par la fête, s’est aco­quinée avec la bande qui vit dans le café.
Peut-être que demain, pieuse­ment, un hôpi­tal te don­nera un lit, quand ta renom­mée ne brillera pas dans ce salon ;
quand dans le « yiro » (pros­ti­tu­tion) vous ne faites plus de « sport » ;
quand le voy­ou de ton amour se fatigue ;
et tu t’é­vades folle du logis ;
Quand ils te ren­voient (dar el oli­vo = ren­voy­er en lun­far­do), ceux qui vous applaud­is­sent tant aujour­d’hui dans le Grand Cafetín.
Puis, triste avec ta déca­dence, perte de ton essence, de ton amour, de ton cham­pagne ;
Seul le sou­venir de cette perte restera dans ta vie
Gloire du Gotan ;
et alors, pau­vre créa­ture, avec des larmes pures, ton amer­tume tu déverseras ;
Et tu sen­ti­ras dans ta nuit mal­adive, le rire ingrat du pre­mier Bacán.

Paroles de Eugenio Cárdenas (version 1 de 1930)

Mien­tras los clar­ines tocan diana
y el vibrar de las cam­panas
reper­cute en los con­fines,
mil recuer­dos a los pechos
los infla­ma la ale­gría
por la glo­ria de este día
que nun­ca se ha de olvi­dar.
Deja, con su músi­ca, el pam­pero
sobre los patrios aleros
una belleza que encan­ta.
Y al con­juro de sus notas
las campiñas se lev­an­tan
salu­dan­do, rev­er­entes,
al sol de la Lib­er­tad.

Bro­ta, majes­tu­oso, el Him­no
de todo labio argenti­no.
Y las almas trem­u­lantes de emo­ción,
a la Patria sólo saben ben­de­cir
mien­tras los ecos repiten la can­ción
que dos genios han lega­do al por­venir.
Que la her­mosa can­ción
por siem­pre vivirá
al calor del corazón.

Los cam­pos están de fies­ta
y por la flo­res­ta
el sol se der­ra­ma,
y a sus destel­los de mág­i­cas lum­bres,
el llano y la cum­bre
se envuel­ven de lla­mas.
Mien­tras que un criol­lo patri­ar­cal
nar­ra las horas
de las cam­pañas
lib­er­ta­do­ras,
cuan­do los hijos de este sue­lo
amer­i­cano
por jus­ta causa
demostraron
su val­or.

José Luis Padu­la Letra: Euge­nio Cár­de­nas

C’est la ver­sion chan­tée par Alber­to Mari­no en 1964.

Traduction libre des paroles de Eugenio Cárdenas (version 1 de 1930)

Tan­dis que les clairons son­nent le réveil et que la vibra­tion des cloches résonne aux con­fins,
mille sou­venirs enflam­ment de joie les poitrines pour la gloire de ce jour qui ne sera jamais oublié.
Avec sa musique, le pam­pero laisse sur les patri­otes alliés une beauté qui enchante.
Et sous le charme de ses notes, la cam­pagne se lève avec révérence, au soleil de la Lib­erté.
L’hymne de chaque lèvre argen­tine germe, majestueux.
Et les âmes, trem­blantes d’é­mo­tion, ne savent que bénir la Patrie tan­dis que les échos répè­tent le chant que deux génies ont légué à l’avenir.
Que la belle chan­son vivra à jamais dans la chaleur du cœur.
Les cam­pagnes sont en fête et le soleil se déverse à tra­vers la forêt, et avec ses éclairs de feux mag­iques, la plaine et le som­met sont envelop­pés de flammes.
Tan­dis qu’un criol­lo patri­ar­cal racon­te les heures des cam­pagnes de libéra­tion, lorsque les enfants de ce sol améri­cain pour une cause juste ont démon­tré leur courage.

Paroles de Eugenio Cárdenas (version 2 de 1931)

Hoy sien­to en mí
el des­per­tar de algo feliz.
Quiero evo­car aquel ayer
que me brindó plac­er,
pues no he de olvi­dar
cuan­do tem­bló mi corazón
al escuchar, con emo­ción,
esta feliz can­ción:

Bro­ta, majes­tu­oso, el Him­no
de todo labio argenti­no.
Y las almas trem­u­lantes de emo­ción,
a la Patria sólo saben ben­de­cir
mien­tras los ecos repiten la can­ción
que dos genios han lega­do al por­venir.
Que la her­mosa can­ción
por siem­pre vivirá
al calor del corazón.

En los ran­chos hay
un revivir de mocedad;
los criol­los ven en su
pasión
todo el amor lle­gar.
Por las huel­las van
llenos de fe y de ilusión,
los gau­chos que oí can­tar
al res­p­lan­dor lunar.

Los cam­pos están de fies­ta
y por la flo­res­ta
el sol se der­ra­ma,
y a sus destel­los de mág­i­cas lum­bres,
el llano y la cum­bre
se envuel­ven de lla­mas.
Mien­tras que un criol­lo patri­ar­cal
nar­ra las horas
de las cam­pañas
lib­er­ta­do­ras,
cuan­do los hijos de este sue­lo
amer­i­cano
por jus­ta causa
demostraron
su val­or.

José Luis Padu­la Letra: Euge­nio Cár­de­nas

Traduction libre des paroles de Eugenio Cárdenas (version 2 de 1931)

Aujour­d’hui je sens en moi l’éveil de quelque chose d’heureux.
Je veux évo­quer cet hier qui m’a offert du plaisir, car je ne dois pas oubli­er quand mon cœur a trem­blé quand j’ai enten­du, avec émo­tion, cette chan­son joyeuse :
L’hymne de chaque lèvre argen­tine germe, majestueux.
Et les âmes, trem­blantes d’é­mo­tion, ne savent que bénir la Patrie tan­dis que les échos répè­tent le chant que deux génies ont légué à l’avenir.
Que la belle chan­son vivra à jamais dans la chaleur du cœur.
Dans les baraques (mai­son som­maire, pas un ranch…), il y a un regain de jeunesse ;
Les Criol­los voient dans leur pas­sion tout l’amour arriv­er.
Sur les traces (empreintes de pas ou de roues), ils sont pleins de foi et d’il­lu­sion, les gau­chos que j’ai enten­dus chanter au clair de lune.
Les cam­pagnes sont en fête et le soleil se déverse à tra­vers la forêt, et avec ses éclairs de feux mag­iques, la plaine et le som­met sont envelop­pés de flammes.
Tan­dis qu’un criol­lo patri­ar­cal racon­te les heures des cam­pagnes de libéra­tion, quand les enfants de ce sol améri­cain pour une juste cause ont démon­tré leur courage.

Vous êtes encore là ? Alors, à demain, les amis !

La rosarina 1937-07-02 — Orquesta Juan D’Arienzo

Ricardo González Alfiletegaray Letra: Antonio Polito (A. Timarni)

Les femmes de Rosario ont la répu­ta­tion d’être jolies. Plusieurs tan­gos vont dans ce sens, mais les Rosari­nas ne sont pas les seules dont la beauté est van­tée. Dans le cas présent, Ricar­do González a com­posé son titre en pen­sant à une per­son­ne en par­ti­c­uli­er, une femme de Rosario, bien sûr. Je vous don­nerai son nom en fin d’ar­ti­cle.

Ricar­do González était ban­donéon­iste et il fut le pro­fesseur du Tigre du ban­donéon, Eduar­do Aro­las.

Extrait musical

1937-07-02 — Orques­ta Juan D’Arien­zo.

Paroles

Je n’ai pas trou­vé d’en­reg­istrement chan­té de ce tan­go, mais il existe bien des paroles asso­ciées et qui sont par­faite­ment en accord avec le thème. Alors, les voici.

Mujeres de tradi­ción
Naci­das en la Argenti­na,
Ningu­na de corazón
Como era ‘la rosa­ri­na’.
La bar­ra, feliz con su amor
No supo nun­ca de sins­a­bores,
Fue siem­pre gen­til y brindó
Ter­nu­ra suave, como una flor.
 
Cuan­do iba a los bai­lon­gos
Se desta­ca­ba por su pin­ta,
En el tan­go demostró, ser sin rival
Nadie la pudo igualar.
Rosa­ri­na de mi vida
Dulce vos dejaste,
Es por eso que jamás
Te olvi­darán, has­ta morir.
 
Negri­to
Querés café.
No, mama
Que me hace mal.
Entonces
Lo qué querés
Care­ta pa’ car­naval…

Ricar­do González Alfilete­garay Letra : Anto­nio Poli­to (A. Timarni)

Traduction libre et indications

Des femmes de tra­di­tion nées en Argen­tine, aucune n’est de cœur comme l’é­tait « la Rosa­ri­na».
La bande, heureuse de son amour, n’a jamais con­nu les ennuis, elle était tou­jours gen­tille et offrait une ten­dresse douce, comme une fleur.
Quand elle allait au bal, elle se dis­tin­guait par son allure, dans , elle démon­trait être sans rivale, per­son­ne ne pou­vait l’é­galer.
Rosa­ri­na de ma vie, tu as lais­sé de doux , c’est pour cela qu’ils ne t’ou­blieront jamais, jusqu’à la mort.

Negri­to, veux-tu du café ?
Non, maman, ça me fait mal.
Alors, que veux-tu
 ?
Un masque pour car­naval…

Le texte qui n’est pas en gras est assez étrange. Il rap­pelle cer­taines apos­tro­phes que lançaient les orchestres, voire les clients de la salle. On se sou­vient d’avoir évo­qué cela au sujet de El Moni­to avec un dia­logue sem­blable dans les ver­sions de Julio De Caro.
Negri­to, petit noir, n’est pas for­cé­ment l’ex­pres­sion d’un racisme, le terme s’adres­sant à des per­son­nes mates de peau, pas néces­saire­ment à des per­son­nes noires. On con­naît Mer­cedes Sos­sa qui était surnom­mée La Negra.
Quand au masque de Car­naval, c’est encore une occa­sion d’évo­quer com­ment les car­navals ryth­maient la car­rière des musi­ciens.
Ce texte addi­tion­nel sem­ble assez curieux pour un tan­go dédié à une femme.

Autres versions

Le tan­go aurait été écrit en 1912 et le pre­mier enreg­istrement serait de 1915, mais il sem­ble introu­vable. Je sig­nale donc que Félix Cam­er­a­no l’au­rait enreg­istré en 1915 avec son orchestre. Ce n’est pas du tout impos­si­ble, vu qu’il était ami avec l’au­teur de la musique depuis 1898, époque où il fai­sait avec lui un duo gui­tare et ban­donéon. Quoi qu’il en soit, je n’ai pas ce disque dans mon gre­nier.

La rosa­ri­na 1928-12-15 — Diana Lavalle.

La rosa­ri­na 1928-12-15 — Alber­to Diana Lavalle. Alber­to Diana Lavalle, nous donne une ver­sion à la gui­tare, sans chan­son. En fait, je n’ai pas trou­vé d’en­reg­istrement avec les paroles de Anto­nio Poli­to. Peut-être que cette chan­son était inter­prétée sous cette forme lors de sa créa­tion.

Plaque en hom­mage à Alber­to Diana Lavalle offerte par les « Martes Bohemios » un an après la mort de Lavalle. La plaque est donc au cimetière de Chacari­ta.
C’est une réal­i­sa­tion du sculp­teur Orlan­do Stag­naro, qui est le frère du musi­cien et poète San­ti­a­go Stag­naro.
La rosa­ri­na 1929-11-20 — Orques­ta Típi­ca Vic­tor. Dir. Adol­fo Cara­bel­li.

C’est la pre­mière ver­sion orches­trale dont on a une trace sonore.

La rosa­ri­na 1936-12-19 — y su Cuar­te­to Típi­co.

La rosa­ri­na 1936-12-19 — Rober­to Fir­po y su Cuar­te­to Típi­co. Rober­to Fir­po enreg­istr­era trois fois le titre, dans des ver­sions somme toute assez proches. Était-ce un intérêt pour le thème ou pour la dame ? Je n’en sais rien… Cette ver­sion est assez rapi­de et tonique, peut-être un peu brouil­lonne.

La rosa­ri­na 1937-07-02 — Orques­ta Juan D’Arien­zo. C’est notre .

Les petits silences et les orne­men­ta­tions de Bia­gi sont bien présents dans ce titre typ­ique de cette époque de D’Arien­zo. La musique est assez joueuse, voire un peu sautil­lante. Bien dans­able, avec quelques petites sur­pris­es et un joli con­traste entre les lignes ondu­lantes des vio­lons et le reste de l’orchestre plus per­cusif.

La rosa­ri­na 1943-12-30 — Quin­te­to Pir­in­cho dir. Fran­cis­co Canaro.

Pour une fois, Canaro n’ar­rive pas rapi­de­ment sur le titre. Canaro était pour­tant proche de Ricar­do González, puisque ce dernier lui avait dédi­cacé son pre­mier tan­go El fulero et qu’il avait tra­vail­lé comme ban­donéon­iste dans son orchestre en France.
Il donne cet enreg­istrement avec son quin­tette. Après la ver­sion de D’Arien­zo, cela peut sem­bler un peu trop calme. Il y a cepen­dant de beaux traits musi­caux, mais peut-être que les danseurs peu­vent se dis­penser de cette inter­pré­ta­tion.

La rosa­ri­na 1944-03-31 — Rober­to Fir­po y su Nue­vo Cuar­te­to.

Le retour de Fir­po sur ce titre. Huit ans plus tard, il y a beau­coup de simil­i­tudes entre les ver­sions. Le rythme est très légère­ment plus lent. L’orchestre est un peu mieux syn­chro­nisé, ce qui facilit­era la tâche des danseurs qui devront gér­er ce titre qui hésite entre la et le tan­go, mais qui a pour lui d’être joueur.

La rosa­ri­na 1949-10-21 — Rober­to Fir­po y su Nue­vo Cuar­te­to.

Encore Fir­po, cinq ans plus tard. Cette ver­sion dif­fère des pre­mières par un tem­po beau­coup plus lent. La dédi­cataire s’est peut-être assagie avec l’âge. Le tan­go de Fir­po, c’est cer­tain.

La rosa­ri­na 1975-01-06 — Miguel Vil­las­boas, Wash­ing­ton Quin­tas Moreno.

Une ver­sion sym­pa­thique à deux pianos. Vil­las­boas hésite aus­si sou­vent entre les rythmes de milon­ga et de tan­go. Dis­ons que cette ver­sion est pour le con­cert, mais qu’elle est sym­pa­thique à écouter.

Miguel Vil­las­boas et Wish­ing­ton Quin­tas Moreno ont pro­duit plusieurs dis­ques. Le titre que vous écoutez vient de celui de gauche, mais sur celui de droite “Antolo­gia”, on peut voir les deux pianistes à l’oeu­vre.
La Rosa­ri­na 1980c — Miguel Vil­las­boas y su Orques­ta Típi­ca.

Comme Fir­po, Vil­las­boas retourne au titre, cette fois avec son orchestre. Le tem­po est un plus lent que dans la ver­sion à deux pianos. Les simil­i­tudes avec Fir­po sont tou­jours mar­quées. Ce ne sera sans doute pas le titre le plus appré­cié de la milon­ga, mais une fois de temps en temps, avec des danseurs moyen­nement portés sur la milon­ga, cela peut faire l’af­faire.

Mais qui était La rosarina ?

Il est assez facile de décou­vrir que la dédi­cataire, ou pour le moins l’in­spi­ra­trice s’ap­pelait Zule­ma Díaz. Venue voir sa sœur, selon les ver­sions dans un spec­ta­cle à Acayu­cho (env­i­ron 300 km de Buenos Aires), dans un club nom­mé Ale­gria, par suite d’une soi-dis­ant erreur d’un cocher. Quoi qu’il en soit, elle est tombée sous le regard de Ricar­do González qui dirigeait le spec­ta­cle et qui a décidé de lui écrire un tan­go. Selon le jour­nal­iste , cela se serait passé en 1912. Porteño indique que la femme était très belle et qu’en plus elle dan­sait, ce qui fait que Ricar­do González (surnom­mé Mochi­la) l’a inté­grée à la revue où elle était arrivée, par erreur, ou pour voir sa sœur.

Ce qu’on ne vous dit pas, c’est que sa sœur, la danseuse de la revue menée par González s’ap­pelait María E. Díaz et que les deux sœurs devaient être un peu déver­gondées, car le 29 juil­let 1947, elles se sont fait exclure du , pour y avoir dan­sé de façon non con­forme à ce qui était atten­du dans l’étab­lisse­ment.
En fait, la façon jugée incon­venante de danser était d’avoir le vis­age trop près de celui du parte­naire. Ce club Vil­la Mal­com était donc assez peu libéral et même Ani­bal Troi­lo en avait fait les frais. Il avait été ren­voyé le 25 juil­let 1942, car le 17 juil­let, cer­tains de ses musi­ciens ne se seraient pas pliés totale­ment à l’é­ti­quette de l’étab­lisse­ment et qu’il aurait fait venir des gens qui n’é­taient pas dans le style de l’étab­lisse­ment. Lucio Demare l’avait rem­placé, comme quoi le mal­heur des uns fait le bon­heur des autres.

Ricar­do González est par­ti pour la France dans les années 20. Il y a tra­vail­lé notam­ment pour Fran­cis­co Canaro qui avait insisté pour le faire revenir en France dont il était par­ti peu de temps aupar­a­vant. Si Ricar­do González avait fait une autre con­quête, une danseuse prénom­mée Bernadette, lors de son séjour en France, on ne sait pas s’il a con­tin­ué à rêver de la belle Rosa­ri­na. Tout ce qu’on sait, c’est qu’à son retour de France, il s’est retiré du tan­go et qu’on en n’a plus enten­du par­ler. J’aime à imag­in­er que c’est pour fil­er l’amour par­fait avec Zule­ma.

Voilà, j’ar­rive au terme de ce petit par­cours au sujet d’un tan­go dédié à une appari­tion qui a enflam­mé l’imag­i­na­tion d’un ban­donéon­iste qui en a fait un tan­go.

En effet, je ne crois pas que les paroles tristes de notre tan­go du jour soient reliées à cette his­toire, puisque les sœurs ont été exclues en 1947, soit 35 ans après la ren­con­tre et donc bien longtemps après que les paroles ont été écrites.

À demain, les amis.